Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 27 janvier 2022 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • prothèse
  • technologie
  • technologique

La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 27 janvier 2022

La réunion est ouverte à 9 h 40.

Audition publique sur les progrès récents des technologies au service de la prise en charge du handicap (Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure)

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– Chers amis, je vous souhaite la bienvenue à cette audition publique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui portera sur les progrès récents des technologies au service de la prise en charge du handicap et qui sera organisée autour de trois tables rondes.

Qu'il soit visible ou invisible, mental ou moteur, le handicap pose de nombreuses questions. Il concerne toute personne incapable d'accomplir des actions aisément réalisables par le plus grand nombre. Certains des objets présents dans notre environnement ont d'abord été développés à destination des personnes en situation de handicap. Souvent mis en scène par la science-fiction, les progrès technologiques constituent désormais une réalité forte et apportent aux personnes concernées une aide souvent personnalisée. L'Office a déjà travaillé sur ce thème. En 2008, la députée Bérangère Poletti, présentait un rapport sur les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap. C'était un rapport optimiste quant aux progrès du numérique, de la domotique, de la robotique et des interfaces cerveau-machine. On imaginait déjà la fin des handicaps sensoriels, particulièrement celui de la surdité profonde.

Plus d'une décennie plus tard, plusieurs questions se posent. Ces espoirs étaient-ils justifiés ? Les technologies mises en avant à l'époque ont-elles tenu leurs promesses ? Quels nouveaux outils les progrès techniques ont-ils permis d'imaginer ? Peut-on démêler ce qui relève de la réalité ou de la science-fiction ? À quel point le numérique a-t-il été utile aux personnes en situation de handicap ? Les neurotechnologies, dont nous parlait la semaine dernière notre collègue Patrick Hetzel, peuvent-elles compenser le handicap ?

Cette audition ne pourra pas prétendre à l'exhaustivité mais se focalisera sur des exemples de technologies et de handicaps. Au cours de la première table ronde, nous examinerons l'apport de la science et de la technique à la compensation des handicaps sensoriels et moteurs. Dans la deuxième, il sera question des handicaps mentaux et cognitifs. Enfin, la troisième s'intéressera à la diffusion du progrès technique vers les personnes qui en ont besoin et à leur prise en charge par la société. Se poseront également des questions économiques : les personnes en situation de handicap sont souvent confrontées à la précarité, car les outils techniques peuvent avoir un coût important. Comment concilier des exigences potentiellement contradictoires ?

Sous l'impulsion de notre collègue députée Huguette Tiegna, l'Office s'est saisi de ce dossier dans un objectif résolument prospectif. Il a toute légitimité à le faire car la prise en charge du handicap est un sujet mêlant à la fois sciences, technologies et société, c'est donc un sujet politique dans son acception la plus large.

* * *

Première table ronde : Les technologies au service des handicaps sensoriels et moteurs (présidence de Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure)

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Je remercie le président et le bureau de l'Office de m'avoir donné la possibilité de porter ce sujet.

La première table ronde s'intéresse aux handicaps sensoriels et moteurs ainsi qu'aux technologies mises en œuvre pour les compenser ou porter assistance aux personnes qui en sont atteintes. Plusieurs questions se posent. Durant cette dernière décennie, quelles solutions ont émergé ? Quels progrès technologiques les ont permises ? Ont-ils eu des conséquences sur l'accessibilité aux aides concernant les personnes en situation de handicap ? Quelles sont les limites de la technologie dans ce domaine ? Si l'objectif est principalement de parler du handicap, nous imaginons que certains outils seraient utiles aussi dans la perspective du vieillissement de la population et de la perte d'autonomie.

Afin de dresser un panorama du handicap et des besoins des personnes concernées, nous avons invité le professeur David Orlikowski qui dirige le Centre d'investigation clinique – Innovation technologique (CIC-IT) de Garches. Si les formes les plus prononcées du handicap sont connues, d'autres, bien que plus légères, nécessitent une compensation technologique. Le docteur Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision, qui a succédé à ce poste au professeur José-Alain Sahel, membre du conseil scientifique de l'Office, présentera les innovations de l'Institut dans le domaine de la cécité. Les prothèses rétiniennes ont fait sa renommée. Elles continuent d'être un moteur d'innovation en démontrant la faisabilité d'une restauration de la vision à l'aide des biotechnologies. M. Ludovic Saint-Bauzel, chercheur à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique, présentera ensuite les technologies d'aide au lever et à la marche sur lesquelles il travaille. Il proposera un aperçu des technologies qui sont à l'étude au sein de la communauté scientifique contribuant à la Fédération pour la recherche sur le handicap et l'autonomie (FEDRHA), dont il est membre référent.

Trois entreprises privées participent cette table ronde. Elles présenteront le parcours d'un projet de recherche et développement innovant ayant trait à la compensation du handicap. Le point de vue du secteur privé complètera utilement les présentations précédentes et permettra de dégager des axes d'amélioration spécifiques à ces secteurs. Nous écouterons successivement M. Jean-Louis Constanza, fondateur et directeur de l'entreprise Wandercraft qui est leader dans la production d'exosquelettes, M. David Gouaillier, directeur de la société Orthopus qui réalise des assistants robotiques pour la mobilité des bras, et M. Benjamin Talon, président de l'entreprise Soben qui conçoit des assistants robotiques autonomes.

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David Orlikowski, médecin, directeur du Centre d'investigation clinique – Innovation technologique de Garches

– Je vais vous présenter les différents types de handicap, essentiellement les handicaps moteurs. J'introduirai ensuite les technologies développées par mes collègues.

Légalement, « constitue un handicap toute limitation d'activité ou de restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, c'est-à-dire une déficience, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de la santé invalidant ». Selon les chiffres de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), 4,3 millions personnes seraient concernées par un handicap au sens large : une limitation fonctionnelle, un handicap ressenti ou une reconnaissance administrative. 730 000 personnes auraient au moins trois déficiences. Nous distinguerons le handicap moteur (le plus visible), le handicap visuel, le handicap auditif et les handicaps que je qualifie de « mentaux » relatifs aux troubles psychiques ou cognitifs.

La motricité est la fonction générale relative au maintien de la posture et à la production de mouvements volontaires, automatiques ou réflexes. La déficience motrice se définit donc comme l'altération ou la perte de la structure d'une fonction physiologique ou anatomique. Elle résulte de l'atteinte du système nerveux central, c'est-à-dire l'encéphale et la moelle épinière, ou du système nerveux périphérique, c'est-à-dire de toutes les structures qui vont de la moelle épinière aux organes. Elle peut enfin être la conséquence de l'altération des muscles ou du squelette.

La déficience motrice d'origine cérébrale peut être liée à des lésions cérébrales très précoces ou à des atteintes plus tardives, le plus souvent acquises (traumatismes crâniens, infections, AVC, maladies inflammatoires ou encore tumeurs). Généralement, elle n'est pas évolutive et atteint la commande de la régulation nerveuse. Elle entraîne des perturbations du tonus musculaire, de la régulation automatique des mouvements et de leur commande volontaire. La déficience motrice d'origine médullaire peut être d'origine congénitale ou acquise. Elle va empêcher la conduction de l'influx nerveux au niveau central, que ce soit la transmission de l'information motrice ou la remontée des informations sensitives. Elle provoque des paralysies flasques ou spastiques avec de possibles retentissements tels que des rétractions musculaires ; elle provoque aussi des atteintes sensitives, des troubles sphinctériens, des difficultés d'adaptation ou encore une fragilité osseuse. D'autres complications organiques peuvent donc se surajouter. La déficience d'origine neuromusculaire est due à des maladies généralement évolutives et le plus souvent d'origine génétique. Elles peuvent toucher la corne antérieure de la moelle épinière, le nerf périphérique, la synapse entre le nerf et le muscle et la fibre musculaire. Ceci entraîne une diminution progressive de la force contractile des muscles et une paralysie, en général progressive. La déficience motrice d'origine ostéo-articulaire est due à une amputation, une malformation, une fragilité particulière des os, des lésions rhumatismales ou encore des lésions infectieuses. Elle entraîne une diminution de la mobilité des mouvements qui peut s'accompagner de douleurs.

Ces handicaps moteurs peuvent être associés à des complications neurologiques, comme l'épilepsie, respiratoires, urologiques, digestives mais aussi neuropsychologiques avec une altération des fonctions cognitives, et éventuellement à des troubles psychoaffectifs, par exemple des états dépressifs, liés au retentissement du handicap sur la vie de la personne.

Je ne vais pas insister sur le handicap visuel. Il est défini par deux critères objectifs qui sont l'acuité visuelle et le champ visuel. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) distingue cinq catégories de déficience visuelle qui vont de la cécité totale à la déficience visuelle légère. En France, une personne est considérée comme malvoyante quand son acuité visuelle est inférieure à 4/10. Elle est considérée comme aveugle si son acuité visuelle est inférieure à 1/20.

En matière de handicap auditif, il faut distinguer plusieurs types de surdité : la surdité de transmission, qui est une atteinte des parties effectrices qui conduisent les ondes sonores, comme le conduit auditif externe, et la surdité de perception où l'organe même de l'audition – le récepteur – est touché. D'autres types de surdité, telles les surdités mixtes liées à une atteinte centrale, sont beaucoup plus rares. C'est pourquoi l'on distingue quatre types de handicap en fonction du niveau de surdité : de légère à profonde. Même pour cette dernière, il existe actuellement des solutions techniques qui permettent de restaurer une perception sonore suffisante. On connaît depuis longtemps l'usage du sonotone en cas de surdité légère.

Je parlerai peu des handicaps mentaux. Ils peuvent être la conséquence d'une déficience intellectuelle, psychique ou cognitive. Ici aussi, la technologie peut être utile.

Ces handicaps sont divers et parfois associés. Durant cette décennie, des sauts technologiques ont permis d'améliorer la quantité et la qualité des aides qui existent. C'est le cas en matière de mobilité avec l'apparition des exosquelettes sur le marché. Il y a quelques années, ceux-ci étaient encore considérés comme relevant du domaine de la fiction. Nous pouvons aussi citer l'existence de bras robotisés destinés à assurer la fonction du membre supérieur, celle des prothèses myoélectriques pour les patients amputés, qui réussissent à restaurer une motricité extrêmement fine des membres, et celle de fauteuils performants dotés de nombreuses fonctions, telles que le franchissement de trottoirs. Sont également apparus de nombreux systèmes de communication grâce à des interfaces cerveau-machine. Enfin, des progrès ont été réalisés en matière de systèmes de ventilation pour compenser les déficiences respiratoires ainsi que pour des systèmes de mobilité inclusive. Je laisserai mes collègues vous détailler plus finement ces innovations.

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Je vais vous présenter le travail réalisé à l'Institut de la vision. Celui-ci fait partie de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) FOREsIGHT dirigé par le professeur José-Alain Sahel. Son objectif en matière de compensation du handicap est la restauration visuelle. Il s'agit de redonner une vision utile à des patients devenus aveugles. À l'Institut de la vision, les actions menées sont multiples, notamment la recherche d'une meilleure prévention des maladies. En effet, s'il est très souhaitable de pouvoir redonner la vue à des patients aveugles, il est tout aussi important de préserver la vision des personnes en bonne santé. Différentes approches thérapeutiques ont été testées à l'Institut. Des maladies complexes ou monogéniques et héréditaires peuvent y être traitées dès qu'elles débutent, par exemple via une thérapie génique pour les maladies héréditaires. Mis au point par une start‑up créée par l'Institut, un traitement fait actuellement l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM). Nous pouvons aussi intervenir dans le processus neurodégénératif grâce à des thérapies indépendantes du gène ou via la thérapie cellulaire. Ce matin, je parlerai surtout de la possibilité de redonner une vision utile à un patient atteint de cécité en utilisant une prothèse rétinienne ou la thérapie optogénétique. Dans les différents projets menés par l'IHU, un partenaire industriel a permis le transfert en clinique.

La rétine se situe au fond de l'œil et elle contient plusieurs couches de cellules : les photorécepteurs et les autres neurones. Certaines pathologies entrainent la dégénérescence des premiers. De ce fait, la rétine ne reçoit plus d'informations visuelles et ne peut donc pas les transmettre au cerveau. L'idée est d'introduire une puce électronique contenant des photorécepteurs électroniques sensibles dans l'infrarouge. La prothèse rétinienne devra générer au moins 600 pixels, donc comporter 600 photorécepteurs ou électrodes, pour que le patient aveugle reconnaisse un visage. L'Institut a participé au développement d'une puce électronique. Son efficacité est démontrée sur l'animal, particulièrement sur les primates non humains. Ce dispositif contient 378 photorécepteurs électroniques sensibles dans l'infrarouge. Il est placé au niveau de la lésion rétinienne d'un patient victime d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge, qui n'a plus qu'une vision périphérique de très basse acuité – par exemple, il ne peut pas lire des lettres. Une barre supportant une caméra est fixée devant les lunettes que porte le patient. Derrière elles, du côté de l'œil, un dispositif projette une image infrarouge sur la rétine, donc sur la puce électronique. Grâce à cet ensemble, les patients sont à nouveau capables de lire des lettres et même des mots. Ils récupèrent une acuité visuelle comprise entre 20/460e et 20/565e et sont proches du seuil où l'on est considéré comme voyant. L'intérêt de ce dispositif est que le patient peut fusionner sa vision prothétique infrarouge avec sa vision périphérique naturelle. La difficulté est que les photorécepteurs électroniques sur cet implant mesurent chacun 100 micromètres alors que les récepteurs rétiniens mesurent 1 micromètre. Ce facteur 100 entre les photorécepteurs naturels et électroniques explique que nous n'arrivions pas à la même qualité que la vision naturelle. C'est la raison du développement de la thérapie optogénétique.

Certaines algues unicellulaires produisent une protéine sensible à la lumière. L'idée est d'introduire le code génétique de cette protéine dans un vecteur viral qui est injecté dans l'œil et qui le diffuse vers la rétine qui tapisse le fond de l'œil. Les neurones vont capter le code génétique de la protéine et l'exprimer. Les cellules de la rétine vont ainsi devenir sensibles à la lumière. Nous avons mis au point cette technologie en ciblant les cellules dites ganglionnaires, c'est-à-dire celles qui sont connectées au cerveau. Le patient va pouvoir retrouver une perception visuelle puisque ses cellules rétiniennes sont désormais photosensibles. Il va devoir cependant porter une paire de lunettes avec, à l'avant, une caméra et, à l'arrière, un projecteur en lumière rouge correspondant à la gamme de la sensibilité des protéines. L'optogénétique a révolutionné le domaine des neurosciences. En France, un patient a déjà été traité par cette technologie. Il est capable de reconnaître des petits objets et de les saisir. Nous avons donc réussi à redonner la vision à des patients atteint de dégénérescence maculaire liée à l'âge ou de rétinopathie diabétique.

Pour l'Institut, le prochain défi est de redonner la vue à des patients perdant les cellules ganglionnaires. Si l'on veut restaurer une vision utile, il faut alors directement interagir avec les neurones au niveau du cortex visuel. En Espagne, une équipe a montré que l'on peut insérer des électrodes dans celui-ci. Si certaines sont stimulées, le patient sera capable de distinguer divers éléments. Les approches de restauration visuelle au niveau cortical se développent. Il y a néanmoins une difficulté avec les électrodes situées dans le cerveau : peu à peu, le frottement détériore le contact. Nous avons donc essayé une approche sans contact en recourant à des protéines sensibles aux ultrasons. Elles sont exprimées dans les neurones afin de stimuler le cerveau avec des ondes ultrasonores. Nous avons prouvé l'efficacité de cette approche sur un modèle de souris et nous passerons bientôt à des modèles plus proches de l'homme tels les primates.

Nous travaillons enfin sur plusieurs stratégies de compensation du handicap. Citons la navigation GPS, les systèmes de casque immersif qui améliorent la perception des images et différentes applications visant à aider des patients malvoyants ou aveugles. L'objectif est de conférer un caractère inclusif aux Jeux olympiques 2024 en les y intégrant. L'évaluation de ces dispositifs est faite par l'entreprise Streetlab.

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Ludovic Saint-Bauzel, chercheur à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique

Je suis chercheur à l'Institut des Systèmes Intelligents et de Robotiques (ISIR), un laboratoire de Sorbonne Université labellisé par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Je suis aussi ici au titre de membre actif de la Fédération pour la recherche sur le handicap et l'autonomie (FEDRHA). Il s'agit d'un réseau d'une quarantaine de laboratoires de recherche, en France et à l'étranger, principalement au Canada, qui considèrent qu'il faut s'inscrire dans une approche pluridisciplinaire pour améliorer la situation des personnes handicapées. Le réseau réunit des chercheurs spécialisés aussi bien en technologies qu'en sciences humaines, sociales et médicales. Afin de vous présenter les technologies de compensation du handicap de manière pertinente, au-delà du domaine des aides au lever et à la marche qui est le mien, je me suis fixé deux objectifs. Le premier est de vous parler des briques technologiques principales, c'est-à-dire des innovations techniques et en matière de recherche, qui ont pu être utilisées durant les dix dernières années. Le second est de citer des entreprises françaises dans ces domaines car nous n'avons pas à rougir des technologies développées.

Beaucoup de choses sont devenues possibles grâce aux avancées théoriques. Durant les dix dernières années, il a été démontré que l'automatique, qui est la mathématique appliquée au pilotage des systèmes mécatroniques, offrait un niveau de sécurité acceptable. Dès 2010, des robots pouvaient frapper une personne sans faire de dégât. Avec les capacités actuelles de calcul, on sait désormais faire tenir debout un humanoïde doté d'un nombre restreint de capteurs. Ces découvertes mathématiques ont peut-être permis de produire certaines solutions techniques actuelles. Enfin, il faut mentionner le développement considérable de l'intelligence artificielle (IA). Je la nomme souvent « modélisation computationnelle » : il s'agit de l'utilisation de logiciels modélisant l'humain ou différentes situations.

Si la télécommande a d'abord été inventée pour des personnes à mobilité réduite et a finalement conquis le grand public, la tendance des dix dernières années a été inverse : la massification des technologies a permis d'en développer plusieurs intéressant les personnes en situation de handicap. Par l'effet de la réduction des coûts, elles deviennent accessibles financièrement. La multiplication des trottinettes électriques a demandé de développer des moteurs plus compacts, dotés de systèmes intelligents de pilotage des efforts. La diffusion exponentielle des smartphones a rendu possible la diffusion de capteurs à bas coût, très compacts et consommant peu d'énergie. Ce sont les microsystèmes électromécaniques (MEMS) parmi lesquels nous pouvons citer l'unité de mesure inertielle (IMU – inertial measurement unit ) qui va mesurer l'orientation d'un corps dans l'espace, mais aussi les capteurs de force sans fil, tactiles. L'autre apport des smartphones réside dans les communications sans fil (3G, 4G, 5G, Bluetooth et RFID). De manière surprenante, il faut ajouter à cette liste les consoles de jeux car elles ont favorisé l'émergence des capteurs en trois dimensions (3D), vecteurs de nouvelles immersions comme l'illustre la caméra Kinect développée pour la console de jeux XBOX. Nous avons réussi à les détourner de leur usage pour en faire des technologies de rééducation ou de captation de mouvement. Le développement des lasers 3D (LIDAR – light detection and ranging ) n'est pas en reste.

Considérons la dernière brique technologique réellement utilisée par les personnes en situation de handicap : l'impression 3D. Actuellement, on peut produire des pièces en plastique de la forme désirée à partir d'un simple plan 3D sur un ordinateur. C'est une technologie ancienne qui s'est démocratisée grâce au mouvement des fab labs. Elle est appuyée par une vision communautaire Do It Yourself. Cette combinaison de facteurs permet la mise en open source de tels plans afin que d'autres utilisateurs puissent les retravailler. Ce phénomène a favorisé la création de My Human Kit, association française dont l'objectif est de mettre en ligne des plans de prothèses. Évidemment, il s'agit de « fait maison » et non d'un processus industriel. Cette association est née après qu'en 2013, un docteur en génie aérospatial a utilisé ses compétences et l'impression 3D pour réaliser une prothèse bionique à destination d'un enfant de 6 ans.

Ce genre de technique permet aussi de personnaliser la réponse technique au handicap, qui est toujours spécifique à chaque personne, alors que l'industrie cherche à produire des solutions génériques. Les progrès technologiques doivent développer des approches incluant une part de personnalisation, à laquelle je crois beaucoup. Cette idée de spécialisation peut créer des opportunités et ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises et aux innovateurs. Ainsi, Exoneo, une société française, développe actuellement une prothèse de pied avec une dimension personnalisable grâce à l'impression 3D. Sur un autre plan, l'information délivrée par une caméra 3D est un nuage de points qui permet de visualiser des personnes ou des obstacles. Nous pouvons l'utiliser pour une rééducation ou un accompagnement, par exemple pour le guidage ou le suivi de personnes souffrant de déficiences visuelles. Plus largement, ces capteurs permettent de faire de la domotique de manière performante, complétés par les technologies sans fil comme le Bluetooth. Si le grand public les considère comme des futilités, la dimension pratique de ces technologies est très utile, voire indispensable pour la compensation des handicaps moteurs, visuels ou sensitifs. Plus récents, les assistants de reconnaissance vocale sont des instruments très efficaces pour aider ces personnes. Des algorithmes puissants sont capables de piloter entièrement la maison sans que l'utilisateur ait besoin de bouger. Il suffit de pouvoir parler.

En matière d'automatique, on est désormais capable d'effectuer des calculs de l'équilibre de systèmes bipèdes. Les méthodes tendent à mieux comprendre les besoins des usagers, et l'approche de plus en plus centrée sur l'usager est mise à profit dans les développements. Gyrolift et Autonomad, deux entreprises françaises, ont développé des techniques d'équilibre sur deux roues. La première a conçu un fauteuil qui ne comporte que deux roues et qui accepte la position assise et la position debout. Le fauteuil imaginé par l'entreprise Autonomad dispose quant à lui d'un mode « nomade ». Il s'agit d'un dispositif de bascule sur les roues arrière permettant de s'adapter à des environnements difficiles. Disposer de moteurs sophistiqués et de systèmes automatiques capables de comprendre l'intention de la personne dans le mouvement et de mesurer les efforts exercés permet à la société Orthopus de proposer des solutions de réduction des déficiences motrices qui ne sont pas au stade des hémiplégies ou paraplégies.

Je me suis également intéressé à la recherche sur les exosquelettes. Elle s'est développée dans les années 1970. Avec le projet de recherche militaire Hardiman, on a construit des exosquelettes complets pouvant aider les personnes à saisir des objets et à tenir debout. Cependant, les moteurs restaient extrêmement volumineux. Les progrès réalisés dans ce domaine et dans ceux des batteries et des capteurs ont permis l'évolution que vous pouvez constater et ils permettront de développer des prothèses. Dans un souci de transparence, je tiens à préciser que le déambulateur produit par l'entreprise Géma, évoqué précédemment, est issu de mes travaux de recherche. Sa présidente directrice générale, Mme Viviane Pasqui, était ma directrice de thèse. Je n'ai plus de contact direct avec cette entreprise mais précise que c'est grâce aux capteurs et moteurs compacts que nous avons pu développer ces technologies. Je ne développerai pas davantage ce propos pour des raisons évidentes de neutralité.

Je souhaite attirer votre attention sur le rôle de l'IA dans la prise en charge du handicap. En l'état de l'art, l'IA est importante mais n'est pas la solution miracle à tous les problèmes. Elle repose sur des algorithmes cherchant à établir des règles. Notre capacité de stockage permet une collecte presque illimitée des données de manière à en retirer des enseignements précis mais généraux sur l'environnement de la personne. Or le handicap est spécifique à chaque personne – il est rarement total, il subsiste des résidus de mobilité ou de sensibilité – et tout le jeu technologique consiste à conserver une adaptation maximum au cas d'espèce, alors que l'IA ne sera pas suffisante. Je veux rappeler au public que si elle offre une belle promesse, elle n'est pas une boîte noire magique qui résoudra toutes les situations.

Si mon propos n'était pas exhaustif, il convient de souligner que les recherches participatives évoquées précédemment constituent une opportunité. Elles permettent une intégration du patient grâce à la personnalisation. Des recherches en sciences humaines et sociales s'intéressent d'ailleurs au rôle de patient-expert qu'endossent les personnes en situation de handicap, qui deviennent ainsi presque chefs de projet. La majorité des projets et produits que je vous ai présentés sont issus de la recherche académique. Celle-ci demeure le trait d'union qui va permettre le développement technologique de demain. Nos chercheurs sont tous experts en leur domaine et dialoguent avec les entrepreneurs. Malgré son importance cruciale, le quotidien académique n'est pas toujours enviable. Il mériterait d'être amélioré. Je pourrai proposer au législateur mon rapport d'étonnement pendant la phase de débat. Si nous voulons innover, il faut y mettre l'énergie nécessaire.

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Jean-Louis Constanza, fondateur et directeur du développement de Wandercraft

– L'histoire de la société Wandercraft commence avec mon jeune fils, atteint d'une pathologie neurologique. Lorsque je lui ai offert son premier fauteuil roulant, connaissant ma qualité d'ingénieur, il m'a suggéré de lui fabriquer un robot. La marche est un Graal en ce domaine car elle est l'un des phénomènes les plus complexes à reproduire en robotique. Rien ne laissait penser qu'il irait à l'université debout quelques années plus tard. Incapable de répondre à sa demande, j'ai eu la chance de rencontrer deux jeunes polytechniciens dont l'un était dans la même situation que moi. Ils avaient développé un ensemble de technologies s'appuyant sur des briques mathématiques et technologiques afin de fabriquer le premier exosquelette auto-équilibré. Autrement dit, le dispositif pouvait tenir debout et fournir une fonction de locomotion sans béquille et sans aide extérieure.

Je vais expliciter l'activité de Wandercraft et en tirer des idées qui pourraient inspirer vos travaux. Aujourd'hui, nous sommes considérés comme ayant trois à cinq ans d'avance sur l'industrie en ce qui concerne la fabrication de ce type de robot auto-équilibré. L'effectif de l'entreprise est de 95, dont 55 en recherche et développement (R&D) avec une part importante de mathématiciens du plus haut niveau mondial et des roboticiens.

Notre premier modèle d'exosquelette a obtenu une certification CE il y a deux ans et il est maintenant distribué dans les hôpitaux, dont ceux de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (APHP) et notamment celui de Garches. Il semble pouvoir fournir un outil de rééducation à la marche pour les patients victimes d'un AVC, d'une blessure de la moelle épinière ou d'une maladie neurologique. Un des acheteurs de cet exosquelette, le professeur Jean Michel Gracies, chef du service de rééducation neurolocomotrice de l'hôpital Albert-Chenevier (Henri-Mondor) de l'APHP l'explique très bien dans cette vidéo : « C'est le premier exosquelette mondial qui fonctionne sans que le patient ait besoin de canne. Il est auto-équilibré. L'ingénierie de cet exosquelette était de mettre le patient dans un robot humanoïde. Nous pouvons proposer la rééducation à la marche par ce dispositif à des tétraplégiques, à des parkinsoniens lourds et à des hémiparétiques très lourds au début de leur évolution. C'est une rééducation à la marche qui aura aussi l'avantage d'être une rééducation à la verticalité. L'un des gros problèmes de nos patients lourds, avec des maladies neurologiques avancées, est qu'ils passent de nombreuses heures en position horizontale. Cette position est très délétère pour à peu près tous les tissus du corps humain. Nous ferons une série d'études cliniques sur différents organes, qui seront menées à l'hôpital Albert-Chenevier, en comparant des patients qui auront bénéficié de l'exosquelette et ceux, malheureusement, qui n'en auront pas profité. » Malgré son caractère massif, ce dispositif permet à un patient même lourdement atteint, même très tôt après un AVC, de retrouver dès la première séance une position verticale en travaillant son équilibre et son système neuromusculaire. Unique en son genre, cet outil permet aux kinésithérapeutes et aux médecins de multiplier leurs compétences. Nous travaillons sur une deuxième version qui pourra assister, dès leur sortie de l'hôpital, les patients encore convalescents. L'exosquelette, beaucoup plus fin et agile, sera à même de gérer toutes les situations rencontrées sur un chemin de vie du matin au soir. La commercialisation de l'exosquelette en version « rééducation » démarre bien. Nous testerons cette année la dernière version du prototype d'exosquelette personnel avant d'envisager des essais cliniques à grande échelle aux États-Unis et, je l'espère, en France.

Je vais aussi faire quelques observations sur certains des sujets traités par le professeur Orlikowski. Aborder la mobilité pose la question du fauteuil roulant. S'il ne constitue pas une malédiction, il a des limites dont les utilisateurs voudront s'affranchir. Il peut entrainer des complications ; ce sont des maladies souvent graves de type cardiovasculaire ou cutané, fragilité osseuse ou spasticité, qui obligent l'usager à prendre des médicaments coûteux et risqués. La littérature médicale a pourtant prouvé que certaines d'entre elles sont curables par une activité quotidienne type exosquelette. Les autres devront l'être. Soulignons à nouveau l'importance de la « qualité de vie », terme usité pour parler du bonheur des individus. Elle est liée à l'inclusion qui, définie comme la capacité du patient à avoir des interactions sociales, a une valeur particulière. Une des premières fonctionnalités plébiscitées par les intéressés est celle qui permettrait de reprendre une vie normale, par exemple pour une jeune victime d'un grave accident, de pouvoir retourner à des fêtes et danser un verre à la main. Donc, l'approche de la technologie développée dans l'exosquelette sera très simple. Le cas de Kevin, notre pilote d'essai totalement paraplégique, en est une belle illustration. Il est capable de réaliser toutes les tâches imposées de la vie quotidienne avec un grand souci du détail, y compris faire la cuisine ou porter un plateau. Notre vie est faite de détails, tel que le fait de pouvoir se rapprocher d'une table une fois assis. Sur le plan robotique et mathématique, l'exécution de ces actions n'est pas complexe mais elle constitue un apport indispensable pour la qualité de vie des patients. Toutes les fonctionnalités de cet exosquelette personnel ont déjà été démontrées sur une version professionnelle réservée aux hôpitaux. Nous travaillons pour nos proches. Des millions d'individus sont dans leur situation et ont besoin d'un secours. Avec cette réalisation, nous avons démontré que nous sommes à la hauteur de cette tâche. Nous avons construit une maîtrise unique des algorithmes et de l'IA avec les meilleurs laboratoires spécialisés dans la commande de la marche, dont l'ISIR. Nous avons aussi travaillé avec les meilleures équipes médicales en France et aux États-Unis. Je vais me servir de cette histoire pour conclure en évoquant ce qu'il est nécessaire et ce qu'il est possible de faire.

En France, nous avons des forces certaines. Le terreau scientifique, particulièrement mathématique, est du plus haut niveau. Il faudrait le développer en prenant garde à ne pas l'abîmer. De surcroît, les équipes médicales sont extrêmement compétentes. Wandercraft a également pris en compte la réglementation dès le début en la considérant comme un outil et non comme une contrainte. Cette précaution nous a permis de mener des études cliniques et d'obtenir des autorisations sans difficulté. Nous considérons que la lourdeur de la réglementation reste nécessaire car l'on ne peut pas mettre n'importe quel produit entre les mains d'une population vulnérable. Enfin nous avons accès à des financements même pour des projets de long terme, depuis dix ans. Un bon projet peut trouver un financement en France.

Concernant ses faiblesses, il faut se souvenir que la France reste un petit marché. L'entreprise doit rapidement devenir mondiale. À défaut, elle n'atteindra pas les objectifs de qualité et de coût qui lui permettront d'être concurrentielle et donc de servir le marché français. Il s'agit plus d'une contrainte qu'une faiblesse mais c'est un fait. L'écosystème national de production s'est évanoui ces trente dernières années. La solution de facilité serait d'aller en Asie et de faire fabriquer nos produits sur place pour les exporter dans le monde. Ce n'est pas une bonne chose pour de multiples raisons. La production reste un facteur majeur car si nous voulons que cet exosquelette soit à la portée de tout le monde, il est impératif qu'il ne dépasse pas les coûts d'un fauteuil roulant électrique haut de gamme. Il s'agit du premier robot marcheur au monde à atteindre le stade commercial. Il est impératif que notre système de production national soit efficace. Ceci nécessitera encore des efforts. Je dirais que notre « équipe de France » n'est pas complètement formée. Nous sommes capables de travailler avec des chercheurs et des médecins du meilleur niveau mondial, mais la production fait défaut. Nous tentons de mettre en place une synergie entre les pouvoirs publics, le système de santé, les payeurs et la technologie, tout en défendant notre production, mais ce n'est pas simple. Enfin, voyageant partout dans le monde, je peux affirmer que nous avons une conscience collective du handicap qui est encore assez faible par rapport à l'étranger.

En 2021, le juge fédéral allemand a ainsi décidé que la capacité à marcher des personnes est dorénavant considérée comme un droit. Ce droit implique de rendre, par tous les moyens technologiques disponibles, la locomotion à ceux qui ne l'ont plus. Les exosquelettes utilisés pour l'usage personnel dans la vie quotidienne vont donc être remboursés par le système allemand de sécurité sociale. L'idée est intéressante. Les fonctions permettant de marcher, voir, écrire, et interagir socialement sont pour moi des droits fondamentaux. Ils deviennent concrets grâce à la science qui permet de les émuler, de les restituer. Mais notre société, le corps médical, l'administration, les scientifiques, les ingénieurs, les Français en général, ne sont pas encore conscients que si quelqu'un fait le choix de sortir de son fauteuil roulant, pour quelques heures ou pour toute la journée, il en a le droit et on doit lui en donner les moyens.

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- Merci pour cette présentation qui ouvre de belles perspectives et qui souligne à juste titre l'importance de reconnaître un « droit de marcher ».

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David Gouaillier, directeur d'Orthopus

– Je suis David Gouailler, titulaire d'un doctorat en robotique et cofondateur de la société Aldebaran Robotics et j'ai réalisé ma thèse sur la conception du robot humanoïde NAO. Passionné par le mouvement, j'ai cherché à maîtriser la locomotion de cet automate. Pendant des années, j'ai également essayé de dupliquer l'Homme sur un robot, avec plus ou moins de succès. Sur ce sujet, il convient de saluer les avancées de Wandercraft. Par la suite, ces savoirs technologiques ont été mis au service de ma recherche de sens. La volonté de réparer l'Homme s'inscrit dans cette perspective et la raison d'être du projet Orthopus est d'user de la technologie dans cette direction.

Basés à Nantes, nous développons des dispositifs médicaux robotiques et nous faisons de l'innovation au service des personnes en situations de handicap, même s'il y a d'autres marchés possibles pour nos produits. Nous travaillons sur des exosquelettes destinés à des patients victimes de maladies neuromusculaires et dont la faiblesse musculaire ne leur permet pas de soulever les bras trop longtemps. Société titulaire de l'agrément « Entreprise solidaire d'utilité sociale » (ESUS), nous nous inscrivons dans l'économie sociale et solidaire. Le coût est notre problématique principale. Aujourd'hui, accéder à des technologies innovantes est très cher. En France, la lente évolution des systèmes de remboursement est un frein. Ceci crée des difficultés en matière d'autonomie de la personne handicapée. La mission d'Orthopus est d'essayer de changer un peu les choses, en travaillant sur la réduction du prix et sur leur transparence, qui doit remplacer l'opacité. Nous voulons remettre les patients au centre du dispositif et faire de l'innovation. Nous nous inspirons des fab labs, de l' open source et de l'impression 3D.

Dans la gamme de produits que nous développons, la clé est le « muscle artificiel ». La problématique est d'arriver à compenser la faiblesse du muscle humain avec de la technologie robotique. Celle-ci est assez mature pour les membres supérieurs, mais son usage reste compliqué pour les jambes, car la locomotion implique beaucoup de stabilité. Le procédé adéquat existe. Il est issu du milieu de la cobotique, le milieu industriel mettant en coopération hommes et robots, par exemple pour de la manutention dans les chaines d'assemblage. La difficulté est de ramener ce savoir-faire technologique sur un marché de niche. Sur cette base, Orthopus a développé sa propre brique technologique, le muscle artificiel pour le membre supérieur, et elle est déjà dupliquée sur plusieurs aides. En effet, nous nous adaptons à la spécificité de chaque situation de handicap. C'est la fonction de notre premier robot, le Supporter. Il s'agit d'un moteur qui aide l'usager à aller contre la gravité en annulant le poids du bras. Nous allons ensuite complexifier la robotique afin de compenser de plus en plus de handicaps. C'est à cette fin que nous avons construit l'Explorer, un bras robotique posé sur le fauteuil qui permet d'interagir avec l'environnement de la personne.

Ces produits existent déjà. Nous travaillons également à maintenir un prix attractif en proposant cette technologie sur d'autres marchés. Certains partenaires peuvent être intéressés par le moteur et décider de s'implanter sur un autre marché. Ceci permettra de générer un effet de volume sur le marché du handicap, qui reste un marché de niche difficile à financer. Nous allons bientôt proposer à la vente notre premier produit en travaillant avec des acteurs locaux tel le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, mais aussi avec Garches. Nous proposons donc un produit moins cher car nous ne le limitons pas au marché du handicap.

Concernant l'innovation, comme je le disais précédemment, la cobotique constitue un marché important où nous pouvons trouver de nombreux financements. L'intelligence artificielle qui y est développée est de type reptilien, c'est-à-dire que la technologie utilise les réflexes musculaires pour percevoir l'environnement et interagir avec lui. Grâce à cela, on pourra créer des exosquelettes directement commandés par l'intention de l'utilisateur et non par des boutons électriques. Par ailleurs, afin de mettre l'utilisateur au centre et de lutter contre l'opacité, nos prix et nos coûts sont transparents et affichés sur le site internet.

Nous menons une politique d'appropriation importante vis-à-vis du design produit. Les designs, utilisés pour recréer l'univers des nombreux enfants avec qui nous travaillons sont en accès libre afin que les communautés se les approprient. Nous n'avons pas le temps nécessaire pour tous les traiter. Orthopus collabore également avec les acteurs académiques. Les chercheurs vont donc aussi pouvoir bénéficier de cette aide, la moins chère du marché, et vont la faire évoluer vers de nouveaux usages. Nous sommes le premier acteur français à proposer cette technologie. Sur cette courte vidéo, vous pouvez voir que nos deux patients, Pierre et Timao, arrivent à bouger les bras alors qu'ils ne pouvaient effectuer aucun mouvement sans aide technique. Ce sont les premiers prototypes qui les aident à se mouvoir, qui leur donnent de l'autonomie. Ils sont personnalisables selon l'univers de l'enfant. Cette approche innovante fonctionne bien.

Concernant les forces et faiblesses du secteur, le niveau scientifique français est un de nos principaux atouts. Il est aisé de recruter des ingénieurs, des roboticiens, des docteurs ou des doctorants. Sur ces projets qui portent du sens, comme chez Wandercraft ou Orthopus, il est facile de trouver des partenaires et des laboratoires de recherches qui s'investissent, même sur leur temps libre. Les équipes médicales sont d'un niveau satisfaisant. La dimension réglementaire, lorsqu'elle est prise en considération assez tôt, n'est pas gênante malgré certaines lourdeurs. Les difficultés concernent surtout le financement. En France, il est compliqué de travailler sur des projets gourmands en capitaux avec une start-up se positionnant sur un marché de niche. Les fonds d'investissement attendent une rentabilité trop importante à court terme : ils ne s'intéressent donc pas au marché du handicap et préfèrent le numérique.

Enfin, le fonctionnement du système français de prise en charge est obscur. La France est très organisée avec un système fondé sur une liste de produits et prestations remboursables (LPP ou LPPR) mais la procédure et les critères pour y inscrire une nouvelle technologie ne sont pas clairs. Orthopus propose un dispositif qui coûte 4 000 euros, qui est fabriqué en France et qui est moins cher que des matériels équivalents fabriqués à l'étranger, mais qui n'est pas inscrit à la LPPR, alors qu'un dispositif proposé par un groupe allemand est pris en charge à hauteur de 25 000 euros. Il est difficile d'échanger directement avec l'ANSM et nous sommes obligés d'adhérer au SNITEM pour obtenir des informations. Il est également difficile de savoir qui sont les acteurs et la prise en charge se fait au niveau départemental : les aides techniques que peut apporter Orthopus peuvent être couvertes par la prestation de compensation du handicap (PCH) auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). J'aimerais contribuer à lever ces freins. Le réseau Envie Autonomie, qui propose des aides de seconde main à la location et à la vente, et avec qui nous serons certainement amenés à travailler puisque les patients évoluent et que nous devrons leur proposer d'autres solutions, a réussi à faire inscrire dans la loi la possibilité d'apposer le marquage CE sur des aides de seconde main. La situation peut donc évoluer, mais la tâche n'est pas aisée car cela passe par un lobbying quasi politique donc chronophage.

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Merci d'avoir ainsi souligné les faiblesses de notre système. C'est justement le rôle de l'Office de proposer d'améliorer la prise en charge des techniques innovantes. Pour clore cette première table ronde, je donne la parole à M. Benjamin Talon.

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Benjamin Talon, président de Soben

Je suis le fondateur de Soben, une entreprise installée à Cahors. Nous avons deux activités : la première spécialisée dans le militaire et l'aéronautique et la seconde dans la robotique, avec des produits commercialisés sous la marque TwinswHeel. Il s'agit de petits véhicules de livraison autonomes. Visant plusieurs corps de métiers, nous avons développé plusieurs tailles de robots.

Les plus petits sont destinés aux personnes handicapées ou âgées. Le véhicule comporte deux modes d'autonomie. En mode suiveur, il va être capable d'accompagner l'utilisateur en portant ses courses ; il peut aussi fonctionner de façon totalement autonome afin de se déplacer en milieu inconnu. Le deuxième modèle est un peu plus gros. Il a vocation à assister des professionnels faisant des interventions en centre-ville, par exemple des artisans, en portant des charges à leur place. Le dernier modèle est plus volumineux et permet d'effectuer des livraisons autonomes, par exemple des colis de sandwiches sur des campus universitaires ou du réapprovisionnement de magasin. L'idée est ici de trouver une solution pour pallier la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) qui chassent les camions en dehors des villes. Je tiens à souligner qu'il est effectivement difficile de financer les robots à destination des personnes âgées et handicapées. C'est la raison pour laquelle certains marchés sont abordés en commun afin de développer des briques technologiques transférables vers des marchés de niche, moins facilement finançables.

Le premier robot, le ciTHy S, mesure 80 centimètres de long et peut porter jusqu'à 50 kg. Les marchandises sont fixées sur le toit. Nous l'utilisons principalement dans des petits villages du Sud de la France. Le département ou l'Union européenne nous permettent de le financer. Disponible sur réservation, le robot accompagnera la personne bénéficiaire dans le magasin afin de porter les courses à sa place et de lui faire retrouver une certaine mobilité. Dans le cas où les personnes ne peuvent plus sortir, des partenariats vont être tissés entre les commerces de proximité et les aides à domicile, qui vont aider les personnes âgées ou handicapées à passer commande. Celle-ci sera livrée par le robot devant leur domicile. Ces machines réduisent la pénibilité des usagers et sont adaptées aux usages de publics particuliers que nous connaissons peu.

Les véhicules que nous développons sont encore à l'état de prototype ou de présérie. Nous commençons tout juste à produire les premières séries. Puisqu'il s'agit de véhicules autonomes, l'autorisation de mise sur le marché arrivera à la fin de l'année 2023. Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement afin de mettre au point la réglementation. Cela se passe très bien. Nous avons développé toutes les technologies nécessaires en interne, à l'instar de Google ou Tesla.

Il existe néanmoins plusieurs obstacles. S'il n'est pas trop difficile de financer la R&D grâce aux concours de la région Occitanie, de l'État à travers la BPI et l'Ademe, et de l'Europe, il l'est beaucoup plus de trouver des financements privés. Les acteurs ne considèrent pas que l'objectif de proposer des produits rendant un véritable service soit rentable. Les sociétés de capital risque rechignent à financer du hardware, avec lequel il est irréaliste d'envisager une rentabilité de plus de 15-20 %, ils préfèrent se tourner vers le numérique. D'autre part, le montant des aides est limité à la moitié des fonds propres des entreprises alors que les besoins capitalistiques sont énormes. Nous avons donc besoin d'aides publiques massives. Nos pairs considèrent que notre société est la troisième ou quatrième plus avancée au monde dans le domaine du véhicule autonome. Cependant, là où nos concurrents chinois et américains lèvent des milliards d'euros, nous devons faire avec nos petits moyens. L'État doit choisir quelques entreprises et y investir massivement. Il y a tous les outils pour réussir.

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Merci M. Talon. Nous allons maintenant prendre quelques minutes afin de répondre aux questions des parlementaires et des internautes.

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Michelle Meunier, sénatrice

Un grand merci pour cette table ronde et pour les interventions très complémentaires des uns et des autres. Je décerne une mention particulière, peut-être un peu chauvine, à la société nantaise Orthopus pour son remarquable travail.

Je m'exprime en ma qualité de parlementaire, mais aussi en tant qu'ancienne éducatrice auprès de très jeunes enfants aveugles ou déficients visuels atteints de polyhandicap. Il faut faire preuve d'humanité afin de ne pas réduire le jeune enfant à son mal. Les parents n'y réussissent pas toujours. Dans vos recherches et vos développements techniques, j'ai toujours vu cette dimension humaine. Cela est essentiel car les aides techniques ne sont faites qu'au nom de celle ou celui qui en aura l'usage et qui pourra grâce à elles évoluer dans la société. Je vous remercie et je vous encourage à poursuivre dans cette voie .

J'ai cru comprendre que M. Saint-Bauzel était en mesure de nous indiquer des points d'étonnement pour aller plus loin. Les parlementaires ont déjà étudié certains aspects financiers. La dernière intervention concernait la diminution d'un remboursement de fauteuil pour des handicapés moteurs via un référentiel, une nomenclature très structurée. La question de l'égal accès aux aides techniques se posait donc. Les parlementaires ont besoin de vos éclairages ; je serais donc curieuse de prendre connaissance de quelques aspects de ce rapport d'étonnement.

J'ai aussi une question sur le polyhandicap. Les technologies innovantes apportent-elles des perspectives aux personnes atteintes de surdicécité, association d'une déficience auditive grave et d'une déficience visuelle grave ?

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Ces patients sont par exemple atteints du syndrome de Usher : ils deviennent sourds puis aveugles. Il existe des appareillages au niveau cochléaire qui, s'ils sont implantés suffisamment tôt, peuvent redonner une perception auditive permettant de suivre une conversation téléphonique. Les travaux que nous réalisons sur la vision devraient leur être utiles. Nos travaux visent aussi à la préservation de la vision car l'idéal serait de la conserver ou du moins, de la prolonger le plus longtemps possible.

Je tiens à ajouter que nous observons depuis vingt ans une hémorragie du nombre de chercheurs académiques. Beaucoup créent des entreprises car le monde académique joue un vrai rôle dans le développement économique, mais il faudrait casser cette tendance et inverser la courbe pour continuer à stimuler l'innovation. Les chercheurs du secteur public partant à la retraite sont remplacés mais il n'en va pas de même pour ceux qui décèdent prématurément ou migrent vers le secteur privé. Les emplois publics ne sont pas renouvelés. Il faut faire cesser cette hémorragie. Je lance donc un cri d'alarme : si l'on souhaite que notre pays voie encore des chercheurs académiques créer des entreprises et y exercer, il faut créer de nouveaux postes académiques et recruter pour eux.

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Ludovic Saint-Bauzel, chercheur à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique

J'abonde en ce sens. J'ai commencé à exercer mon métier de chercheur il y a 15 ans et je le vois comme un métier de la créativité. Les choix politiques actuels vont à l'encontre de la créativité car nous savons que le stress, la réduction du temps et le manque de moyens freinent la création. Si je devais citer trois points, je dirais en premier lieu que la compétence des chercheurs technologiques est mal utilisée car ils disposent de moins en moins de temps. Les chercheurs sont soumis à une forte contrainte administrative, traduite par la pratique omniprésente du reporting, qui s'ajoute à l'obligation de publication. Publier et rendre compte de nos travaux : c'est une double peine. À l'époque, j'avais vu mon directeur de laboratoire passer une partie de son temps à faire de la communication de données alors qu'il était l'un des plus grands experts mondiaux de la prévention et de l'équilibre des systèmes. Son temps aurait pu être mieux employé.

Par ailleurs, le pouvoir d'achat a beaucoup baissé ces dernières années, à cause de la stagnation des rémunérations. Je vois mes collègues perdre du temps à accomplir des heures supplémentaires ou de l'expertise au lieu de faire de la recherche, afin de compenser ces pertes financières – il faut dire que le salaire du chercheur dans le monde académique est devenu équivalent à celui d'une secrétaire dans le secteur privé en région parisienne. S'ils sont intéressants en matière de compétitivité, je trouve que les appels à projets sont néfastes pour les idées. En effet, ils encouragent les effets de mode – on voit actuellement l'effet d'entrainement de l'IA via les référencements – et tout le monde travaille alors dans le même sens. C'est la mort de la créativité.

Je vais essayer de répondre à la question des ressources. Je travaille dans un laboratoire reconnu. Pour cinquante permanents et plus de cent cinquante projets portés par un nombre équivalent de docteurs ou de doctorants, il compte trois ingénieurs, qui sont les personnes qui nous aident à produire nos idées. Pour faire un parallèle avec le monde politique, c'est l'équivalent de trois attachés parlementaires pour cinquante élus. J'ai trois à cinq jours de travail en commun par an avec ces ingénieurs. Le secteur privé cherche justement à débaucher nos permanents ; il est évidemment intéressé par un ingénieur ayant travaillé sur cent cinquante projets de recherche en six ans dans un laboratoire de haute technologie. Or, ce sont les permanents seuls qui nous garantissent une certaine sécurité dans la durée, une certaine pérennité des compétences. C'est ceci le principal élément de mon « rapport d'étonnement ». Un de mes collègues affirmait d'ailleurs sur le ton de l'humour que la recherche consiste à utiliser de l'argent pour créer des idées là où l'innovation industrielle utilise les idées que la recherche a développées pour créer de l'argent. Enfin, si nous pouvons accompagner la création d'entreprise, cela suppose d'abandonner nos collègues. C'est un problème, surtout dans le secteur des technologies où nous manquons de main d'œuvre.

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Est-ce que la mise en réseau en matière de recherche pourrait augmenter la qualité des outils développés et réduire les coûts de développement des technologies liées à la réduction du handicap ?

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Ludovic Saint-Bauzel, chercheur à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique

Comme le montrent les salaires pratiqués dans le système académique, celui-ci est moins cher que d'autres pour produire. La mise en réseau permet le développement de nouvelles technologies par les rencontres qu'elle favorise, mais j'ignore si elle a un effet sur les coûts. À un moment, le partage atteint sa limite.

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David Gouaillier, directeur d'Orthopus

Docteur moi-même, j'ai naturellement une sensibilité particulière à la mise en réseau, même si je sais que tout le monde n'est pas dans cet état d'esprit. Nous travaillons en réseau avec des laboratoires et, pour ce qui est des coûts, c'est certainement avantageux. D'une part, j'apprécie travailler avec des doctorants en convention Cifre avec l'Agence nationale de la recherche et de la technologie (ANRT). Leur prise en charge par l'État évite de trop débourser. D'autre part, le coût de mon laboratoire est avantageux. Dans ma situation, ces deux éléments font tout l'intérêt de la mise en réseau. J'ai aussi l'opportunité de travailler avec des ingénieurs très qualifiés ainsi qu'avec les Instituts de recherche technologique (IRT) Jules Vernes. Ce sont des structures fondées par de grands groupes qui nous permettent d'avoir accès aux plans de financement de la BPI accessibles dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir (PIA).

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Je vais maintenant poser une série de questions auxquelles vous pourrez apporter des réponses précises, mais assez brèves.

En réaction à la présentation du professeur Orlikowski, certains handicaps sont difficiles à classer ; dans le domaine du polyhandicap, on voit des pathologies variées, parfois mal identifiées et souvent invisibles. Elles méritent tout autant qu'une aide active soit apportée par la société aux personnes qui en ont besoin, que ce soit sur un plan technique ou sur un plan social. Peut-on parler de ces handicaps, qui n'entrent pas dans le cadre très structuré avec lequel vous avez posé le débat ?

Les opérations que monsieur Picaud a présentées sont impressionnantes. Qu'impliquent-elles en matière de préparation des patients ? Que peut-on dire sur les phénomènes d'adaptation et de plasticité cérébrale mis en œuvre ? Quelles sont les variations en fonction de l'âge et de l'apprentissage ?

Voici une question qui s'adresse à tous les intervenants : Nous avons beaucoup parlé de l'assistance aux actions du quotidien. À ce titre, la démonstration de Wandercraft était très impressionnante. Y a-t-il d'autres objectifs à rechercher en matière de compensation du handicap, par exemple en termes de réalisation personnelle, artistique, sportive, professionnelle ? J'ai pris connaissance avec intérêt – et étonnement – du Cécifoot où des personnes non-voyantes peuvent participent à des parties de football à l'aide de certains dispositifs technologiques. Que peut-on dire sur ce genre de recherches ?

Dans mon environnement professionnel, j'ai été en contact avec plusieurs mathématiciens aveugles, tel Emmanuel Giroux, professeur à l'École normale supérieure de Lyon. Son insertion dans la vie professionnelle a été bouleversée par deux innovations. La première a été l'apparition des réglettes en braille qui permettent de faire instantanément la connexion entre le toucher et l'interface électronique. Ceci permet de lire des courriels sans difficultés. La deuxième est l'apparition des logiciels ad hoc dans le monde mathématique, qui codent les formules par un système entièrement alphanumérique. Ils permettent de lire directement à travers la réglette braille, ce qui est une aide extraordinaire pour un mathématicien atteint de cécité. Ce type d'innovation a un impact majeur et n'entre pas directement dans le champ de l'innovation technologique biomédicale. Certains d'entre vous ont-ils des commentaires sur ces développements ?

À l'INRIA, j'ai vu des expériences d'apprentissage de commande par la pensée, d'un drone notamment, et ce, avec un mécanisme d'apprentissage automatique au niveau de l'outil et un apprentissage mettant un jeu des mécanismes de plasticité du cerveau du côté de l'utilisateur. Ces expériences étaient menées dans l'objectif de développer des applications très recherchées pour des personnes paralysées. Où en sont ce genre de travaux ?

L'actualité récente a fait état d'un ingénieur dont le travail est la construction de prothèses low tech. En l'espèce, il s'agissait d'une prothèse adaptée pour un enfant, fabriquée en LEGO® car celui-ci avait des difficultés avec les prothèses commerciales. D'après ce que j'ai saisi, des professionnels sont capables de fabriquer des prothèses sur mesure grâce à l'impression 3D. Peut-on considérer qu'un avenir commun est possible entre la low tech, utilisant des matériaux issus de la grande distribution, et la high tech ? Ou cette dernière va-t-elle remplacer la première en investissant dans des segments de coûts très bas et sur une personnalisation forte ?

Concernant l'articulation du secteur public et du secteur privé, vous avez insisté à la fois sur la fuite du public vers le privé et sur la grande difficulté à lever des fonds privés. Peut-on élucider ce paradoxe ?

Je rappelle, à titre d'anecdote, que c'est le physicien Leo Szilard qui, dans une nouvelle de science-fiction intitulée La fondation Mark Gable, a imaginé un processus de ralentissement de la recherche scientifique ; cette nouvelle a connu une certaine notoriété lorsque le débat public s'est porté sur la place de l'ANR dans le financement de la recherche.

Enfin, le crédit d'impôt recherche est-il un instrument mobilisable dans le domaine qui vous intéresse ? Certaines entreprises représentées autour de cette table ont-elles pu en bénéficier ? Il s'agit d'un sujet de débat récurrent et sensible, et le crédit d'impôt recherche concerne d'ailleurs plus le développement que la recherche à proprement parler.

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David Orlikowski, médecin, directeur du Centre d'investigation clinique – Innovation technologique de Garches

Pour ce qui concerne le positionnement des polyhandicaps dans la classification que j'ai présentée, je note qu'il y a en général un handicap qui prédomine, même dans le cadre des handicaps moteur : une personne hémiplégique peut avoir des problèmes cognitifs ou un paraplégique des escarres ou des troubles sphinctériens. Du point de vue de la recherche, le polyhandicap n'est pas facile à identifier et à classer car son évaluation est très compliquée. À mon avis, c'est une situation limite s'agissant des innovations qui pourront être proposées, sauf dans les cas les plus simples. Nous travaillons sur le sujet avec la Fondation Anne de Gaulle qui a un projet autour du handicap cognitif. Le questionnement porte sur le choix des outils qui permettraient d'évaluer le bénéfice des innovations dans ces populations. Il appelle de nombreuses recherches.

Je rappelle que les BCI (interfaces cerveau-machine) existent depuis les années 1960. Néanmoins, leur utilisation en vie quotidienne rencontre encore des limitations d'ordre technique. À l'instar des exosquelettes, l'on peut espérer que les progrès récents liés aux électrodes et à l'IA réduiront rapidement ces limitations. Nous avions travaillé sur un logiciel d'écriture par la pensée mais l'efficacité de cette technologie reste inférieure aux aides de dictée chez le patient handicapé. Nous espérons une évolution dans les prochaines années.

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Je vais réagir sur l'articulation entre secteur public et secteur privé. Le rôle d'un laboratoire académique est avant tout de développer des innovations technologiques afin de démontrer leur efficacité et leur intérêt. Pour ce qui nous concerne, il s'agit de modèles expérimentaux voire animaux. Le secteur privé est dans une perspective différente puisqu'il doit industrialiser un processus. Dans le laboratoire académique, les méthodes sont quasi artisanales. À titre d'exemple, le mode de préparation des vecteurs viraux pour la thérapie génique est très différent de celui utilisé pour l'industrialisation, où des cellules d'insectes sont utilisées à la place de cellules humaines. L'industrialisation n'intéresse pas le chercheur ; cette phase doit être développée dans l'entreprise privée. De plus, les chercheurs ne peuvent pas traiter la dimension réglementaire de l'industrialisation. Les rôles sont donc différents et impliquent que les laboratoires transférent l'innovation à une société qui va en faire un produit commercial et industriel acceptable d'un point de vue clinique.

Toutes les technologies de restauration de la vision sont entrées dans des phases cliniques, particulièrement les prothèses rétiniennes destinées aux patients atteints de dégénérescence maculaire liées à l'âge (DMLA). Il est cependant dommage que toutes les autres prothèses aient été retirées du marché ; la prothèse de Pixium est la seule qui soit en essai clinique. Tous les patients victimes de pathologies héréditaires sont donc en attente de prothèse. Nous pourrions aussi penser à recourir à un forfait innovation pour accélérer la démonstration d'un intérêt thérapeutique à leur endroit.

S'agissant du processus d'adaptation, les malades ne recouvrent pas immédiatement la vue après la pose de la prothèse rétinienne, car le cerveau s'est habitué à considérer toutes les informations de cet ordre comme inutiles. Il faut lui « réapprendre » l'inverse. Une étude sur les prothèses américaines de la société Argus 2, depuis retirées du marché, a démontré qu'au bout d'un an la stimulation de l'œil avec un flash lumineux provoque une activation du cortex visuel bien plus importante qu'avant la pose de la prothèse. Le patient s'est donc adapté.

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Pourquoi ces prothèses Argus 2 ont-elles été retirées du marché ?

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Il s'agissait de prothèses comportant 60 électrodes dont parfois très peu fonctionnaient et la perception visuelle était nettement moins bonne que celle permise par les implants « PRIMA » de la société Pixium Vision. Argus 2 s'est rendu compte qu'elle ne serait pas longtemps compétitive. Elle s'est donc recentrée sur des prothèses corticales alors qu'elle avait déjà implanté des prothèses rétiniennes sur plus de 350 personnes de par le monde. Nous pouvons raisonnablement penser que Pixium Vision deviendra leader mondial dans le domaine une fois qu'elle aura obtenu l'autorisation de mise sur le marché pour son produit.

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Quel type d'opération chirurgicale le patient bénéficiant de cette technologie devra-t-il subir ?

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

L'opération chirurgicale est assez simple car la prothèse est une petite plaque de silicium qui va être glissée sous la rétine. Il suffit de pratiquer une petite incision dans l'œil de manière à pouvoir glisser l'implant sous la rétine. L'opération, ne dure qu'une heure ou deux. Le patient doit ensuite porter une paire de lunettes projetant l'image infrarouge ; la difficulté est donc de réapprendre à voir avec ce dispositif.

La thérapie optogénétique peut faire espérer aux patients une meilleure acuité visuelle mais cette technique est toujours au stade des essais cliniques. Actuellement, la recherche tente de développer davantage l'acuité visuelle offerte par les prothèses, avec des techniques différentes.

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Jean-Louis Constanza, fondateur et directeur du développement de Wandercraft

Je veux souligner le courage et la force des soignants. Le métier est extrêmement éprouvant car il consiste à faire le meilleur pour un patient, en soins souvent critiques, en étant parfois contraint de lui annoncer qu'il ne verra ou ne marchera plus. Ceci est très dur, même après vingt ans de pratique. Avec une telle technologie, ils sont confrontés à des ingénieurs affirmant que cette issue n'est pas forcément inéluctable. Certains praticiens refusent de l'admettre et demeurent dans l'ancien modèle. D'autres réussissent à adapter leur pratique sans faire de fausse promesse au patient. Même s'ils sont parfois réticents, les médecins nous accompagnent. Il faut respecter le projet de vie des patients sans leur faire nourrir des chimères.

Nous retrouvons cette problématique dans de nombreuses thérapies concernant, par exemple, la moelle épinière ou les maladies neurodégénératives. Félicitons chaleureusement nos équipes médicales d'être capables de gérer cette transition qui révolutionne aussi la pratique médicale.

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Il est de notre devoir de chercheur et de clinicien de communiquer aux patients les informations relatives au développement de ces technologies. Chacun en pense ensuite ce qu'il veut.

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Ici je parle en tant qu'homme politique. Vous avez certainement raison sur le fait que la transparence est nécessaire mais le faux espoir peut être très dur. Tout dépend de la façon de communiquer. De grandes entreprises américaines ont annoncé détenir un ordinateur quantique extraordinaire bien que l'existence de ceux-ci relève d'une perspective lointaine. Nous pouvons imaginer que certains ne se gêneront pas pour faire des promesses mirobolantes en fonction des recettes qu'ils voudront capter. Je ne pense évidemment pas à l'Institut de la vision mais à d'autres structures pour lesquelles je ne me fais pas d'illusion.

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David Orlikowski, médecin, directeur du Centre d'investigation clinique – Innovation technologique de Garches

La communication est effectivement la problématique du moment : il faut uniquement annoncer des avancées réelles, sous peine de susciter des faux espoirs.

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Ludovic Saint-Bauzel, chercheur à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique

Cet aspect est primordial car nous décevrions alors les patients, même si nos technologies sont testées. Je suis d'ailleurs inquiet car nous sommes incités à communiquer davantage afin d'être plus visibles. Bien qu'à la pointe du domaine, notre travail déçoit des patients qui, influencés par des informations médiatiques tronquées, attendaient davantage. Il faut donc être attentif à sa réputation. Nous prenons un risque sociétal.

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David Orlikowski, médecin, directeur du Centre d'investigation clinique – Innovation technologique de Garches

Trop de produits n'accèdent pas au marché. Le transfert de la technologie du laboratoire à la production industrielle et finalement au marché est vital. Cela nécessite une évaluation et une prise en charge efficaces.

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Jean-Louis Constanza, fondateur et directeur du développement de Wandercraft

Beaucoup d'entreprises de technologies profondes (deep tech) font de la science. Cette nécessité crée de la valeur pour tous les intervenants de la chaîne, de la recherche en amont jusqu'au développement technologique en aval. Les publications de Wandercraft sont parfois reconnues dans les grands congrès. Actuellement, nous employons quatre ingénieurs en thèse qui vont publier des travaux très avancés sur la locomotion, l'équilibre et la marche. Cela nous permet d'avoir un dialogue d'égal à égal avec les très grands laboratoires. Il est donc très important d'encourager les ingénieurs à réaliser une thèse. C'est ici que le crédit d'impôt recherche prend tout son sens. Google a commencé ainsi.

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Les collaborations entre les entreprises et les petites structures publiques de recherche sont importantes car elles vont permettre à ces dernières de bénéficier du crédit d'impôt recherche. Or, il est intéressant pour les start-up d'asseoir une partie de leur développement sur les laboratoires puisqu'ils vont permettre de démontrer l'efficacité de leur produit.

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Ludovic Saint-Bauzel, chercheur à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique

Si nous avons beaucoup parlé de haute technologie, la low tech intéresse aussi la FEDHRA, qui prend en compte les besoins réels des personnes. Il s'agit d'innovations intéressantes et concrètes qui peuvent être valorisées.

La low tech est mal perçue par les projets de recherche car elle ne génère pas de façon évidente une valeur ajoutée. Pourtant elle peut rendre service, il suffirait de lui trouver un espace. De nombreuses opportunités sont à saisir et peuvent contribuer à améliorer la vie des personnes en situation de handicap, par exemple les travaux visant à mettre au point une typographie adaptée aux malvoyants. Plutôt que de s'y opposer, il faut aussi travailler avec les sciences humaines et sociales.

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Jean-Louis Constanza, fondateur et directeur du développement de Wandercraft

Le temps de l'entreprise et celui de la recherche sont différents mais complémentaires. C'est une bonne chose qui peut néanmoins être source d'incompréhension. Le premier est rapide mais peut aussi créer des erreurs car on prend des risques. Le second est plus lent mais pas toujours adapté aux besoins immédiats. Il faut garder cette différence à l'esprit. Wandercraft y a été confronté.

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Je vous fait part d'une question du public. En un sens, un implant médical constitue une partie du corps du patient qui ne lui appartient plus. Si le fabricant venait à disparaître, comment maintenir l'accès à la technologie sous-jacente, à son code source, aux schémas électroniques, afin d'en assurer la maintenance ? Qu'en est-il, par exemple, des implants cochléaires ?

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Les sociétés sont tenues d'assurer la maintenance de leurs produits.

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Il existe bien un risque que le dispositif ne fonctionne simplement plus, mais il est étonnant que les inquiétudes soient plus grandes pour les prothèses électroniques que pour les prothèses dentaires ou de hanche. Peut-être faudrait-il les traiter de la même manière.

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Je me permets d'insister. La prothèse de hanche est un dispositif physique qui peut être analysé. Si une prothèse électronique a un problème, comment garantir qu'une autre entreprise puisse effectuer des modifications ?

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

A priori, le dispositif qui permet d'introduire l'information dans la prothèse est contrôlé et ne peut être piraté. Pour la prothèse rétinienne, il s'agit de lunettes qui transforment l'information lumineuse « normale » captée par une caméra en une image projetée par ce que l'on peut qualifier de « vidéoprojecteur infrarouge ». Dans la mesure où ce dispositif ne reçoit aucune information de l'extérieur, je ne vois pas comment il pourrait être piraté.

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Toutes les informations nécessaires au bon usage de ces prothèses sont-elles accessibles et publiques ?

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Je pense que le logiciel n'est pas public car il est couvert par la propriété industrielle. Elle va par exemple protéger le procédé de transformation des images et des sons en stimulations électriques.

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Si l'entreprise fait faillite et que le logiciel n'a pas été rendu public, peut-on imaginer une perte d'efficacité du dispositif ?

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Serge Picaud, directeur de l'Institut de la vision

Oui.

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David Orlikowski, médecin, directeur du Centre d'investigation clinique – Innovation technologique de Garches

La problématique est la même pour tous les dispositifs médicaux ; elle n'est pas liée à leur implantabilité et vaut donc également pour les dispositifs externes. Un ventilateur hors d'usage pourra normalement être remplacé même si la société qui le produit fait faillite.

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Ludovic Saint-Bauzel, chercheur à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique

Nous parlons de plus en plus de mécatronique, c'est-à-dire des systèmes mécaniques intégrant des logiciels. Dès lors, il pourrait être intéressant d'inclure le code source dans la certification des dispositifs. L'algorithme ne serait pas public mais uniquement accessible aux administrations et l'industriel en conserverait la propriété.

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Merci pour vos contributions. Je suis d'accord avec le professeur Orlikowski pour dire que le problème concerne tous les dispositifs. Nous parlons ici d'intime donc cela implique la tenue d'un débat éthique et politique nuancé.

* * *

Deuxième table ronde : Les technologies au service des handicaps mentaux et cognitifs (présidence de M. Cédric Villani, député, président de l'Office)

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La deuxième table ronde s'intéressera aux handicaps qui touchent au cerveau et à la cognition. Moins visibles de prime abord, ils peuvent causer une réelle invalidité et empêcher l'insertion dans la société. Quelles aides techniques sont disponibles pour ces difficultés ? En 2008, le rapport de l'Office s'était assez peu penché sur les handicaps mentaux. Peut-être parce qu'à l'époque, le domaine des possibles restait lié à l'essor du numérique, encore limité. Dans de telles situations, peut-on parler de compensation du handicap, d'éducation, de rééducation ou d'adaptation ?

Sans prétendre à l'exhaustivité, nous aimerions connaître les avancées intervenues au cours de la dernière décennie, tant au regard de la compensation du handicap que de la couverture des besoins des personnes. Nous nous intéresserons aussi aux limites du sujet. Quatre experts sont ici présents : Mme Hélène Sauzéon, psychologue et chercheuse INRIA, Mme Evelyne Klinger, chercheuse, membre de la Fedrha, Mme Sophie Sakka, maître de conférences à Centrale Nantes, M. Ouriel Grynszpan, professeur à l'Université Paris-Saclay, porteur du projet BETA. Mme Hélène Sauzéon va tout d'abord dresser le panorama des besoins technologiques qui se manifestent au regard de cette catégorie de handicap.

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Hélène Sauzéon, psychologue et chercheuse INRIA

En introduction, je vais faire un bref état des lieux des handicaps mentaux. Je traiterai ensuite des solutions numériques que l'on peut leur apporter.

Evaluer la prévalence du handicap mental n'est pas chose aisée. On récolte énormément de données issues de différents acteurs, mais il est difficile de les rendre cohérentes. Chacun utilise des critères ou des méthodes de recensement très différentes. En France, on a l'habitude de catégoriser les handicaps ainsi : handicaps moteurs, sensoriels, cognitifs, intellectuels, psychiques et maladies invalidantes. Afin de catégoriser les handicaps, nous, chercheurs, utilisons les outils de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui s'appuie sur la Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé (CIF). Sur cette base, nous regroupons les troubles cognitifs, intellectuels et psychiques dans la notion de « handicaps mentaux » car ils correspondent à des dysfonctionnements ou à des fonctionnements atypiques du cerveau. Cela concerne près de 36 % du nombre total d'adultes affectés par un dysfonctionnement pour cause de handicap. L'on trouve ces déficiences mentales associées à de nombreuses situations de handicap moteur ou sensoriel. Elles sont aussi présentes dans ce qui est appelé les « maladies invalidantes », dont la démence ou la sclérose en plaques. Ces chiffres sont plus élevés chez les enfants. Selon les données du ministère de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, environ 80 % des enfants scolarisés en cours préparatoire (CP) qui déclarent une situation d'incapacité trouvent l'origine de celle-ci dans une déficience mentale. Cette proportion est très importante. De plus, ces handicaps sont invisibles, donc mal compris par la société et associés à de nombreux stéréotypes. C'est un problème qui n'aide ni la recherche ni les personnes concernées.

Les tableaux cliniques sont très complexes et hétérogènes et le contexte est assez protéiforme. Les déficiences sont présentes dès la naissance – elles sont dites « développementales » – ou acquises au cours de la vie. Affectant les fonctions mentales globales, comme le fonctionnement intellectuel ou les habilités sociales, elles créent des difficultés dans tous les domaines de la vie quotidienne. À l'inverse, certaines incapacités sont sélectives, comme l'agraphie ou la dysgraphie. L'intensité des troubles est extrêmement variable, le panel des expressions allant du « très léger » au « très sévère ». Dès lors, nous recourons de plus en plus à la notion de spectre (autistique, schizophrénique, etc.). Le tableau est rendu encore plus complexe par la présence fréquente de comorbidités. Ainsi il n'est pas rare d'observer des déficiences cumulatives chez les enfants autistes.

Enfin, ces déficiences sont souvent évolutives. Quand les prises en charge sont bonnes, on observe des rebonds, des améliorations, mais les échecs demeurent. Ils sont particulièrement nombreux dans le cas des processus neurodégénératifs.

Ces situations particulières de handicap sont extrêmement complexes. Découvrir des solutions technologiques pour essayer de répondre à ces besoins est un grand défi. Quels sont-ils ? Là encore, je vais m'appuyer sur la CIF afin de les décrire. Le premier est un besoin de participation sociale : dans la famille, à l'école, sur le lieu de travail et dans les différentes activités de loisirs. Le deuxième est la capacité à réaliser les activités quotidiennes en autonomie et de manière autodéterminée. Le troisième est la restauration, partielle ou totale, des capacités mentales. De nombreuses technologies numériques sont apparues ces dix dernières années dans le but de répondre à ces trois grands besoins. Globalement, elles visent à apporter une aide environnementale.

On distingue quatre grandes familles d'aides numériques. En premier lieu, celles qui concernent les interfaces et visent à rendre accessibles les produits et services du numérique. Un grand progrès vient du standard World Wide Web Consortium (W3C). Les règles élaborées par cet organisme international visent à harmoniser les standards afin de réduire la fracture numérique. Celle-ci est justement très importante entre les neurotypiques et les « atypiques ». La deuxième famille est la plus connue : ce sont les technologies d'assistance visant à faire participer à nouveau l'individu à la vie sociale. Elles sont couvertes par des normes ISO. Il s'agit d'un véritable progrès directement issu de la classification internationale. Les deux autres familles sont plutôt utilisées en matière de rééducation. D'une part, les cliniciens utilisent des logiciels d'entraînement afin de restaurer l'aptitude des patients à pratiquer certaines activités. D'autre part, sont développées des applications de suivi et de surveillance de la santé mentale, cognitive ou psychoaffective des personnes en situation de handicap mental.

Les technologies existantes sont très nombreuses, particulièrement les applications mobiles. Bien que la forme logicielle des assistants soit très variée, ils s'adressent essentiellement aux besoins de santé, de vie à domicile, de communication, d'engagement social, de mobilité et de transport. L'offre est moindre pour l'éducation, le travail et les loisirs. Cependant, les études d'usage auprès du public ciblé montrent que ces technologies sont peu adoptées : le taux d'adoption à long terme semble buter sur un plafond de verre à 30%, ce qui n'est pas satisfaisant. Il y a plusieurs raisons à ceci. Tout d'abord, l'offre est illisible car les technologies proposées sont très nombreuses donc peu connues par les publics cibles. Ensuite, un dispositif est conçu pour ne répondre qu'à un seul besoin ; or, les patients n'ont pas toujours la capacité d'orchestrer plusieurs technologies. De plus, elles sont encore développées de manière techno-centrée, donc éloignée des besoins concrets. En définitive, il y a beaucoup d'outils pour améliorer les fonctions cognitives, mais il y en a peu qui permettent d'assister réellement les personnes dans leur vie quotidienne pour leur apporter de l'autonomie et améliorer leur participation sociale. C'est pourtant le premier besoin exprimé et il n'est pas pris en compte. Enfin, l'efficacité de ces technologies n'est pas toujours démontrée. Cela ne peut que réduire leur attrait, tant pour les éventuels bénéficiaires que pour les prescripteurs que sont les cliniciens.

Afin de conclure sur une note positive, je précise que la communauté scientifique émet plusieurs recommandations. La première consiste à encourager les approches centrées sur l'humain pour combattre les stéréotypes et la stigmatisation du handicap et éviter d'adopter une approche médicale focalisée davantage sur les fonctions mentales que sur la participation sociale. Les progrès à faire sont encore nombreux en ce qui concerne le développement d'interfaces : il faut encourager à penser davantage en termes de capacité que d'incapacité. La deuxième recommandation consiste à veiller à l'accessibilité de ces solutions. Cela passe notamment par une uniformisation des interfaces de commande, à laquelle le respect des normes et des standards contribuerait beaucoup. De nombreux progrès faciliteront bientôt l'utilisation des interfaces, notamment l'IA et l'apprentissage automatique, ouvrant la voie à des fonctionnalités adaptatives et adaptées à chaque besoin. Ceci permettra une meilleure appropriation et une meilleure adaptation face aux nouveautés incessantes dans le domaine des technologies numériques. La troisième recommandation consiste à réduire le caractère intrusif de ces technologies. Il ne faut pas seulement respecter la vie privée au regard du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Les produits doivent être conçus selon une démarche qui respecte l'autodétermination des personnes. Un facteur de progrès viendra des capteurs, portés ou environnementaux, qui augmenteront la « conscience » que le dispositif technique a de l'utilisateur. La quatrième recommandation consiste à démontrer l'utilité, subjective et objective, de ces technologies. Sur le plan subjectif, il faut réaliser des évaluations qualitatives auprès des bénéficiaires. Sur le plan objectif, on manque malheureusement de démonstrations scientifiques quant à la valeur ajoutée de ces dispositifs. La cinquième recommandation consiste à fournir une offre plus compréhensible et accessible. Une information plus pertinente passera par un meilleur référencement de l'existant et par un référencement de l'état de développement des technologies émergentes. Soulignons enfin que ces technologies coûtent cher. Il faut donc une politique visant à améliorer les transferts des laboratoires vers les start-up et veiller à la solvabilité des bénéficiaires. Ceci implique que les projets de recherche soient réalisés de manière beaucoup plus transversale, avec des collaborations transdisciplinaires, et avec davantage d'horizontalité dans les démarches. Il faut impliquer plus les parties prenantes, les futurs bénéficiaires et les aidants. La forte implication de ces derniers dans le handicap mental nécessite d'envisager des solutions visant à soulager leur fardeau.

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Merci pour ce tour d'horizon très complet. Mme Evelyne Klinger va maintenant présenter l'application thérapeutique de la réalité virtuelle et son intérêt dans la prise en charge du handicap mental et cognitif.

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Evelyne Klinger, chercheuse, membre de la Fedrha

Je tiens à signaler que je suis l'un des membres de la Fedrha. À ce titre, je précise que de nombreux réseaux de recherche voient le jour. Ils mêlent chercheurs, technologies, et industriels. En l'occurrence, je pourrai citer le réseau Approche qui travaille autour de la rééducation.

Ma présentation va être centrée sur la réalité virtuelle. Notons que le discours public ou scientifique peut aussi user de la terminologie serious games et exergame[1] – il existe une grande variété de termes en la matière. Je vais me placer du point de vue général. Pourquoi s'intéresser à la réalité virtuelle dans le champ du handicap et de la santé ? Dans ces univers virtuels, l'on peut donner à la personne la possibilité d'être actrice dans des objectifs variés qui vont concerner la récupération ou l'acquisition de capacités, et l'on se place aussi dans un contexte d'évaluation de ces capacités. De façon plus générale, ces outils peuvent aider et former ; nous verrons dans quel cas c'est possible.

Il y a trois éléments importants dans une expérience virtuelle. Tout d'abord l'individu qui expérimente l'activité proposée : dans ce contexte, on s'appuie sur ses capacités cognitives et motrices. Considérons ensuite l'activité générée par l'ordinateur : ces contenus jouent un rôle essentiel par rapport aux objectifs visés. On est contraint de faire appel à des interfaces, motrices ou sensorielles, permettant à l'individu d'utiliser les produits proposés. Dans le contexte qui nous intéresse, sa participation va se trouver confrontée à des restrictions ou limitations. On s'appuie donc sur ses besoins mais aussi sur ses capacités actuelles. Si cette personne est victime du déficit moteur d'un membre, on développe des applications visant soit à rééduquer le membre déficitaire, soit à permettre de réaliser des actions sans trop le solliciter. Enfin, l'ordinateur apporte des contenus. Ceux-ci sont développés de façon à être adaptés aux besoins, ils sont scénarisés et graduels. On va en fait se concentrer sur ce que peut faire la personne afin de la faire progresser et l'amener à une meilleure expérience de sa vie quotidienne. Les interfaces proposées doivent être adaptées aux besoins réels des personnes.

Ces applications sont apparues dans le domaine de la santé dans les années 1990. Nous avons donc du recul. Elles ont énormément évolué, notamment sur un plan visuel. Comment proposer aux utilisateurs un contenu visuel immersif ? Nous pouvons travailler avec des écrans d'ordinateur ou de projection, des visiocasques, mais aussi des espaces Cave Automatic Virtual Environment (CAVE) dans lesquels le corps de la personne est totalement immergé. Il y a également un large panel de dispositifs d'interaction : certains sont très simples, comme le clavier ou la souris ; d'autres sont des dispositifs à retour d'effort ou des systèmes de capture de mouvement comme la Kinect ; d'autres sont des plateformes très sophistiquées comme le Computer Assisted Rehabilitation Environment (CAREN), qui permettent une interaction optimale. En parallèle nous utilisons d'autres outils, comme les interfaces cerveau-machine qui permettent de commander et de communiquer avec l'univers virtuel. Je confirme ce qui a été dit des problèmes actuels liés à l'utilisation de ces interfaces. Les interfaces de réalité virtuelle connaissent un développement continu pour reproduire au mieux la situation d'un humain dans le monde réel avec des interfaces manuelles. Ces interfaces montrent des degrés de technicité, de complexité et de coût très différents. Le panel des choix possibles est très large et il faut donc s'appuyer sur les capacités résiduelles des personnes à accompagner afin d'identifier les meilleures interfaces. Par ailleurs, le contexte d'usage de ces outils doit être pris en compte : en centre de rééducation, dont certains sont bien équipés et proposent un accompagnement avec une équipe d'ingénieurs, ou à domicile, où des outils très faciles d'utilisation sont privilégiés pour répondre au besoin d'autonomie. Dans ce dernier cas, il s'agit quasiment de plug and play, autrement dit l'utilisateur doit avoir la capacité de les installer et de les faire fonctionner seul à son domicile.

Depuis les années 1990, deux grands champs ont émergé en matière de contextes de santé. Le premier concerne les affections neurologiques. Celles-ci peuvent être présentes dès l'enfance, et l'enfant va alors devoir apprendre avec ces incapacités identifiées ; elles peuvent aussi survenir du fait de pathologies neurodégénératives ou d'accidents de la vie tels que traumatismes crâniens ou AVC. Le volume des informations venant du monde réel que doit traiter un individu touché par une affection neurologique est trop important pour le cerveau endommagé. Ce dysfonctionnement emporte des conséquences sur la vie quotidienne. L'objectif des mondes virtuels est d'améliorer le traitement de ces informations en proposant des situations graduées : elles seront simples au départ, permettant à la personne de les réaliser et de ne pas se trouver en situation d'échec ; la difficulté sera augmentée peu à peu afin de l'amener, si possible, au plus près la vie réelle. Les simulations concernent la vie quotidienne, comme faire ses courses, qui est une tâche très complexe. Un autre exemple est ce travail, mené en collège avec une classe d'Unités localisées d'inclusion scolaire (ULIS), sur le thème de l'apprentissage du déplacement. L'idée est aussi de prolonger jusqu'au domicile le processus d'entrainement. Les personnes ayant des déficiences cognitives sont très encadrées dans les centres de rééducation, mais l'accompagnement est plus léger après le retour à domicile et leurs perspectives d'évolution sont moindres.

Le second champ est celui des affections psychiatriques. Il inclut notamment les troubles d'anxiété et d'anxiété sociale ainsi que les troubles liés aux addictions et au stress post-traumatique. Ici, nous utilisons les thérapies cognitives et comportementales dans des situations d'exposition définies. Il s'agit là aussi de proposer des situations virtuelles graduées afin que les patients apprennent à leur faire face et modifient la façon dont ils les traitent. De cette façon, ils progresseront dans leur vie quotidienne. Il est nécessaire de susciter des émotions ; cela est fait en présence d'un thérapeute, dans un cadre sécurisé apte à la prise en charge du patient si nécessaire.

J'aimerais évoquer deux autres contextes, en commençant par celui lié au bien-être et à l'estime de soi. Les expériences virtuelles doivent procurer aux personnes du bien-être et de la détente grâce à la réalisation des tâches considérées comme ludiques, mêlant activité physique et stimulation cognitive, notamment dans le contexte du vieillissement. Le projet « Balade à l'EPHAD » en est une illustration. Il s'adresse à des patients atteints de la maladie d'Alzheimer, dont la condition physique se dégrade et qui ne sont donc plus autonomes. L'objectif est de leur permettre de conserver une activité physique et de rendre possible une « évasion » hors du monde de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD). En fait, ces outils ont toujours un double public : d'une part les personnes porteuses de handicap, qui ont besoin d'être amenées à une situation meilleure ; d'autre part les encadrants, qui doivent pouvoir planifier la thérapie et suivre la progression du patient. Les outils informatiques permettent de documenter les expériences vécues par les utilisateurs et permettent aux aidants de les accompagner en graduant les situations proposées.

Le second contexte est lié à l'usage de la réalité virtuelle dans le champ de la santé. Je fais ici référence à une expérience de chirurgie éveillée, par exemple une situation où un chirurgien opère une tumeur. Le but est que le patient ait le moins de séquelles possibles. L'utilisation de la réalité virtuelle permet au thérapeute d'examiner immédiatement les réactions du patient. Il s'agit d'une ouverture vers d'autres usages, qui concernent aussi le handicap.

Ces technologies sont utilisées depuis une trentaine d'années car elles permettent de simuler des activités qui font sens pour les patients et pour les thérapeutes. Elles génèrent des réactions physiologiques, comportementales, donc des émotions, ce qui les rend intéressantes pour la psychothérapie. Elles permettent de manipuler l'information et de développer des méthodes variées d'évaluation et d'apprentissage. Les séances peuvent être adaptées aux besoins et aux capacités des personnes, ou les documenter afin de suivre leur progression. Les outils peuvent être accompagnés de multiples capteurs permettant une évaluation multiparamétrique du comportement, ce qui ouvre à une vision globale du fonctionnement de l'individu. Enfin, ces expérimentations visent à transférer et généraliser les acquis du monde virtuel aux situations réelles. De nombreuses publications ont été faites sur le sujet. Toutes ces activités supposent une grande pluridisciplinarité.

Il y a, à l'heure actuelle, beaucoup d'applications disponibles et un intérêt notable des thérapeutes et formateurs pour la réalité virtuelle. Son essor nécessite une consolidation, de la rigueur scientifique ainsi qu'une cohérence technologique. Par exemple, de nombreuses applications ont recours à des casques et le cybersickness est encore sous-étudié. Il faut donc informer et former sur ces notions. Le développement des usages aura des répercussions en matière de réglementation. Les moyens financiers sont encore difficiles à trouver et cela freine le transfert des outils du laboratoire vers la société civile. Cependant, ces outils deviennent de moins en moins onéreux, ce qui contribue à leur démocratisation et pose de ce fait la question du mésusage, tant sur un plan éthique que sur un plan sanitaire car il y a des impacts potentiellement nuisibles pour la santé. Afin de prendre connaissance des précautions et recommandations qu'appellent les outils de réalité virtuelle, je vous invite à consulter le rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) publié en 2021 qui a regroupé une trentaine de chercheurs ayant travaillé sur ces sujets.

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Merci pour cet état des lieux et des enjeux. Mme Sophie Sakka va présenter le robot NAO et son apport pour les enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme.

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Sophie Sakka, maître de conférences à Centrale Nantes

Je suis enseignant-chercheur au Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes, rattaché à l'École Centrale de Nantes. En 2014, j'ai fondé l'association d'intérêt général Robots! qui assume une fonction sociale entre les start-up de robotique, les chercheurs et les populations afin de proposer des usages sociaux à ces machines. Elles sont fabriquées et vendues sans que les impacts à long terme sur les populations concernées soient étudiés. Dans ce cadre, a été développé le projet Rob'Autisme, destiné aux personnes atteintes de divers handicaps cognitifs, pour les enfants autistes et les patients atteints d'Alzheimer. Je vais d'abord me concentrer sur la médiation robotique puis je vous parlerai de ce projet.

Officiellement, la médiation robotique apparaît dans les années 1990 quand une chercheuse anglaise, Kerstin Dautenhahn, constate l'attrait particulier d'enfants autistes pour les mécanismes robotiques. Elle développe alors le programme européen Aurora qui, dans un premier temps, regroupe une poignée de chercheurs européens travaillant avec différentes plateformes robotiques. Avec différents types de machines et d'exercices, ils essayent de déployer l'automate comme « acteur social » c'est-à-dire un robot compagnon. Cet interlocuteur mécanique fait faire à l'enfant autiste les exercices que le thérapeute aurait prescrits. L'enfant répond presque spontanément au robot alors qu'il reste sans réaction face aux sollicitations de l'humain. Des solutions logicielles ont été développées par la suite. Ce nouvel interlocuteur, programmé, fait suivre des séances d'exercices à l'enfant. Imaginons trois cartes qui sont simultanément montrées à l'humain, la carte à trouver disposant d'un élément d'identification. Si l'enfant la trouve, le logiciel le récompense ; dans le cas contraire, il doit recommencer.

À ses débuts, le robot compagnon a été mal perçu car il était vu par les médecins qui travaillent en thérapie d'accompagnement comme se substituant au thérapeute. Actuellement, il est principalement employé à deux types d'usage : soit en face-à-face – c'est la situation décrite précédemment –, soit en usage collectif – par exemple, dans une séance thérapeutique consacrée au mouvement, à la mobilité, un groupe d'enfants reproduirait les gestes de l'automate. Cette approche a été adoptée par une partie des professionnels internationaux. Ainsi, des entreprises développent ce qu'ils nomment des « auticiels » c'est-à-dire des logiciels dédiés à l'autisme reproduisant les exercices habituels du thérapeute. Il s'agit de sur-mesure. En face-à-face, le patient bénéfice d'une thérapie personnalisée adaptée à son trouble principal. Une difficulté se posait : comment fait-on pour que l'enfant autiste réponde de la même façon à une sollicitation humaine qu'à un stimulus de la machine, une fois qu'il a amélioré ses facultés grâce à celle-ci ? Dans le cadre des séances, une progression a été détectée en quelques mois et dans un cadre extérieur, en quelques années.

En 2014, l'association Robots! a mis en place une approche innovante qui a complètement renversé l'usage du robot. Désormais utilisé par le patient autiste pour communiquer avec le monde, il est devenu une sorte de prothèse en communication. Il s'insère aussi dans une dimension de médiation culturelle et artistique. Un programme Rob'Autisme, avec vingt séances d'atelier, permet à des adolescents autistes de monter un spectacle. La dernière séance est le moment de la restitution publique devant un public restreint comprenant notamment les familles, les mécènes et des partenaires potentiels. Ce programme accueille, dans une microsociété simplifiée et cadrée, six participants adolescents autistes et six accompagnants dont le rôle est très bien défini. Nous avons un responsable opérationnel qui dirige l'ensemble des séances du programme, trois accompagnants qui aident les jeunes à se concentrer et des référents techniques. Ils construisent ensemble un spectacle dont l'acteur est un robot auquel l'enfant prête sa voix préalablement enregistrée. Le défi consiste donc à programmer correctement les gestes du robot qui accompagnent cette histoire. Ce projet est mené en collaboration avec l'École Centrale de Nantes, avec le Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes pour la partie théorique et avec l'association Robots! pour le côté expérimental. Celle-ci est chargée de suivre les participants et leurs accompagnants sur le terrain, trouver des partenaires et les équipes. La partie recherche consiste à vérifier la rigueur de ce déploiement afin de pouvoir extraire des statistiques, faire des publications et systématiser l'approche. À terme, celle-ci devra être commercialisable et donc transférée vers le grand public. Le rôle de l'association est de stabiliser suffisamment longtemps ces ateliers complexes pour que le projet puisse être transmis à une entreprise en vue de sa commercialisation. L'organisation actuelle est donc intermédiaire et tient compte des contraintes des acteurs du programme.

Les résultats de ce programme sont spectaculaires en matière de transformation des habilités sociales. Le robot est identifié en tant qu'accélérateur thérapeutique : il joue un rôle primordial même s'il ne remplace pas le praticien. Le résultat obtenu en quelques semaines est similaire à celui que nous mettons des années à obtenir en thérapie classique. Scientifiquement, cette brièveté est remarquable. Ainsi des jeunes qui ne communiquaient pas sont devenus socialisables. Certains ont même acquis la capacité de commencer ou reprendre leurs études avec un objectif, c'est-à-dire de développer une capacité de projection temporelle qui pourtant fait défaut dans le cadre de cette maladie.

Nous avons reconstruit une microsociété simplifiée où chaque rôle est identifié, sauf celui des participants qui est autodéterminé. Rapidement, ils passent outre le robot pour s'exprimer eux-mêmes auprès des membres de cette société. La thérapie travaille sur trois niveaux de communication. La première est la communication duale, qui est la plus difficile à réaliser. Une attention soutenue y est nécessaire et certains patients ne sont pas capables de se concentrer plus d'une minute au cours d'un face-à-face au début du programme. La deuxième est la communication de groupe : nous y travaillons en donnant un exercice à un binôme enfant – robot. À la fin de chaque exercice, le résultat du travail est montré, ce qui entraîne des applaudissements des autres enfants et de l'équipe encadrante. Surpris au début, les participants travaillent ensuite plus rapidement afin d'obtenir à nouveau cette valorisation par la contribution et les applaudissements. La troisième, la communication publique, est extrêmement importante. La pièce de théâtre est jouée devant ce public restreint. Les applaudissements du public, auxquels ils ont été préparés pendant les séances, vont stabiliser et offrir une intronisation sociale aux efforts consentis par les participants autistes tout au long du processus. Actuellement, l'association pérennise les expérimentations et renvoie vers la recherche un certain nombre d'informations avec l'accord des participants. Systématiser cette approche pourrait constituer une solution d'accompagnement pour l'amélioration des habilités sociales de l'autisme.

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Nous avons particulièrement pris note du protocole humain, extraordinairement important. Je donne tout de suite la parole au professeur Grynszpan.

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Ouriel Grynszpan, professeur à l'Université Paris-Saclay

Je suis professeur à l'université Paris-Saclay, au Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique (LISEN), et je vais vous présenter le projet BETA, fruit de la collaboration entre plusieurs universités. La France est assez avancée sur les technologies relatives à l'autisme avec, en particulier, des fondations privées qui ont aidé en ce sens. Depuis une vingtaine d'années, de nombreuses technologies numériques ont été développées dans ce domaine. Elles peuvent concerner l'éducation, l'entraînement des capacités sociocognitives et l'assistance dans la vie ordinaire. Par exemple, les autistes ont souvent une tablette pour communiquer avec des pictogrammes. Cette avancée a un impact concret. Ces outils sont aussi utiles pour tout ce qui a trait à l'environnement et notamment la communauté de l'autisme, qui implique les parents et les professionnels : les médecins et les personnels paramédicaux – ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes et psychologues.

Les technologies numériques ont de réels atouts pour la prise en charge des troubles du développement. Elles créent un environnement prévisible et rassurant pour l'enfant. Il y a beaucoup de stimulations que nous pouvons contrôler ; ainsi nous pouvons gérer les problèmes d'attention. Elles permettent également de leur proposer un apprentissage et un entraînement riches. Or, la richesse des stimulations est importante pour la plasticité cérébrale. L'outil est également utile comme médiateur des demandes sociales : certains thérapeutes passent par un ordinateur. Les tablettes et smartphones ont un avantage certain en termes de portabilité.

Il ne faut pas non plus oublier les risques. En population générale, l'utilisation excessive par l'enfant ou l'adolescent emporte des risques de sédentarité et d'obésité, ou des problèmes d'isolement ; l'utilisation des technologies numériques peut devenir pathologique. Cela peut entrainer des dénis de traitement dans la prise en charge de l'autisme : si la tablette convient à l'enfant, on risque de ne lui proposer plus d'autres apprentissages qui lui seraient pourtant bénéfiques. Le numérique est un tout : il faut connaître ses atouts et ses risques. L'obsolescence rapide des technologies est aussi à considérer. C'est un problème pour l'évaluation car un essai clinique peut prendre un ou deux ans et la technologie peut être devenue entretemps obsolète. De manière générale, si l'on ne peut proposer de technologies efficaces, il y a un risque de gaspillage des ressources alors que d'autres apprentissages n'auront pas été faits. Or l'enfance est une période critique pour l'apprentissage : des solutions pertinentes doivent donc être proposées.

Il y a huit ans, j'ai publié avec des collègues une méta-analyse de toutes les études concernant des technologies d'entraînement pour les personnes atteintes d'autisme. Elle a permis d'avoir une vision globale de l'efficacité de ces technologies, avec une certaine puissance statistique. Nous nous sommes concentrés sur les études de bonne qualité, c'est-à-dire contrôlées, voire randomisées. La méta-analyse a montré un effet significatif. Nous avons exclu toutes les publications qui n'étaient pas de qualité suffisante : elles étaient nombreuses, signe que l'efficacité de certaines technologies n'est pas rigoureusement démontrée. Nous n'avons trouvé aucune étude de robotique de qualité suffisante pour figurer dans l'analyse. Leur potentiel est réel mais les preuves manquaient pour bon nombre d'applications.

Globalement, on observe une prolifération des aides numériques disponibles sur le marché, dont bien peu sont validées scientifiquement. Nous avons de ce fait voulu proposer un cadre d'accompagnement pour les personnes qui en ont besoin. Nous avons utilisé une méthode DELPHI, méthode utilisée en sciences humaines pour la construction d'un consensus entre experts. Nous avons donc recruté des experts de l'autisme : des personnes atteintes, des parents, des cliniciens et des chercheurs. Plusieurs questions devaient être étudiées : celle de l'efficacité, mais aussi la robustesse, l'engouement que suscite la technologie et sa fiabilité. Nous nous sommes rendu compte que le type de preuve qui doit être recherché dépend de la question soulevée. La preuve scientifique était importante mais ce n'était en fait pas le seul type de preuve nécessaire pour établir le genre de recommandations que nous visions.

Si vous voulez en savoir plus, nous avons créé un site internet qui présente le projet. Nous avons aussi voulu donner un label sur la qualité et l'accessibilité des preuves relatives aux technologies en créant une base de données qu'il faudra mettre à jour. Cette initiative pourrait être utile aux associations et aux centres de ressources pour guider la communauté de l'autisme sur ces dispositifs.

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Merci pour cette présentation très complète et très claire. Je propose de passer directement à la dernière table ronde qui concernera la disponibilité de ces technologies pour le plus grand nombre. Nous aborderons ensuite, dans un temps unique, les questions relevant de la deuxième et de la troisième table ronde.

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Troisième table ronde : La disponibilité des technologies pour le plus grand nombre (présidence de Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure)

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Dans le rapport de 2008, déjà, l'OPECST regrettait que nombre de produits alors récents ne soient pas intégrés au dispositif de remboursement. Quelle aide technique peut être prise en charge par la société ? Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, va présenter la politique d'aides financières mise en place par la Caisse à destination des personnes en situation de handicap.

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Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Dans un premier temps, je vais expliquer quel est le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La Caisse est essentiellement un cofinanceur de la prise en charge des aides à destination des personnes âgées ou handicapées. Depuis le 1er janvier 2021, la CNSA gère le nouveau risque et la nouvelle branche de sécurité sociale créée pour soutenir l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Elle a deux missions en matière d'aides techniques.

La première mission consiste à soutenir la structuration de l'accès à ces aides et le renforcement de l'accompagnement des personnes, ainsi que la promotion de l'innovation et l'accompagnement de l'évolution des pratiques. À ce titre, j'ai écouté avec grand intérêt l'ensemble des intervenants afin de vérifier si nous avions bien pris en compte l'ensemble des aides évoquées. Il s'agit d'une mission transversale aux différents âges, que nous exerçons en direction des professionnels qui interviennent en appui des personnes âgées ou en situation de handicap. De manière complémentaire, la CNSA agit spécifiquement en direction du réseau des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des équipes médico-sociales qui évaluent les besoins des personnes âgées et qui peuvent ouvrir leur droit à une aide. Il s'agit de l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA) qui intègre pour partie l'accès à des aides techniques. La Caisse appuie les professionnels positionnés dans les principaux guichets. Ils informent, accueillent, orientent et accompagnent les personnes handicapées dans les MDPH, ainsi que les personnes âgées en perte d'autonomie qui sollicitent des aides à l'accompagnement. Il est nécessaire que ces professionnels soient informés de l'existence des aides et sachent mobiliser les outils à leur disposition pour faciliter l'accès des personnes âgées ou handicapées à celles-ci. Je fais ce propos liminaire pour expliquer la raison de mon intervention mais aussi pour vous présenter rapidement les dispositifs publics qui permettent aujourd'hui de solvabiliser l'accès aux aides techniques. La question de l'accessibilité aux aides financières est fréquemment posée. Certes, elle est déterminante mais nous avons aussi constaté que, pour les pouvoirs publics, la solvabilisation a été une question presque trop centrale et a peut-être conduit à négliger d'autres dimensions de l'accompagnement des personnes et des professionnels pour l'accès aux aides. C'est tout un débat.

Le panorama du remboursement des aides techniques permet de mettre en lumière le fait qu'il existe différentes aides. La première est le remboursement par l'assurance maladie obligatoire, ouvert à l'ensemble des assurés sociaux, sans critère d'âge ni de handicap. Il s'agit d'un remboursement simple et généraliste. Il permet d'accéder à ce que nous nommons des « produits » qui sont inscrits sur la Liste des produits et prestations remboursables (LPP ou LPPR). Il existe deux types d'aides inscrits sur cette liste, qu'il s'agisse d'une mise en ligne générique ou d'un nom de marque. L'inscription marque une « reconnaissance » du produit et permet la solvabilisation par l'assurance maladie. L'existence de la LPP facilite donc l'accès financier à l'aide.

Il faut citer ensuite la prestation de compensation du handicap (PCH), destinée à des personnes handicapées. Il s'agit d'une prestation globale qui permet à la fois l'accès à des aides humaines et à des aides techniques. Elle facilite la solvabilisation de l'accès à des aides techniques qui ne relèvent pas de la LPP. Cette prestation légale est plus accueillante pour l'innovation car sont inscrits sur la LPP des produits relativement matures et bien installés, dont les usages ont été vérifiés. Les aides techniques accessibles par la PCH font l'objet d'une liste ouverte. En général, les personnes en situation de handicap peuvent avoir accès aux aides techniques d'abord via la PCH puis, lorsque l'usage s'installe, via leur inscription sur la LPP. Pour sa part, l'APA permet de financer une partie des prestations servies aux personnes âgées sous réserve de satisfaire à des critères d'âge et de perte d'autonomie.

En complément de ces trois grands modes de solvabilisation, un financement de tout ou partie du reste à charge peut venir des assurances complémentaires santé, de celles couvrant les dépendances et les accidents de la vie ou des assurances de tiers si un tiers est responsable. Des financements extra-légaux sont également mobilisables.

Ceci montre une grande diversité des aides financières, dont l'objectif louable est de réduire le reste à charge, mais qui peut également produire, pour l'usager et ses accompagnants, une indéniable impression de complexité et rendre difficile l'orientation entre les différents guichets. De plus, la combinaison des aides financières et des guichets ne permet parfois pas de réduire suffisamment le reste à charge. C'est pourquoi la CNSA a été mobilisée, en appui au docteur Philippe Denormandie, pour réfléchir à une réforme de l'accès aux aides techniques. La notion d'aide technique recouvre tout instrument, équipement et système technique adapté ou spécialement conçu pour compenser une limitation d'activité rencontrée par une personne, par exemple du fait de son handicap. Elle concerne donc en partie les technologies au service de la prise en charge du handicap. On peut citer les aides techniques telles que les outils numériques ou robotiques évoqués précédemment. Il existe aussi des aides non technologiques comme les rampes d'accès, qui sont d'un très grand intérêt pour faciliter le quotidien des personnes. Enfin, certaines aides techniques relèvent spécifiquement de la santé, comme les implants cochléaires, la rétine artificielle ou les prothèses de membres ; elles sont prises en charge dans le cadre du système de santé.

La mission confiée en 2019 au docteur Denormandie par le gouvernement a fait l'objet, en 2020, d'un rapport cosigné avec Cécile Chevalier, référente en la matière au sein de la CNSA. Ce rapport a dressé trois principaux constats sur les aides techniques et leur accès et a formulé des propositions regroupées en cinq axes.

Tout d'abord, les constats alertent sur les réelles difficultés d'accès que rencontrent les personnes concernées. Des inégalités existent selon les territoires mais aussi selon les publics. Le rapport montre ainsi que pour l'accès aux aides, les personnes âgées sont parfois désavantagées par rapport à celles en situation de handicap, alors qu'elles vivent souvent des situations très similaires. Cela peut résulter du fait que l'existence des aides est méconnue des professionnels du grand âge. De plus, la personne âgée peut avoir besoin d'une assistance plus soutenue dans la durée. Cette question de l'accompagnement est prégnante et constitue une réelle difficulté pour les personnes.

En matière de solvabilisation, l'accès aux aides est long et compliqué. Le reste à charge et l'avance de frais peuvent être des obstacles importants.

Le rapport souligne que le secteur marchand est peu connu. Les professionnels, les usagers et les opérateurs du secteur marchand susceptibles de développer des aides à une échelle suffisante dialoguent peu. Ceci peut faire obstacle à une adaptation pertinente des aides aux besoins et à une appropriation efficace, quand elles existent.

Enfin, on constate un sous-investissement collectif du sujet dans les politiques publiques, pour des raisons telles que sa complexité apparente, la technicité propre aux modalités de solvabilisation financière et le morcellement des questions.

Le rapport fait des propositions transversales afin d'améliorer l'accès aux aides en s'appuyant directement sur les recommandations de l'OMS en matière de politiques publiques. Elles visent à soutenir l'accompagnement des personnes dans la durée, y compris quand les aides techniques sont disponibles, ce qui n'est pas toujours le cas. Elles portent sur le renforcement de l'évaluation des besoins et de l'accompagnement des personnes, la nécessité de se saisir de l'innovation et de développer la connaissance et la recherche, la consolidation du dispositif de financement afin de garantir une bonne qualité des matériels et des services dans la distribution des aides, etc. Le rapport fait aussi des recommandations sur la gouvernance, aussi bien nationale que territoriale. Je tiens à souligner que le Gouvernement s'est saisi de ces propositions. Il a mis en place un suivi transversal du chantier d'accès aux aides techniques et mobilisé des groupes de travail pilotés par différentes directions d'administration centrale du ministère des Solidarités et de la Santé et par la CNSA afin de mettre en œuvre un certain nombre de ces recommandations.

Je vais maintenant vous parler de la récente utilisation d'équipes locales d'accompagnement sur les aides techniques (EQLAAT). Ce levier vise à améliorer l'assistance apportée aux personnes pour accéder aux aides. Son dispositif a été mis en place sur la base de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui ouvre la voie à des expérimentations ayant un potentiel structurel pour le système de santé. Celles-ci ont été autorisées de septembre 2021 à septembre 2023. Vingt-quatre équipes ont été sélectionnées sur le territoire national et soutenues grâce à une enveloppe d'un peu plus de dix millions d'euros. L'objectif est de tester à la fois l'action d'équipes plurielles et structurées et de nouveaux modes de financement facilitant l'accès aux aides techniques, avec un dispositif souple et adapté au territoire, qui répond aux recommandations de l'OMS demandant d'inclure des essais dans le contexte de vie de la personne. L'expérimentation s'intéresse aussi à la manière dont l'accompagnement, quand il se poursuit au-delà de la mise à disposition de l'aide, permet de s'assurer de la bonne appropriation de l'aide par la personne. Ceci vise à éviter que des aides complexes à obtenir soient ensuite remisées dans un placard alors même qu'elles représentent un investissement et un coût pour la collectivité. Un accompagnement insuffisant ne permet pas de soutenir l'autonomie et d'améliorer la qualité de vie des personnes concernées.

En sus de cette structuration territoriale, la CNSA a lancé des travaux pour mieux informer les personnes et les professionnels qui les accompagnent. C'est un sujet clé. Les aides sont parfois matures, parfois en construction. Il est donc difficile de toucher le plus grand nombre. La CNSA cherche à ce que ces aides soient plus visibles, à la fois sur son site institutionnel à destination des professionnels et sur le portail d'information des particuliers. Enfin, nous allons continuer de travailler sur l'amélioration des financements légaux mais nous collaborons aussi avec les acteurs privés afin de faire évoluer leur offre commerciale.

Je vous remercie de m'avoir permis de présenter les travaux en cours qui visent à faciliter l'accès des personnes en situation de handicap aux aides techniques en général et aux aides technologiques en particulier. Elles sont un levier important de l'autonomie qu'il convient de renforcer.

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Merci Madame la directrice pour la description de ce grand chantier administratif et politique. Le second intervenant de cette table ronde est M. Jean-Paul Carta, directeur du projet Hospitalicity qui comprend notamment l'association Des machines et des ailes. Ce sera le moment de parler du travail réalisé afin d'apporter les techniques les plus pertinentes à ceux qui en ont besoin.

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Jean-Paul Carta, directeur du projet Hospitalicity

Je suis chef d'entreprise dans la métallurgie. Je vais présenter Hospitalicity, qui est un ensemble de projets réalisés sous un angle ludique et sportif. Nous travaillons avec le Laboratoire d'études en mécatronique et mobilités (LEMM) qui est à la fois universitaire, médical et industriel. Je vais passer en revue l'ensemble des projets, qui sont moins médicalisés que ce qui a été vu précédemment. L'entreprise a été créée en 2010 et fabrique des dispositifs médicaux. Elle est partenaire de l'hôpital de Garches et son Centre d'investigation clinique dirigé par le professeur Orlikowski. Un certain nombre de projets permettent de redonner accès au sport à des personnes qui en sont exclues. Nous comptons sept projets dont tous ont un démonstrateur. Certains ont connu des développements au-delà de nos frontières, ce qui permet de montrer ce que les sociétés françaises sont capables de faire en matière de handicap et d'industrialisation.

Hospitalicity est d'abord un lieu : Oxygène Factory dans la ville Les Mureaux. Ce sont dix-sept hectares de forêt dans lesquels se trouvent des bâtiments qui permettent d'intégrer des innovations mais aussi de réaliser des expérimentations sous caution du monde médical, académique et industriel. Les projets sont montés en collaboration avec tous les acteurs et peuvent être portés jusqu'au stade préindustriel. Une équipe scientifique les mène à bien, autour des professeurs David Orlikowski – par ailleurs directeur du plateau d'évaluation de Hospitalicity –, Luis Garcia et Pierre Blazevic. Un comité scientifique recueille les attentes des pouvoirs publics mais aussi des ingénieurs, des étudiants et des industriels.

Hospitalicity est un écosystème qui implique quantité d'acteurs : industriels, associations et établissements d'enseignement, mais aussi la communauté des patients, qui va pouvoir bénéficier de tous les dispositifs qui vont vous être présentés, et les laboratoires de recherche. Au sein de ceux-ci, des personnes mettent au point dans l'ombre les médicaments, les procédures ou les innovations organisationnelles. Plusieurs partenariats ont été noués, dont celui avec l'Institut de santé du parasport connecté (ISPC) du professeur François Genet. Il nous fait bénéficier de sa vision du sport et de la santé, qui sont autant d'informations précieuses sur l'état d'une personne en situation de handicap. Parmi les partenaires nous comptons aussi des industriels, des groupements hospitaliers de territoire et des hôpitaux.

Commençons par le projet Tandikart. Il consiste en la construction d'un véhicule conçu spécifiquement pour accueillir une personne en situation de handicap. Celle-ci peut s'y installer sans sortir de son fauteuil et vivre ainsi une expérience qui lui était jusque-là interdite. Nous avons été retenus pour le Grand prix automobile d'Arabie Saoudite se déroulant à Djedda et nous avons pu inaugurer la piste de Formule 1, le 2 décembre 2021. Un véhicule, adapté aux personnes handicapées, faisait pour la première fois l'ouverture d'un tel évènement. Cette action a sensibilisé la population locale à l'intégration du handicap et a permis de montrer comment intégrer le handicap dans le quotidien, notamment par le sport. Nous avons également pu recueillir une évaluation psychologique de personnes confrontées à de nombreuses pathologies, motrices et cognitives. Nous avons vécu un grand moment car la piste a été ouverte à nos véhicules avec à leur bord des pilotes handicapés, dont Colin Turner, grand pilote de Formule Ford, gravement blessé. Des pilotes saoudiens ont ainsi pu découvrir ce sport.

Nous avons également utilisé un portique nommé Braine Lift pour transférer les pilotes des véhicules aux fauteuils. Cela n'était pas possible auparavant. La Fédération internationale de l'automobile (FIA) a validé notre appareil. Nous aurons vraisemblablement la possibilité d'assister à l'édition 2022 du Grand prix automobile d'Arabie saoudite et nous espérons reproduire l'expérience sur d'autres circuits.

Le Modulo Slider est un dispositif aquatique permettant à toute personne atteinte d'un trouble moteur de nager dans les bassins et de vivre une rééducation par la natation. Des personnes en situation de handicap l'ont utilisé avec succès, y compris pour refaire du sport.

Le Teach-Wear est un vêtement instrumenté qui permet de contrôler la posture dorsale et de la corriger si elle est mauvaise. Il peut notamment servir à des sportifs, à des personnes handicapées ou à des patients victimes de problème dorsaux post-opératoires. Nous travaillons sur ce produit avec le LEMM, le Centre d'investigation clinique de Garches et des personnels hospitaliers, et son développement avance vite. Il a été retenu par l'Agence spatiale européenne (ESA) et il est utilisé dans l'espace depuis un an. Nous espérons qu'il pourra être porté par les spationautes pour les voyages de longue durée.

HandiLib est mon premier projet. Il s'agit du premier prototype d'un véhicule capable d'intégrer un fauteuil roulant et permettant à son utilisateur de piloter le véhicule. Un passager peut être présent et piloter l'engin à la place de l'utilisateur. Ce véhicule fait actuellement l'objet de discussions avec les sapeurs-pompiers qui pourraient l'utiliser pour intervenir auprès de populations victimes de catastrophes naturelles.

Enfin, le TandiBoat est un bateau de compétition internationale. Il peut atteindre 130 km/h. À l'issue de la compétition, il peut accueillir à son bord des personnes handicapées et leur offrir une découverte souvent inédite.

D'autres projets sont à venir. Nous cherchons à adapter le véhicule Twizy de Renault-Nissan pour qu'il accueille un fauteuil roulant. Nous travaillons également sur une plateforme sensorielle visant à stimuler des personnes en fauteuil roulant. Grâce à un casque de réalité augmentée, elles vivent des expérimentations virtuelles et des chercheurs récupèrent les données musculaires et vérifient si l'apport médicamenteux a un bénéfice sur ce genre de mouvement initié par une machine. Une orthèse est également à l'étude avec le Centre d'investigation clinique de Garches et le LEMM afin de lutter contre les effets d'un AVC et réduire son impact le plus possible de façon à diminuer la durée de la rééducation.

Je vous remercie pour votre attention et j'invite cordialement les membres de l'Office à venir nous rendre visite au centre Oxygène Factory où sont installés tous nos laboratoires.

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Merci pour cette présentation passionnante. Je savais qu'il y avait aux Mureaux une recherche spatiale de très haut niveau. Je suis heureux de voir qu'y sont présents d'autres secteurs d'activité où est réalisée une R&D à forte valeur ajoutée pour la société.

Nous abordons maintenant la phase d'échanges entre les membres de l'Office et les intervenants, et je transmettrai quelques questions des internautes.

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Merci aux derniers intervenants, qui ont apporté un éclairage très complémentaire sur les handicaps mentaux et cognitifs. Ma première question s'adresse à la CNSA : je souhaiterais savoir s'il y a des interactions entre la CNSA et la recherche publique ou privée. Sont-elles suffisamment concrètes pour faire remonter les besoins des utilisateurs et anticiper l'intégration des mouvements technologiques en cours dans l'offre de soin ? J'aimerais également savoir si les technologies high tech ont une place dans la LPP et quels sont les critères retenus pour inscrire une aide technique dans cette liste. Enfin , le coût est-il le principal obstacle à l'acquisition d'une aide technologique, ou la difficulté principale tient-elle à la mauvaise connaissance du secteur et des outils disponibles ?

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Cécile Chevalier, chargée de mission à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

La CNSA a une mission de soutien aux actions innovantes et à la recherche mais elle n'est pas forcément centrée sur les technologies nouvelles. L'approche est plus globale et inclut les sciences humaines. Néanmoins la Caisse effectue un suivi dans le cadre d'un processus plus global visant à étudier comment créer un système de financement ouvrant aux personnes concernées un accès réel aux aides dont elles ont besoin.

Les freins financiers restent réels pour de nombreuses personnes, notamment les personnes âgées. Nous voulons travailler sur ce point dans les années à venir. Il faut abolir la barrière de l'âge car les solutions, les produits, peuvent servir tant aux personnes en situation de handicap qu'aux personnes âgées. Il faut plus de transversalité dans les propositions faites aux personnes sur le plan financier. La prestation de compensation du handicap s'appuie sur une liste ouverte afin de permettre l'usage de produits innovants ou qui n'ont pas fait l'objet de suffisamment d'études. Nous avons cependant identifié un problème lié à la connaissance insuffisante de ces produits, au flou qui peut entourer leur indication, à la difficulté pour les personnes concernées de les essayer, en fait à l'accompagnement qui est proposé à ces personnes. Par exemple, les fauteuils roulants les plus sophistiqués, qui intègrent de la robotique pour s'adapter à différentes positions du corps, sont vendus entre 25 000 et 30 000 euros ; aujourd'hui, nous savons les financer même si le parcours est long et contraignant du fait de la stratification des financements à chercher. En revanche, pour des dispositifs qui existent depuis des dizaines d'années, qui sont largement utilisés et financés dans d'autres pays, notamment en Europe du Nord, qui relèvent de ce qu'on appelle en France les « aides techniques pour la communication alternative et améliorée », dont le coût peut avoisiner 10 000 euros, il est aujourd'hui compliqué de monter un financement par la PCH car le système en amont n'est pas encore assez performant pour ces technologies. Comme le dirait M. Constanza, notre équipe de France n'est pas opérationnelle. Le point faible est l'organisation des professionnels en contact direct avec les personnes : certains se sont remis en question, mais d'autres travaillent sur ces aides techniques de façon éparpillée, voire anecdotique, manquent de temps pour s'informer et ne sont pas au fait des innovations. Quand ils en ont connaissance, ils craignent de s'emparer du sujet pour les proposer aux usagers. C'est tout l'enjeu des travaux présentés par Virginie Magnant : l'expérimentation des équipes EQLAAT, le travail sur l'information, la graduation de l'accompagnement, la réflexion sur la construction des centres experts et la façon de les mettre en relation avec des professionnels de proximité.

Tout ceci doit permettre que l'innovation ne soit plus un sujet de crainte. Depuis ces dernières années et la remise du rapport, la CNSA a investi très fortement sur ce sujet. Il constitue, à notre sens, un des leviers indispensables pour ouvrir un accès effectif aux personnes, au même titre que le travail effectué sur la solvabilisation.

J'ai dit à l'instant que la PCH s'appuie sur une liste ouverte sur laquelle peuvent être inscrites des nouvelles technologies. Si une demande est présentée par Orthopus ou tout autre porteur d'un projet évoqué au cours de cette audition, le dispositif concerné pourra être financé sous réserve qu'un système d'accompagnement ait permis à l'utilisateur, à l'accompagnateur et au financeur de s'assurer de sa viabilité. Cela renvoie aux modalités de distribution de tels dispositifs : celles-ci sont un peu rigides aujourd'hui. Ainsi, vendre un produit, sans possibilité d'une location qui permettrait de s'adapter à une situation évolutive, constitue un frein à l'accessibilité de celui-ci.

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Hélène Sauzéon, psychologue et chercheuse INRIA

Il serait peut-être judicieux d'utiliser les normes ISO de la Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé (CIF) établies sur des produits techniques low tech et high tech. Ceci permettrait à la CNSA d'avoir une meilleure lisibilité des usages de ces technologies. Nous devrions avoir le réflexe d'y recourir.

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La CNSA peut-elle se charger de l'information des professionnels sur les techniques ?

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Cécile Chevalier, chargée de mission à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

Nous utilisons partout la norme ISO 9999 et nous encourageons tout le monde à faire de même. La construction de l'arrêté sur la tarification de la PCH reprend la norme ISO. Nous avons dû faire un travail pédagogique avec les vingt-quatre équipes EQLAAT. Nous essayons de nous appuyer sur cette norme internationale pour mieux comprendre ce qui se passe en France et faire des comparaisons avec ce qui se passe à l'étranger.

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Hélène Sauzéon, psychologue et chercheuse INRIA

C'est un grand progrès car cela va obliger les entreprises qui commercialisent ces solutions à faire l'effort correspondant et à offrir un supplément d'information sur les produits qu'ils proposent.

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Cécile Chevalier, chargée de mission à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

Pour répondre à la question de M. Villani, informer les professionnels obligerait à s'adresser à de nombreuses personnes dans de multiples secteurs : le secteur médical, le secteur médico-social, les professionnels des CICAT (centres d'information et de conseil en aides techniques), les MDPH. Nous avons en fait peu de moyens permettant d'identifier les professionnels actifs dans le domaine qui vous intéresse. Il faudrait aussi avoir des canaux de diffusion efficaces. Je souligne que tout le travail de structuration d'un groupe de professionnels, qui est l'objectif des CICAT et des équipes EQLAAT, vise notamment à mieux faire circuler l'information.

Ces difficultés renvoient à l'écueil, évoqué par Mme Magnant, de la centralité de la solvabilisation des aides techniques dans les politiques publiques françaises. L'accompagnement a été négligé et aujourd'hui, ne sachant pas quels professionnels sont réellement impliqués et comment ils s'informent, il est très difficile de les atteindre. La CNSA agit tout de même en ce sens. Nous allons chercher dans un premier temps à mieux comprendre qui sont les professionnels auxquels il faut s'adresser, quelles sont leurs préoccupations et les questions qu'ils se posent. Il faudra aussi décider si nous organisons l'information par type de déficience ou par thématique. Ce travail va de pair avec celui sur la structuration de l'accompagnement. En effet, la CNSA n'a pas vocation à s'occuper directement de l'information. Il faut laisser cela aux professionnels qui travaillent sur ces sujets à temps plein.

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Je vais vous faire part de questions des internautes. Elles concernent l'ensemble des tables rondes.

Que peut-on dire des assistants vocaux grand public qui servent à communiquer en cas d'urgence et qui pourraient suppléer les bracelets d'alarme des seniors ?

Vu la complexité des nouvelles technologies, il existe un manque d'éducation des soignants et des patients sur le sujet. Comment y remédier ?

La réalité augmentée et mixte peut faciliter la vie des personnes en situation de handicap. Le prix des casques est prohibitif, de même que le développement des logiciels spécifiques. Comment en faciliter l'accès ?

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Hélène Sauzéon, psychologue et chercheuse INRIA

J'utilise des casques et je peux affirmer qu'ils ne sont plus si onéreux qu'ils l'ont été. Sans citer de marque, le premier prix est de trois cents euros, avec une bonne sensation d'immersion. Il y a eu une forte démocratisation. J'ai travaillé sur des assistants vocaux que l'on dit « ambiants », pour la vie domiciliaire. Ce sont des dispositifs avec des capteurs et des actionneurs associés à un assistant vocal ou à une tablette. Le dispositif DomAssist a été développé par l'INRIA et déployé auprès de personnes âgées fragiles pour favoriser le maintien à domicile. Ils ont également été déployés auprès des personnes souffrant de déficiences intellectuelles pour répondre à un besoin de primo-accession au logement autonome. On voit encore des difficultés liées tout simplement à la fiabilité de l'accès à internet et à la bande passante et il n'est donc pas possible de garantir une assistance sans faille, aussi efficace qu'avec un bracelet, car les territoires sont inégalement desservis – de façon surprenante, on voit parfois des zones rurales mieux desservies que des zones urbaines. Le problème majeur, qui est donc celui de la fiabilité du signal, n'est pas aussi prégnant que pour d'autres dispositifs comme les montres connectées ou les pendentifs d'appel d'urgence.

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Ouriel Grynszpan, professeur à l'Université Paris-Saclay

Il existe d'autres moyens d'action que ceux évoqués par Mme Chevalier pour informer les professionnels. Je pense par exemple aux Centres ressources autisme : la diffusion de l'information est une de leurs missions. Ils organisent régulièrement des journées spécifiques. Nous aimerions aller plus loin et les amener à effectuer une veille technologique afin de mettre à jour une base de données en ligne. Cela serait utile . L'équivalent doit exister pour d'autres types de handicap.

Concernant la formation des professionnels, je souligne que les personnels paramédicaux sont aujourd'hui très impliqués dans les technologies numériques. Les formations paramédicales s' « universitarisent » : les étudiants étaient jusqu'ici en école et ils sont rattachés progressivement à des formations universitaires. Ceci va augmenter le caractère multidisciplinaire de leur formation et leur donner un accès à la recherche. Les professionnels du domaine pourraient mettre en place des enseignements sur les aides technologiques pour y sensibiliser les étudiants le plus tôt possible. Cette tâche et ce rapprochement des disciplines sont à mener au niveau universitaire.

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Hélène Sauzéon, psychologue et chercheuse INRIA

. Étant moi-même universitaire, je peux dire que nous modernisons constamment nos formations. Le problème n'est donc pas celui des nouveaux diplômés mais des professionnels en exercice, qui ont besoin de formation continue. Pour ceux-ci, ce sont des associations ou des centres de formation qui pourraient actualiser leurs connaissances.

Il faudrait intégrer également ces nouveaux outils aux formations des personnes accompagnant les élèves en situation de handicap. J'y travaille avec l'académie de Bordeaux. Néanmoins, les pratiques de formation continue sont loin d'être systématisées et généralisées. Sachez aussi qu'il existe désormais des cogniticiens. Ce sont des spécialistes de niveau ingénieur avec des diplômes solides. Leur rôle va précisément être de former les professionnels à ces nouvelles technologies.

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Merci pour ces réponses précises.

Dans l'exposé de Mme Sakaa, une grande attention était portée au protocole humain, à la manière d'organiser les choses et à la façon d'intégrer la technologie dans une matière sociale en construction. Dans quelle mesure les innovations humaines sont-elles appelées à jouer un rôle et de quelle façon cela impacte-t-il les équipes, les experts, les formations et les qualifications ?

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Hélène Sauzéon, psychologue et chercheuse INRIA

Je suis psychologue et je pensais que je connaissais les besoins. Petit à petit, j'ai compris que je ne pouvais pas travailler sans les parties prenantes au handicap. Aujourd'hui, ce fait est totalement intégré à mes recherches et j'utilise les méthodes participatives de conception des technologies : je mène des enquêtes et j'effectue des « tests utilisateur ». Ainsi, des besoins souvent méconnus des cliniciens sont mieux ciblés. La mise en place de groupes d'utilisateurs et la prise en compte de leurs observations ont également contribué à identifier ces besoins. De plus, nous faisons un effort particulier pour ce qui est nommé l'expérience utilisateur en ergonomie. Il faut que le produit soit à la fois pragmatique, facilement utilisable, compréhensible et qu'il génère une bonne émotion afin de donner envie à l'utilisateur de le conserver. Nous intégrons donc davantage les approches des sciences humaines et sociales (SHS) dans les recherches généralistes.

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Le ministère de l'enseignement supérieur avait commandé 1 500 robots de téléprésence afin de permettre aux étudiants en situation d'incapacité permanente ou temporaire de fréquenter les établissements académiques et de pouvoir conserver une continuité pédagogique et un lien social. La commande a-t-elle été passée par la CNSA ? J'évoque ces robots car un étudiant de la Faculté Jean Monnet de l'Université Paris Saclay est récemment sorti major de sa promotion grâce à ce dispositif. Je veux souligner par là que si les technologies existent, il faut les intégrer en milieu ordinaire.

Autre question : les centres accueillant des enfants et des adultes en situation de handicap cognitif sont-ils demandeurs de solutions technologiques ou sont-ils trop surchargés pour cela ?

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Ouriel Grynszpan, professeur à l'Université Paris-Saclay

J'aimerais fournir un témoignage. Mon épouse travaille dans une association d'aide aux personnes polyhandicapées. Leur situation est effectivement compliquée : l'activité est trop importante pour pouvoir intégrer de nouvelles activités, les budgets sont trop bas et le matériel manque ou est volé. L'intégration des technologies dans ces institutions n'est donc pas évidente, même si les professionnels sont demandeurs. De surcroît, le temps nécessaire à la formation reste un obstacle critique.

Même si cela reste empirique, il est intéressant d'observer que les professionnels développent souvent des ateliers numériques avec leurs propres moyens alors que des technologies adaptées existent. On en revient à la problématique de la bonne information des praticiens. Il y a donc un travail à faire au niveau des associations afin de leur donner la capacité à se former ainsi qu'à sécuriser le matériel.

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Hélène Sauzéon, psychologue et chercheuse INRIA

Il ne faut pas oublier les enfants. J'indiquais précédemment que 80 % des handicaps dont ils souffrent ont pour origine une déficience mentale. Des études sociologiques montrent que ces enfants ont trois fois plus de chance de vivre dans des foyers socialement défavorisés. Ceci implique des limitations financières et surtout un manque d'éducation médicale, de littératie en santé, lacune que l'on retrouve souvent chez leurs parents – il n'est pas rare qu'ils ne connaissent même pas les soins courants. Dans ma pratique professionnelle au sein des dispositifs ULIS, je passe mon temps à informer les parents sur les dispositifs existants. La France offre beaucoup, mais il y a un véritable problème d'information et de culture sur les solutions disponibles.

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Je note donc qu'une formation pour les parents, les enseignants et les acteurs publics est nécessaire. Je remercie l'ensemble des personnes qui ont participé à cette audition, en m'excusant que celle-ci ait duré bien plus que prévu, mais c'est parce que le sujet est passionnant.

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Ce tour d'horizon nous a permis d'aborder un grand nombre de questions liées aux technologies au service du handicap, qui touchent à la recherche, aux ressources humaines et à la formation. Ont également été abordées les incertitudes en matière de financement, de développement technologique et de coopération. Le grand panel des acteurs impliqués a été présenté. Les difficultés administratives et politiques n'ont pas été oubliées. L'Office va maintenant analyser l'ensemble de ces interventions et préparer des recommandations qui serviront également à former nos collègues parlementaires sur le sujet. Il s'agit de l'un des domaines où la science, la bonne administration et l'entreprise, peuvent rendre un service considérable à la société. Je vous remercie.

La réunion est close à 13 h 50.

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 27 janvier 2022 à 9 h 40

Députés

Présents. - Mme Huguette Tiegna, M. Cédric Villani

Excusé. - M. Philippe Bolo

Sénateurs

Présents. - Mme Annie Delmont-Koropoulis, M. Ludovic Haye, Mme Sonia de la Provôté, M. Gérard Longuet, Mme Michelle Meunier, M. Bruno Sido