Intervention de Élisabeth Toutut-Picard

Réunion du jeudi 23 septembre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Toutut-Picard, députée, présidente de la commission d'enquête :

‑ Il y a beaucoup de questions et elles portent sur des thématiques extrêmement diverses. Pour tout ce qui est comité de suivi, je laisserai la rapporteure répondre.

La gouvernance territoriale est un sujet qui me semble absolument essentiel, nous l'avons vu avec la crise de la Covid. Des maires jusqu'aux présidents de conseils régionaux, tous les élus locaux ont été sollicités d'une manière différente, mais chacun a dû contribuer, parfois un peu de façon aléatoire. On a vu que ces problématiques de santé environnementale devaient être portées en relation avec le niveau national puis qu'il fallait absolument se réorganiser. La commission d'enquête a montré qu'il y avait un fort potentiel, une envie, beaucoup de démarches, beaucoup d'acteurs. Mais il manque une organisation et pour moi, c'est un point essentiel. On ne peut pas simplement faire de la politique de santé environnementale à Paris, dans les cabinets ministériels. Même avec les agences nationales, c'est insuffisant. C'est un point sur lequel je m'étais faite extrêmement insistante dans le cadre du GSE, mais également dans le cadre de la commission d'enquête.

La réponse est encore une réponse d'attente, puisque le comité d'animation des territoires que je préside, vient de commencer son activité. Il s'est réuni une fois déjà, le mois dernier, et sa mission consiste justement à faire le point sur l'état d'avancement des plans régionaux de santé environnementale (PRSE) ainsi que des contrats locaux de santé. Il s'agit de voir tout ce qui fonctionne bien, car il y a beaucoup d'initiatives extrêmement intéressantes dans les territoires dont le développement n'est pas suffisamment connu et partagé.

L'idée est non seulement de partager les idées mais aussi de se poser la question du partage des responsabilités. En effet, actuellement, les collectivités territoriales ne sont pas compétentes en matière de santé environnementale. La compétence santé est partagée entre la région, les EPCI et les communes, qui sont compétentes pour la salubrité et l'hygiène publiques, mais la santé environnementale n'est pas officialisée. C'est un premier handicap. J'espère fort qu'avec le travail engagé, il sera possible de formuler quelques propositions de modification du code rural ou du code des collectivités territoriales. Cependant, les positions sont jusqu'ici assez divergentes. Je m'en suis rendue compte dès la première réunion. Tout le monde a envie de faire de la santé environnementale, mais il faut trouver le bon échelon ou la bonne manière de partager la responsabilité. J'ai bon espoir que le comité d'animation des territoires pourra dessiner une répartition des tâches robuste en tenant compte des propositions des sénateurs qui sont au plus près des territoires, des députés ainsi que de tous les autres acteurs. Ce comité est très ouvert puisqu'il inclut même des mutuelles et des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, etc. qui ont aussi envie de donner leur avis sur la question.

Pour le moment, c'est la réponse qui a été apportée dans le cadre du PNSE 4 au problème de gouvernance territoriale, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas d'autres travaux en parallèle.

Gérard Longuet m'a posé une question personnalisée, à laquelle je vais essayer de répondre. Elle concerne les externalités positives : qu'apporte la nature à la santé ? Il est vrai qu'on aborde en général la santé environnementale sous l'angle nocif des interactions, des impacts pathogènes, mais il est clair que la nature nous apporte aussi beaucoup de bénéfices.

Une étude américaine montre que si l'on investit un dollar dans la santé environnementale, le retour sur investissement est de trois dollars. Donc investir dans tout ce qui est positif pour l'environnement a un impact favorable sur l'économie. Les interactions peuvent aller dans les deux sens, positif ou nuisible. De toute façon, sans environnement, il n'y a pas de vie pour les êtres humains : l'eau, l'air, la nourriture, d'emblée le fait que nous puissions respirer, manger et boire, est en soi une externalité positive peut être insuffisamment soulignée. On oublie qu'en fait nous dépendons complètement de notre environnement et l'OMS est en train de nous le rappeler.

La dimension européenne et internationale me parle beaucoup. Il me paraît évident qu'un certain nombre de problèmes ne peuvent pas être résolus à l'échelle de notre pays, notamment tout ce qui relève de la réglementation. Malheureusement, la réglementation, notamment en toxicologie, ne suit pas le rythme d'évolution des connaissances scientifiques. On le voit avec les perturbateurs endocriniens. On sait maintenant que la dose ne fait plus le poison, surtout pour l'exposition aux perturbateurs endocriniens. On sait que si l'organisme humain est exposé à certains moments de la vie, une dose, même très limitée, peut être extrêmement nuisible au développement. Le principe classique selon lequel « la dose fait le poison » est remis en question et il faudrait donc que l'on travaille à l'échelle européenne et internationale à une réglementation de toxicologie fondée sur des bases scientifiques solides. Cependant l'Europe de la santé n'existe pas. La direction générale de la santé de la Commission européenne se consacre aux questions de santé en lien avec l'alimentation et l'agriculture. Si l'on veut aller plus loin, il faudra réfléchir à une Europe de la santé, et mieux encore à une Europe de la santé environnementale.

Je parlais tout à l'heure des seuils toxicologiques. Les doses journalières d'exposition (DJA) posent des problèmes de fond qui m'ont tout de suite heurtée, notamment car les limites officielles d'exposition sont variables d'un pays à l'autre. Or un facteur de risque devrait avoir le même impact sur l'organisme humain. Aux Etats-Unis, les limites sont beaucoup plus rigoureuses que sur le territoire européen. C'est extrêmement préoccupant.

Au niveau européen, il faut aussi s'intéresser à la gestion des déchets. Certains produits sont interdits sur notre territoire mais nous les vendons à l'étranger. Il en est de même pour les déchets, que nous jetons largement à l'extérieur.

Donc il y a des choses à construire à l'échelon européen. On pourrait déjà s'adosser à certaines démarches, comme le Green Deal qui a été lancé pour lutter contre le réchauffement climatique, la démarche « de la ferme à la fourchette », la politique de biodiversité, etc. J'en ai déjà parlé autour de moi, et l'on va voir si cela fera partie du programme européen.

À l'échelle internationale, une démarche tripartite entre l'OMS, l'Organisation internationale du travail (OIT) et l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a été lancée par le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères pour travailler sur la santé environnementale, car la France est prête à agir.

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