Intervention de Marc Le Fur

Réunion du mardi 2 juin 2020 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur, rapporteur spécial :

Le critère des 0,5 % est sensiblement atténué par l'effet dénominateur. La réalisation des 0,5 % se fondait sur un calcul prenant en compte une baisse de 8 % du PIB. Aujourd'hui, avec 11 % de baisse, l'atteinte de l'objectif est encore plus aisée. Cela n'a pas beaucoup de sens.

À l'évidence, il ne faut pas que, en valeur absolue, nous baissions la garde à l'égard des 19 pays prioritaires : 18 pays africains auxquels s'ajoute Haïti, et en particulier cinq pays sahéliens. Cela d'autant plus que ce ne sont pas les plus aidés dans le total de nos aides aujourd'hui. Ce sont des pays comme la Turquie, la Colombie ou le Mexique qui bénéficient des plus gros projets. Peut-être que, au sein de ces pays intermédiaires, les choses pourront évoluer, mais il ne faut pas ce soit le cas pour les pays prioritaires.

Il me semble compliqué de prendre la valeur absolue en tant que critère, car les indicateurs en pourcentage de PIB permettent des comparaisons entre pays.

Il faudra également être attentif à l'attitude des pays éligibles à l'égard du moratoire et, plus encore, de l'annulation de la dette. Il semblerait que certains pays y soient réticents en raison de ses conséquences sur leur capacité future à emprunter. Tant les impacts du moratoire et les éventuelles annulations risquent d'être moins importants que prévu. Il vaut donc mieux un moratoire, pour geler la situation : à marée basse, nous verrons alors les épaves qu'il convient d'aider.

Le coût estimé du moratoire sur les dettes est estimé à 900 millions d'euros. Ce ne sont pas des pertes mais un décalage de recettes, qui touchent plusieurs instruments : des prêts AFD, des prêts du Trésor et des prêts de la Bpi tournés vers l'exportation. L'effet budgétaire diffère selon la nature des prêts puisque seuls les prêts du Trésor sont budgétés. L'effet budgétaire pourrait ainsi être limité à 300 millions d'euros en termes maastrichtiens – avec toujours beaucoup d'incertitudes. Gardons en tête que la crise sanitaire apparaît pour le moment très atténuée en Afrique mais que la situation ne sera peut-être plus la même dans quelques mois.

La loi de programmation est sensiblement modifiée, ce qui implique de se poser la question de ses orientations, dans la mesure où l'aide alimentaire n'était pas prioritaire, sauf en situation de crise très grave, et que l'aide sanitaire était concentrée sur le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

À propos des diasporas, je voudrais rappeler qu'elles représentent, au niveau mondial, trois fois l'aide des pays développés à l'égard des pays en difficulté, avec un rapport de 450 milliards sur 150 milliards. C'est considérable. Cependant, d'après ce qui nous parvient, les diasporas enverraient moins d'argent vers leur pays d'origine, ce qui signifie non seulement moins de transferts, mais également moins d'investissements dans des activités créatrices de richesse et de valeur. Peut-être pouvons-nous imaginer des plans d'épargne retraite (PER) spéciaux destinés à la diaspora pour les inciter à investir dans leurs pays d'origine.

Les conséquences économiques de cette crise remettent en cause beaucoup de choses dans les pays concernés par l'aide et au sein des pays donateurs. Se posera également la question de la place des États-Unis et de la Chine, dont la nature des aides évolue sensiblement, puisque ni la France ni l'Europe ne sont seules à verser une aide au développement.

Concernant le FMI, nous n'avons pas encore tous les éléments. Néanmoins, du fait de la crise, certains pays risquent d'avoir du mal à rembourser leurs échéances de dette vis-à-vis du Fonds. Les pays donateurs, dont la France, pourraient les aider à régler ces échéances, mais je n'ai pas d'éléments plus précis du point de vue budgétaire.

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