Intervention de Virginie Magnant

Réunion du jeudi 27 janvier 2022 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie :

Dans un premier temps, je vais expliquer quel est le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La Caisse est essentiellement un cofinanceur de la prise en charge des aides à destination des personnes âgées ou handicapées. Depuis le 1er janvier 2021, la CNSA gère le nouveau risque et la nouvelle branche de sécurité sociale créée pour soutenir l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Elle a deux missions en matière d'aides techniques.

La première mission consiste à soutenir la structuration de l'accès à ces aides et le renforcement de l'accompagnement des personnes, ainsi que la promotion de l'innovation et l'accompagnement de l'évolution des pratiques. À ce titre, j'ai écouté avec grand intérêt l'ensemble des intervenants afin de vérifier si nous avions bien pris en compte l'ensemble des aides évoquées. Il s'agit d'une mission transversale aux différents âges, que nous exerçons en direction des professionnels qui interviennent en appui des personnes âgées ou en situation de handicap. De manière complémentaire, la CNSA agit spécifiquement en direction du réseau des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des équipes médico-sociales qui évaluent les besoins des personnes âgées et qui peuvent ouvrir leur droit à une aide. Il s'agit de l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA) qui intègre pour partie l'accès à des aides techniques. La Caisse appuie les professionnels positionnés dans les principaux guichets. Ils informent, accueillent, orientent et accompagnent les personnes handicapées dans les MDPH, ainsi que les personnes âgées en perte d'autonomie qui sollicitent des aides à l'accompagnement. Il est nécessaire que ces professionnels soient informés de l'existence des aides et sachent mobiliser les outils à leur disposition pour faciliter l'accès des personnes âgées ou handicapées à celles-ci. Je fais ce propos liminaire pour expliquer la raison de mon intervention mais aussi pour vous présenter rapidement les dispositifs publics qui permettent aujourd'hui de solvabiliser l'accès aux aides techniques. La question de l'accessibilité aux aides financières est fréquemment posée. Certes, elle est déterminante mais nous avons aussi constaté que, pour les pouvoirs publics, la solvabilisation a été une question presque trop centrale et a peut-être conduit à négliger d'autres dimensions de l'accompagnement des personnes et des professionnels pour l'accès aux aides. C'est tout un débat.

Le panorama du remboursement des aides techniques permet de mettre en lumière le fait qu'il existe différentes aides. La première est le remboursement par l'assurance maladie obligatoire, ouvert à l'ensemble des assurés sociaux, sans critère d'âge ni de handicap. Il s'agit d'un remboursement simple et généraliste. Il permet d'accéder à ce que nous nommons des « produits » qui sont inscrits sur la Liste des produits et prestations remboursables (LPP ou LPPR). Il existe deux types d'aides inscrits sur cette liste, qu'il s'agisse d'une mise en ligne générique ou d'un nom de marque. L'inscription marque une « reconnaissance » du produit et permet la solvabilisation par l'assurance maladie. L'existence de la LPP facilite donc l'accès financier à l'aide.

Il faut citer ensuite la prestation de compensation du handicap (PCH), destinée à des personnes handicapées. Il s'agit d'une prestation globale qui permet à la fois l'accès à des aides humaines et à des aides techniques. Elle facilite la solvabilisation de l'accès à des aides techniques qui ne relèvent pas de la LPP. Cette prestation légale est plus accueillante pour l'innovation car sont inscrits sur la LPP des produits relativement matures et bien installés, dont les usages ont été vérifiés. Les aides techniques accessibles par la PCH font l'objet d'une liste ouverte. En général, les personnes en situation de handicap peuvent avoir accès aux aides techniques d'abord via la PCH puis, lorsque l'usage s'installe, via leur inscription sur la LPP. Pour sa part, l'APA permet de financer une partie des prestations servies aux personnes âgées sous réserve de satisfaire à des critères d'âge et de perte d'autonomie.

En complément de ces trois grands modes de solvabilisation, un financement de tout ou partie du reste à charge peut venir des assurances complémentaires santé, de celles couvrant les dépendances et les accidents de la vie ou des assurances de tiers si un tiers est responsable. Des financements extra-légaux sont également mobilisables.

Ceci montre une grande diversité des aides financières, dont l'objectif louable est de réduire le reste à charge, mais qui peut également produire, pour l'usager et ses accompagnants, une indéniable impression de complexité et rendre difficile l'orientation entre les différents guichets. De plus, la combinaison des aides financières et des guichets ne permet parfois pas de réduire suffisamment le reste à charge. C'est pourquoi la CNSA a été mobilisée, en appui au docteur Philippe Denormandie, pour réfléchir à une réforme de l'accès aux aides techniques. La notion d'aide technique recouvre tout instrument, équipement et système technique adapté ou spécialement conçu pour compenser une limitation d'activité rencontrée par une personne, par exemple du fait de son handicap. Elle concerne donc en partie les technologies au service de la prise en charge du handicap. On peut citer les aides techniques telles que les outils numériques ou robotiques évoqués précédemment. Il existe aussi des aides non technologiques comme les rampes d'accès, qui sont d'un très grand intérêt pour faciliter le quotidien des personnes. Enfin, certaines aides techniques relèvent spécifiquement de la santé, comme les implants cochléaires, la rétine artificielle ou les prothèses de membres ; elles sont prises en charge dans le cadre du système de santé.

La mission confiée en 2019 au docteur Denormandie par le gouvernement a fait l'objet, en 2020, d'un rapport cosigné avec Cécile Chevalier, référente en la matière au sein de la CNSA. Ce rapport a dressé trois principaux constats sur les aides techniques et leur accès et a formulé des propositions regroupées en cinq axes.

Tout d'abord, les constats alertent sur les réelles difficultés d'accès que rencontrent les personnes concernées. Des inégalités existent selon les territoires mais aussi selon les publics. Le rapport montre ainsi que pour l'accès aux aides, les personnes âgées sont parfois désavantagées par rapport à celles en situation de handicap, alors qu'elles vivent souvent des situations très similaires. Cela peut résulter du fait que l'existence des aides est méconnue des professionnels du grand âge. De plus, la personne âgée peut avoir besoin d'une assistance plus soutenue dans la durée. Cette question de l'accompagnement est prégnante et constitue une réelle difficulté pour les personnes.

En matière de solvabilisation, l'accès aux aides est long et compliqué. Le reste à charge et l'avance de frais peuvent être des obstacles importants.

Le rapport souligne que le secteur marchand est peu connu. Les professionnels, les usagers et les opérateurs du secteur marchand susceptibles de développer des aides à une échelle suffisante dialoguent peu. Ceci peut faire obstacle à une adaptation pertinente des aides aux besoins et à une appropriation efficace, quand elles existent.

Enfin, on constate un sous-investissement collectif du sujet dans les politiques publiques, pour des raisons telles que sa complexité apparente, la technicité propre aux modalités de solvabilisation financière et le morcellement des questions.

Le rapport fait des propositions transversales afin d'améliorer l'accès aux aides en s'appuyant directement sur les recommandations de l'OMS en matière de politiques publiques. Elles visent à soutenir l'accompagnement des personnes dans la durée, y compris quand les aides techniques sont disponibles, ce qui n'est pas toujours le cas. Elles portent sur le renforcement de l'évaluation des besoins et de l'accompagnement des personnes, la nécessité de se saisir de l'innovation et de développer la connaissance et la recherche, la consolidation du dispositif de financement afin de garantir une bonne qualité des matériels et des services dans la distribution des aides, etc. Le rapport fait aussi des recommandations sur la gouvernance, aussi bien nationale que territoriale. Je tiens à souligner que le Gouvernement s'est saisi de ces propositions. Il a mis en place un suivi transversal du chantier d'accès aux aides techniques et mobilisé des groupes de travail pilotés par différentes directions d'administration centrale du ministère des Solidarités et de la Santé et par la CNSA afin de mettre en œuvre un certain nombre de ces recommandations.

Je vais maintenant vous parler de la récente utilisation d'équipes locales d'accompagnement sur les aides techniques (EQLAAT). Ce levier vise à améliorer l'assistance apportée aux personnes pour accéder aux aides. Son dispositif a été mis en place sur la base de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui ouvre la voie à des expérimentations ayant un potentiel structurel pour le système de santé. Celles-ci ont été autorisées de septembre 2021 à septembre 2023. Vingt-quatre équipes ont été sélectionnées sur le territoire national et soutenues grâce à une enveloppe d'un peu plus de dix millions d'euros. L'objectif est de tester à la fois l'action d'équipes plurielles et structurées et de nouveaux modes de financement facilitant l'accès aux aides techniques, avec un dispositif souple et adapté au territoire, qui répond aux recommandations de l'OMS demandant d'inclure des essais dans le contexte de vie de la personne. L'expérimentation s'intéresse aussi à la manière dont l'accompagnement, quand il se poursuit au-delà de la mise à disposition de l'aide, permet de s'assurer de la bonne appropriation de l'aide par la personne. Ceci vise à éviter que des aides complexes à obtenir soient ensuite remisées dans un placard alors même qu'elles représentent un investissement et un coût pour la collectivité. Un accompagnement insuffisant ne permet pas de soutenir l'autonomie et d'améliorer la qualité de vie des personnes concernées.

En sus de cette structuration territoriale, la CNSA a lancé des travaux pour mieux informer les personnes et les professionnels qui les accompagnent. C'est un sujet clé. Les aides sont parfois matures, parfois en construction. Il est donc difficile de toucher le plus grand nombre. La CNSA cherche à ce que ces aides soient plus visibles, à la fois sur son site institutionnel à destination des professionnels et sur le portail d'information des particuliers. Enfin, nous allons continuer de travailler sur l'amélioration des financements légaux mais nous collaborons aussi avec les acteurs privés afin de faire évoluer leur offre commerciale.

Je vous remercie de m'avoir permis de présenter les travaux en cours qui visent à faciliter l'accès des personnes en situation de handicap aux aides techniques en général et aux aides technologiques en particulier. Elles sont un levier important de l'autonomie qu'il convient de renforcer.

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