Intervention de François Cornut-Gentille

Réunion du mardi 2 juin 2020 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille, rapporteur spécial (Préparation de l'avenir) :

Je souhaite tout d'abord exprimer plusieurs regrets quant à cette séquence d'évaluation quelque peu étrange, faite à distance et sans que nous puissions recueillir les explications du Gouvernement.

Force est de constater tout d'abord que, depuis trois mois, nous n'avons pu mener ni contrôle ni évaluation. L'impossibilité de conduire des auditions dans des conditions normales est une chose. La désorganisation des services ministériels et l'indifférence du Gouvernement vis-à-vis des attentes des parlementaires en sont une autre. Je n'ai, pour ma part, reçu les réponses au questionnaire, envoyé en mars, sur l'exécution 2019 du budget de la défense que vendredi dernier à 21 heure passées. Et encore ! Quantité de réponses ne nous sont pas parvenues. J'ajoute que la qualité et la précision des réponses laisse à désirer.

La crise que nous traversons aurait dû nous conduire à intensifier les échanges entre le Parlement et l'exécutif. Il n'en a rien été. Tout s'est organisé autour de la communication gouvernementale. Comment aurait-il pu en être autrement, alors que notre Assemblée s'est trouvée contrainte de réduire son régime de fonctionnement bien au-delà, et bien plus longuement, que ce qu'auraient exigé des précautions sanitaires par ailleurs bien légitimes ?

Alors que, juridiquement, notre pouvoir de contrôle s'est trouvé renforcé au fil des ans, il est paradoxal de constater qu'il s'est amenuisé en pratique.

Aussi, par la force des choses, mon analyse de l'exécution 2019 consistera en un simple commentaire de la documentation budgétaire.

L'exercice 2019 est le premier de la période couverte par la nouvelle loi de programmation militaire (LPM). Il faut saluer l'effort qui a été fait pour assurer une entrée en LPM sur des bases plus sincères qu'elles ne l'avaient été auparavant, à la fois du point de vue de la sécurisation des ressources, de l'intégration d'une provision pour surcoûts OPEX en hausse et de la définition d'objectifs plus clairs en matière de programmes d'armement et d'entretien des matériels. Les crédits ouverts en LFI, en hausse de 1,7 milliard d'euros, ont été exécutés de façon globalement satisfaisante, moyennant cependant, comme l'année précédente, une internalisation de la couverture des surcoûts OPEX-MISSINT résiduels, pour un montant de 406 millions d'euros. Une sous-consommation des crédits de titre 2 ainsi qu'une sous-réalisation des programmes immobiliers du ministère et des retards pris dans certains programmes d'armement ont permis d'absorber cette charge.

S'agissant des programmes 144 Environnement et prospective de la politique de défense et 146 Équipement des forces, je me contenterai de soulever trois points.

Comme à l'accoutumée, les études amont, incluses dans le programme 144 et dont la LPM prévoit de rehausser significativement les crédits ont connu des annulations de crédits substantielles. La sous-exécution est de 12,5 % en AE et de 9,7 % en CP. Il conviendra de vérifier si elle n'est pas le signe de retards inquiétants pris dans des programmes de long terme prévus par la LPM.

La documentation budgétaire est muette sur le fonctionnement et le financement de l'Agence de l'innovation de défense, sur laquelle j'ai souhaité travailler plus particulièrement cette année. Cette entité ayant pour mission d'orienter et de piloter de nombreuses dépenses du ministère, il serait plus que souhaitable d'obtenir des éclaircissements à ce sujet. Là aussi, mes questions adressées au ministère sont restées sans réponse.

Enfin, le montant du report de charges de 2019 sur 2020 s'élève à 3,88 milliards d'euros pour la mission Défense – dont 2,64 milliards pour le seul programme Équipement des forces –, contre 3,4 milliards l'année précédente, soit une hausse de plus de 14 %. En pourcentage des crédits de la mission hors titre 2, on passe de 15,3 à 16 %. Le ministère des armées respecte donc tout juste la norme de 16 % fixée par la LPM. Il lui sera certainement difficile de respecter l'objectif de 15 % à la fin de cette année.

Au total, l'exécution du budget 2019 est globalement conforme. Il faut toutefois souligner que cette réussite n'est possible que grâce à la persistance d'une anomalie. La sous-exécution chronique du titre 2 n'est pas une bonne nouvelle pour les armées. Or tout semble indiquer que cette situation perdurera en 2020. Il est certain que la crise que nous traversons viendra bouleverser un budget déjà très contraint et fragile. Interrogé par mes soins, le Premier ministre n'a pas souhaité s'engager sur la hausse prévue de 1,7 milliard d'euros pour le prochain budget.

Dans ce contexte, nous sommes assurément à la veille d'échéances capitales pour le ministère des armées. Cela rend plus que jamais nécessaires des débats à la hauteur des enjeux. J'ose émettre le souhait que le Gouvernement aura la volonté de les aborder devant le Parlement sans faux-semblants et suffisamment tôt pour que nos échanges puissent être utiles.

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