Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du jeudi 3 mars 2022 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Stéphane Piednoir, sénateur :

– Je félicite nos deux collègues qui ont donné les éléments de cette analyse totalement inédite. Je vous trouve d'ailleurs particulièrement indulgents vis-à-vis du Gouvernement. Je ne suis pas parlementaire depuis très longtemps mais faire l'analyse d'un document virtuel me sidère. Ceci en dit long sur la stratégie ou, plus exactement, sur le manque de responsabilité du Gouvernement et sur son manque de considération vis-à-vis du Parlement. Il s'agit d'un manquement manifeste à ses obligations. Je trouve que nous sommes plutôt gentils dans cette affaire, car cette situation est absolument inacceptable. Le rapport global et national n'est pas fourni dans les temps, loin de là. Nous ne sommes pas « à la marge » mais dans des délais inacceptables, de mon point de vue.

Le Parlement avait déjà été mis à l'écart à l'été 2019 lors de la suspension du projet Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration (Astrid) qui était – faut-il le rappeler ? – un élément de la politique française du cycle fermé du combustible et qui s'inscrivait dans les axes de recherche ouverts par la loi Bataille. Dans le rapport que j'ai élaboré l'an dernier avec Thomas Gassilloud sur la suspension du projet Astrid, nous avons évoqué cette loi et réclamé une consultation du Parlement en bonne et due forme sur ce type de disposition, puisque le programme phare qui donnait une perspective au cycle fermé est suspendu. Je suis saisi d'un coup de colère : nous devons être collectivement plus incisifs. J'ai entendu les remarques de nos deux rapporteurs mais cet état de fait est inacceptable pour l'exercice de nos missions.

Sur le fond, tout ceci est éminemment stratégique car, comme l'a dit Bruno Sido, la possibilité même de requalifier un combustible usé en déchet est un élément fondamental de déstabilisation. Une telle requalification ferme la porte au recyclage des matières dans la filière des réacteurs à neutrons rapides (RNR). Les enjeux sous-jacents sont importants car dans la même veine, la France a sur son territoire 300 000 tonnes d'uranium appauvri. Il faut absolument tenir bon et maintenir leur qualification de « matière nucléaire » pour laisser la voie ouverte à filière RNR et donc au nucléaire de quatrième génération. Dans un contexte international marqué par de nombreuses tensions, particulièrement dans le champ de l'énergie, tout ceci pourrait être mis sur la table dans la perspective de développer la production d'électricité nucléaire dans le monde.

Aujourd'hui, nous voyons bien que certains robinets se ferment et il est hors de question de rouvrir des centrales à charbon partout. Si l'on veut aller vers un nucléaire propre, il faut des RNR et, pour cela, il faut du combustible. Puisque 300 000 tonnes d'uranium appauvri sont présentes sur notre sol, soyons fermes là-dessus et ne nous laissons pas enfermer par les stratégies de pays se trouvant aujourd'hui en difficulté.

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