Le fétichisme vous colle à la peau ! Lorsque vous considérez qu'il ne faut pas toucher aux deux critères que sont un déficit inférieur à 3 % du PIB et une dette inférieure à 60 % du PIB, c'est du fétichisme ! Il n'a jamais été démontré que ce choix bénéficie au développement économique et aide à l'accompagnement social. Derrière tout cela, c'est une politique d'austérité qui se dessine.
En matière d'accompagnement social, à voir les conséquences qui ont été celles du traité de Maastricht, je trouve peu de monde aujourd'hui pour brandir le drapeau de Maastricht. Les conséquences sur le maintien des services publics ont été énormes, notamment en milieu rural, avec, par exemple, la mise en concurrence d'un service comme la Poste. Nous voyons bien tout ce que cela engendre en termes de baisse de qualité du service lorsque, dans le cadre de la mise en concurrence et de l'ouverture au marché, certains se précipitent pour prendre ce qui est rentable et laisser tout ce qui ne l'est pas à l'opérateur public. Dans le secteur de l'énergie, des opérateurs comme Leclerc rencontrent un franc succès, mais ceux qui croient que le recours à ces opérateurs privés leur permettra de mieux s'en sortir et d'avoir une meilleure qualité de vie se font avoir. Dans le même temps, la production d'électricité par EDF est remise en cause, parce qu'en faisant ces cadeaux aux opérateurs privés, on pompe ce qui devrait permettre de réaliser des investissements à long terme en faveur de la production énergétique.
C'est cela, la réalité de Maastricht ! C'est cela, l'essence de la construction européenne ! C'est sans doute aussi pour cela que, peu à peu, nous assistons à un rejet de cette dernière. Si nous ne nous décidons pas, au contraire, à prendre à bras-le-corps l'intérêt des gens, leur quotidien, leur vécu, l'idée grandira dans l'opinion publique qu'au nom du traité de Maastricht, la Commission européenne est un rouleau compresseur qui écrase tout, et nous irons vers la disparition de l'Union européenne.
La construction européenne peut se fonder sur d'autres bases. Chacun sait qu'il n'est pas possible de traiter dans un même temps le remboursement de la dette, la transition écologique et la justice sociale. La rigueur budgétaire s'accompagnera de politiques d'austérité dont les plus modestes auront à souffrir. Notre proposition de résolution européenne vise justement à aller vers plus de justice sociale.
Je reviens aux exemples que j'ai donnés d'investissements qui pourraient se faire sur les logements. Chacun sait qu'il y a un retour sur investissement, si je puis dire. À l'époque du Grenelle de l'environnement, j'étais déjà député et l'on nous disait que ce retour sur investissement se faisait sur sept ans – je n'en suis pas si sûr. En tout cas, c'est justice sociale que de baisser le coût de son chauffage et de sa consommation électrique. Mais encore faut-il que les investissements ne soient pas soumis à des contraintes budgétaires… Si les investissements écologiques sont pris en compte dans la dette, nous ne les ferons pas !
L'optimisme consiste, surtout, à penser que tout peut être réglé par des COP. J'ai personnellement participé à deux de ces conférences, l'une à Copenhague, l'autre à Durban. C'était le grand jeu, le grand cinéma, le grand théâtre. Des engagements étaient pris ; à l'époque, il était question de consacrer 100 milliards d'euros à l'aide aux pays les plus en danger, aux pays les plus pauvres. Aujourd'hui, ces 100 milliards, nous ne les avons pas. Si nous-mêmes ne consentons pas des efforts colossaux en faveur de cette transition écologique et énergétique, ce ne sont pas seulement nos concitoyens qui en souffriront au niveau social, mais aussi les peuples les plus en difficulté qui, demain, ne pourront plus vivre dans leurs pays et deviendront des réfugiés, par millions. Ils sont déjà près de 500 millions de réfugiés dans le monde, et ce nombre ne cessera de croître si nous ne prenons pas les choses à bras-le-corps.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de transformer les règles, même si nous pensons que, politiquement, il faudrait les supprimer – je rejoins en cela Danièle Obono. Aucune démonstration n'a jamais été faite de leur utilité, et nous en connaissons les conséquences. Dans cette proposition de résolution européenne, dans une recherche de consensus au niveau de la France et au niveau de l'Europe, nous limitons cette transformation aux seuls investissements écologiques, car nous savons qu'ils ne seront pas réalisés au niveau adéquat si des mesures très fortes ne sont pas prises. Mais j'ai l'impression que nous ne sommes pas entendus.
Je regrette que la majorité défende une position figée sur une conception du développement qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Les seuls outils présentés dans le nouveau cycle de politique européenne pour le climat, « Fit for 55 », sont des outils financiers, qui ne sortent pas du contexte du déficit ou du pourcentage de dette. Je le regrette profondément. À toutes les phrases quasiment, il est question du « marché carbone européen » et du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. C'est une obsession, laissant croire qu'il serait possible de résoudre la question uniquement avec le marché carbone. Je vous l'affirme : nous n'y arriverons pas. Dans vingt ans, quand vous relirez cet échange – vous êtes plus jeunes que moi et serez sans doute encore là –, vous verrez que vous trompiez profondément et vous porterez une très lourde responsabilité par rapport aux choix que vous aurez faits.
Quant à dire que jusqu'à présent, la lutte contre le changement climatique a été un succès ou que tel objectif a été atteint, c'est faux ! Je m'en tiendrai là, ne voulant pas utiliser de mots trop forts. Les prises de position fétichistes de la majorité me font penser aux fabliaux du Moyen-Âge, à Renart et Ysengrin – comme le disent les paysans chez moi, « il a la queue du renard qui lui sort de la gueule, et il dit qu'il ne l'a pas croqué ! » L'échec de votre politique de transition énergétique vous sort de la bouche, et vous continuez de prétendre que ce n'en est pas un. Malheureusement, cet aveuglement nous conduit à notre perte. Je regrette donc vraiment votre position.
Je vous remercie, madame Obono, pour votre intervention. Effectivement, il y a urgence. Tous l'affirment : les scientifiques, les climatologues, de multiples acteurs, des ONG, les représentants des États les plus pauvres et les plus en difficulté, ceux qui ne pourront plus exister demain, ceux dont les populations se réfugient par dizaines et centaines de millions dans les pays voisins. Vraiment, le dogmatisme de la majorité est catastrophique.