La thématique de la PPRE concerne l'avenir de la filière française des PPAM, autrement dit des plantes à parfum aromatiques et médicinales. Plus précisément, il s'agit de la production d'huiles essentielles, un des principaux débouchés de la filière.
Le marché des huiles essentielles est florissant : au niveau international, il représente 24 milliards d'euros. Grâce à sa filière PPAM de grande qualité, la lavande fine française bénéficie de sa propre AOP et, en 2018, l'exportation de PPAM a rapporté près de 1,4 milliard d'euros à la France, dont 1,3 milliard grâce à l'huile essentielle.
Dans sa PPRE, Julien Aubert se concentrait sur le cas de la lavande, fleuron de cette filière. En effet, la France est le premier producteur de lavandin au monde et le deuxième producteur de lavande, derrière la Bulgarie. En Provence, l'économie locale repose en grande partie sur la culture de la lavande, qui génère 9 000 emplois directs et 17 000 emplois indirects.
Par ailleurs, dans le Sud de la France, la lavande est souvent la seule production possible pour les agriculteurs vivants sur les plateaux secs et non-irrigables. Emblème de la région, la lavande est aussi un atout précieux, tant en termes économiques qu'écologiques, qu'il est primordial de préserver.
Dans mon rapport, j'ai souhaité élargir la proposition de Julien Aubert à toutes les PPAM parce qu'elles sont toutes soumises à la même réglementation européenne : le règlement relatif à l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des produits chimiques (REACH). Combiné avec le règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges (CLP), ce règlement REACH concerne les huiles essentielles, qui sont considérées comme « des substances hydrophobes de composition complexe, dérivées de plantes, contenant des composés organiques volatiles tels que des alcools […] en proportions variables », « dont l'innocuité pour la santé et l'environnement ne saurait être garantie sans une évaluation au préalable de la sécurité chimique ».
Entré en vigueur pour la majorité des distillateurs en 2018, il est désormais question, dans le cadre du Pacte vert européen, de le réviser à l'horizon 2025. Or, les producteurs de lavande sont très inquiets et se sont ainsi vivement mobilisés. Le Gouvernement s'est montré à l'écoute, le ministre de l'Agriculture suit d'ailleurs ce dossier activement et s'est rendu plusieurs fois sur place. Il a également créé un comité interministériel pour les huiles essentielles, qui constitue une instance de dialogue utile pour les producteurs et les ministères concernés.
Pour autant, l'inquiétude des producteurs a plusieurs fondements. En premier lieu, la mise en conformité de la filière PPAM au règlement REACH a déjà coûté 1,2 million d'euros et n'a pu se faire que grâce au volontarisme des producteurs ainsi qu'au soutien financier et logistique de l'État et des établissements publics comme FranceAgriMer.
Or, moins de quatre ans après l'entrée en vigueur de ce règlement pour la plupart des producteurs, il est déjà prévu de renforcer la réglementation pour une vaste majorité d'entre eux. Ainsi, deux problèmes se posent :
En premier lieu, les huiles essentielles sont des substances complexes. Par exemple, l'huile essentielle de lavande contient 600 molécules, alors que dans le même temps un produit de synthèse peut n'en contenir qu'une. La Commission européenne, en envisageant d'utiliser une méthode de classification molécule par molécule, mettrait donc en place une procédure inadaptée à des substances aussi complexes que les huiles essentielles.
En outre, cette procédure engendrerait d'importants coûts (de tests notamment) que la filière des PPAM ne pourrait supporter seule. En effet, les devis demandés par les producteurs montrent que cela pourrait s'élever à 1,2 milliard d'euros.
Dans le même temps, la Commission européenne prévoit de renforcer le règlement CLP sur la classification et l'étiquetage, en particulier concernant les perturbateurs endocriniens. Deux classes de produits seront créées : la classe 1 pour les perturbateurs dangereux ayant un effet néfaste avéré et la classe 2 pour les perturbateurs suspectés. Si les critères pour intégrer la deuxième catégorie sont encore mal connus, la filière craint d'être frappée par ricochet.
Il faut donc éviter toute confusion entre les perturbateurs endocriniens et les substances entraînant une activité endocrinienne. Les huiles essentielles se trouvent dans ce dernier cas de figure mais la durée des effets et leur réversibilité montrent qu'elles ne sont pas des perturbateurs endocriniens.
Que l'Union européenne envisage de durcir la réglementation sur les produits chimiques pour améliorer la sécurité du consommateur et de l'environnement est une très bonne nouvelle. Néanmoins, parce qu'elles sont couvertes par la même réglementation, les huiles essentielles pourraient être concernées. Par cette proposition de résolution, nous plaidons pour que les spécificités de ces produits naturels soient mieux prises en compte.
Si dans la version initiale, notre collègue Julien Aubert recommande de considérer les huiles essentielles comme un produit agricole et ainsi de les exclure du règlement REACH, la proposition actuelle met en avant une autre approche. Considérer les huiles essentielles comme des produits agricoles ne change pas puisque la réglementation européenne s'applique dès qu'un produit est commercialisé dans le marché intérieur.
Dans le même temps, exclure les huiles essentielles du règlement REACH n'est pas une solution à long terme. En effet, les producteurs n'y sont pas tous favorables. Ils ont fait l'effort de s'adapter à ce règlement dont ils connaissent maintenant le processus et ne demandent pas nécessairement à en sortir.
Ainsi, il s'agit d'établir une distinction claire entre les petits producteurs et les productions à des fins industrielles. Les petits producteurs, qui ne sont pas concernés par le règlement REACH, doivent rester dans ce cas de figure. De même, le commerce au détail d'huiles essentielles doit être exempté de la révision du règlement CLP.
Pour les productions à des fins industrielles, couvertes par le règlement REACH, il est proposé qu'ils soient également exemptés des nouvelles exigences techniques. Les coûts financiers engendrés par ces nouvelles exigences sont trop élevés par rapport à ce que peut supporter une petite filière, comme celle des PPAM. En outre, la PPRE demande des clarifications sur la classification des perturbateurs endocriniens, afin que la filière puisse se préparer en amont.
En tout état de cause, l'Union européenne et le Gouvernement devraient prévoir des mesures transitoires, échelonnées et adaptées en vue des révisions des règlements REACH et CLP.