La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, examine la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales et le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural.
Nous débutons ce matin nos commissions d'évaluation des politiques publiques (CEPP). L'organisation de ces CEPP diffère des années précédentes en raison du contexte très particulier dans lequel nous travaillons.
Nous avons voulu éviter un mode trop dégradé ou une annulation des travaux de ces commissions, ainsi qu'un débat surréaliste qui nous conduirait à aborder des sujets ne concernant en rien l'actualité.
Nous avons donc modifié la manière d'aborder les CEPP. Elles ne donneront pas lieu à l'audition des ministres. Après que les rapporteurs spéciaux auront présenté les conclusions de leurs travaux, le président et le rapporteur général interviendront. Ils seront ensuite suivis des orateurs de chaque groupe. À l'issue de la discussion générale, il sera possible de poser des questions aux rapporteurs spéciaux.
Concernant la séance publique, il n'y aura pas de propositions de résolutions. Le bureau de la commission a choisi de demander un débat sur les travaux d'évaluation qui seront présentés par les rapporteurs spéciaux en commission. Ce débat se tiendra mercredi 10 juin à 15 heures.
Les CEPP se différencient des années précédentes sur un autre point. Cette année, nous avons retenu un thème unique et transversal à l'ensemble des rapports. Ce thème est l'impact de la crise sanitaire en termes de mobilisation des crédits budgétaires et de déploiement des politiques publiques.
Cet exercice s'inscrit toujours dans une démarche d'évaluation. Il s'agit bien d'une approche des politiques publiques par l'efficience.
Après ce propos liminaire, nous débutons par la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. Nous poursuivrons par les missions relatives à la défense et nous conclurons la réunion de ce matin par les missions relatives aux affaires étrangères et européennes.
Le rapport que je vous présente porte sur deux des trois programmes de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, ainsi que sur le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural.
Pour la deuxième année consécutive, cette mission au budget de 2,94 milliards d'euros affiche une exécution satisfaisante. Elle est proche de la programmation, avec 98 % des autorisations d'engagement et une consommation de 100,8 % des crédits de paiement.
Le programme 149, avec 1,23 milliard d'euros, soutient la compétitivité des filières, la transition agro-écologique, la sylviculture et la pisciculture. Quatre points semblent importants :
– la provision pour aléa de 200 millions d'euros, qui a permis de sincériser le budget ;
– l'encouragement des pratiques culturales et d'élevage plus respectueuses de l'environnement, qui a constitué une priorité de l'exercice ;
– le programme de soutien des huit opérateurs pour 1,2 milliard d'euros, et le renouvellement du contrat d'objectifs et de performance pour six d'entre eux. Par ailleurs, le calendrier d'instruction et de versement des aides est redevenu conforme au standard de l'Agence de services et de paiement ;
– les dépenses fiscales, qui restent une source de relative insatisfaction. Si un milliard d'euros est consacré à l'agriculture, l'imprécision des données pour 26 niches sur 37 est regrettable.
Le programme 215, avec 625 millions d'euros, porte l'essentiel des dépenses de personnel et de fonctionnement du ministère. Les dossiers de moyen et long terme se poursuivent, notamment la réforme de la formation des techniciens supérieurs, le plan de requalification des agents de catégories C et B vers les catégories B et A, et les chantiers informatiques et immobiliers.
Le compte d'affectation spéciale prévoyait des recettes et des dépenses équilibrées à hauteur de 136 millions d'euros. Or les produits ont été de 146 millions d'euros et les charges, de 130 millions d'euros. L'excédent généré a porté le solde cumulé de ce compte à 80 millions d'euros.
L'estimation du rendement de la taxe qui lui est affectée n'est pas aisée en raison de la volatilité de l'économie agricole et du décalage des dépenses qui tient à leur caractère pluriannuel.
Le rapport spécial exploite également l'enquête de la Cour des comptes sur la filière de la forêt et du bois. Je vous remercie pour le vif intérêt que vous avez porté à cette demande formulée il y a un an avec Émilie Cariou.
Concernant les effets du covid-19 sur la situation financière de l'agriculture, il semblerait qu'au plus fort du confinement, l'activité agricole ait freiné de 13 à 15 %, contre35 % pour l'économie dans son ensemble. Cela traduit la résilience des exploitants au niveau de l'offre et le maintien de la consommation des ménages au niveau de la demande.
En tant que telle, la mission Agriculture n'est pas encore affectée. Je serai néanmoins attentif à la mobilisation des sommes provisionnées via l'ancienne déduction pour aléa. J'ajoute que les agriculteurs sont éligibles aux outils de droit commun et qu'ils ont bénéficié à ce jour de 500 millions d'euros de reports fiscaux et sociaux, de 861 millions d'euros de prêts garantis par l'État et de 52 millions d'euros au titre du fonds de solidarité pour les entreprises.
Le programme 206, Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation, a consommé 550,6 millions d'euros en 2019 ; il avait consommé 552 millions d'euros en 2018. Ce résultat est conforme aux crédits ouverts et, de ce point de vue, l'exécution est satisfaisante. La direction générale de l'alimentation (DGAL), responsable du programme 206, a pu jouer tout son rôle, quoique les crédits du programme ne représentent que 18,7 % de ceux de la mission.
Cependant, les crédits programmés en loi de finance initiale étaient, hors dépenses de personnel, en retrait de 4 %. Cette diminution était très largement supportée par l'action Lutte contre les maladies animales et protection des animaux, dont les crédits de paiement reculaient de 16 %.
Le programme 206 s'est donc retrouvé confronté à une double difficulté. Premièrement, des dépenses supplémentaires s'imposaient pour lutter contre la tuberculose bovine et prévenir l'introduction de la peste porcine africaine. Deuxièmement, le montant et le rythme de rattachement des fonds de concours en provenance de l'Union européenne ne se sont pas révélés conformes aux hypothèses retenues dans la programmation.
Pour y remédier, des crédits supplémentaires ont été ouverts par la loi de finances rectificative pour 2019 : 13,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7,2 millions d'euros en crédits de paiement. D'autre part, le versement de la dernière tranche de la subvention pour charge de service public de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a été reporté à la fin de l'année et réduit de 5 millions d'euros. Je déplore le recours à un tel expédient qui a pesé sur la trésorerie de l'ANSES.
Une attention particulière doit donc être accordée, dès l'élaboration du projet de loi de finances, à la question des fonds de concours. Ne doivent pas être tenues pour certaines des recettes qui ne le sont pas. Une sanctuarisation de la subvention versée à l'ANSES serait également pertinente. Peut-être faudrait-il d'ailleurs, plus généralement, sanctuariser les crédits du programme 206, qui financent des actions cruciales.
La crise sanitaire confirme le rôle essentiel de l'ANSES, fortement mobilisée, à plusieurs égards, dans la lutte contre la pandémie. Son avis lui a ainsi été demandé sur de nombreux sujets. La direction générale de l'alimentation (DGAL), quant à elle, a su faire preuve de réactivité en accordant la priorité aux missions essentielles du programme. Par ailleurs, la préparation de la France au déploiement du contrôle sanitaire et phytosanitaire dans le cadre du Brexit ne semble pas affectée par la crise.
D'un point de vue strictement budgétaire, la consommation des autorisations d'engagement à fin avril 2020 était inférieure d'un quart en glissement annuel. Cependant, cette sous-consommation n'est peut-être que provisoire.
Ma première question portera sur les raisons pour lesquelles on observe un taux d'exécution spectaculaire, soit 1 640 %, de l'action Gestion des risques et des aléas de la production agricole, en l'absence d'événement majeur.
L'année dernière, nous avions questionné les exonérations de charges sociales pour l'embauche des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE) et leur compensation. Pourriez-vous nous préciser le nombre de personnes bénéficiant actuellement du dispositif et le coût de la compensation de ces allègements sociaux ?
Pouvez-vous également résumer l'action de l'ANSES à la lueur de la crise ? Y aura‑t‑il des besoins de crédits supplémentaires ?
Enfin, pourriez-vous réagir aux conclusions de la Cour des comptes sur le programme 206 et sur le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural dans sa dernière note d'exécution budgétaire ?
2019 a été la première année d'application de la loi EGALIM, et l'on peut saluer le fait que les textes d'application aient été pris par le Gouvernement dans un délai de six mois à compter de l'adoption de la loi.
2019 a été aussi l'année du déploiement du grand plan d'investissement dans le secteur agricole, pour permettre d'aller vers une agriculture plus durable et plus soutenable. Nous devons essayer de faire en sorte que la richesse soit mieux répartie, de la fourche à la fourchette.
2019 a enfin été une année au cours de laquelle la modernisation du ministère de l'agriculture s'est poursuivie, notamment dans le domaine des infrastructures, immobilier et informatique. Je crois qu'un des enjeux pour le futur serait de mieux mettre en avant l'information au consommateur, qui doit être un outil associant l'ensemble des acteurs.
À bien des égards, la crise que nous traversons permet de voir le travail accompli depuis 2017. Même si le budget que nous évaluons n'est pas parfait, il va dans le bon sens. Je me félicite qu'il soit conforme dans son esprit à ce que nous souhaitons, même si nous aurions pu espérer aller encore plus loin.
Je m'inscris dans les pas de Richard Ramos pour saluer la bonne effectivité de l'exécution du budget. Je me demande néanmoins si la modernisation en cours et le travail de rattrapage entamés il y a plusieurs années nous permettent de verser les aides européennes plus rapidement et d'éviter des erreurs de reporting sanctionnées très sévèrement par la Commission européenne.
J'attire également votre attention sur plusieurs points auxquels il convient d'être attentif.
D'une part, le budget de l'ANSES ne peut être une variable d'ajustement.
D'autre part, les recettes de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques sont prélevées par l'ANSES, alors qu'une partie de ces sommes permettent de financer le fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Ce n'est pas le rôle de l'ANSES que d'être collecteur d'impôt pour un tiers et il serait préférable d'instaurer une taxe affectée à ce fonds.
Enfin, nous souhaitons toujours mettre fin à l'absence de taxation des mutations de terrains pour certains types de sociétés, comme nous l'avions proposé lors du dernier débat budgétaire. C'est une anomalie.
Je voudrais insister sur les difficultés que rencontrent les transformateurs de la filière bois. Certains manquent d'une matière première qui est exportée.
J'évoquerai ensuite la production d'agneaux de Pâques. Des importations en provenance de Nouvelle-Zélande ont perturbé nos éleveurs.
Enfin, il est regrettable que des marchés se soient fermés au Label rouge bovin viande, forçant la commercialisation de cette viande à un prix trop faible.
Je m'interroge pour ma part sur l'utilisation des lignes de crédits liées à la crise sanitaire.
Concernant le taux d'exécution de 1 640 %, ce niveau élevé s'explique par un dénominateur de 5,4 millions d'euros au titre de la loi de finance initiale. La consommation s'est finalement élevée à 88,1 millions d'euros, en mobilisant la provision pour aléa et des lignes pour lesquelles les besoins se sont révélés inférieurs.
La dernière version du dispositif en faveur des TODE propose une exonération totale jusqu'à 1,2 SMIC et dégressive jusqu'à 1,6 SMIC. 178 millions d'euros ont été consommés en 2019, pour un budget alloué de 134 millions d'euros. L'écart a été comblé par un report de crédits de l'exercice 2018.
Concernant les conclusions de la Cour des comptes sur le programme 206, elles sont effectivement sévères. En conséquence, le ministère a chargé l'Inspection générale des finances et le Conseil général de l'alimentation de proposer différentes mesures d'amélioration.
S'agissant des retards de paiements, la situation est rétablie pour les aides directes et l'indemnité compensatoire du handicap naturel. Quelques retards subsistent néanmoins pour les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides à l'agriculture biologique.
À propos de la consommation des programmes 149 et 215, celle-ci est pour l'instant inférieure à l'année dernière, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Le ministère nous a néanmoins prévenus qu'indépendamment de la crise, le rythme des dépenses n'était pas forcément linéaire d'une année sur l'autre.
Sur la filière bois, ce secteur doit effectivement être mieux couvert qu'il ne l'est aujourd'hui. La chute des crédits consommés ne correspond pas aux besoins ressentis sur le terrain.
D'une manière générale, la consommation des autorisations d'engagement du programme 206 diminue d'environ 25 % tandis que celle des crédits de paiement reste à peu près stable.
Concernant l'ANSES, elle a eu un rôle important pendant la crise et a rendu de nombreux avis, notamment sur les risques de contamination via l'alimentation et les animaux domestiques et sur la prévention des expositions en milieu professionnel. Les laboratoires de l'ANSES ont également été sollicités.
L'ANSES participe par ailleurs à des groupes de travail relatifs au covid-19, notamment dans le cadre du Haut Conseil de la santé publique.
L'ANSES a pu répondre à ces multiples demandes car elle est toujours prête à faire face à des problèmes émergents.
Dans ce contexte et compte tenu de son rôle primordial, il convient d'éviter de fragiliser l'ANSES en utilisant la subvention qui lui est versée comme variable d'ajustement. L'ANSES doit pouvoir remplir ses missions – toujours plus nombreuses – dans de bonnes conditions.
Puis la commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, examine les missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.
Je souhaite tout d'abord exprimer plusieurs regrets quant à cette séquence d'évaluation quelque peu étrange, faite à distance et sans que nous puissions recueillir les explications du Gouvernement.
Force est de constater tout d'abord que, depuis trois mois, nous n'avons pu mener ni contrôle ni évaluation. L'impossibilité de conduire des auditions dans des conditions normales est une chose. La désorganisation des services ministériels et l'indifférence du Gouvernement vis-à-vis des attentes des parlementaires en sont une autre. Je n'ai, pour ma part, reçu les réponses au questionnaire, envoyé en mars, sur l'exécution 2019 du budget de la défense que vendredi dernier à 21 heure passées. Et encore ! Quantité de réponses ne nous sont pas parvenues. J'ajoute que la qualité et la précision des réponses laisse à désirer.
La crise que nous traversons aurait dû nous conduire à intensifier les échanges entre le Parlement et l'exécutif. Il n'en a rien été. Tout s'est organisé autour de la communication gouvernementale. Comment aurait-il pu en être autrement, alors que notre Assemblée s'est trouvée contrainte de réduire son régime de fonctionnement bien au-delà, et bien plus longuement, que ce qu'auraient exigé des précautions sanitaires par ailleurs bien légitimes ?
Alors que, juridiquement, notre pouvoir de contrôle s'est trouvé renforcé au fil des ans, il est paradoxal de constater qu'il s'est amenuisé en pratique.
Aussi, par la force des choses, mon analyse de l'exécution 2019 consistera en un simple commentaire de la documentation budgétaire.
L'exercice 2019 est le premier de la période couverte par la nouvelle loi de programmation militaire (LPM). Il faut saluer l'effort qui a été fait pour assurer une entrée en LPM sur des bases plus sincères qu'elles ne l'avaient été auparavant, à la fois du point de vue de la sécurisation des ressources, de l'intégration d'une provision pour surcoûts OPEX en hausse et de la définition d'objectifs plus clairs en matière de programmes d'armement et d'entretien des matériels. Les crédits ouverts en LFI, en hausse de 1,7 milliard d'euros, ont été exécutés de façon globalement satisfaisante, moyennant cependant, comme l'année précédente, une internalisation de la couverture des surcoûts OPEX-MISSINT résiduels, pour un montant de 406 millions d'euros. Une sous-consommation des crédits de titre 2 ainsi qu'une sous-réalisation des programmes immobiliers du ministère et des retards pris dans certains programmes d'armement ont permis d'absorber cette charge.
S'agissant des programmes 144 Environnement et prospective de la politique de défense et 146 Équipement des forces, je me contenterai de soulever trois points.
Comme à l'accoutumée, les études amont, incluses dans le programme 144 et dont la LPM prévoit de rehausser significativement les crédits ont connu des annulations de crédits substantielles. La sous-exécution est de 12,5 % en AE et de 9,7 % en CP. Il conviendra de vérifier si elle n'est pas le signe de retards inquiétants pris dans des programmes de long terme prévus par la LPM.
La documentation budgétaire est muette sur le fonctionnement et le financement de l'Agence de l'innovation de défense, sur laquelle j'ai souhaité travailler plus particulièrement cette année. Cette entité ayant pour mission d'orienter et de piloter de nombreuses dépenses du ministère, il serait plus que souhaitable d'obtenir des éclaircissements à ce sujet. Là aussi, mes questions adressées au ministère sont restées sans réponse.
Enfin, le montant du report de charges de 2019 sur 2020 s'élève à 3,88 milliards d'euros pour la mission Défense – dont 2,64 milliards pour le seul programme Équipement des forces –, contre 3,4 milliards l'année précédente, soit une hausse de plus de 14 %. En pourcentage des crédits de la mission hors titre 2, on passe de 15,3 à 16 %. Le ministère des armées respecte donc tout juste la norme de 16 % fixée par la LPM. Il lui sera certainement difficile de respecter l'objectif de 15 % à la fin de cette année.
Au total, l'exécution du budget 2019 est globalement conforme. Il faut toutefois souligner que cette réussite n'est possible que grâce à la persistance d'une anomalie. La sous-exécution chronique du titre 2 n'est pas une bonne nouvelle pour les armées. Or tout semble indiquer que cette situation perdurera en 2020. Il est certain que la crise que nous traversons viendra bouleverser un budget déjà très contraint et fragile. Interrogé par mes soins, le Premier ministre n'a pas souhaité s'engager sur la hausse prévue de 1,7 milliard d'euros pour le prochain budget.
Dans ce contexte, nous sommes assurément à la veille d'échéances capitales pour le ministère des armées. Cela rend plus que jamais nécessaires des débats à la hauteur des enjeux. J'ose émettre le souhait que le Gouvernement aura la volonté de les aborder devant le Parlement sans faux-semblants et suffisamment tôt pour que nos échanges puissent être utiles.
Je suis heureuse de pouvoir m'adresser une première fois à vous en tant que rapporteure spéciale sur les crédits relatifs au Budget opérationnel de la défense, soit les programmes 178 et 212.
Il me revient, de connaître et de suivre les conditions budgétaires de la préparation et l'emploi de nos forces armées, sur le territoire national comme à l'extérieur de nos frontières. Ces crédits doivent permettre de répondre à l'exigence imposée aux femmes et aux hommes de nos armées, dont je tiens à souligner l'engagement exemplaire. Le budget opérationnel de la défense, c'est également les crédits qui permettent aux armées de proposer un cadre adapté et propice à l'efficacité et l'épanouissement des personnels, via la politique de recrutement et de reconversion, les rémunérations et l'amélioration des conditions de vie. C'est toute l'ambition du plan famille.
Comme chaque rapporteur spécial, j'ai essayé, dans le peu de temps qui m'était imparti, d'appréhender les conséquences de la crise sanitaire sur les crédits et les politiques publiques de ce budget.
Mais avant de m'attacher à cette actualité brûlante, je vous propose de revenir sur l'année 2019 et son exécution budgétaire. Cette année 2019 constituait, en tant que première année d'exécution de la loi de programmation militaire, une étape charnière pour les armées.
L'année 2019 devait lancer sur de bons rails les trajectoires de remontée en puissance établies par la LPM et voulues par la Nation. Le Parlement et le ministère des Armées se sont montrés au rendez-vous et l'on peut se réjouir qu'en 2019 tant la programmation que l'exécution ont été conformes à la LPM.
La Cour des comptes attire notre attention sur deux points. Tout d'abord, la budgétisation des surcoûts liés aux opérations extérieures et missions intérieures se rapproche à nouveau des besoins, grâce à l'augmentation progressive de la dotation correspondante. L'écart entre crédits ouverts et surcoûts effectifs est à son plus bas niveau depuis 2012 à hauteur de 406 millions d'euros et le ministère est en mesure de le couvrir sans recourir à la solidarité interministérielle. L'amélioration de la programmation de ces surcoûts doit se poursuivre en incluant pour l'actualisation de la LPM en 2021, à l'article 4, les dépenses de personnels liées aux missions intérieures.
Le deuxième point concerne l'enjeu du recrutement et de la fidélisation des personnels militaires. La LPM prévoit un schéma d'emplois ambitieux de 6000 équivalents temps plein supplémentaires sur la période 2019-2025. Toutefois, on constate en 2019, comme en 2018, de réelles difficultés d'exécution des schémas d'emploi ciblant les personnels militaires. Pour cette année, le personnel militaire affichait un sous-effectif de 214 ETP par rapport à la cible corrigée en gestion. La Cour des comptes recommande ainsi d'étudier des alternatives aux modalités de pilotage des schémas d'emplois pour appréhender annuellement la trajectoire pluriannuelle en effectifs prévue en LPM.
Le problème est bien identifié par le ministère des armées. Il l'est même d'autant plus qu'il se voit aggravé par la crise sanitaire que nous affrontons, car celle-ci a paralysé et perturbe encore les campagnes de recrutement. L'étude d'impact du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19, déposé le 7 mai, prévoit que le ralentissement des flux de recrutement va se traduire par un déficit d'environ quatre mille militaires sur une période de confinement estimée à trois mois. Cela représente 15 % des 26 000 personnes recrutées chaque année par les armées.
Lors de son audition le 6 mai par la commission de la défense, Thierry Burkhard, chef d'état-major de l'armée de Terre, a indiqué que ce retard ne sera pas rattrapé en intégralité, à tout le moins pour l'armée de Terre.
Cela se traduira certainement par une sous-exécution des crédits de personnel, crédits représentant 64 % des crédits du rapport spécial. Cette année, les importants crédits d'investissement prévus pour permettre la remontée en puissance des armées pourront également connaître une sous-exécution, au premier chef en raison du ralentissement d'activité que connaît la base industrielle et technologique de défense. Nous pouvons anticiper un effet plus nuancé sur les dépenses de fonctionnement. D'une part, la crise sanitaire pourrait occasionner des dépenses supplémentaires, tel l'achat de matériel de protection et de nettoyage spécifiques. D'autre part, une sous-consommation des crédits de préparation et d'emploi des forces est envisageable, notamment sur les surcoûts OPEX après le désengagement anticipé d'une partie des troupes de l'opération Chammal, même si les coûts inconnus de l'opération Résilience viendront atténuer cette sous-consommation.
Au-delà de ces impacts budgétaires, la crainte est que les effets de la crise ne viennent ébranler la capacité du ministère à rester en ligne avec les objectifs fixés par la LPM.
Cette LPM qui propose un modèle d'armée complet et équilibré, capable de remplir ses missions de manière soutenable et dans la durée, une LPM à hauteur d'homme garantissant l'autonomie stratégique de la France. Nous devrons être vigilants à ce que les prévisions budgétaires futures restent fidèles à cette volonté, conformes à la loi de programmation militaire, et il nous appartiendra de vérifier que les objectifs fixés seront bien atteints.
Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ont été consommés à hauteur de 2,3 milliards d'euros en 2019. La gestion de cette mission ne pose aucun problème.
La gestion de cette mission ne pose aucun problème. Elle est très rigoureuse. Les informations dont dispose le Parlement et celles que j'ai obtenues lors des auditions que j'ai menées sont de qualité et complètes.
Ce qui pose davantage difficulté dans cette mission, c'est l'étiolement des ambitions pour le monde combattant. J'en veux pour preuve plusieurs faits : entre 2018 et 2019, 133 millions d'euros ont été économisés. Cela n'est pas dû uniquement à la baisse démographique des bénéficiaires des prestations. En effet, depuis 2018, les crédits consommés s'inscrivent systématiquement en-deçà des prévisions triennales prévues en loi de programmation des finances publiques. En 2019, nous avons économisé 41 millions d'euros supplémentaires par rapport à ces prévisions. Les deux mesures phares de 2019, qui étaient très attendues, n'ont mobilisé qu'un peu plus de 18 millions d'euros : 16 millions d'euros pour les 35 000 cartes du combattant aux forces présentes en Algérie après 1962 et 2,5 millions d'euros pour le déploiement du plan de solidarité en faveur des enfants de harkis. J'espère donc que nous saurons nous unir à l'occasion de la prochaine loi de finances initiale, comme nous l'avons fait pour la demi-part des veuves l'an dernier, pour témoigner au monde combattant l'égard et la reconnaissance que nous lui devons.
Passons maintenant aux conséquences de la crise sanitaire qui ont été globalement limitées sur la conduite des politiques de la mission. Ce sont les dispositifs qui soutiennent les liens entre la Nation et son armée qui ont été les plus fortement perturbés : la journée de défense et citoyenneté (JDC) a été annulée pour 300 000 jeunes sur 790 000 prévus, le service militaire volontaire a été interrompu pour 1 000 jeunes, enfin, la politique de mémoire n'a pu se déployer qu'humblement, comme vous avez sans doute pu le constater dans vos circonscriptions. S'agissant des autres missions, notamment les missions de reconnaissance et de solidarité, elles ont pu se dérouler normalement grâce à l'accélération de la transition numérique de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). L'office a d'ailleurs fourni un travail remarquable pour maintenir le lien avec ses ressortissants les plus fragiles.
Les conséquences budgétaires de cet épisode devraient être modestes, de l'ordre d'une dizaine de millions d'euros. Cet écart se justifie d'abord par les annulations que je viens de mentionner et qui ne pourront pas toutes être compensées en 2020, mais aussi, et cela est plus regrettable, par une possible surmortalité des bénéficiaires de certaines prestations. Si cette dernière hypothèse devait être confirmée, j'espère sincèrement que les économies, que l'on aurait malheureusement obtenues ainsi, seraient redéployées en fin de gestion, notamment au profit des ressortissants les plus fragiles.
Autrement, j'espère que nous pourrons ensemble proposer des mesures de revalorisations, à l'occasion du budget 2021.
La consommation des crédits est un sujet récurrent de la mission Défense. Je me demande néanmoins s'il ne faut pas s'inquiéter de restes à payer de plus en plus importants, même si l'on sait que ces programmes d'investissement sont complexes et s'étendent sur plusieurs années.
Par ailleurs, la crise n'a-t-elle vraiment aucun impact sur les dépenses opérationnelles, en particulier en matière d'opérations extérieures ?
J'ai bien entendu que vous n'avez pas eu accès à beaucoup d'informations mais je m'en remets à votre expertise : pensez-vous que des missions ont été reportées ou que des personnes n'ont pas pu être remplacées ? L'exemple du Charles-de-Gaulle nous a tous frappés, mais sans doute en existe-t-il bien d'autres…
Je veux au préalable saluer l'effort budgétaire, à la fois nécessaire et sans précédent, réalisé au bénéfice de la mission Défense grâce à la mise en œuvre de la loi de programmation militaire. Tout aussi important à mes yeux est l'effort de sincérisation budgétaire que les rapporteurs spéciaux ont souligné.
Ma première question porte aussi sur la forte proportion des restes à payer. Il serait bon que la commission des finances dispose d'une vision qualitative de ce qu'ils représentent et connaisse leurs variations annuelles.
Concernant l'impact de la crise sanitaire, pensez-vous que la courbe de recrutements puisse être tenue en 2020, éventuellement grâce à la mise en œuvre du plan de remontée progressive de l'activité du ministère annoncé le 7 mai par la ministre des armées ?
Finalement, ne faudra-t-il pas arbitrer entre les opérations extérieures et le plan de remontée progressive pour respecter la loi de programmation militaire ?
S'agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, je souhaiterais savoir si la carte d'ancien combattant sur la période 1962 à 1964 a été correctement déployée, et si le plan de solidarité en faveur des enfants de harkis a bien été mis en application.
Nos armées ont été particulièrement impliquées durant la crise sanitaire, par exemple en assurant l'évacuation de malades ou en mettant en place des unités de réanimation pour désengorger les hôpitaux du Grand Est. Quel est l'impact de cette crise sur les dépenses de personnel ? Disposons-nous par ailleurs des capacités d'intervention pour de nouvelles crises ?
En matière de recrutement, comment rattraper les retards qui ont été pris ?
S'agissant du programme 146 Équipements des forces, le cas du Charles-de-Gaulle a bien montré qu'il existe un problème d'adaptation des équipements au risque sanitaire. Quelles recommandations formuleriez-vous à cet égard ?
Le covid-19 a fortement impacté les recrutements. Quelles seront les conséquences du manque d'effectifs alors que nos armées sont toujours engagées en opérations extérieures ?
Par ailleurs, l'allocation viagère aux harkis est-elle bien déployée ?
Enfin, les journées de défense et citoyenneté (JDC) ont été suspendues. Quand reprendront-elles ?
La crise va amplifier la sous-exécution du titre 2 et retarder certains programmes d'armement. Cela dit, les effets du covid-19 ne font qu'accentuer une réalité de tout temps au ministère des armées. D'un point de vue budgétaire, il s'agit d'un des ministères les plus fortement dotés, avec des hausses considérables ; du point de vue des objectifs que l'on assigne à notre défense, en revanche, on n'a pas l'argent qu'il faut pour ce que l'on prétend faire. Cette contradiction n'est pas d'apparition récente et le ministère ne s'en sort que par un arbitrage permanent entre les dépenses de personnel et les dépenses d'équipement.
Une révision de la LPM devra intervenir en 2021. Essaierons-nous alors d'y voir clair on resterons-nous dans cet arbitrage impossible qui dure depuis des années ? La crise pourrait imposer d'expliciter les choix en la matière.
Quant aux restes à payer, ils résultent de la structure même de la LPM et des dépenses qu'elle prévoit sur le long terme. À cet égard, on fait mine de déplorer la sous-exécution du titre 2 mais on en est en fait très content : sans cette sous-exécution, on ne pourrait faire face à la dépense.
Bref, l'équation est de plus en plus difficilement tenable. La crise nous contraindra peut-être à avoir des débats trop longtemps repoussés.
Je ne suis pas tout à fait d'accord. Le ministère ne peut se satisfaire des difficultés de recrutement du personnel militaire. Il a mis en place le plan famille, justement, destiné à renforcer l'attractivité de ces métiers. Je suis moins pessimiste concernant le recrutement, je crois beaucoup au plan famille et les retours dont on dispose à ce jour sont plutôt bons.
Si la trajectoire des restes à payer croît sans discontinuer, le nombre nécessaire d'années de ressources futures reste stable, autour de trois ans. Cela est rendu possible par les crédits supplémentaires prévus en LPM.
La stabilité de cet indicateur qui garantit la soutenabilité de la mission Défense dépend donc du respect de la LPM dans les prochaines lois de finances.
S'agissant de la mise en œuvre de la carte du combattant pour la période 1962-1964, 50 000 bénéficiaires potentiels avaient été dénombrés au moment de la conception de cette mesure et 35 000 cartes du combattant ont été octroyées en 2019. Les 15 000 cartes restantes devaient être distribuées en 2020. Or, les services de l'ONACVG constatent que le flux des demandes s'est fortement tari et que la quasi-totalité de la population concernée est couverte. Nous n'atteindrons donc certainement pas l'objectif initial de 50 000.
Malgré l'intégration de ces 35 000 bénéficiaires supplémentaires, et en raison de l'évolution démographique, le budget alloué à l'ensemble des pensions a diminué de 738 millions d'euros en 2018 à 713 millions d'euros en 2019. C'est pour cette raison que la question de la revalorisation des prestations se pose toujours.
Concernant les enfants de harkis, 650 dossiers ont été traités en 2019 pour un budget de 2,5 millions d'euros. Pour 2020, les modalités d'attribution des aides ont été assouplies par décret, le cumul entre les différentes aides (santé, logement, insertion professionnelle) a été autorisé, ce qui n'était pas le cas avant. La liste des bénéficiaires potentiels a été étendue. Depuis le début de l'année 2020, 400 dossiers ont été déposés.
Au sujet des JDC, une reprise est envisagée dès la rentrée de façon à pouvoir assécher le stock des 300 000 journées annulées en 2020. Un certain nombre de journées devront néanmoins être reportées en 2021. Des attestations sont délivrées pour les jeunes concernés par les annulations de façon à ne pas les pénaliser dans leurs démarches administratives.
M. Daniel Labaronne remplace M. Éric Woerth à la présidence.
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, examine les missions Action extérieure de l'État, Aide publique au développement et Affaires européennes et le compte de concours financier Prêts à des États étrangers.
L'exécution du budget 2019 a été facilitée par la diminution des contributions aux organisations internationales, grâce à la fermeté de la France qui a refusé de supporter une baisse de la quote-part américaine à l'OTAN qui aurait entraîné, pour nous, un surcoût de 18 millions d'euros. Cette question risque néanmoins de se poser, mais en des termes tous différents, pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Il convient aussi de noter le succès de la mise en œuvre par le Quai d'Orsay de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger, qui a conduit à un schéma d'emplois en baisse de 160 ETP. De même, l'organisation du G7 à Biarritz a été une réussite puisque la moitié des sommes prévues ont pu être annulées grâce à la maitrise des dépenses et à des apports de mécénat de compétence, valorisés à 10 millions d'euros.
La crise sanitaire mondiale a constitué un test opérationnel grandeur nature pour les services du Quai d'Orsay, sous l'égide du centre de crise et de soutien du ministère et d'une task force pilotée par l'ancien consul général de France à Shanghai.
Le réseau des ambassades et des consulats généraux a ainsi relevé le défi du rapatriement de 188 000 Français de passage à l'étranger. Ce rapatriement a été financé par un prélèvement temporaire de 21 millions d'euros sur l'enveloppe des contributions obligatoires aux Nations-Unies, qui a permis d'affréter directement certains vols
Des remboursements sont attendus : 4 millions d'euros du mécanisme européen de protection civile et jusqu'à 7 millions d'euros de frais dus par les personnes rapatriées – mais le taux de recouvrement est faible, moins d'un million d'euros, et concentré sur les derniers rapatriements pour lesquels le ministère a conclu une convention de mandat de gestion permettant un encaissement direct, pour le compte de l'État, par les compagnies aériennes. Dans l'urgence des premières évacuations, le Quai a dû improviser en demandant de signer un engagement sur l'honneur...Comptons désormais sur le civisme de nos concitoyens pour régler rapidement leurs impayés !
Le ministère reste par ailleurs mobilisé pour nos 3 à 3,5 millions de compatriotes résidant à l'étranger. Il déploiera un plan de soutien sanitaire et social, avec en particulier l'équivalent à l'étranger de l'aide d'urgence, distribuée en France par les caisses d'allocations familiales, de 150 euros par foyer et 100 euros par enfant. 50 millions d'euros devront être débloqués à ce titre dans le prochain collectif budgétaire.
L'activité de visas est arrêtée depuis mars. Elle pourrait diminuer de 80 % sur l'année, soit une perte de 180 millions d'euros de droits de chancellerie pour le budget général. La situation place en grande difficulté les sociétés privées internationales prestataires de visas. J'ai pu m'assurer que les contrats conclus avec elles ne prévoient pas de compensation de la perte d'exploitation, mais les tarifs qu'elles appliquent aux demandeurs devront sans doute être renégociés.
Le plan d'aide d'urgence aux réseaux d'enseignement français à l'étranger représente un autre enjeu budgétaire majeur. Bon nombre des 522 établissements sont fragilisés par les retards d'encaissements de droits de scolarité et des risques de désinscription d'élèves à la rentrée prochaine.
Un trimestre de droit de scolarité représente 800 millions d'euros, soit deux fois plus que la subvention annuelle à l'Agence qui pilote ce réseau. Le ministre a annoncé la revalorisation de 50 millions d'euros des aides à la scolarité des élèves français, et en soutien des établissements, y compris privés, une avance de 100 millions d'euros de l'Agence France Trésor. Une partie de cette avance sera sans doute transformée en dotation budgétaire et il nous faudra définir les bonnes modalités de suivi de son emploi, sans perdre de vue notre objectif d'étendre le réseau d'enseignement français. S'il n'est pas exclu que le nombre d'élèves scolarisés diminue transitoirement, le réseau d'enseignement doit poursuivre sa stratégie de développement essentielle à sa viabilité.
Concernant le réseau culturel des instituts français, seuls les plus grands établissements, aux États-Unis ou en Chine, sont fortement impactés car leurs ressources propres sont sensibles à la conjoncture. L'ensemble du réseau fait preuve d'agilité, ce qui justifie d'accélérer la transition vers l'offre de cours et de produits culturels en ligne.
La pandémie constitue enfin un enjeu majeur de diplomatie multilatérale, notamment en ce qui concerne l'OMS. Elle pose la question de la réorganisation de l'OMS qui doit devenir une agence internationale forte et indépendante, mieux dotée et donc moins tributaire de contributions volontaires fléchés par des donateurs, publics ou privés, vers des programmes spécifiques.
En contrepartie, les États pourront exiger de l'OMS qu'elle corrige ses travers bureaucratiques et assainisse sa gouvernance.
À terme, cela appellera une hausse de la contribution obligatoire de la France, qui verse environ 20 millions d'euros par an en tant que cinquième contributeur au budget régulier, mais seulement douzième contributeur étatique à l'ensemble de ses dépenses et vingtième contributeur toutes catégories confondues.
Chacun se souvient des objectifs de l'aide au développement : atteindre les 0,55 % du PIB, ce qui implique un effort supplémentaire annuel de 5 milliards d'euros sur cinq ans, ainsi qu'un effort vers les dix-neuf pays prioritaires, essentiellement africains, vers plus de bilatéral et plus de dons.
En 2019, nous observons deux bonnes nouvelles, avec des économies réalisées sur les crédits de bonification de prêts, en raison des faibles taux d'intérêt, à hauteur de 261 millions d'euros, et du décalage de la restructuration de la dette somalienne, pour 63 millions d'euros.
Je veux d'abord saluer la présence constante de nos diplomates et de nos agents de l'AFD qui, à la différence de ceux d'autres agences et pays, sont restés en poste au long de la crise.
Les pays africains sont particulièrement touchés, pas tant par la crise sanitaire, à laquelle ils semblent échapper pour le moment, mais par la crise économique, de façon terrible. Cette crise se traduit en effet par un effondrement du prix des matières premières et de l'apport financier des diasporas, ainsi que par des problèmes de transport et de logistique, en particulier pour les pays enclavés et les plus fragiles – je rappelle que 94 % des produits pharmaceutiques distribués en Afrique sont produits à l'extérieur. La situation est particulièrement préoccupante au sein de la zone sahélienne, alors que, par ailleurs, la crise alimentaire se renforce. Ce sont désormais 265 millions de personnes qui souffrent de difficultés alimentaires selon le Programme alimentaire mondial (PAM), contre 135 millions avant crise.
La réaction principale à cette crise a été le moratoire sur la dette – il ne s'agit pas d'annulation. L'intérêt de cette décision est qu'elle a été prise par le Club de Paris, suivie par les autres grands créanciers : Inde, Brésil, Chine – c'est à noter – ainsi que certains pays du Golfe. Par contre, pour le moment, cette décision n'est suivie ni par les grandes banques multilatérales ni par les créanciers privés. Ce moratoire conduit à un décalage de recette pour la France de l'ordre de 900 millions d'euros, sur un décalage total au niveau mondial de 13 milliards.
L'annulation des dettes est une volonté exprimée par le président de la République, mais elle ne concernerait que les seuls pays africains. Pour l'instant, aucune décision n'a encore été prise ; il semblerait d'ailleurs qu'un certain nombre de pays hésiteraient à demander cette annulation.
Au niveau bilatéral, il a été décidé d'allouer 1,2 milliard d'euros à la situation du moment. Ce sont des redéploiements sous forme de prêts pour un milliard d'euros ou de dons pour 200 millions d'euros, qui financent des actions essentiellement d'ordre alimentaire et sanitaire. En particulier, des subventions de deux fois deux millions d'euros ont été accordées aux 32 Instituts Pasteur, réseau animé par la France.
Concernant l'OMS, la donne a changé du fait de la crise et du retrait américain. Qu'en sera-t-il de la présence française ? Actuellement, nous sommes un très modeste contributeur – le dix-septième contributeur national – avec 35 millions d'euros par an. Le président de la République a annoncé une contribution supplémentaire de 50 millions d'euros, mais aucune décision n'est formellement prise à ce stade.
La question de la participation de la France au PAM, au sein duquel nous sommes très peu présents – nous versons 18 millions d'euros, qu'il faut rapporter aux 515 millions d'euros des Allemands – se pose également puisque, à l'évidence, le Programme sera plus mobilisé à l'avenir.
D'autres acteurs sont également demandeurs, en particulier l'Alliance mondiale pour les vaccins, qui doit pouvoir jouer un rôle conséquent dans cette période compliquée.
En ce qui concerne l'autorisation parlementaire, il faut s'interroger sur la loi de programmation pour l'aide au développement, qui change de nature du fait de la crise. Celle-ci doit nous inciter à faire plus de sanitaire et plus d'alimentaire et pose la question des 0,55 %. Est-ce qu'un pays comme le nôtre, qui devrait connaître une baisse de 11 % de son PIB en 2020, pourra tenir des engagements ? D'autant que nous allons avoir un « effet dénominateur » surprenant : du fait de la baisse du PIB, la part relative de notre aide s'accroît mécaniquement, et dépasserait les 0,50 % dès 2020.
Les annulations de dettes pèseront également beaucoup sur notre aide. Le Président de la République s'est prononcé en faveur de ces annulations pour les pays africains. Certains dossiers – Somalie, Zimbabwe, Soudan – restent ouverts ; il faudra se demander si d'autres pays rejoindront cette liste. Or, ces annulations ne bénéficieront probablement pas à nos pays prioritaires : les pays dont la dette pourrait être annulée sont des pays capables de porter une dette avant la crise, ceux en situation intermédiaire, mais pas les pays les plus fragiles. Ainsi, les pays de la zone sahélienne sont peu endettés. Or, nous devons garder notre priorité géographique, en plus de l'ambition des 0,55 %, vers les dix-neuf pays prioritaires, en particulier les cinq de la bande sahélienne – ceci fait consensus. Les annulations de dette reposeront donc la question de la répartition de notre apport entre les différents pays.
Cette crise sanitaire, et plus encore économique, dans les pays qui bénéficient traditionnellement de l'aide au développement, remet en cause un certain nombre de fondamentaux, que ce soit dans les taux, dans l'orientation vers les pays jugés prioritaires et dans la nature des aides, avec une priorisation du sanitaire et de l'alimentaire.
C'est en ma qualité de rapporteur spécial pour les affaires européennes en charge de l'évolution du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne que j'ai le plaisir de m'adresser à vous, vous rappelant ainsi que la contribution française au budget de l'Union représente de fait la quatrième mission budgétaire de l'État.
En 2019, ce prélèvement a atteint 21,02 milliards d'euros alors que la prévision en loi de finances initiale l'établissait à 21,4 milliards d'euros. La différence s'explique par l'enregistrement de recettes exceptionnelles en fin d'exercice, acté par le dernier budget rectificatif pour l'exercice 2019 de l'Union.
Cette année encore se pose la question des restes à liquider, qui sont les engagements budgétaires pris par l'Union, qui n'ont pas été abondés par des crédits de paiement. Ils s'élevaient à 300 milliards d'euros à la fin de l'année 2019, soit 30 % du budget pluriannuel, alors même que 2020 constitue la dernière année du cadre financier pluriannuel.
Ce volume important d'arriérés de paiement impactera évidemment le prochain cadre financier pluriannuel, et pourrait nécessiter une augmentation des contributions des Etats-membres pour apurer les comptes. Une augmentation de notre contribution pourrait donc s'avérer plus que nécessaire.
J'en viens aux mesures inédites prises par l'Union européenne pour limiter les conséquences de la crise sanitaire et pour redresser économiquement une Europe bouleversée par la pandémie de covid-19. Fidèle à l'esprit de Jean Monnet, la Commission européenne a rapidement mobilisé l'ensemble de ses outils, juridiques comme budgétaires, pour mettre en œuvre la solidarité à l'échelle de l'Union européenne. Le premier geste fort fut l'assouplissement temporaire du régime des aides d'État. Sur les 1 900 milliards d'euros d'aides accordées par les Etats, c'est l'Allemagne qui en a distribué le plus : elle représente 52 % des aides accordées, contre 17 % seulement pour la France, et 16 % pour l'Italie. Ces aides dérogent au régime d'aides d'Etat prévu par les traités.
La Commission a ensuite activé la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité, qui entraîne la suspension temporaire des règles budgétaires. Les Etats ne sont donc plus tenus de respecter les règles budgétaires de Maastricht, sur le niveau de la dette public ou du déficit pendant la crise. Elle a également permis aux États membres de réorienter les fonds structurels qui n'avaient pas encore été utilisés, vers le financement de mesures de lutte contre la pandémie.
Les institutions européennes se sont également mobilisées. La Banque européenne d'investissement (BEI) a augmenté sa capacité d'investissement à hauteur de 200 milliards pour soutenir les petites et moyennes entreprises (PME). La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un nouveau programme d'achat de titres à hauteur de 750 milliards d'euros pour garantir le bon fonctionnement des marchés.
Lors de la réunion de l'Eurogroupe du 9 avril, plusieurs mesures fortes ont été adoptées par les États membres. Le premier est un plan de soutien aux régimes nationaux de chômage partiel grâce au mécanisme appelé SURE : l'Union européenne protège l'emploi face à la crise et empêche la réalisation d'un scénario avec de nombreux licenciements, comme c'est le cas aux Etats-Unis. Le deuxième concerne le Mécanisme européen de stabilité (MES), mobilisable à hauteur de 240 milliards d'euros sous forme de prêts accordés aux Etats-membres, à la condition que ces prêts financent des mesures en lien avec la crise sanitaire.
Après la gestion immédiate de la crise, l'Union soutient aujourd'hui la relance de l'économie européenne.
Le Président de la République et la chancelière allemande ont présenté une initiative commune qui marque un tournant dans la réponse européenne à la crise : ils proposent que 500 milliards d'euros puissent être mobilisés pour aider les pays les plus touchés par la crise sanitaire. Les dirigeants souhaitent que ces fonds puissent être financés, au moins en partie, par l'émission d'une dette commune.
Le 27 mai, la Commission européenne a été à la hauteur de cette proposition en présentant son propre plan de relance, qui reprend certains éléments de la proposition franco-allemande. La présidente von der Leyen a ainsi proposé l'émission d'une dette de 750 milliards d'euros par l'Union européenne, dont 250 milliards seraient accordés sous forme de prêts et 500 milliards sous forme de subventions en direction des pays les plus touchés par la crise. Ce plan de relance s'appuie sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) et les fonds renforceront des programmes déjà existants, comme Horizon 2020 dans le domaine de la recherche. L'Union européenne souhaite s'impliquer davantage dans le domaine de la santé, qui demeure une compétence nationale. La Commission propose ainsi de créer un nouveau programme doté de 9,5 milliards d'euros qui seraient notamment fléchés vers la prévention.
Le remboursement de cette dette ne commencerait pas avant 2028. Les modalités de remboursement ne sont pas encore tranchées, même si la Commission s'est prononcée en faveur de l'augmentation des ressources propres de l'Union européenne par l'instauration par exemple d'une taxe carbone, ou d'une taxe digitale. C'est un véritable tournant puisque la mise en œuvre de la proposition de la Commission se traduirait par des transferts budgétaires entre États‑membres. Les pays les plus touchés par la crise, comme l'Italie, recevraient des volumes de fonds sans lien avec leur poids économique. Toutefois, les négociations seront complexes, puisque certains pays sont très réticents à l'idée de transferts budgétaires entre Etats membres. Les pays dits frugaux, c'est-à-dire la Suède, les Pays-Bas, le Danemark et l'Autriche ont ainsi fait une proposition alternative à la proposition franco-allemande qui repose uniquement sur un mécanisme de prêts. Malgré cela, je salue la présentation du plan de la Commission et j'espère que ces négociations pourront aboutir avant l'été. Pour conclure, je pense qu'il est important de présenter autre chose que l'éternelle fable de la cigale et de la fourmi, qui sert trop souvent à caricaturer l'Europe, en proposant la variante européenne des trois mousquetaires : un pour tous et tous pour un. L'Europe doit être à la hauteur de la situation : le temps du chacun pour soi est terminé et la relance ne peut être qu'européenne. Je suis convaincu que l'Union vit son moment « hamiltonien », soit l'étape vers une Union davantage intégrée, qui travaille pour tous, et je ne peux que m'en féliciter.
Je remarquerai que la crise actuelle, en réduisant fortement notre produit intérieur brut (PIB), nous permet d'atteindre sans effort budgétaire supplémentaire, la cible de 0,5 % du PIB consacré à l'aide au développement. Dans une telle situation, ne faudrait-il pas penser à une croissance en valeur absolue ?
En outre, quelles seront les conséquences budgétaires du moratoire que nous appliquons sur la dette des pays en développement ?
Par ailleurs, les contributions de la France à certaines organisations internationales devront-elles croître en 2020 ? Que va-t-il se passer concernant les compétences et la gouvernance de l'OMS ?
Nous pouvons nous féliciter que les opérations de rapatriement des 190 000 Français à l'étranger aient pu se dérouler dans de bonnes conditions, même si les délais n'ont pas toujours été au rendez-vous. Enfin, il me semble fondamental qu'un plan de soutien sanitaire et social soit envisagé en faveur des Français résidant à l'étranger et que les établissements rattachés à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) bénéficient d'un plan d'aide d'urgence avec, peut-être, une avance de trésorerie et une revalorisation des aides à la scolarité.
Je pense qu'il y a une vraie réflexion à avoir, au ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et au Parlement, sur le renouvellement annoncé de la stratégie de la politique publique de l'action extérieure de l'État. C'est un véritable enjeu d'efficacité de nos politiques publiques, pas uniquement budgétaire. Il est extrêmement important de repenser l'influence de la France et sa diplomatie à l'aune de la crise, sous la forme d'une conférence extérieure de l'État.
Je voudrais évoquer l'accélération probable de la loi de programmation sur l'aide publique au développement. Parle-t-on toujours des bons indicateurs ? La cible de 0,55 point du revenu national brut (RNB) est-elle toujours pertinente ? Le sujet n'est-il pas plutôt de savoir différencier les zones les plus fragilisées pour s'y focaliser ? Alors que les enjeux se sont déplacés, il serait important que cette loi de programmation inscrive de nouveaux objectifs.
Les pays en développement, notamment les pays les plus fragiles, ont fortement sollicité le Fonds monétaire international (FMI). Dès lors, faut-il anticiper des appels de fonds plus importants de la France vers le FMI dans les prochains mois ?
Par ailleurs, notre collègue Sira Sylla a évoqué des pistes intéressantes de défiscalisation de transferts de fonds de diasporas en temps de crise et de bi-bancarisation. Que pensez-vous de ces préconisations ?
Enfin, le plan de 750 milliards d'euros de la Commission européenne aurait-il un impact sur le prélèvement sur recettes (PSR) français ? C'est une très belle avancée politique mais il faut en même temps se poser la question de l'impact budgétaire. Comment la Commission envisage-t-elle de financer le remboursement de cette nouvelle dette ? Quid de la part financée par des ressources propres ? Ne faut-il pas la rendre plus importante ? Je souhaite que des nouvelles ressources propres puissent venir couvrir la charge de la nouvelle dette européenne.
Le critère des 0,5 % est sensiblement atténué par l'effet dénominateur. La réalisation des 0,5 % se fondait sur un calcul prenant en compte une baisse de 8 % du PIB. Aujourd'hui, avec 11 % de baisse, l'atteinte de l'objectif est encore plus aisée. Cela n'a pas beaucoup de sens.
À l'évidence, il ne faut pas que, en valeur absolue, nous baissions la garde à l'égard des 19 pays prioritaires : 18 pays africains auxquels s'ajoute Haïti, et en particulier cinq pays sahéliens. Cela d'autant plus que ce ne sont pas les plus aidés dans le total de nos aides aujourd'hui. Ce sont des pays comme la Turquie, la Colombie ou le Mexique qui bénéficient des plus gros projets. Peut-être que, au sein de ces pays intermédiaires, les choses pourront évoluer, mais il ne faut pas ce soit le cas pour les pays prioritaires.
Il me semble compliqué de prendre la valeur absolue en tant que critère, car les indicateurs en pourcentage de PIB permettent des comparaisons entre pays.
Il faudra également être attentif à l'attitude des pays éligibles à l'égard du moratoire et, plus encore, de l'annulation de la dette. Il semblerait que certains pays y soient réticents en raison de ses conséquences sur leur capacité future à emprunter. Tant les impacts du moratoire et les éventuelles annulations risquent d'être moins importants que prévu. Il vaut donc mieux un moratoire, pour geler la situation : à marée basse, nous verrons alors les épaves qu'il convient d'aider.
Le coût estimé du moratoire sur les dettes est estimé à 900 millions d'euros. Ce ne sont pas des pertes mais un décalage de recettes, qui touchent plusieurs instruments : des prêts AFD, des prêts du Trésor et des prêts de la Bpi tournés vers l'exportation. L'effet budgétaire diffère selon la nature des prêts puisque seuls les prêts du Trésor sont budgétés. L'effet budgétaire pourrait ainsi être limité à 300 millions d'euros en termes maastrichtiens – avec toujours beaucoup d'incertitudes. Gardons en tête que la crise sanitaire apparaît pour le moment très atténuée en Afrique mais que la situation ne sera peut-être plus la même dans quelques mois.
La loi de programmation est sensiblement modifiée, ce qui implique de se poser la question de ses orientations, dans la mesure où l'aide alimentaire n'était pas prioritaire, sauf en situation de crise très grave, et que l'aide sanitaire était concentrée sur le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
À propos des diasporas, je voudrais rappeler qu'elles représentent, au niveau mondial, trois fois l'aide des pays développés à l'égard des pays en difficulté, avec un rapport de 450 milliards sur 150 milliards. C'est considérable. Cependant, d'après ce qui nous parvient, les diasporas enverraient moins d'argent vers leur pays d'origine, ce qui signifie non seulement moins de transferts, mais également moins d'investissements dans des activités créatrices de richesse et de valeur. Peut-être pouvons-nous imaginer des plans d'épargne retraite (PER) spéciaux destinés à la diaspora pour les inciter à investir dans leurs pays d'origine.
Les conséquences économiques de cette crise remettent en cause beaucoup de choses dans les pays concernés par l'aide et au sein des pays donateurs. Se posera également la question de la place des États-Unis et de la Chine, dont la nature des aides évolue sensiblement, puisque ni la France ni l'Europe ne sont seules à verser une aide au développement.
Concernant le FMI, nous n'avons pas encore tous les éléments. Néanmoins, du fait de la crise, certains pays risquent d'avoir du mal à rembourser leurs échéances de dette vis-à-vis du Fonds. Les pays donateurs, dont la France, pourraient les aider à régler ces échéances, mais je n'ai pas d'éléments plus précis du point de vue budgétaire.
Le prélèvement sur recettes français va augmenter, c'est presque certain. Le débat est toujours récurrent, entre ceux qui souhaitent une augmentation des ressources propres et ceux qui prônent le statu quo. Néanmoins, sans même rentrer dans ce débat, il est très probable que les contributions nationales seront amenées à augmenter : déjà, car le Royaume-Uni est sorti de l'Union européenne. Cela va avoir un impact qui ne peut être négligé. Deux pistes sont examinées pour financer la dette de 750 milliards d'euros émise par l'Union européenne : l'augmentation du prélèvement sur recettes et celle des ressources propres.
L'option des ressources propres s'accompagnerait d'une plus grande autonomie de l'Union européenne. Je souhaite que ce soit cette option qui prévale. Le budget européen est aujourd'hui largement abondé par des contributions nationales : avoir des ressources propres permettrait à l'Union d'aller bien plus loin et d'acquérir une plus grande autonomie. La Commission a notamment proposé la création d'une taxe digitale. C'est évidemment une option souhaitée par la France, puisque nous avons déjà une taxe sur les grandes entreprises du domaine du numérique. J'ajoute que le remboursement de la dette ne devrait pas intervenir avant 2028. Alors que nous sommes encore en train de travailler à un accord sur le prochain cadre financier pluriannuel qui débute l'année prochaine, cet horizon de remboursement paraît assez lointain. Même s'il est bien sûr opportun de réfléchir dès aujourd'hui au mode de financement de cet emprunt, l'horizon de 2028 nous laisse le temps de trouver d'autres ressources propres, par exemple.
Dans la période que nous connaissons, serait-il possible d'ajuster les missions du groupement d'intérêt économique Atout France afin qu'il soutienne encore plus le secteur du tourisme ?
Au moment où la France peut s'enorgueillir de son classement flatteur dans un certain nombre de palmarès internationaux mesurant le soft power ou la diplomatie d'influence, au moment où une pandémie mondiale rend plus que jamais nécessaire le multilatéralisme, l'analyse de l'exécution budgétaire 2019 de la mission Action extérieure de l'État nous interpelle.
La Cour des comptes constate en effet une baisse de 4,28 % à périmètre courant. À périmètre constant, les crédits de la mission diminuent de 5 %. Cette baisse, qui s'ajoute à celles des années précédentes, finira par avoir des conséquences irréversibles sur nos capacités diplomatiques.
En conséquence, je souhaiterais savoir si les conséquences de la crise sanitaire sur notre réseau diplomatique ont été estimées.
Beaucoup se focalisent sur le chiffre des 0,55 %, mais la future loi de programmation et le CICID de février 2018 ne fixent pas que des objectifs quantitatifs. Il s'agit également d'objectifs qualitatifs, en direction des pays prioritaires et via le don plutôt que le prêt, en faveur des secteurs sociaux. Peut-être faut-il raisonner aujourd'hui en valeur absolue et en qualité de notre aide. Or, les 1,2 milliard d'euros mobilisés dans le cadre de la crise du covid-19 sont des arbitrages et non des crédits additionnels. Cette absence d'effort supplémentaire en direction des pays les plus pauvres est-elle cohérente avec la priorité qu'il est prévu de leur accorder dans l'aide publique au développement ?
Notre réseau diplomatique et celui de l'Agence française de développement ont tenu, ne serait-ce parce que les personnes sont restées sur place, au bénéfice notamment du rapatriement de nos concitoyens.
Nous allons dépasser les 0,50 % en 2020 avec 11 % de baisse du PIB, effet statistique lié à l'évolution du dénominateur qui n'est pas satisfaisant. Pour autant, il ne faut pas abandonner les objectifs en pourcentage, qui permettent les comparaisons internationales.
1,2 milliard d'euros a effectivement été alloué pour les conséquences sanitaires et alimentaires du covid-19 – et pas uniquement pour les pays le plus pauvres. Il est exact que ce n'est qu'un redéploiement de crédits, qui a au moins eu l'avantage d'être très rapide et très agile.
Je crois qu'il faut qu'on retrouve l'intérêt d'un certain nombre de structures, qui ont le mérite d'avoir une histoire très liée à celle de la France. En particulier, certains Instituts Pasteur, qui disposent de statuts très différents puisqu'ils se sont adaptés aux pays dans lesquels ils sont implantés, ont été très actifs dans la crise sanitaire – je pense à ceux de Dakar et de Phnom Penh. Nous devons les reconnaître comme représentants de la France.
Enfin, il ne faut pas penser uniquement en termes de pourcentages, mais maintenir notre aide auprès de nos dix-neuf pays prioritaires. Notre priorité est également le bilatéral – priorité qui sera probablement entamée si nous augmentons nos contributions au FMI, à l'OMS ou à l'Alliance mondiale pour les vaccins. Enfin, notre priorité est le don, dans la mesure où il s'agit de la seule manière d'aider un certain nombre de pays très pauvres.
Les fondamentaux de l'éventuelle loi sont, en tout état de cause, revus, ce qui implique des décisions assez conséquentes.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 2 juin à 10 heures 30
Présents. - Mme Aude Bono-Vandorme, M. Fabrice Brun, M. François Cornut-Gentille, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, Mme Marie-Ange Magne, Mme Cendra Motin, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Damien Abad, M. Lénaïck Adam, Mme Émilie Bonnivard, M. David Habib, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - M. Alain David, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Dominique Potier, M. Joaquim Pueyo, M. Richard Ramos