Je suis le fondateur de Soben, une entreprise installée à Cahors. Nous avons deux activités : la première spécialisée dans le militaire et l'aéronautique et la seconde dans la robotique, avec des produits commercialisés sous la marque TwinswHeel. Il s'agit de petits véhicules de livraison autonomes. Visant plusieurs corps de métiers, nous avons développé plusieurs tailles de robots.
Les plus petits sont destinés aux personnes handicapées ou âgées. Le véhicule comporte deux modes d'autonomie. En mode suiveur, il va être capable d'accompagner l'utilisateur en portant ses courses ; il peut aussi fonctionner de façon totalement autonome afin de se déplacer en milieu inconnu. Le deuxième modèle est un peu plus gros. Il a vocation à assister des professionnels faisant des interventions en centre-ville, par exemple des artisans, en portant des charges à leur place. Le dernier modèle est plus volumineux et permet d'effectuer des livraisons autonomes, par exemple des colis de sandwiches sur des campus universitaires ou du réapprovisionnement de magasin. L'idée est ici de trouver une solution pour pallier la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) qui chassent les camions en dehors des villes. Je tiens à souligner qu'il est effectivement difficile de financer les robots à destination des personnes âgées et handicapées. C'est la raison pour laquelle certains marchés sont abordés en commun afin de développer des briques technologiques transférables vers des marchés de niche, moins facilement finançables.
Le premier robot, le ciTHy S, mesure 80 centimètres de long et peut porter jusqu'à 50 kg. Les marchandises sont fixées sur le toit. Nous l'utilisons principalement dans des petits villages du Sud de la France. Le département ou l'Union européenne nous permettent de le financer. Disponible sur réservation, le robot accompagnera la personne bénéficiaire dans le magasin afin de porter les courses à sa place et de lui faire retrouver une certaine mobilité. Dans le cas où les personnes ne peuvent plus sortir, des partenariats vont être tissés entre les commerces de proximité et les aides à domicile, qui vont aider les personnes âgées ou handicapées à passer commande. Celle-ci sera livrée par le robot devant leur domicile. Ces machines réduisent la pénibilité des usagers et sont adaptées aux usages de publics particuliers que nous connaissons peu.
Les véhicules que nous développons sont encore à l'état de prototype ou de présérie. Nous commençons tout juste à produire les premières séries. Puisqu'il s'agit de véhicules autonomes, l'autorisation de mise sur le marché arrivera à la fin de l'année 2023. Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement afin de mettre au point la réglementation. Cela se passe très bien. Nous avons développé toutes les technologies nécessaires en interne, à l'instar de Google ou Tesla.
Il existe néanmoins plusieurs obstacles. S'il n'est pas trop difficile de financer la R&D grâce aux concours de la région Occitanie, de l'État à travers la BPI et l'Ademe, et de l'Europe, il l'est beaucoup plus de trouver des financements privés. Les acteurs ne considèrent pas que l'objectif de proposer des produits rendant un véritable service soit rentable. Les sociétés de capital risque rechignent à financer du hardware, avec lequel il est irréaliste d'envisager une rentabilité de plus de 15-20 %, ils préfèrent se tourner vers le numérique. D'autre part, le montant des aides est limité à la moitié des fonds propres des entreprises alors que les besoins capitalistiques sont énormes. Nous avons donc besoin d'aides publiques massives. Nos pairs considèrent que notre société est la troisième ou quatrième plus avancée au monde dans le domaine du véhicule autonome. Cependant, là où nos concurrents chinois et américains lèvent des milliards d'euros, nous devons faire avec nos petits moyens. L'État doit choisir quelques entreprises et y investir massivement. Il y a tous les outils pour réussir.