À l'initiative de la sous-commission des affaires européennes du Conseil national autrichien, présidée par mon homologue, Reinhold Lopatka, une délégation de notre commission s'est rendue à Vienne les 28 et 29 octobre pour un exercice assez original et très intéressant : un échange avec un groupe de jeunes des pays des Balkans (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie) en présence de députés autrichiens membres de la commission et dans le cadre de la conférence sur l'avenir de l'Europe. Cet échange a été suivi le lendemain par une réunion avec des membres de la sous-commission des affaires européennes.
La délégation de la commission que je présidais comprenait : Liliana Tanguy, Danièle Obono, Pierre-Henri Dumont, Frédérique Dumas et Constance Le Grip
Ce déplacement s'inscrivait dans un contexte particulier. Le dernier sommet UE-Balkans du 6 octobre 2021 s'est conclu par un soutien réaffirmé à l'intégration européenne des Balkans occidentaux mais par l'absence de tout calendrier concret pour leur adhésion. La proposition de la présidence slovène de fixer une date limite d'adhésion à 2030 n'a pas été retenue. Les États membres insistent pour que le processus de réformes dans les pays des Balkans soit poursuivi et pour que la capacité de l'Union à absorber de nouveaux États membres soit un critère à prendre en compte avant toute nouvelle adhésion.
La situation des six pays des Balkans est très difficile. Ils ne représentent que 18 millions d'habitants, soit 3,5 % de la population de l'Union. Mais leur retard de développement est important et de nombreux progrès restent à accomplir pour diversifier leurs économies afin qu'elles soient moins dépendantes du tourisme, pour lutter contre la corruption et promouvoir l'État de droit.
Plusieurs thèmes ont été mis en avant par les jeunes des Balkans. Ils ont souligné le taux de chômage élevé qui les frappe (22 % des jeunes de la région sont sans emploi) qui est le résultat de systèmes d'éducation défaillants.
Le phénomène d'exode des cerveaux sévit dans la région. Toutes les personnes hautement qualifiées souhaitent quitter leur pays afin d'avoir plus d'opportunités et d'améliorer leur niveau de vie. Environ 20 % des jeunes auraient émigré ces dernières années, principalement vers l'Europe occidentale. Selon un sondage réalisé par le bureau de coopération régionale sur la jeunesse (RYCO), 55 % des jeunes souhaitent quitter la région. Seuls 20 % des jeunes se considèrent comme impliqués dans leur société : plus de 55 % sont désireux de s'impliquer mais se découragent en raison du manque d'opportunité. Cela crée un problème pour ces États qui ne peuvent se développer sans leur jeunesse, et cela nous pose un problème en termes de capacité d'accueil.
Il faut réorganiser le système d'enseignement pour permettre aux jeunes d'étudier et de travailler en même temps. « J'ai fait des études de droit à la Sorbonne, nous a dit une jeune albanaise : cela m'a coûté moins cher que dans mon pays ».
La corruption ambiante dans leur pays et le non-respect des règles de l'État de droit ont été soulignés à plusieurs reprises. Pour avoir des emplois, certains jeunes disent qu'ils doivent être affiliés au parti au pouvoir. Ils revendiquent l'égalité des chances.
Les conditions d'octroi des visas sont jugées trop strictes : elles limitent à l'excès la liberté circulation des personnes. « Nous voulons bénéficier de la liberté de déplacement dans l'union, nous a dit un jeune : les procédures de visa sont trop difficiles ; nous voulons faire partie de votre club ». Il convient toutefois de rappeler que les ressortissants des Balkans bénéficient d'une exemption de visas pour les courts séjours de moins de 90 jours et que certains États membres, comme les Pays-Bas, souhaiteraient remettre en cause cette exemption.
Certains jeunes demandent à avoir accès aux marchés du travail des États membres et à bénéficier d'une possibilité d'emploi en lien avec une autorisation de séjour.
Une revendication récurrente est celle d'un élargissement des possibilités de reconnaissance des diplômes.
L'Union européenne est jugée trop passive vis-à-vis des Balkans. Il faut simplifier les négociations et accompagner les discussions en cours de la mise en œuvre de projets de développement, ont souligné plusieurs jeunes.
L'Union européenne doit savoir, nous a dit un jeune qui faisait allusion à l'influence de la Chine et de la Russie dans la région, que d'autres acteurs sont présents dans les Balkans. Il est donc de l'intérêt de l'Union d'intervenir dans les Balkans.
En réponse, nous leur avons indiqué que leur avenir était de s'arrimer à l'Union européenne. Plusieurs des membres de la délégation ont précisé que, compte tenu de la situation de l'Union ( Brexit, montée des populismes, difficultés à trouver un accord sur le pacte asile et migrations…), l'heure n'était pas à envisager un nouvel élargissement.
Nous avons également rappelé les dispositifs mis en place par l'Union pour rendre la région plus attractive pour les jeunes. À l'issue du sommet UE-Balkans, un plan d'investissements de 30 milliards d'euros sur sept ans, dont 9 milliards de subventions, a été lancé pour financer les réseaux de transport est-ouest, les énergies renouvelables, la gestion des déchets. Depuis 2014, Erasmus a permis la mobilité de 40 000 jeunes et la distribution de 300 bourses scolaires.
Pour autant, l'Union doit développer un partenariat renforcé avec les pays des Balkans. L'objectif immédiat, avant de parler d'adhésion, est d'initier des projets de développement et d'aider ces pays à se rapprocher des standards européens.
Plusieurs initiatives peuvent être concrètement prises en ce sens : reconnaissance des diplômes, facilitation de l'obtention de stages, lancement de dispositifs communs de formation.
J'ai conclu cet évènement en rappelant la responsabilité de chacun : celles des Européens de donner des perspectives à la jeunesse mais aussi celle des jeunes eux-mêmes qui doivent s'engager à porter fièrement ce que l'UE leur a apporté.
Avec mon homologue autrichien Reinold Lopatka, nous porterons les messages adressés auprès des autres commissions des affaires européennes dans le cadre de la COSAC pour donner une dimension concrète et opérationnelle à nos débats. Nous avons aussi invité les jeunes à se rapprocher à d'autres organisations de jeunesse d'autres États membres, ainsi que conclure des partenariats pour la mise en œuvre de projets concrets.