Notre assemblée revient sur la question de Stocamine, qu'elle a évoquée à plusieurs reprises au cours de la législature, notamment lors de l'examen de la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête à ce sujet, lors des travaux de la mission d'information qui y a été consacrée, commune à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et à la commission des affaires étrangères, et lors de questions au Gouvernement.
Le projet Stocamine illustre de manière typique la difficulté des questions environnementales : mal conçu dès le départ au regard des standards d'aujourd'hui, il a été lancé sans que l'on mesure pleinement les risques et les caractéristiques du site. Outre la dangerosité des déchets stockés, l'enjeu principal réside dans la présence, en surplomb du site de stockage, de la nappe phréatique d'Alsace, qui alimente non seulement la région mais aussi les territoires allemand et suisse. Les questions sanitaires liées à cette ressource d'eau potable revêtent une importance toute particulière. Il revient à notre génération et au gouvernement actuel d'en assumer les conséquences.
Je reviens brièvement sur la chronologie du projet. Imaginé il y a trente ans, en 1991, il a été autorisé en 1997. Son objectif était de reconvertir une ancienne mine de potasse alsacienne située sur la commune de Wittelsheim. À cette fin, il a été décidé d'y entreposer des déchets ultimes dans des sacs de grande capacité, appelés big bags. En 2002, un incendie s'est malheureusement déclaré, qui n'a pu être maîtrisé qu'au bout de deux mois. Il a révélé le manque d'anticipation des accidents de cette nature lors de la conception du site et a mis fin à l'activité de stockage.
Après une évolution du cadre juridique et à la suite de nombreuses expertises, plusieurs scénarios se sont dessinés concernant l'avenir du site. Ils proposaient soit un confinement au fond des déchets, le site devant être comblé à l'aide de béton, soit un déstockage total ou partiel, autrement dit le retrait de tout ou partie des déchets, en commençant par les plus dangereux – avec un confinement du reste du site.
Une décennie plus tard, le bilan était regrettable : plusieurs expertises avaient été menées mais aucune décision n'avait été prise. La première décision n'est intervenue qu'en 2014, conduisant au retrait, en l'espace de trois années, de 90 % des déchets contenant du mercure.
C'est sous la présente législature que les gouvernements successifs ont clos la trop longue et pénible série de Stocamine. La réflexion du Gouvernement s'est nourrie de deux documents : le rapport d'information adopté par les commissions du développement durable et des affaires étrangères ; un rapport d'expertise du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) évaluant de nombreux scénarios. Leurs conclusions ont conduit le ministre de la transition écologique et solidaire François de Rugy à opter pour le confinement définitif du site.
À la demande des élus du territoire, un déstockage complémentaire pendant les travaux a été évalué. En janvier dernier, après avoir consulté les acteurs du terrain, la ministre de la transition écologique Barbara Pompili a écarté le scénario d'un nouveau déstockage en raison des trop grands risques qu'il comportait.
La présente proposition de résolution européenne ne tend pas à contester directement le choix de cette solution, qui a été acté et relève des compétences de l'État. Elle critique plutôt la méthode utilisée, particulièrement pour assurer le suivi du site et la sécurité de la nappe phréatique d'Alsace. À cet égard, elle appelle le Gouvernement et les institutions européennes, notamment la Commission, à protéger la nappe phréatique et à promouvoir le rôle des parlementaires dans le suivi du site.
Cependant, la procédure de résolution européenne n'est pas adaptée à ces fins, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, l'article 88-4 de la Constitution donne la possibilité à l'Assemblée nationale et au Sénat d'adopter des résolutions sur un projet de texte européen. Or tel n'est pas l'objectif de la présente proposition. Certes, des textes européens y sont mentionnés en visa, mais n'en sont pas pour autant l'objet. La proposition porte sur la gestion du site Stocamine, sujet relevant exclusivement d'une autorité nationale, en l'occurrence l'État, et se fonde sur des règles de droit interne figurant dans le code de l'environnement. Certaines de ces règles résultent de la transposition de directives, mais cela ne les rend pas pour autant européennes, dans la mesure où la transposition des directives relève de la loi ou du règlement, les commissions permanentes de notre assemblée étant compétentes en la matière.
Ensuite, les appels que comporte la présente proposition se situent eux aussi hors du champ des résolutions européennes. Le premier est adressé au Gouvernement et porte sur un sujet de politique nationale. En tout état de cause, il dépasse le périmètre des résolutions européennes. Le second appel concerne le rattachement d'un organe de contrôle à l'Assemblée nationale, ce qui nécessiterait une modification profonde du régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) qui ne relève pas du droit européen. Le troisième appel, adressé au Gouvernement et à la Commission européenne, concerne la protection de la nappe phréatique d'Alsace. Là encore, l'enjeu est national, et la Commission n'est pas directement compétente dans ce domaine.
Enfin, le dernier alinéa de la proposition encourage la Commission européenne et le Parlement européen à renforcer le rôle des membres des parlements nationaux et européen. Le pouvoir de contrôle des députés européens s'exerce par la création de commissions d'enquête, de commissions spéciales ou de sous-commissions, laquelle dépend de la conférence des présidents du Parlement européen. Quant à la Commission européenne, elle n'est pas compétente pour promouvoir le rôle des parlementaires nationaux ou européens.
Par conséquent, la procédure de résolution européenne n'est pas l'outil adéquat pour obtenir de réels changements en la matière.
Pour l'ensemble des motifs que je viens d'évoquer et afin d'assurer le sérieux et la crédibilité de notre commission, dont la mission est, en application de l'article 151-1, alinéa 1 du règlement de l'Assemblée nationale, de suivre les travaux conduits par les institutions européennes », je propose de rejeter la présente proposition de résolution européenne.