D'un point de vue politique, je suis satisfait que le cas de la lavandiculture ait pu être inclus dans l'agenda de la présidence française de l'Union. En effet, j'espère que le Gouvernement français fera usage de l'influence que lui octroie la présidence pour apporter une solution définitive à cette problématique.
Le choix d'élargir la PPRE de la lavande aux PPAM me paraît contestable parce que la lavande demeure un cas à part. Aujourd'hui, la lavande française est concurrencée par celle provenant de Bulgarie, de sorte que si les négociations européennes aboutissent à étouffer la filière française, contrairement à d'autres plantes à parfum, celle-ci disparaîtra.
Le point principal de la PPRE est de traiter différemment l'huile essentielle de lavande, qui n'est pas un produit chimique. Les grands producteurs de lavande ont intérêt à mettre en avant leur adaptation au règlement REACH, pour justifier leur volonté de ne pas revenir en arrière. En revanche, les plus petits jusqu'ici exemptés ne souhaitent pas être absorbés par ce règlement, tout l'enjeu étant alors de savoir comment les protéger au mieux.
En espérant obtenir des négociations européennes que cette situation soit pérennisée, je crains que la parole de la Commission européenne en 2022 soit étouffée en 2026, en 2030 ou même en 2035. En effet, dès le départ, il y a une erreur dans la conception du règlement REACH.
Les huiles essentielles sont définies comme des substances chimiques par ce règlement, alors même qu'elles ne peuvent pas l'être. Par définition, une substance chimique est une substance manufacturée ou produite par l'homme. Cependant, s'agissant des huiles essentielles, le distillateur ne produit rien : l'huile essentielle est produite par la plante !
Analyser une huile essentielle molécule par molécule, autrement dit de la même manière qu'un produit chimique, est une erreur de logique. Une huile essentielle est un tout et il est impossible de dissocier les molécules dans une huile essentielle qui peut en contenir jusqu'à 600.
De la même manière, des chiffres intéressants sont mis en lumière par ce rapport, démontrant que l'appréhension du coût réel de l'adaptation bureaucratique a été mal envisagée dès le départ.
Pourquoi la filière s'est-elle adaptée à REACH et pourquoi faut-il en sortir ? Parce que de mon point de vue, la maintenir dans le cadre des produits chimiques ne la protègera pas des futurs durcissements en matière de régulation. La situation actuelle est très coûteuse pour les petits producteurs et elle sera amenée à s'empirer si nous relâchons la pression.
En outre, Thierry Breton indique dans sa réponse aux producteurs que REACH ne s'applique pas aux produits agricoles. Cela est vrai mais considérer les produits issus de la lavandiculture comme des produits agricoles serait un tremplin pour obtenir un traitement particulier sur la durée. Il faut faire la distinction entre produits de synthèse et produits artisanaux, qui nécessitent des méthodes de production bien spécifiques, comme l'extraction à froid. Il y a aussi une distinction à faire sur les risques sanitaires. Les produits chimiques créés par l'homme sont à l'origine de tels problèmes, tandis que la filière artisanale a fait des efforts importants sur les effets allergènes ou irritants de ses produits.
Si la politique de la Commission européenne en la matière n'évolue pas, les petits producteurs, qui fabriquent de l'huile essentielle de bonne qualité, finiront par périr. Ils ne pourront pas faire face aux grandes entreprises qui elles, ont de grands moyens et le pouvoir d'exercer du lobbying auprès de la Commission. Selon moi, pour qu'il y ait justice, nous nous devons de traiter deux choses différentes de manière différente.