Intervention de Bruno le Maire

Réunion du vendredi 18 mars 2022 à 11h15
Commission des affaires économiques

Bruno le Maire, ministre :

Monsieur Le Vigoureux, permettez-moi de donner quelques chiffres. Sur la base d'un carburant à 2,20 euros par litre – soit ce que nous avons connu de plus élevé, le prix étant largement redescendu depuis – les recettes de TVA supplémentaires sont estimées à 2 milliards d'euros pour un semestre. Il faut comparer ce montant aux 26 milliards de dépenses que l'État a engagées pour protéger les Français de la flambée des prix de l'électricité, du gaz et des carburants. Ceux qui disent que l'État s'en met plein les poches sont des menteurs. La démocratie ne consiste pas à raconter des mensonges pour se rendre populaire, mais à débattre avec conviction et en vérité.

En revanche, il serait bon que l'intégralité des recettes fiscales perçues sur les énergies fossiles soient affectées au financement de la transition climatique. En d'autres termes, je propose d'instaurer une dérogation à un principe fondamental pour le ministère des finances, à savoir la règle de non-affectation des recettes fiscales, dans le domaine climatique – et uniquement dans ce domaine. Il faut être cohérent ! Soit on baisse la fiscalité sur les énergies fossiles, on perd beaucoup de recettes fiscales et on se résigne à entretenir la dépendance de nos compatriotes à ces énergies ; soit on ne touche pas à cette fiscalité mais on garantit aux Français que les recettes correspondantes permettront de financer la transition climatique, l'accompagnement des ménages, le développement des énergies renouvelables et la recherche de solutions de sobriété. Je suis favorable à la seconde option.

Monsieur Zumkeller, vous avez proposé de ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable aux carburants, au gaz et à l'électricité. Nous faisons un autre choix, qui consiste à accompagner nos concitoyens et à financer toutes les mesures qui permettront aux ménages et aux entreprises de se libérer de la dépendance aux énergies fossiles.

Mme Verdier-Jouclas, Mme Bessot Ballot et d'autres m'ont interrogé sur la situation des exploitations en polyculture-élevage. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, M. Julien Denormandie, répondra mieux que moi à ces questions.

Monsieur Chassaing, certaines mesures ont déjà été prises en faveur des transporteurs. Nous continuons de discuter avec ces professionnels, qui comptent parmi les plus touchés par la flambée des prix des carburants, sur la meilleure façon de les accompagner.

Madame Batho, je souhaite lever une ambiguïté s'agissant de l'approvisionnement de notre pays en gaz et en pétrole venant de Russie. Le Président de la République a toujours été très clair : toutes les options sont sur la table ; cependant, des sanctions européennes ne peuvent être prononcées que s'il existe un consensus entre les Vingt-Sept. Des mesures ont déjà été prises à l'encontre des oligarques, s'agissant de l'exportation de divers biens vers la Russie et de l'exclusion d'un certain nombre de banques du système SWIFT. Les sanctions prononcées contre la Russie sont les plus fortes que l'Union européenne ait décidées depuis qu'elle existe. Faut-il aller plus loin et réfléchir à une interdiction de l'importation de pétrole ou de gaz russe ? Je le répète, la question reste posée, et le débat n'est pas clos. En fonction de l'évolution de la situation sur le terrain, les chefs d'État et de gouvernement décideront de mesures complémentaires. Nous ne nous contenterons pas nécessairement des sanctions déjà décidées.

Monsieur Jerretie, la question du cours de l'euro est évidemment majeure. En effet, la flambée actuelle des prix des carburants et du gaz s'explique en grande partie par la faiblesse de l'euro par rapport au dollar. Cette situation est due à la vigueur de la reprise américaine au lendemain de la crise, ainsi qu'à la récente décision de la Fed d'augmenter ses taux d'intérêt d'un quart de point, plus rapidement que la Banque centrale européenne. Mais ce que nous perdons sur le prix des importations, nous le gagnons en capacités d'exportation et en matière d'accès au crédit. Le jour où la Banque centrale européenne décidera de relever ses taux, les mêmes qui déploraient la faiblesse de l'euro regretteront que notre monnaie soit trop forte et qu'il soit difficile d'emprunter. Il y a donc un équilibre à trouver. Cela dit, vous avez raison sur le fait que le cours actuel de l'euro par rapport au dollar joue beaucoup dans l'appréciation des prix à la pompe pour nos compatriotes, dans la mesure où il renchérit le coût des importations.

Madame David, nous prolongerons au-delà du 31 mars 2022 le dispositif Cap Francexport de réassurance publique pour permettre aux exportateurs français de continuer à bénéficier des couvertures lorsque les assureurs-crédit privés souhaitent les réduire.

Monsieur Serva, le prix des carburants est toujours plus élevé en outre-mer qu'en métropole, mais le plan de résilience comprend des mesures visant précisément à protéger les outre‑mer dans ce domaine. Nous sommes particulièrement sensibilisés à ce sujet et restons très vigilants.

Monsieur Labaronne, la France s'est engagée à apporter à l'Ukraine un soutien total de 1,2 milliard d'euros. Aux 300 millions que vous avez mentionnés s'ajoutent les aides de l'Agence française de développement, des garanties à l'export et des prêts du Trésor.

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