Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 2 février 2022 à 15h20
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je soutiens l'exclusion du calcul de déficit les dépenses d'investissement dans la transition écologique dont les enjeux sont considérables. La majorité a rejeté notre proposition de financement dérogatoire aux règles budgétaires européennes, qui visait également à permettre plus d'investissements sociaux. Selon Bruegel, pour remplir les objectifs climatiques européens les investissements publics devraient être augmentés d'au moins 100 milliards d'euros par an.

Les règles budgétaires européennes datent d'il y a trente ans. Le ratio de 60 % était simplement le ratio de dette moyen dans l'Union. Aujourd'hui, les ratios d'endettement public ont atteint 100 % du PIB à l'échelle de la zone euro, raison pour laquelle la Commission européenne a activé la clause dérogatoire générale durant la crise.

La crise COVID n'a fait qu'exacerber les symptômes d'une Union qui souffre de la maladie chronique du système néolibéral et austère. Ce même système fait que les divergences et les inégalités entre États-membres et citoyens se voient encore aggravées. Ce même système encourage la destruction environnementale de notre planète. Une révision des règles budgétaires européennes est indispensable et doit être menée d'une manière écologique et sociale.

Les politiques d'austérité de la Troïka, après la crise de 2008, ont échoué. Les personnes les plus vulnérables, une génération entière en a payé le prix ; il ne faut pas commettre les mêmes erreurs. L'économie doit être au service des personnes et non pas l'inverse. L'Union et ses États membres ont une responsabilité énorme envers leurs citoyens. Le niveau de la dette publique ne doit pas se transformer en fétichisme politique alors que la soutenabilité de la dette ne dépend pas de son niveau mais de la capacité de l'État à assumer sa charge. La viabilité de la dette dépend de nombreux facteurs, il faut tous les prendre en compte, reconnaître la diversité des situations entre les pays et adapter la mise en œuvre des règles aux circonstances nationales. Les gouvernements nationaux doivent conserver la souveraineté sur la composition de leurs dépenses, or les règles actuelles ne le permettent pas. Faisons de la dette une question éminemment politique et sortons d'une vision technique et réglementaire. La dette est une opportunité car pour relever les défis sociaux et écologiques qui nous attendent, il faut permettre des investissements publics massifs. Faire le contraire renforcerait davantage la fracturation de l'Union. En 1793, le révolutionnaire Pierre Vergniaud prononça les mots suivants : « Citoyens, il est à craindre que la révolution, comme Saturne, ne dévore successivement tous ses enfants ». Aujourd'hui, il est à craindre que par sa politique d'austérité, l'Union ne dévore ses propres citoyens et sa propre Union.

Je souhaite vous poser deux questions. Mon groupe, comme de nombreux économistes progressistes, se fait avocat d'une monétisation ou d'une annulation des dettes. Cela ne pourrait-il pas permettre une refondation écologique et sociale du projet européen ? Il est question de l'annulation des dettes publiques rachetées depuis 2015 par la BCE, soit 2 320 milliards d'euros pour l'ensemble de l'Union, dont 457 milliards d'euros pour la France à la fin de l'année 2020. Il ne s'agit pas d'annuler les titres de dette publique détenus par les banques, les assureurs ou les fonds de pension, ce qui déstabiliserait le système financier et appauvrirait les épargnants. Une banque centrale n'est ni un créancier ordinaire ni un débiteur ordinaire ; si elle annulait une créance qu'elle détient, aucun fardeau ne serait transféré sur quiconque car son passif n'est exigible par personne.

Ensuite, quel moyen la France, en tant que présidente du Conseil, a-t-elle pour convaincre les pays « frugaux » auxquels j'ajouterai l'Allemagne, d'utiliser cette opportunité unique de rendre l'Union plus solidaire et écologique ?

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