L'Europe n'a pas de compétence sanitaire. Elle a émis des recommandations relatives aux frontières intérieures et aux frontières extérieures. Elle a mis en place des Green Lanes, c'est-à-dire des voies de passage privilégiées, afin d'assurer la libre circulation des marchandises durant la période du confinement et au-delà. Il s'agissait de ravitailler la population en biens de consommation pour éviter toute rupture des chaînes d'approvisionnement.
La Commission européenne a proposé des dates de réouverture des frontières extérieures. Pour les frontières intérieures, elle a invité les États à s'accorder mais force est de constater que chacun a eu sa propre réaction. L'Espagne a reporté l'ouverture de ses frontières à fin juin, alors que les autres pays l'avaient fait plus tôt. Ces décisions échappent à la police aux frontières. Nous mettons en œuvre les mesures décidées par les autorités politiques, néanmoins, la police des frontières française a discuté avec chacun de ses partenaires. Chaque police des frontières a été avisée des mesures que nous allions prendre et réciproquement. La fermeture physique, ici ou là, d'un point de passage a été discutée. Il n'y a pas eu la cacophonie qu'on a bien voulu décrire. Nous nous sommes entendus avec nos collègues mais les décisions des autorités gouvernementales nous échappent. Les conditions d'entrée et de circulation en Espagne, en Italie ou en Allemagne ne relèvent pas de notre compétence.
Avec nos collègues allemands, nous avons mis au point une attestation commune de franchissement des frontières. Alors qu'il était prévu une autorisation pour circuler à l'intérieur du territoire français et une autre pour aller en Allemagne, soit quatre attestations, nous avons simplifié le système. Nous avons fait preuve de souplesse et d'imagination.
Une personne arrivant dans l'espace européen par un pays de la zone Schengen pour entrer en France bénéficie de la libre circulation. La première entrée se fait dans le pays concerné, à charge pour lui d'appliquer les mesures sanitaires qu'il a définies pour son territoire. Ainsi, toute personne qui franchit la frontière franco-allemande bénéficie de la libre circulation. Nous ne remettons pas en place des contrôles pour vérifier ce que font nos collègues. Le système repose sur la confiance réciproque entre les États membres.
La police aux frontières a l'habitude des épidémies en provenance d'Afrique – vous avez évoqué Ébola – ou de Chine. Nous sommes habitués à prendre des précautions pour les personnels et, en matière de procédures, à travailler aux côtés des personnels de santé que nous assistons afin que les passagers se soumettent aux déclarations et aux tests.
Depuis le 1er août 2020, environ 300 000 personnes ont été contrôlées aux frontières extérieures sur la base du protocole défini par le ministère de la santé. Cela a donné lieu à cinquante placements en quatorzaine, ce qui est très peu et ce qui signifie que la plupart des gens étaient munis de tests de moins de soixante-douze heures. Lorsqu'ils n'en avaient pas, ils étaient invités par les personnels de santé, en fonction de la catégorie dans laquelle était rangé le pays d'où ils venaient – « très rouge », « rouge » ou « vert » ‑, à s'y soumettre à l'aéroport, ce que nous vérifiions. Après quoi, l'entrée était validée. Une personne refusant le test pouvait faire l'objet d'un refus d'entrée. Cela n'a pas été le cas. Les voyageurs étaient bien préparés. Les compagnies aériennes faisaient le tri en amont. Nous avons eu soixante-seize refus ou réticences à se soumettre au test, mais globalement, les choses se sont bien passées. Nous nous attendions à bien plus d'incidents ou de difficultés.