– J'ai moi aussi quelques commentaires. Premièrement, les outils du crédit d'impôt recherche (CIR) et des conventions de thèses dites conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre) ont bien été mentionnés dans le rapport. Nous savons que ce sont là des sujets controversés, surtout le CIR. Dans le secteur du handicap, son impact est indéniable car les financements consentis pour mettre au point les dispositifs sont difficiles à amortir en raison de marchés étroits. Il n'est pas inutile de rappeler ce point, voire d'insister un peu.
Il y a plusieurs positions dans le monde politique sur le CIR. Certains considèrent qu'il faut purement et simplement le supprimer et allouer à la recherche des moyens équivalents. D'autres affirment qu'il s'agit de deux choses différentes et que, pour ce qui concerne le CIR, la « recherche » doit être vue comme de la R&D et qu'elle n'est pas en concurrence avec la recherche académique. D'autres encore considèrent qu'il convient de reformuler les règles du CIR afin qu'il ne soit attribué qu'à certains secteurs, par exemple en soumettant son obtention à des critères de responsabilité sociale et environnementale – c'est ma position. En tout état de cause, le handicap est un secteur où le CIR ne doit pas passer à la trappe car il y a un rôle majeur.
Ma deuxième remarque touche à quelque chose qui n'était pas au cœur de l'audition mais qui est très familier aux parlementaires. Il s'agit des difficultés rencontrées par les usagers avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les conflits sont innombrables entre celles-ci et les personnes en situation de handicap, avec leurs familles. Ils portent sur la complexité des dossiers, la durée de leur instruction, le montant des aides attribuées ainsi que leur complément. Il s'agit de dossiers douloureux, parfois interminables et indémêlables. J'ai tenté d'améliorer certaines choses en mettant en contact la MDPH de mon département, l'Essonne, avec des associations spécialisées dans la transition numérique afin de développer l'usage d'algorithmes pour améliorer le traitement des dossiers. Ces associations ont conclu que le système d'information des MDPH était tellement dépassé, antédiluvien, qu'il était impossible d'y faire fonctionner les logiciels nécessaires. Il me semble que, depuis, une refonte de ces systèmes d'informations a été engagée. Il serait judicieux que, dans le prolongement de nos travaux, le Parlement puisse évaluer l'efficacité des nouveaux systèmes. Sur un plan plus général, il est intéressant de se demander si les technologies de l'information peuvent aider à améliorer l'efficacité des MDPH.
Ma troisième remarque porte sur un organisme qui n'a pas été évoqué lors de l'audition mais qui a pour vocation de faire entendre le point de vue des personnes en situation de handicap. Il s'agit du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), collège d'environ 160 membres. Jusqu'à tout récemment, je ne le connaissais pas mais j'ai été nommé à son conseil scientifique. Il est actuellement présidé par Jérémie Boroy, lui-même personne malentendante. Celui-ci est extrêmement actif pour faire appliquer réellement les lois, car trop souvent, sur le terrain, elles ne le sont pas. Le cahier des charges de cet organisme répond bien à certaines recommandations que nous propose Huguette Tiegna, notamment la nécessité d'avoir un point de vue centré sur l'humain et sur les besoins des usagers plutôt que sur la répartition des ressources et les possibilités techniques. Le CNCPH doit faire partie de la mise en œuvre de la politique du handicap, y compris dans le développement des technologies. Par exemple, il a été récemment très actif sur la mise en œuvre d'un dispositif de traduction par téléphone au profit des personnes malentendantes. Ce système de traduction automatique, entre langue des signes et communication orale, est assuré par un service public. Dans certains pays, cela fonctionne beaucoup mieux qu'en France.
Une ultime remarque porte sur un point de détail, qui concerne la façon de présenter dans le rapport la récente note scientifique de notre collègue Patrick Hetzel sur les neurotechnologies. Je propose de reformuler la phrase afin que le lecteur comprenne que les interfaces cerveau-machine ne sont pas le sujet principal de la note, qui était bien plus riche, mais seulement un parmi d'autres. La rédaction pourrait être : « La note scientifique de l'Office consacrée aux neurotechnonologies évoque les possibilités offertes par les BCI ».
J'ai enfin une question. Que faut-il comprendre exactement par « L'Allemagne a récemment annoncé que marcher constitue un droit fondamental » ? Cette phrase vise-t-elle l'Allemagne au sens de ses institutions, notamment le Parlement, ou de sa Constitution ?
Je souhaite à mon tour féliciter notre collègue Huguette Tiegna, non seulement pour la qualité de ses propositions mais aussi pour avoir porté ce thème. Nous voyons en effet à quel point il était bienvenu et s'inscrivait parfaitement dans l'histoire de l'Office ainsi que dans les préoccupations actuelles sur la nécessité d'une interface fluide entre science, politique et société.