Je vais réagir sur l'articulation entre secteur public et secteur privé. Le rôle d'un laboratoire académique est avant tout de développer des innovations technologiques afin de démontrer leur efficacité et leur intérêt. Pour ce qui nous concerne, il s'agit de modèles expérimentaux voire animaux. Le secteur privé est dans une perspective différente puisqu'il doit industrialiser un processus. Dans le laboratoire académique, les méthodes sont quasi artisanales. À titre d'exemple, le mode de préparation des vecteurs viraux pour la thérapie génique est très différent de celui utilisé pour l'industrialisation, où des cellules d'insectes sont utilisées à la place de cellules humaines. L'industrialisation n'intéresse pas le chercheur ; cette phase doit être développée dans l'entreprise privée. De plus, les chercheurs ne peuvent pas traiter la dimension réglementaire de l'industrialisation. Les rôles sont donc différents et impliquent que les laboratoires transférent l'innovation à une société qui va en faire un produit commercial et industriel acceptable d'un point de vue clinique.
Toutes les technologies de restauration de la vision sont entrées dans des phases cliniques, particulièrement les prothèses rétiniennes destinées aux patients atteints de dégénérescence maculaire liées à l'âge (DMLA). Il est cependant dommage que toutes les autres prothèses aient été retirées du marché ; la prothèse de Pixium est la seule qui soit en essai clinique. Tous les patients victimes de pathologies héréditaires sont donc en attente de prothèse. Nous pourrions aussi penser à recourir à un forfait innovation pour accélérer la démonstration d'un intérêt thérapeutique à leur endroit.
S'agissant du processus d'adaptation, les malades ne recouvrent pas immédiatement la vue après la pose de la prothèse rétinienne, car le cerveau s'est habitué à considérer toutes les informations de cet ordre comme inutiles. Il faut lui « réapprendre » l'inverse. Une étude sur les prothèses américaines de la société Argus 2, depuis retirées du marché, a démontré qu'au bout d'un an la stimulation de l'œil avec un flash lumineux provoque une activation du cortex visuel bien plus importante qu'avant la pose de la prothèse. Le patient s'est donc adapté.