Je voudrais répondre à l'indignation du président Chassaigne, que je partage, car au fond, le drame qui se joue dans les forêts biélorusses concerne tous les Européens. Au fond, si nous voulions être pleinement efficaces sur cette question ponctuelle, qui ne résoudrait pas tout la question migratoire en Europe, nous aurions intérêt à maintenir la pression politique qui s'exerce sur la Russie du président Poutine et sur la dictature d'Alexandre Loukachenko.
En effet, il ne faut pas être dupes de ce qui se passe à nos frontières orientales. La déstabilisation à laquelle nous assistons est le résultat des sanctions économiques que l'Union européenne a imposé au lendemain de l'arrestation en plein ciel d'un vol commercial entre Athènes et Vilnius d'un vol, dans lequel se trouvait des ressortissants européens et un opposant biélorusse, qui a été forcé d'atterrir à Minsk pour faire procéder à une arrestation de l'opposant par les hommes du dictateur avant qu'il ne soit emprisonné et contraint à des aveux à la télévision biélorusse.
À la suite de cet acte de piraterie des temps modernes, l'Union européenne a répondu avec force en sanctionnant le régime et c'est à la suite de cette réaction que le dictateur Loukachenko a dit très clairement à la télévision – il faut toujours écouter les dictateurs qui, en général disent ce qu'ils vont faire – qu'il inonderait l'Europe de migrants, de réfugiés et de drogues. Il a de fait mis sa menace à exécution et ce à quoi nous assistons actuellement aux frontières de la Pologne et de la Lituanie n'est pas terminé.
Bien que les réfugiés et les migrants aient été, pour certains, retirés de la frontière et installés dans des centres autour de Minsk, la réalité qui m'a été rapportée lors de mon récent déplacement en Lituanie est que si les vols en provenance directe d'Irak vers Minsk ont cessé, de nouveaux vols sont en train d'être arrangés entre l'Irak et les pays de la région vers la Russie, puis de la Russie vers la Biélorussie afin de contourner les éventuelles sanctions européennes contre les compagnies aériennes.
Ne soyons pas dupes : ce qui s'est passé continuera de se produire si nous n'agissons pas avec force et fermeté. Je crois qu'au-delà du devoir d'humanité qui nous accompagne, un travail politique sur la question me semble fondamental. La chancelière Merkel a pourtant beaucoup été critiquée pour avoir appelé le dictateur Loukachenko pour tenter de trouver une solution, le président de la République Emmanuel Macron a appelé Vladimir Poutine pour échanger sur la question.
N'oublions pas pour autant les prisonniers politiques en Biélorussie. Pendant que nous nous préoccupons à juste titre de ce qui se passe à la frontière, nous oublions qu'il y a 888 prisonniers politiques qui sont aujourd'hui enfermés dans les prisons de Loukachenko, qui se sert de cette situation migratoire pour faire diversion de la réalité politique de l'oppression et du régime de terreur qu'il fait régner dans son pays.
Je souhaite revenir aux questions qui nous ont été posées par nos collègues Thierry Michels et Chantal Jourdan sur les nouvelles pistes qui pourraient être imaginées. Il paraît difficile d'aboutir à un accord global sur le pacte sous la présidence française, mais je suis plus optimiste qu'il y a quelques semaines du fait de ce à quoi nous assistons aujourd'hui et qui devrait permettre de faire bouger un certain nombre de lignes.
S'agissant des nouvelles pistes, il faut que nous travaillions de manière sérieuse sur l'immigration légale. Le cœur du problème est que des femmes et des hommes aspirent à une nouvelle vie sans avoir vocation à obtenir le statut de réfugié mais souhaitent pourtant venir vivre et travailler en Europe. Il faut que nous travaillions à avoir de vraies voies d'accès pour les migrants, ce qui constitue un pilier fondamental sur lequel nous devons avancer.
Un deuxième point concerne la convergence en matière d'asile. Nous voyons bien que les demandeurs d'asile se jouent des procédures entre les différents États européens. Nous devrions mettre en œuvre des procédures pour faire converger les demandes d'asile entre les différentes autorités au sien de l'Union européenne.
Le troisième élément qui me semble important est la mobilisation des moyens. Nous n'avons pas encore parlé de la situation par rapport à l'Afrique du fait de l'actualité de la frontière orientale, mais la réalité est que deux autre routes existent : la Méditerranée orientale à travers la Turquie et la Grèce, que nous avons visitée, et la Méditerranée centrale, avec la voie libyenne qui continue d'exister même si les flux ont été réduits. Toute la relation à l'Afrique et au développement économique, au sommet UE-Afrique porté par le Président de la République et la France sous la présidence française, la discussion politique sur les fameux laissez-passer consulaires, doivent nous permettre d'avancer et exigent un travail de persuasion, de conviction et de diplomatie. Ce travail est exigeant et dur comme le montre l'état des discussions avec les États du Maghreb, ce qui exige une discussion politique telle que nous la menons.
S'agissant des couloirs humanitaires, je crois que la France a toujours été présente pour la relocalisation des personnes en besoin de protection, notamment sur les bateaux en Méditerranée au cours des dernières années. Nous sommes le premier pays à dépêcher des agents sur place pour examiner les situations et prendre sa part de responsabilité. Même si tout n'est pas parfait, nous sommes un pays volontaire dans cette grande réforme au niveau européen que nous devrions être capables de mettre en œuvre.