La conduite des négociations d'accords de libre-échange bilatéraux de l'Union européenne avec près d'une douzaine de pays dans le monde est une nouvelle étape dans l'ouverture aux importations au profit des entreprises transnationales de l'industrie agroalimentaire et de la distribution. Dans ces accords globaux, le secteur agricole est clairement marginalisé et utilisé par la direction générale du commerce de la Commission européenne comme une monnaie d'échange permettant l'ouverture commerciale aux autres secteurs. Le Commissaire européen à l'agriculture, M. Phil Hogan, auditionné dans cette salle le 10 octobre 2017 sur les conséquences du CETA, en convenait très librement : « Il faut faire des compromis et des concessions en matière agricole pour que les secteurs financiers et industriels créateurs d'emplois en France comme ailleurs en Europe bénéficient également de ces accords. » De quoi justifier sans rechigner l'arrivée sans droits de douane de 50 000 tonnes supplémentaires de viande bovine canadienne et de 100 000 tonnes supplémentaires essentiellement d'origine brésilienne, dans le cadre de l'accord avec les pays du Mercosur.
Or la loi issue des États généraux de l'alimentation prévoit à son article 44 l'interdiction de proposer à la vente « des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation ». Cette interdiction devrait avoir pour conséquence directe de bannir du marché français les viandes bovines d'origine américaine (Canada, États-Unis, Brésil), toutes produites à partir d'animaux engraissés aux farines animales, aux antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance, et ne faisant l'objet d'aucune traçabilité individuelle. Pourtant, un accord avec le Mercosur interviendrait prochainement, en dépit de la publication récente par la direction générale de la santé de la Commission européenne de rapports d'audits pointant l'absence totale de garanties apportées par les services de contrôle sanitaire des viandes brésiliennes en ce qui concerne la nature des substances vétérinaires administrées aux animaux et l'utilisation de ces substances par les producteurs.
Dans le même temps, l'Union européenne négocie avec les États-Unis l'ouverture du marché européen à plusieurs dizaines de milliers de tonnes de viande américaine dans le cadre de la résolution d'un différend opposant les deux puissances sur la question de l'interdiction par l'Europe du bœuf aux hormones. C'est donc un nouvel accord qui se prépare, interdisant toujours le traitement hormonal des bovins mais n'opposant aucune restriction relative aux autres substances ou aliments pour animaux utilisés dans les élevages américains et pourtant strictement interdits au sein de l'Union européenne.
Comment le Gouvernement entend-il faire appliquer la loi française en ce qui concerne les importations de viande bovine et, plus largement, la qualité de l'alimentation proposée aux citoyens de notre pays ? Il est devenu urgent de mettre fin au temps de la communication pour laisser place aux actes. Cette nouvelle interdiction de produits issus de modes de production proscrits en Europe, inscrite dans la loi, doit être appliquée.