Monsieur le directeur, je vous avoue que cette audition me perturbe fortement.
Lorsqu'un DPS demande à être affecté à un poste d'auxiliaire, une commission spéciale se réunit et doit rendre un avis favorable. On peut espérer que, dans le cas d'Elong Abé, des échanges eurent lieu avec la structure locale interrégionale voire nationale qui suit les détenus de la mouvance djihadiste et que les données dont disposait la direction générale de la sécurité intérieure auront été transmises. Compte tenu du profil de cet individu, je serais curieux de connaître la motivation de cet avis.
D'autre part, si j'ai bien compris, un gardien de prison a ouvert la porte d'une salle de sport pour que deux DPS s'y trouvent réunis. Or, Jean-Baptiste Peyrat, sous-directeur de la sécurité pénitentiaire, a pu écrire, pour motiver le maintien du statut de DPS de M. Pierre Alessandri, que les détenus particulièrement signalés peuvent avoir accès aux mêmes types d'activités que les autres à condition que la vigilance des personnels soit renforcée dans des opérations de contrôle interne mais aussi externe et que la réunion, dans un même lieu, de personnes détenues particulièrement signalées soit, dans la mesure du possible, limitée, notamment dans les maisons d'arrêt.
Vous avez déclaré qu'il fallait motiver la décision de maintenir un détenu sous le statut de DPS. En 2020, l'administration pénitentiaire, dans ses différentes composantes locales et régionales, s'est déclarée favorable à la radiation du répertoire des DPS de Pierre Alessandri, notamment en raison de l'évolution positive de l'intéressé, de sa réflexion sur les faits, de son investissement dans son parcours d'exécution de peine et du faible risque d'évasion. Mais le 21 février 2022, cette même administration écrit qu'en raison de l'exceptionnelle gravité des faits ayant motivé sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité prononcée en 2003 par la cour d'assises de Paris, de la nature des victimes, de l'extrême retentissement médiatique de ces faits, de son appartenance à la mouvance nationaliste corse et du trouble à l'ordre public qui pourrait découler de cette décision, sans parler du risque d'évasion, M. Pierre Alessandri doit conserver son statut de DPS. En un an, votre administration a opéré un demi-tour complet ! Comment l'expliquez-vous alors que l'exemplarité de ce prisonnier était reconnue ? S'il a commis des actes particuliers, nous devons en être informés pour ne pas céder au sentiment qu'il pourrait y avoir deux poids deux mesures. Surtout lorsque vous affirmez que l'on ne peut motiver le maintien d'un détenu sous le statut de DPS au seul motif qu'il appartiendrait à la mouvance djihadiste ! Il semble que cela ne pose pas de problème lorsqu'il s'agit d'un nationaliste corse !
D'autre part, où en est l'enquête administrative ? Je ne pense pas qu'il faudra beaucoup de temps, en effet, pour comprendre ce qui s'est passé.
J'ai rendu visite, avec Bruno Questel, à Yvan Colonna quelques jours avant son agression. Je me dois de vous répéter ses propos au sujet du fameux centre national d'évaluation, à la convocation duquel il refusait de se rendre : « Pierre Alessandri et Alain Ferrandi sont passés devant le CNE, qui a rendu un avis favorable à leur aménagement de peine. Un premier tribunal a rendu un avis favorable à un aménagement de leur peine et à leur libération mais le PNAT a fait appel pour qu'ils ne sortent pas. Jamais ils ne nous laisseront sortir. » Nous n'avons pas réussi à le convaincre du contraire.