Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 3 mars 2022 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 3 mars 2022

La réunion est ouverte à 9 h 40.

Examen des conclusions de l'audition publique sur les progrès récents des technologies au service de la prise en charge du handicap (Huguette Tiegna, députée, rapporteure)

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– Chers collègues, chers amis, j'adresse tout d'abord mes félicitations aux valeureux membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT) qui continuent, même après la suspension des travaux de l'Assemblée nationale, à défendre inlassablement la cause de l'Office et à y débattre de sujets importants pour notre société. Ce matin, l'Office doit examiner deux projets de rapport.

En premier lieu, notre collègue députée Huguette Tiegna présentera les conclusions de l'audition publique sur les progrès récents des technologies au service de la prise en charge du handicap. C'était une très belle audition, au cours de laquelle nous avons pu entendre de nombreux acteurs : des start-up des entreprises et des laboratoires de recherche, avec de remarquables réalisations.

Nous examinerons ensuite le rapport relatif à la préparation du cinquième Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) – un acronyme pas si simple, mais auquel les membres de l'Office ont fini par s'habituer tant ils l'ont entendu au cours de cette législature. Au fil de ses retards successifs, le PNGMDR a en effet fini par être considéré comme un refrain : « mais quand viendra-t-il ? »… La députée Émilie Cariou et le sénateur Bruno Sido nous présenteront ce projet de rapport.

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– Monsieur le Président, monsieur le premier vice-président, chers collègues, je suis très heureuse de présenter ce matin les conclusions de l'audition publique que j'ai organisée, à la fin du mois de janvier, sur les progrès récents des technologies au service de la prise en charge du handicap.

En 2008, la députée Bérengère Poletti présentait, au nom de l'Office, un rapport sur les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap. Un peu plus d'une décennie plus tard, j'ai souhaité faire le point sur les progrès techniques qui ont émergé depuis.

L'audition a rassemblé à l'Assemblée nationale des chercheurs, des industriels, un médecin et la directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) dans l'objectif de dresser un panorama des besoins des personnes en situation de handicap, qu'il s'agisse de handicap moteur, sensoriel, mental ou cognitif, et des moyens d'y répondre. Les personnes auditionnées ont présenté un éventail de technologies disponibles ou en cours de développement et ont proposé des pistes dans l'objectif d'améliorer la compensation des déficiences dont souffrent les personnes en situation de handicap. Les conclusions que je présente ce matin en font la synthèse.

L'audition a tout d'abord été l'occasion de voir le fruit de la recherche française, de très haut niveau, avec la présentation des innovations de l'Institut de la vision en matière de restauration de la vue. L'audition a ensuite mis en exergue le fait que la diffusion des techniques a grandement bénéficié au secteur du handicap. Il s'agit par exemple des progrès du numérique et des technologies développées pour la téléphonie ou pour les jeux vidéo. Ceci a permis une nette amélioration des performances et de l'ergonomie des aides. L'exosquelette de l'entreprise Wandercraft, dont nous avons eu une démonstration par vidéo, en est un exemple édifiant. En effet, le numérique offre de nombreuses possibilités, de la simple « application » à l'expérience d'immersion que permet la réalité virtuelle. Les professionnels au contact des personnes en situation de handicap nous ont affirmé que celles-ci souhaitent avant tout retrouver une vie sociale et accéder à un logement, ou s'y maintenir, en autonomie. Certains professionnels ont regretté que les aides techniques soient encore trop techno-centrées. Ils ont prôné un changement de paradigme, une meilleure prise en compte des besoins, des capacités et des contraintes des utilisateurs, pour que les aides techniques soient adoptées avec plus de succès et soient réellement utiles dans la vie quotidienne.

L'audition a révélé le besoin d'évaluer leur apport afin qu'elles soient efficaces, adéquates et proposées aux personnes qui en auraient l'utilité. En effet, leur proposer une aide inefficace ou inadéquate peut causer une perte de chance. Un exemple d'évaluation concernant les aides destinées à la prise en charge de l'autisme a été présenté. Par ailleurs, l'évaluation doit être réalisée régulièrement faute de quoi elle deviendrait rapidement obsolète, au détriment des personnes en situation de handicap. Les personnes auditionnées ont également attiré l'attention sur l'existence de risques liés à un mésusage des technologies numériques : elles peuvent avoir des effets sanitaires préoccupants, tels le développement d'une addiction aux écrans ou un isolement social.

Les chercheurs et les industriels auditionnés ont présenté leur parcours et ont fait état des enseignements qu'ils en tirent. Tous rendent hommage à l'excellence de la recherche scientifique française et au fait qu'elle est une source d'innovation. Les chercheurs ont néanmoins regretté que le secteur académique souffre d'un manque d'attractivité. Ils ont également exprimé la crainte que le mode de financement par appel à projets limite la créativité des chercheurs. La coopération entre le secteur académique et les industriels a été saluée, car elle est jugée mutuellement bénéfique et permet de stimuler la recherche et développement (R&D) industrielle. Cependant, les acteurs industriels ont fait état de difficultés de financement par des capitaux privés car le secteur du handicap n'est pas porteur. Les difficultés concernent également la production, le terreau industriel français s'étant affaibli.

Une partie des acteurs industriels s'inscrit dans une tendance de fond : celle du low tech, qui vise à faire bénéficier le plus grand nombre d'aides utiles et onéreuses. La possibilité de disposer d'aides techniques de pointe en location s'inscrit également dans ce mouvement et trouve sa pertinence dans le fait que, pour beaucoup de handicaps, la déficience est évolutive et justifie que la compensation technique mise en place soit régulièrement réévaluée. La contribution des sciences humaines et sociales pourrait être davantage mise en avant, notamment pour aider à une meilleure inclusion des personnes handicapées dans la société.

J'avais souhaité que l'audition soit l'occasion d'aborder le sujet de l'accessibilité des personnes handicapées à des aides techniques. La directrice de la CNSA, Mme Virginie Magnant, a présenté l'éventail des aides financières destinées à réduire le reste à charge des personnes en situation de handicap. Elle a estimé que la solvabilité des personnes en situation de handicap ne peut pas être le seul sujet de préoccupation. D'après elle, les difficultés rencontrées dans la mise en place d'une assistance technique pertinente tiennent plutôt à la mauvaise connaissance des solutions disponibles, carence partagée par les professionnels médicaux et paramédicaux qui les entourent. Il a été souligné au cours de l'audition que la France offre beaucoup afin que les personnes qui en ont besoin puissent bénéficier d'aides techniques. Il y a donc un travail important à réaliser pour qu'elles y aient plus facilement accès.

Sur le chantier de l'information, la CNSA a lancé deux expérimentations : le déploiement de centres d'information et de conseil sur les aides techniques (CICAT) puis celui d'équipes locales d'accompagnement sur les aides techniques (EqLAAT). Il est important que les professionnels bénéficient d'une bonne information quant aux techniques existantes, mais aussi d'une bonne formation, de sorte qu'ils soient en mesure de les utiliser ou d'en expliquer l'utilisation à leurs usagers. Un référencement des technologies, régulièrement mis à jour, identifiant les spécificités des aides et évaluant celles-ci, devrait être le principal élément d'un système permettant aux usagers et à leur entourage de connaître l'éventail des aides techniques possibles. Après analyse des expérimentations actuellement menées par la CNSA, la filière pourrait être réorganisée pour faire reposer l'information des professionnels de terrain sur un tel référencement, avec un rôle central donné aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

J'en viens maintenant aux recommandations. Celles-ci s'organisent autour de deux axes.

En premier lieu, je propose de donner toutes les clefs aux personnes en situation de handicap, aux aidants et aux professionnels qui les épaulent pour que soit mise en place, à chaque fois, l'aide technique la plus adéquate. Pour cela, il faut intégrer pleinement les sciences humaines et sociales à la mise au point des solutions, techniques ou non, permettant de répondre aux besoins des personnes concernées et d'améliorer leur intégration dans la société. De plus, il convient de mettre en place un recensement des aides techniques existantes qui ne soit pas limité aux aides inscrites sur la Liste des produits et prestations (LPP). Ce recensement doit intégrer les spécificités de chaque aide ainsi qu'une évaluation selon plusieurs critères, dont leur efficacité. Il faut également organiser sur la base de ce recensement la formation continue des professionnels au contact des personnes en situation de handicap, en donnant un rôle central aux MDPH ou aux CICAT. Enfin, il faut développer une offre locative pour faciliter l'adaptation des aides techniques à l'évolution des déficiences.

Le second axe des recommandations appelle à conforter l'écosystème français des technologies du handicap. Pour ce faire, il faudrait, d'une part, remédier aux fragilités de la recherche académique dans ce domaine, notamment en améliorant l'attractivité des postes de chercheurs, ingénieurs et techniciens permanents de la recherche académique. D'autre part, il convient de lever les freins au financement des industriels innovateurs, notamment en créant un fonds public, piloté par la Banque publique d'investissement (BPI), dédié au financement du développement d'aides techniques pour les personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie due à l'âge. Enfin, le bon fonctionnement de cet écosystème nécessite de renforcer les synergies entre la recherche académique et les industriels innovateurs, tant en matière de financements que d'échanges scientifiques.

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– Merci beaucoup chère collègue. La parole est libre et je vois que notre collègue sénatrice Michèle Meunier a déjà une question.

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Michelle Meunier, sénatrice

– Merci pour ce rapport passionnant. J'ai pris beaucoup d'intérêt à écouter les intervenants de l'audition publique mais j'ai également ressenti une certaine frustration car cette audition était très dense. Cependant, je ne garde que le meilleur et le rapport qu'en a tiré Huguette Tiegna me convient très bien. Il souligne l'excellence de nos chercheurs ainsi que l'intérêt premier et central de la personne, adulte ou enfant, porteur de handicap. Pourquoi des aides techniques ? La rapporteure l'a très bien dit : elles sont toujours au service de la personne en situation de handicap, afin qu'elle puisse vivre pleinement. Je suis d'accord avec l'idée que l'évaluation des aides techniques est indispensable. Comme le disait Huguette Tiegna, une telle évaluation permet d'être toujours en adéquation avec les besoins de la personne handicapée. Cela nécessite du temps, de l'accompagnement et aussi quelques moyens.

Étant nantaise, cette audition a été l'occasion pour moi de reprendre contact avec Sophie Sakka. J'ai entendu les difficultés que vous pointez concernant le manque de moyens alloués à la recherche et les perspectives trop peu ouvertes pour les industriels. Si elle s'intéresse surtout aux adolescents présentant des troubles du spectre autistique, l'association Robots! intervient pour tout ce qui est relatif à la dégénérescence neurocognitive et à la maladie d'Alzheimer. Il s'agit de pistes sur lesquelles Sophie Sakka est en train de travailler et qu'elle aimerait développer si les moyens le lui permettent.

L'audition m'a aussi permis de reprendre contact avec la fameuse association Orthopus. En janvier, elle a obtenu le label Entreprise solidaire d'utilité sociale (ESUS) qui récompense les associations poursuivant un objectif d'utilité sociale. L'obtention de ce label récompensant une manière de travailler permet de ne pas perdre le sens de l'utilité sociale. C'est une reconnaissance bienvenue.

Je félicite une nouvelle fois Huguette Tiegna. S'il y a lieu, je suis très intéressée pour poursuivre le travail en ces domaines.

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Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office

– Les propos d'Huguette Tiegna restituent parfaitement ce que nous avons entendu lors de l'audition. J'aimerais souligner l'intérêt d'insérer dans le rapport quelques tableaux quantitatifs sur les différentes formes de handicap. Je n'ai pas l'impression que cet aspect ait été beaucoup évoqué lors de l'audition. Or quand on parle d'un marché, il est intéressant d'en connaître l'évolution. On peut d'ailleurs imaginer que celui de la mobilité en général et de l'exosquelette en particulier va bénéficier – et bénéficie déjà – de véritables progrès. Cela a des implications extrêmement fortes sur la vie quotidienne de la population française car celle-ci vieillit et est donc confrontée à un type de handicap prévisible, pour lequel une politique systématique est engagée. Mais l'ensemble de la politique de prise en charge du handicap est parfois un peu compliqué. C'est la raison pour laquelle je pense qu'une approche par la mobilité individuelle permettrait de régler un certain nombre de problèmes, en tout cas de simplifier les choses.

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– J'ai moi aussi quelques commentaires. Premièrement, les outils du crédit d'impôt recherche (CIR) et des conventions de thèses dites conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre) ont bien été mentionnés dans le rapport. Nous savons que ce sont là des sujets controversés, surtout le CIR. Dans le secteur du handicap, son impact est indéniable car les financements consentis pour mettre au point les dispositifs sont difficiles à amortir en raison de marchés étroits. Il n'est pas inutile de rappeler ce point, voire d'insister un peu.

Il y a plusieurs positions dans le monde politique sur le CIR. Certains considèrent qu'il faut purement et simplement le supprimer et allouer à la recherche des moyens équivalents. D'autres affirment qu'il s'agit de deux choses différentes et que, pour ce qui concerne le CIR, la « recherche » doit être vue comme de la R&D et qu'elle n'est pas en concurrence avec la recherche académique. D'autres encore considèrent qu'il convient de reformuler les règles du CIR afin qu'il ne soit attribué qu'à certains secteurs, par exemple en soumettant son obtention à des critères de responsabilité sociale et environnementale – c'est ma position. En tout état de cause, le handicap est un secteur où le CIR ne doit pas passer à la trappe car il y a un rôle majeur.

Ma deuxième remarque touche à quelque chose qui n'était pas au cœur de l'audition mais qui est très familier aux parlementaires. Il s'agit des difficultés rencontrées par les usagers avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les conflits sont innombrables entre celles-ci et les personnes en situation de handicap, avec leurs familles. Ils portent sur la complexité des dossiers, la durée de leur instruction, le montant des aides attribuées ainsi que leur complément. Il s'agit de dossiers douloureux, parfois interminables et indémêlables. J'ai tenté d'améliorer certaines choses en mettant en contact la MDPH de mon département, l'Essonne, avec des associations spécialisées dans la transition numérique afin de développer l'usage d'algorithmes pour améliorer le traitement des dossiers. Ces associations ont conclu que le système d'information des MDPH était tellement dépassé, antédiluvien, qu'il était impossible d'y faire fonctionner les logiciels nécessaires. Il me semble que, depuis, une refonte de ces systèmes d'informations a été engagée. Il serait judicieux que, dans le prolongement de nos travaux, le Parlement puisse évaluer l'efficacité des nouveaux systèmes. Sur un plan plus général, il est intéressant de se demander si les technologies de l'information peuvent aider à améliorer l'efficacité des MDPH.

Ma troisième remarque porte sur un organisme qui n'a pas été évoqué lors de l'audition mais qui a pour vocation de faire entendre le point de vue des personnes en situation de handicap. Il s'agit du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), collège d'environ 160 membres. Jusqu'à tout récemment, je ne le connaissais pas mais j'ai été nommé à son conseil scientifique. Il est actuellement présidé par Jérémie Boroy, lui-même personne malentendante. Celui-ci est extrêmement actif pour faire appliquer réellement les lois, car trop souvent, sur le terrain, elles ne le sont pas. Le cahier des charges de cet organisme répond bien à certaines recommandations que nous propose Huguette Tiegna, notamment la nécessité d'avoir un point de vue centré sur l'humain et sur les besoins des usagers plutôt que sur la répartition des ressources et les possibilités techniques. Le CNCPH doit faire partie de la mise en œuvre de la politique du handicap, y compris dans le développement des technologies. Par exemple, il a été récemment très actif sur la mise en œuvre d'un dispositif de traduction par téléphone au profit des personnes malentendantes. Ce système de traduction automatique, entre langue des signes et communication orale, est assuré par un service public. Dans certains pays, cela fonctionne beaucoup mieux qu'en France.

Une ultime remarque porte sur un point de détail, qui concerne la façon de présenter dans le rapport la récente note scientifique de notre collègue Patrick Hetzel sur les neurotechnologies. Je propose de reformuler la phrase afin que le lecteur comprenne que les interfaces cerveau-machine ne sont pas le sujet principal de la note, qui était bien plus riche, mais seulement un parmi d'autres. La rédaction pourrait être : « La note scientifique de l'Office consacrée aux neurotechnonologies évoque les possibilités offertes par les BCI ».

J'ai enfin une question. Que faut-il comprendre exactement par « L'Allemagne a récemment annoncé que marcher constitue un droit fondamental » ? Cette phrase vise-t-elle l'Allemagne au sens de ses institutions, notamment le Parlement, ou de sa Constitution ?

Je souhaite à mon tour féliciter notre collègue Huguette Tiegna, non seulement pour la qualité de ses propositions mais aussi pour avoir porté ce thème. Nous voyons en effet à quel point il était bienvenu et s'inscrivait parfaitement dans l'histoire de l'Office ainsi que dans les préoccupations actuelles sur la nécessité d'une interface fluide entre science, politique et société.

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– Tout d'abord, je veux remercier notre collègue Michelle Meunier pour ses remarques bienveillantes et pour les informations qu'elle vient de nous donner sur la société Orthopus. Il est vrai que le sujet du handicap, vu sous l'angle des nouvelles technologies, est très intéressant. Il existe dans nos territoires des sociétés qu'il convient de pousser et de mettre en lumière. Si nous faisons connaitre leur objet technique, donc social, ces entreprises pourront bénéficier du soutien que l'État doit leur apporter.

Monsieur le premier vice-président, il est vrai que je n'ai pas beaucoup abordé la dimension quantitative du handicap en France. Je suis donc tout à fait d'accord pour introduire les données statistiques intéressantes que je pourrai trouver.

Il est très important de chercher à orienter le CIR vers des technologies qui ont du mal à être financées, notamment le handicap. Les dernières évaluations conduites sur le dispositif montrent qu'il y a eu des avancées, mais il faut continuer à l'améliorer.

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– Ce propos est tout à fait juste. Dans un rapport récent, la Cour des comptes a conclu qu'une bonne partie, sinon la quasi-totalité du CIR est un soutien à l'industrie avec des effets d'aubaine qui conduisent à soutenir des recherches qui auraient été réalisées de toute façon. Cela ne veut pas dire, en-soi, que le dispositif est mauvais, mais que la cible effective du soutien est moins la recherche que l'industrie. Avec le handicap, nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure : il n'y a pas d'effet d'aubaine.

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– Effectivement, il faut voir ici le CIR comme un élément d'une politique sociale d'ensemble car, en tout état de cause, l'État prend en charge le handicap. Donc autant contribuer à la recherche, d'autant que ces technologies bénéficient aussi au plus grand nombre, comme l'illustre l'exemple de la télécommande : à l'origine, elle a été inventée pour les personnes en situation de handicap et nous en bénéficions tous aujourd'hui.

Aujourd'hui, une exigence devient de plus en plus forte : tout ce qui comporte un volet social devrait aussi bénéficier d'un soutien à l'innovation. En ce sens, une partie du plan d'investissements « France 2030 » pourrait être dirigée vers les technologies de soutien aux personnes en situation de handicap, qui devraient se voir intégrées dans les cahiers des charges des appels à projet.

Les MDPH sont un sujet très complexe…

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– Familier, oui. Les délais sont différents d'un département à l'autre. Lors d'un déménagement, il faut redéposer un dossier et cela est pénible pour les familles. Depuis 2018, il y a toutefois eu des évolutions. Un rapport rédigé par l'un de nos collègues, Aurélien Taquet, devenu depuis secrétaire d'État à l'enfance et aux familles, a mis l'accent sur la numérisation, car les insuffisances constatées en la matière sont en partie la cause des longs délais de traitement – trois mois en moyenne dans le Lot, me semble-t-il. Il faut continuer à travailler sur la numérisation, dont l'avancement dépend d'abord des collectivités territoriales mais que l'État doit accélérer puisqu'il est partie prenante au groupement d'intérêt public qu'est la MDPH. Il doit en être de même dans tous les services publics.

Je dois souligner que le degré de handicap n'est pas facile à déterminer. Souvent, ceci revient à des médecins généralistes et non à des spécialistes. Les technologies sur lesquelles j'ai décidé de donner un éclairage ne concernent pas uniquement le médecin traitant. C'est la raison pour laquelle le rapport appelle à renforcer l'information à destination des acteurs au service des personnes handicapées. Un important travail doit être effectué afin d'aider les MDPH à bien orienter ces personnes.

J'avais un temps songé à intégrer le CNCPH au programme de l'audition. Cependant, comme celle-ci portait sur les technologies, j'ai préféré concentrer le programme sur la recherche et l'entreprise. Néanmoins, il pourrait en être fait mention dans le rapport.

Une remarque portait sur la problématique de l'évaluation des aides techniques. Afin d'aider au mieux les personnes en situation de handicap, il est fondamental d'évaluer les dispositifs qu'on leur propose, d'autant que les technologies, particulièrement le numérique, évoluent de jour en jour et que les déficiences qu'il faut compenser peuvent évoluer elles aussi.

S'agissant du « droit à marcher » récemment reconnu en Allemagne, il s'agissait d'une décision de justice.

L'audition publique a été très intéressante et nous allons continuer à travailler sur les différents points qui y ont été abordés, ainsi que sur ceux qui ont été évoqués au cours de la réunion d'aujourd'hui. Nous les clarifierons au mieux afin d'améliorer encore la prise en charge de ces technologies, sur les aspects technique, financier et humain. Je remercie également les membres de l'Office pour l'accueil fait à ce rapport.

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– Merci beaucoup chers collègues. Je partage ce point de vue et adresse à nouveau mes félicitations à Huguette Tiegna pour son travail, si nécessaire à notre société. Je vous propose d'adopter les conclusions qui nous sont présentées et d'autoriser la publication du rapport, qui contiendra aussi le compte rendu intégral de l'audition publique.

L'Office adopte les conclusions de l'audition publique du 21 octobre 2021 et autorise la publication, sous forme de rapport, du compte rendu de l'audition et de ces conclusions.

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Examen du rapport sur la préparation du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (Émilie Cariou, députée, et Bruno Sido, sénateur, rapporteurs)

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– Chers collègues, je propose de passer au deuxième point de l'ordre du jour et de donner la parole aux deux rapporteurs, Émilie Cariou et Bruno Sido, qui vont nous parler de la cinquième édition du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR).

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M. le président, M. le premier vice-président, chers collègues, le rapport que nous vous présentons aujourd'hui, Bruno Sido et moi, est le produit d'un exercice de très haute voltige. C'est en effet le commentaire d'un document dont nous ne disposons pas, ou qui, du moins, n'a pas été transmis au Parlement et donc à l'Office, dans sa version définitive.

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Une boule de cristal vous a-t-elle permis de déterminer le contenu du document ?

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Le document dont nous parlons est le fameux Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, dit PNGMDR. Notre rapport porte donc sur un simple projet transmis de manière officieuse et non sur un document officiel. Cela étant, depuis que Bruno Sido et moi-même avons été nommés rapporteurs, à la fin de l'année 2019, nous avons travaillé en « temps masqué » sur le sujet de la gestion des déchets nucléaires. Aujourd'hui, cela nous permet de produire un point d'étape et cette note de synthèse de notre travail.

Alors que le plan précédent avait été communiqué en 2017, au lendemain de la suspension des travaux parlementaires, le Gouvernement paraît vouloir faire de même à l'occasion de la fin de l'actuelle législature. Force est de constater que cette manière de procéder vide la loi de son contenu et le contrôle parlementaire de son sens.

Je ne vais pas retracer tous les efforts que nous avons conjointement fournis, Bruno Sido et moi-même, mais aussi vous, messieurs les présidents, pour éviter cette situation : des questions écrites au Gouvernement dès 2019, des courriers communs à la ministre en décembre 2020, des interpellations en séance publique à la fin du mois de novembre dernier, etc. Rien n'y a fait, hélas. Ce ne sont pas les conditions optimales pour un contrôle démocratique réel et effectif.

Les analyses que nous allons vous présenter tour à tour portent donc sur un projet public, mais non publié. Ceci appelle d'emblée une première recommandation : que la prochaine édition du plan soit transmise au Parlement au plus tard le 30 juin 2025 puisque le prochain plan porte sur la période qui débutera en 2026.

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Bruno Sido, sénateur, rapporteur

Nous ne pouvions pas nous contenter de constater une impasse sur la transmission du document. Il nous faut donc évoquer les questions de fond aujourd'hui soulevées par la gestion des déchets nucléaires. Malgré des couacs dans la coopération interinstitutionnelle, il convient en effet de se prononcer sur les caractéristiques techniques et la faisabilité des solutions proposées en matière de traitement définitif des déchets.

Parmi les dernières avancées, la plus notable, nous semble-t-il, est sans doute celle qui concerne les déchets de très faible activité, dits déchets TFA. Jusque tout récemment, tout matériau issu du démantèlement d'une installation nucléaire était considéré, en France, comme un déchet radioactif. De mon point de vue, le sort à réserver aux déchets TFA a beaucoup tardé à être tranché, alors que leur radioactivité est négligeable. Pourtant peu suspecte de témérité dans le domaine nucléaire, l'Allemagne est allée de l'avant sur le sujet. Vous trouverez dans le rapport une présentation des solutions déjà adoptées outre-Rhin.

En France, le Gouvernement a cependant publié des décrets le 15 février dernier. Il est ainsi passé par la voie réglementaire, faisant usage de ses prérogatives constitutionnelles pour l'application de la loi. Le cadre législatif ouvre en effet la possibilité de déroger aux interdictions qui frappent les déchets de très faible activité issus du démantèlement. La dose tolérée en cas de déclassement d'un métal présent sur une installation nucléaire correspondrait à 1/450e de la dose annuelle moyenne reçue par exposition naturelle en France métropolitaine, c'est-à-dire moins de dix microsieverts par an. La consultation publique qui a eu lieu sur ces projets de décrets a fait l'objet d'une vive attention.

Entre le 4 janvier 2021 et le 5 février 2021, pas moins de 420 contributions ont été déposées sur le site ouvert par le ministère. Mais je reviendrai tout à l'heure sur la manière dont la société civile est désormais associée de manière accrue au suivi de la gestion des déchets.

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Je reviens sur les déchets à propos desquels le document ne nous livre pas d'informations. Je trouve ceci à la fois regrettable et préoccupant. Certaines catégories de déchets ne sont en effet pas couvertes par le plan proposé et ne l'étaient pas non plus par le passé. Pour le dire autrement, il y a, me semble-t-il, un angle mort dans le contrôle parlementaire relatif aux déchets nucléaires.

En effet, l'industrie civile n'est pas la seule utilisatrice d'uranium et de plutonium. La défense de notre pays est aussi fondée en partie sur la dissuasion nucléaire, tandis que l'énergie atomique propulse certains sous-marins de notre flotte, leur donnant un rayon d'action très étendu et une autonomie maximale. Cette activité produit elle aussi des déchets, mais le PNGMDR ne les évoque nulle part, bien qu'il ne soit pas précisé qu'il doive porter seulement sur les matières et déchets radioactifs d'origine civile.

À de nombreuses reprises, nous avons cherché à entendre des responsables militaires au sujet du traitement des déchets radioactifs produits par les armées. Dans le cadre de la visite du Premier ministre à Verdun, le 2 juillet 2021, j'avais directement interrogé le futur chef d'état-major des armées à ce propos. Il ne s'était pas déclaré fermé à l'idée d'être entendu par nous dans le cadre des travaux préparatoires mais il s'est ultérieurement révélé impossible de programmer cet entretien.

Certes, l'inventaire national des déchets radioactifs apporte quelques éléments chiffrés sur les volumes concernés, qui représentent environ 230 mètres cubes de déchets de haute activité, mais ce n'est pas exhaustif. Nous recommandons donc que les prochaines éditions du PNGMDR incluent des informations sur cette catégorie de déchets de façon que le document fournisse une vision globale et stratégique des perspectives de traitement de l'ensemble des déchets présents sur le territoire, que leur origine soit militaire ou civile. Je précise que nous nous inscrivons dans les pas de Christian Bataille, qui avait déjà demandé cela à la fin des années 1990. Il faudra aussi que le document précise le sort des déchets bitumés sur lesquels a été lancée une revue internationale et fasse le point sur les solutions techniques au phénomène de dégagement d'hydrogène auquel ces déchets pourraient être sujets.

Un autre manquement est à relever : le document ne contient aucune donnée financière précise. À mon sens, le Parlement doit pourtant aborder la question du traitement des déchets non seulement dans sa dimension environnementale, sur la question des volumes, mais aussi dans sa dimension financière. La Cour des comptes peut nous y aider. En juillet 2019, elle a publié un rapport public thématique sur l'aval du cycle du combustible nucléaire. Sur cette base, j'ai interrogé la ministre de la transition écologique et solidaire sur l'évaluation et le provisionnement des dépenses de gestion des déchets radioactifs et en particulier sur les montants immobilisés par les exploitants, afin de savoir à quelle fréquence ils sont actualisés. Tout ceci doit faire partie de l'information régulièrement transmise au Parlement.

C'est pourquoi nous recommandons que la prochaine édition du PNGMDR soit complétée d'un volet financier où seraient agrégées les sommes provisionnées par les opérateurs dans la perspective de l'élimination des déchets, en présentant divers scénarios.

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Bruno Sido, sénateur, rapporteur

Le prochain PNGMDR met l'accent sur la nécessaire association de l'opinion publique au suivi de la gestion des déchets. Ceci me semble légitime.

Du creusement des fondations des centrales jusqu'au traitement ultime des derniers déchets radioactifs, l'exploitation d'un parc nucléaire repose sur une longue chaîne de décisions et, partant, sur une chaîne humaine qui est aussi, vu la durée engagée, une chaîne de générations. L'effort d'information et d'explication ne doit donc pas s'arrêter avec l'enquête publique préalable au lancement des travaux. Tout au long de ce processus, il est indispensable d'offrir à la population l'accès le plus large possible, non seulement à une participation aux processus décisionnels, mais aussi à une information disponible via des canaux grand public simples et efficaces. Ceci vaut en particulier pour les franges les plus jeunes de ce public, « générations futures » qui devront assumer les conséquences de nos choix.

En 2019, la Commission nationale du débat public (CNDP) a mené une consultation. L'exercice a montré toute la pertinence d'une participation du grand public à la délibération relative au PNGMDR. C'était une « première ». Au-delà du simple échange d'informations, des voix divergentes ont pu se faire entendre. Il est très important que leur expression soit possible et dûment consignée. De cette manière, toute la transparence peut être faite sur le traitement des déchets. Ce n'est qu'à ce prix qu'il est permis d'espérer atteindre le consensus qui doit prévaloir en ce domaine. Il ne faudrait pas cependant que la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs, dite « CNE2 », pâtisse de l'évolution en cours. Or, le projet dont nous avons eu connaissance a été établi avec l'appui d'une commission « Orientations » qu'il est prévu de transformer en « commission de gouvernance du PNGMDR ». Cette instance serait chargée de conseiller la maîtrise d'ouvrage du plan, tant sur sa préparation et son contenu que sur le suivi de son exécution. Censée s'ouvrir au maximum à la société civile, sa composition n'offrirait cependant pas, à mes yeux, les mêmes garanties d'expertise que la CNE2.

Pour l'évaluation des solutions techniques retenues, l'Office doit pouvoir continuer de s'appuyer sur les travaux de la CNE2. Dès la loi de 1991, le cadre législatif français en matière de gestion des déchets nucléaires a consacré une forte implication du Parlement dans le processus de contrôle. Certes, la recherche d'une participation accrue de la société civile dans de nouvelles instances, telle que la commission « Orientations », prolonge le mouvement en faveur d'une transparence complète des choix réalisés. Si nous saluons cet approfondissement, nous rappelons cependant la valeur d'une expertise qui s'articule sur une légitimité politique représentative. Au fond, il ne s'agit de rien d'autre que de revenir aux bons fondamentaux de la loi dite « Bataille », qui a fait ses preuves.

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– Je vous remercie, chers collègues. La parole est ouverte pour des questions et commentaires.

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Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l'Office

– Je vais poser une question à la marge de la présentation que viennent de nous faire nos deux collègues. Je les félicite d'ailleurs d'avoir pu la réaliser malgré les difficultés qu'ils ont mentionnées. J'ai lu qu'une quantité importante de nos déchets étaient traités en Russie. Avez-vous des informations particulières sur le sujet et quel sera le sort des déchets français concernés compte tenu de la situation internationale ?

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Stéphane Piednoir, sénateur

– Je félicite nos deux collègues qui ont donné les éléments de cette analyse totalement inédite. Je vous trouve d'ailleurs particulièrement indulgents vis-à-vis du Gouvernement. Je ne suis pas parlementaire depuis très longtemps mais faire l'analyse d'un document virtuel me sidère. Ceci en dit long sur la stratégie ou, plus exactement, sur le manque de responsabilité du Gouvernement et sur son manque de considération vis-à-vis du Parlement. Il s'agit d'un manquement manifeste à ses obligations. Je trouve que nous sommes plutôt gentils dans cette affaire, car cette situation est absolument inacceptable. Le rapport global et national n'est pas fourni dans les temps, loin de là. Nous ne sommes pas « à la marge » mais dans des délais inacceptables, de mon point de vue.

Le Parlement avait déjà été mis à l'écart à l'été 2019 lors de la suspension du projet Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration (Astrid) qui était – faut-il le rappeler ? – un élément de la politique française du cycle fermé du combustible et qui s'inscrivait dans les axes de recherche ouverts par la loi Bataille. Dans le rapport que j'ai élaboré l'an dernier avec Thomas Gassilloud sur la suspension du projet Astrid, nous avons évoqué cette loi et réclamé une consultation du Parlement en bonne et due forme sur ce type de disposition, puisque le programme phare qui donnait une perspective au cycle fermé est suspendu. Je suis saisi d'un coup de colère : nous devons être collectivement plus incisifs. J'ai entendu les remarques de nos deux rapporteurs mais cet état de fait est inacceptable pour l'exercice de nos missions.

Sur le fond, tout ceci est éminemment stratégique car, comme l'a dit Bruno Sido, la possibilité même de requalifier un combustible usé en déchet est un élément fondamental de déstabilisation. Une telle requalification ferme la porte au recyclage des matières dans la filière des réacteurs à neutrons rapides (RNR). Les enjeux sous-jacents sont importants car dans la même veine, la France a sur son territoire 300 000 tonnes d'uranium appauvri. Il faut absolument tenir bon et maintenir leur qualification de « matière nucléaire » pour laisser la voie ouverte à filière RNR et donc au nucléaire de quatrième génération. Dans un contexte international marqué par de nombreuses tensions, particulièrement dans le champ de l'énergie, tout ceci pourrait être mis sur la table dans la perspective de développer la production d'électricité nucléaire dans le monde.

Aujourd'hui, nous voyons bien que certains robinets se ferment et il est hors de question de rouvrir des centrales à charbon partout. Si l'on veut aller vers un nucléaire propre, il faut des RNR et, pour cela, il faut du combustible. Puisque 300 000 tonnes d'uranium appauvri sont présentes sur notre sol, soyons fermes là-dessus et ne nous laissons pas enfermer par les stratégies de pays se trouvant aujourd'hui en difficulté.

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Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office

Je voudrais vraiment remercier Bruno Sido et Émilie Cariou pour la qualité de leur travail. C'est un défi brillamment relevé au bénéfice du Parlement. Il consistait à travailler sur un texte que tout le monde connaît mais qui n'existe pas… Je rappelle que l'Office est né de la volonté du législateur d'associer le Parlement à la politique nucléaire. La dimension politique de l'énergie nucléaire a marqué nos débuts, a marqué notre histoire, et nous devons absolument avoir l'attitude la plus responsable possible face à une forme d'énergie qui est remarquable mais pas sans inconvénient. Tout ce qui permet d'exercer notre mission de contrôle, de suivi, d'orientation et d'évocation est un devoir absolu. Nous sommes ici au cœur de notre responsabilité. Je renouvelle donc mes remerciements à nos deux excellents collègues.

Je partage totalement l'analyse d'Émilie Cariou sur les aspects financiers. L'énergie nucléaire a naturellement ses détracteurs. Je le comprends et l'admets sans difficulté. Plus le débat peut être porté sur un terrain objectif, mieux il peut se dérouler et plus il peut être fructueux. En effet, l'aspect financier est extrêmement important, avec des paramètres que nous ne maîtrisons pas entièrement. Par exemple, que « vaut » l'indépendance nationale ? Le nucléaire civil, tel qu'il existe en France, est né d'une volonté partagée. Contrairement à ce qui est couramment admis, celle-ci est assez largement née dès 1956, du fait de la deuxième guerre israélo-arabe, à laquelle la France et le Royaume-Uni s'étaient associés, peut-être imprudemment. Tout comme les accords de Genève avaient amené Pierre Mendès France à s'intéresser à la dissuasion, le blocage pétrolier a conduit, dès la IVe République, à poser la question de l'énergie nucléaire. Bien évidemment, la Ve République avec le général de Gaulle d'abord, les présidents Pompidou puis Giscard d'Estaing ensuite, a soutenu ce projet. Le processus de décision restait néanmoins parfaitement endogamique, je veux dire par là discrètement confiné au sein des sphères exécutive, administrative et industrielle. La création de l'Office parlementaire, puis la loi Bataille, ont fait de la gestion de ce grand projet une affaire publique dans laquelle les parlementaires ont désormais leur part de responsabilité.

Je suis très attentif à ce qu'a dit Bruno Sido sur la CNE2 parce qu'elle est un outil au service du Parlement et de l'Office, ce que n'est pas la COMOR. La Commission nationale du débat public est une institution intéressante qui a le mérite de permettre que, sur certains sujets, s'ouvre un débat qui n'avait jamais pu avoir lieu précédemment Cependant, l'importance de l'enjeu nucléaire me conduit à penser que le Parlement ne peut se dessaisir de sa responsabilité et qu'il doit s'appuyer sur les compétences qu'il n'a pas nécessairement. La CNE2 en est l'outil parfait et ceci n'empêche pas la COMOR d'exister, de débattre, de confronter des opinions, d'éclairer des sujets, de poser des questions, etc. Tout ceci est extrêmement utile mais in fine, la responsabilité appartient au Parlement. C'est la raison pour laquelle la mise à l'écart du Parlement sur le dossier Astrid est inacceptable. Comme l'a très bien dit Stéphane Piednoir, ce projet avait été lancé sur la base des votes du Parlement et son abandon sans vote est intolérable sur le plan des principes. Il en va de même de l'absence de présentation du PNGMDR. Je n'ose évoquer des questions d'opportunité ou de facilité politique ; il y a certainement des raisons plus sérieuses qui mériteraient d'être connues. Pour l'instant, nous les ignorons et nous pouvons donc nous poser des questions.

Tout ceci appelle à rétablir le Parlement dans sa pleine responsabilité et à l'engager sur le terrain des chiffres La question que pose Stéphane Piednoir sur la qualification de certaines matières nucléaires est majeure. Il ne s'agit pas de la demande du grand opérateur Électricité de France (EDF). Celui-ci a des préoccupations qui sont celles d'une entreprise, avec des objectifs d'équilibre et d'amortissement des investissements décidés. Si la France veut aller vers des réacteurs à neutrons rapides et utiliser ce qui constitue aujourd'hui des matières pouvant devenir des combustibles, un travail de recherche doit être effectué dont le contrôle appartient au Parlement. Notre point de vue est beaucoup plus libre et collectif que celui du grand opérateur, qui défend ses intérêts, ce qui est son devoir strict.

Bruno Sido a évoqué un point auquel je suis très attentif : le caractère extraordinairement long des décisions dans le domaine nucléaire. Nous héritons de décisions prises dans les années 1965-1970, mises en œuvre entre 1970 et 1990 et nous sommes en 2022. On voit aujourd'hui que la prolongation de l'outil de production d'électricité peut viser 2030, voire 2040. C'est vraiment le temps long. Nous devons donc être particulièrement exigeants en matière de transparence afin que ceux qui, demain, devront prendre des décisions ne puissent pas nous reprocher d'avoir mis la poussière sous le tapis et, surtout, des cadavres dans les placards. Ceux-ci finissent toujours par sentir mauvais. Il faut traiter les problèmes en amont. La continuité républicaine implique que les institutions perdureront – raison supplémentaire de prendre pour points d'appui les votes du Parlement – et devront rendre des comptes des décisions qu'elles ont prises et, le cas échéant, les adapter s'il apparaissait qu'elles n'en ont pas prévu tel ou tel aspect.

La transparence doit s'inscrire dans la durée et porter sur tous les aspects : sur les produits bitumés et les dégagements d'hydrogène, sujets que vous avez évoqués, et sur les problèmes de transport, qui sont importants et que vous n'avez pas cités. Nous avons progressé sur le seuil de libération ; c'est une bonne chose mais personne ne le sait, nous devons donc le dire. Aujourd'hui plus encore qu'hier, la continuité de l'information et de la communication autour de cette activité majeure qu'est la production d'électricité d'origine nucléaire sont également stratégiques.

Je souscris totalement au projet de rapport qui nous est présenté. Je souhaite simplement que nous marquions avec force notre étonnement à l'endroit d'une attitude qui, dans le meilleur des cas, est désinvolte mais qui peut aussi paraître suspecte. Elle est d'autant plus étonnante que le Président de la République s'est engagé en faveur du nucléaire. Il doit en tirer toutes les conséquences.

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Je m'associe à mes collègues pour féliciter les rapporteurs pour ce document très intéressant. Dans une actualité internationale troublée, il nous rappelle que de nouvelles manières de procéder en termes d'information et de gestion des déchets doivent être élaborées. Cela est particulièrement important au regard du projet de l'État de reprendre la construction de réacteurs EPR dans les années à venir.

Depuis des années, la question du nucléaire a beaucoup évolué, à tel point que ses contours deviennent flous aux yeux des citoyens. Grâce aux travaux de l'Office, ces sujets sont remis au goût du jour et nous sommes à même de dire à l'État ce qui ne va pas ou ce qu'il faudrait faire. Dans ce rapport, vous soulignez des manquements, notamment l'absence de publication du Plan, qui vous a empêché de faire un meilleur travail. Bien sûr, cette situation est condamnable mais je pense que l'enjeu réel est que l'Office soit en mesure d'effectuer dans un proche avenir le travail nécessaire avec tous les éléments possibles. Au-delà du rôle de l'Office, la question de la place du débat parlementaire se pose aussi. Il n'y en avait pas sur certains sujets, comme la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ; mais récemment, il a été prévu qu'un débat au Parlement aurait lieu sur la PPE. Donc, je ne doute pas que le nucléaire doive faire l'objet d'un débat puisque de nouveaux EPR vont être construits.

J'ai une question sur l'écosystème européen et international d'approvisionnement en matières nucléaires et de gestion de déchets. Ne serait-t-il pas temps de définir de nouvelles possibilités nationales de gestion des déchets radioactifs ? Je sais que cela est déjà le cas dans les circonscriptions de Gérard Longuet et d'Émilie Cariou, mais ne peut-on pas aller plus loin ? En effet, confrontés à d'éventuelles menaces d'armes nucléaires, nous pourrions en effet être du jour au lendemain dans l'incapacité de gérer ces déchets.

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. Merci beaucoup chers collègues. Je vais maintenant faire part de mes propres commentaires.

Je rejoins tout à fait Stéphane Piednoir sur le fait que nous pouvons et devons certainement être plus durs sur la forme avec le Gouvernement. Il n'a pas respecté la loi. Il n'avait pas consulté le Parlement sur l'arrêt du projet Astrid et il n'a fait aucun cas des multiples demandes émises par nos collègues Émilie Cariou et Bruno Sido. Quand il a répondu, c'était « à côté », comme le montre la transcription de l'échange entre Émilie Cariou et la ministre de la Transition écologique et solidaire lors d'une séance de questions au gouvernement. Nous parlons ici d'un PNGMDR censé couvrir la période 2019-2021. Nous sommes en 2022 et il n'a toujours pas été publié. Il le sera peut-être pour la période 2021-2025, ce qui se traduirait non seulement par un trou dans l'ensemble des périodes couvertes par les plans successifs, mais aussi par un retard d'au moins trois ans. Or il s'agit d'un sujet extrêmement sensible dont le Gouvernement entend bien montrer qu'il est promoteur, qu'il voit grand, qu'il est visionnaire et rigoureux. Il faut dire très clairement que ces dernières années, le Parlement n'a pas été traité avec considération sur ce sujet. À cela s'ajoutent les manques qui ont été pointés, notamment sur les déchets issus de l'industrie militaire pour lesquels, là encore, le Parlement n'a pas eu de réponse aux demandes d'audition des personnes concernées.

Ce sont là des comportements que l'Office tout entier jugera inacceptables et qui doivent faire l'objet d'un courrier au Gouvernement. Nous ne pouvons pas nous contenter d'indiquer, dans les recommandations, qu'il serait opportun de mieux nous considérer la prochaine fois. J'insiste sur le fait qu'il s'agit de manquements graves.

Ma deuxième remarque porte sur les déchets TFA. Comme le disait Bruno Sido, les choses avancent très lentement et l'exemple allemand est intéressant. L'Allemagne ne peut être considérée comme un pays particulièrement indulgent ou enthousiaste vis à vis du nucléaire. Pourtant, elle est parvenue à avancer d'une façon très intéressante. Le critère qui doit être déterminant est bien le risque radiologique causé par le déchet à un instant précis et non le fait que ce dernier ait transité par une centrale nucléaire. La radioactivité naturelle est à cet égard une excellente référence à laquelle on trouvera difficilement à redire. Une telle perspective permettra, je l'espère, d'avancer sur cette catégorie de déchets. Il faut donc insister là-dessus.

Un troisième sujet important est celui de la qualification des matières nucléaires, spécifiquement l'uranium appauvri, comme combustible potentiel ou déchet. Il s'agit de quelque chose de délicat car on a affaire à un déchet qui est un combustible potentiel. Qu'en est-il de ce potentiel ? Ceci rejoint les interrogations du rapport de Thomas Gassilloud et Stéphane Piednoir sur l'avenir de la filière des réacteurs de quatrième génération. En échangeant avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), j'avais compris que l'uranium appauvri est présent en quantité telle que nous n'aurions l'usage que d'une petite fraction. L'idée est donc que si l'on détient un combustible en quantité gigantesque, on est de toute façon obligé de se débarrasser de la partie qui sera très vraisemblablement non utilisée. En ce cas, la distinction entre combustible et déchet serait non pertinente, voire trompeuse. Il faudra certainement remettre le sujet sur la table.

Ma dernière remarque est relative à l'importance du débat public. Je rejoins tout à fait ce que disait Gérard Longuet : la CNE2 a toujours travaillé pour l'Office avec efficacité et loyauté et elle nous est précieuse. Il ne faut pas la diluer dans une nouvelle organisation dont les contours sont encore flous, ni mélanger les rôles. J'ai l'impression que le Gouvernement a été plus actif pour esquisser un remaniement des dispositifs existants efficients, plutôt que de travailler sur le PNGMDR. Il est important de défendre la CNE2, et cela n'empêche pas de travailler pour une meilleure association avec le débat public. À cet égard, les remarques du rapport sont excellentes et la comparaison avec le modèle suédois est extrêmement éclairante. Gérard Longuet et moi avons préparé deux courriers, à destination de la ministre de la Transition écologique et solidaire et de Gilles Pijaudier-Cabot, président de la CNE2. Ils insistent sur la nécessité de donner à la CNE2 un périmètre d'action et une place dans l'État convenables et correspondant à nos attentes. Ces courriers devraient être annexés au rapport.

Pour finir, je constate que l'Office évolue dans un contexte délicat sur le domaine nucléaire. Il n'a visiblement pas été assez pris en compte par le Gouvernement et par les acteurs politiques qui souhaitent développer la filière. Par ailleurs, il est confronté à la défiance des acteurs qui sont opposés, méfiants ou suspicieux envers le nucléaire. Je note par exemple que les rapporteurs ont demandé, mais sans succès, à rencontrer les auteurs d'ouvrages relevant du « neuvième art » et destinés au grand public qui ont eu un certain écho. Je le regrette. Une telle défiance est dommageable, alors même que les rapporteurs expriment des positions individuelles variées sur le nucléaire. En particulier, Émilie Cariou ne peut pas être soupçonnée d'être une ardente lobbyiste de cette forme d'énergie. Pourtant, Bruno Sido et elle ont produit ce rapport consensuel sur lequel, je pense, l'Office peut se retrouver. C'est un très bon signe sur la façon dont l'Office traite le sujet. En l'espèce, je regrette que les rapporteurs de l'Office n'aient pas eu la confiance des acteurs de la société civile et nous devons améliorer ce point.

Voici, chers collègues, les remarques que je souhaitais formuler à l'égard du rapport. J'ai admiré sa belle structuration. Il est très clair, concis et synthétique. Fort bien écrit, il contraste agréablement avec le flou du travail gouvernemental.

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Merci beaucoup pour toutes vos observations.

Je ne suis pas quelqu'un de gentil. Bruno Sido l'est un peu plus que moi et mes collègues savent que je n'ai aucune complaisance vis-à-vis des manquements du gouvernement. Quand j'estime qu'il agit bien, je le fais savoir ; lorsque je juge que ce n'est pas le cas, je le fais savoir aussi. Je l'ai déjà dit dans de multiples questions écrites publiées au Journal officiel et lors de questions orales. Je me bats avec mes forces de simple parlementaire et, aujourd'hui, je suis heureuse de voir que l'Office pourra avoir une parole claire et unie sur le sujet. Donc, s'il faut que nous renforcions nos conclusions, nous le ferons.

Comme l'a précisé Cédric Villani, ce plan fictif dont nous ne disposons pas est censé couvrir la période 2021-2025. Il y a donc un trou d'au moins trois ans et le plan présenté traitera d'une période qui aura déjà commencé à se dérouler. Ceci ne va pas. La seule raison invoquée par les services gouvernementaux est l'organisation d'un débat public, qui aurait été retardé. Il est achevé aujourd'hui mais il aurait fallu le commencer plus tôt, car tout aurait été plus simple si nous avions disposé du Plan avant la fin de la législature. Par conséquent, nous avons travaillé tout ce temps sans connaître la stratégie du Gouvernement en matière de gestion des déchets nucléaires dans les domaines militaire et surtout civil. Or, l'abandon d'Astrid a eu lieu pendant cette période. Un rapport du gouvernement aurait permis de prévoir les conséquences de l'abandon du projet sur le volume des déchets.

Je ne peux pas répondre à toutes les questions que posait Cédric Villani sur les déchets, sur les matières, etc. Je peux d'autant moins répondre que dans le projet dont nous disposons, il n'y a aucun chiffrage relatif aux volumes transportés ni aucun chiffrage financier. Peut-être le document entre nos mains n'est-il qu'une synthèse, ces données étant renvoyées aux annexes. Je l'ignore et ne peux donc vous répondre. Un peu plus d'une dizaine de recommandations détaillent ce qu'il serait a minima nécessaire de faire afin de compléter le projet. Relevons notamment l'inventaire complet des volumes entrants et sortants de combustible usé ainsi que la nécessité d'une stratégie claire sur chaque catégorie de déchets et sur le temps d'élimination de ceux-ci, comme la loi le prévoit.

Je regrette que l'abandon du projet Astrid ait été fait sans consultation du Parlement alors qu'il avait été créé sur une base législative. Nous l'abandonnons donc sans loi. Je ferai le même reproche au sujet des déchets TFA, bien que je ne fusse pas particulièrement hostile à leur réutilisation. En effet, leur radioactivité est parfois inférieure à la radioactivité naturelle. L'Allemagne en fait ainsi usage dans l'industrie. En France, la loi interdit l'usage des TFA et la dérogation est passée par décret. Je le critique et j'aurais préféré que le Gouvernement présente, au moins devant l'Office, ce qu'il allait faire en la matière. Sans aller jusqu'à demander un débat dans l'hémicycle, cette façon de procéder aurait été plus transparente.

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Effectivement, dans le cas des déchets TFA, l'économie de la loi se trouve bouleversée par un décret. Dans le cas d'Astrid, c'est même un simple communiqué de presse du CEA qui a mis fin au projet.

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Tout ceci donne le sentiment que ce quinquennat est marqué par une régression de la transparence en matière nucléaire. Depuis la création de l'Office puis avec la loi Bataille, plusieurs lois ont traité de l'énergie nucléaire et ont fait avancer la transparence. J'ai déposé en novembre 2021 une proposition de loi qui prévoit la création d'une délégation au secret nucléaire sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement. Ainsi, le Parlement disposerait au moins d'une instance capable de discuter de ces sujets. La proposition de loi a été reprise par le groupe écologiste au Sénat. Donc, mes collègues sénateurs vont continuer à la faire vivre bien après cette session.

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Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office

– Cette affaire d'uranium appauvri est primordiale. Si la France veut développer une filière RNR, elle devra se tourner vers des investisseurs privés car EDF ne s'en préoccupe manifestement pas. Il existe des investisseurs privés qui s'intéressent à la filière RNR, avec des idées que l'on peut dire décoiffantes. Encore faut-il qu'ils puissent disposer d'un combustible certain. Or, définir par décret le statut d'une matière, combustible ou déchet, n'offre pas la même prévisibilité ni la même stabilité qu'un texte législatif pour investir à long terme.

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Le président de la République a annoncé une stratégie en matière nucléaire.

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Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office

Absolument. Il entrouvre la porte mais ne va pas jusqu'au bout. Il ne stabilise pas le statut de combustible de l'uranium appauvri. Malgré la quantité disponible manifestement bien plus importante que nous ne pourrions en utiliser , les investissements sont tellement lourds qu'aucun investisseur ne s'engagera si la qualification de cet uranium dépend d'un simple décret qui, pour une raison ou une autre, ne serait pas pris ou serait modifié.

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L'idée que le prochain quinquennat verrait le Parlement débattre d'une loi nucléaire a été évoquée. Ce serait l'occasion de mettre tout ceci à plat, y compris le statut des TFA. Il est dommage que l'on annonce un programme avant de faire le débat parlementaire, surtout en fin de quinquennat.

Je souligne par ailleurs que, au-delà du projet de PNGMDR que nous avons eu très tardivement, nous avons tout de même travaillé pendant deux ans et procédé à des auditions de nombreux experts, institutionnels ou indépendants. Nous avons également effectué plusieurs déplacements. Nous sommes ainsi allés en Suède, puisqu'avec la Finlande elle est l'un des pays les plus avancés sur un projet d'enfouissement en zone géologique profonde. Les caractéristiques techniques sont différentes du nôtre ; vous les trouverez dans le rapport. Nous avons aussi fait un déplacement à La Hague.

Je tiens à saluer l'Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) et l'ASN : ils ont toujours été disponibles pour répondre à nos questions. Par exemple, il y a deux ans, un incendie autour de Tchernobyl a généré un nuage de faible radioactivité qui est arrivé jusqu'en Europe. Nous avons alors entendu le directeur général de l'IRSN qui nous a expliqué le détail de ce qui se passait. L'actualité vient rappeler à quel point il était important de faire un point de ce genre. En début de semaine, l'IRSN a publié une note sur la situation à Tchernobyl. Les éléments radioactifs présents sur le site sont essentiellement des déchets. Plus récemment, lorsque je me suis intéressée à l'état des évaporateurs de l'usine de La Hague, j'ai entendu non seulement Orano mais aussi l'IRSN car les évaporateurs sont l'un des nombreux éléments de la chaîne de traitement des déchets. Sachez donc que nos autorités actives dans le champ de la sûreté nucléaire sont disponibles et répondent aux questions des parlementaires.

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Il faut insister là-dessus. Chaque fois que nous avons souhaité avoir leur avis, même en urgence, nous l'avons obtenu sans difficulté auprès de tous les corps techniques : l'IRSN, l'ASN ou la CNE2. Dans toute cette affaire, le seul acteur qui ne répond pas est le Gouvernement.

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Bruno Sido, sénateur, rapporteur

Je vais commencer par commenter ce que notre président vient d'exposer dans son intervention. Émilie Cariou et moi nous sommes bien entendus car nous n'avons ni le même caractère ni les mêmes compétences. Étant très complémentaires, nous n'avons eu aucun problème à travailler ensemble.

Émilie Cariou ayant très bien répondu sur nombre de sujets, je vais me contenter de répondre techniquement à certaines interventions, particulièrement celle de Catherine Procaccia. Le groupe Orano a passé un contrat avec la Russie et y a envoyé quelques tonnes d'uranium de retraitement afin qu'il soit réenrichi. Le partenaire russe d'Orano gardera ensuite cette matière. Cette opération est légale, puisque l'uranium de retraitement est considéré comme un combustible et non comme un déchet, et qu'il peut donc être vendu. Ceci me conforte dans l'idée que l'uranium appauvri doit toujours être qualifié de combustible car nous pourrons le vendre. Il ne faut pas s'en débarrasser car il contient une énergie considérable, même si elle est potentielle, si l'on développe la filière des RNR.

S'agissant de cette filière, ce qui arrive en France est non seulement scandaleux, mais aussi dramatique car le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a beaucoup travaillé là-dessus. Beaucoup de matière grise a été mobilisée dans ce domaine. Avec l'arrêt d'Astrid, vous savez mieux que quiconque, monsieur le président, que les chercheurs concernés vont partir ailleurs. Nous ne les récupèrerons jamais. Cette situation est lamentable car certes, le réacteur Astrid sur lequel ils travaillaient n'était pas encore au point, ce n'était encore qu'un projet, mais il représentait l'avenir. J'ai l'impression que deux raisons sont la cause de l'arrêt d'Astrid. La première est le manque d'argent, car le CEA ne peut pas tout mener de front. La seconde est la nécessité d'amortir le coût des EPR. Une dizaine, voire une quinzaine, doivent être construits pour y parvenir. Mais il est ridicule de chercher à amortir une technique du passé.

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– Prendre sur les crédits de recherche afin d'amortir des coûts de déploiement est une mauvaise pratique, que ce soit en matière universitaire ou en matière industrielle.

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Bruno Sido, sénateur, rapporteur

Je crains que ce soit justement le cas ici. Ceci est dramatique et tout à fait regrettable.

Je voudrais revenir sur la CNE2 car il y a des choses qu'il est délicat d'écrire clairement. Je ne sais pas si Émilie Cariou partage mon sentiment mais le président de la CNE2 était visiblement furieux.

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Bruno Sido, sénateur, rapporteur

– Nous l'avons écrit gentiment et je voudrais vous remercier, monsieur le président, d'avoir pris note qu'il faut soutenir la CNE2. C'est très bien d'ouvrir le débat à la population, mais cela ne remplace pas les experts. Ils sont au nombre de trois : la CNE2, l'ASN et l'IRSN ; des sommités y siègent. Alors que le débat public traine, il est impératif de conserver nos compétences techniques car il s'agit de sujets très complexes. Je tenais à soutenir très fortement la CNE2.

Je regrette une nouvelle fois que le Parlement n'ait pas été respecté. Gérard Longuet, qui a été des deux côtés, comme ministre et comme parlementaire, pourrait nous expliquer comment fonctionne la politique nucléaire sous la Ve République. Ce fonctionnement n'est pas viable. D'ailleurs, il n'y a pas que dans ce domaine que le Parlement est piétiné, que des textes qui devraient venir au Parlement et y être débattus n'y viennent pas ou ne sont pas inscrits à l'ordre du jour. Je ne suis pas sûr qu'il y aura un débat au Parlement sur la politique nucléaire. Par exemple, je me suis aperçu que mes collègues sénateurs considèrent que puisqu'il y a des sommes provisionnées pour gérer les déchets nucléaires, il n'est pas besoin d'en parler. Je pense qu'ils se cachent derrière leur petit doigt. La guerre en Ukraine montre bien les risques de revirement qui peuvent affecter une politique nucléaire. Sur ce point, les Allemands sont d'ailleurs légèrement dangereux. Souvenez-vous. Trois semaines avant l'accident de Fukushima, Angela Merkel avait pris la décision officielle de poursuivre et d'augmenter le nucléaire en Allemagne. Juste après l'accident, elle a décidé de tout arrêter. Maintenant, l'Allemagne est prise à la gorge car la Russie va forcément décider de fermer le robinet du gaz. La conséquence est, qu'en moins de huit jours, nos voisins d'outre-Rhin ont décidé de relancer le nucléaire et de se réarmer.

Or une politique nucléaire est un sujet important. Le Gouvernement aurait donc tout intérêt à associer le Parlement à ses réflexions et décisions car ce sujet doit faire l'unanimité dans la population. Au départ, nous bénéficiions de ce consensus mais celui-ci s'est progressivement amenuisé. Je pense que la guerre en Ukraine changera la donne et que le nucléaire reprendra ses lettres de noblesse.

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– Merci beaucoup pour toutes ces réponses. Tout ce qui vient d'être dit sur le manque de respect dû au Parlement est une vérité applicable à de nombreux sujets. Lors de sa dernière allocution, le président Richard Ferrand n'a d'ailleurs pas mâché ses mots. À la lecture du rapport qui nous est présenté, j'ai l'impression que cela s'applique particulièrement au sujet du nucléaire et qu'il y a une intention claire d'empêcher le Parlement de se saisir de l'enjeu. Notre qualité de parlementaire impose de défendre les droits du Parlement et de l'Office d'être bien informé, de parler et de débattre. Sinon à quoi servirait-il ?

Mes chers collègues, je vous remercie pour ces échanges très riches et je vous propose d'adopter ce projet de rapport.

L'Office adopte à l'unanimité le rapport sur la préparation du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs

La réunion est close à 11 h 25.

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 3 mars 2022 à 9 h 30

Députés

Présents. - Mme Émilie Cariou, M. Thomas Gassilloud, Mme Huguette Tiegna, M. Cédric Villani

Sénateurs

Présents. - Mme Laure Darcos, M. Gérard Longuet, Mme Michelle Meunier, M. Stéphane Piednoir, Mme Catherine Procaccia, M. Bruno Sido