. – Merci beaucoup chers collègues. Je vais maintenant faire part de mes propres commentaires.
Je rejoins tout à fait Stéphane Piednoir sur le fait que nous pouvons et devons certainement être plus durs sur la forme avec le Gouvernement. Il n'a pas respecté la loi. Il n'avait pas consulté le Parlement sur l'arrêt du projet Astrid et il n'a fait aucun cas des multiples demandes émises par nos collègues Émilie Cariou et Bruno Sido. Quand il a répondu, c'était « à côté », comme le montre la transcription de l'échange entre Émilie Cariou et la ministre de la Transition écologique et solidaire lors d'une séance de questions au gouvernement. Nous parlons ici d'un PNGMDR censé couvrir la période 2019-2021. Nous sommes en 2022 et il n'a toujours pas été publié. Il le sera peut-être pour la période 2021-2025, ce qui se traduirait non seulement par un trou dans l'ensemble des périodes couvertes par les plans successifs, mais aussi par un retard d'au moins trois ans. Or il s'agit d'un sujet extrêmement sensible dont le Gouvernement entend bien montrer qu'il est promoteur, qu'il voit grand, qu'il est visionnaire et rigoureux. Il faut dire très clairement que ces dernières années, le Parlement n'a pas été traité avec considération sur ce sujet. À cela s'ajoutent les manques qui ont été pointés, notamment sur les déchets issus de l'industrie militaire pour lesquels, là encore, le Parlement n'a pas eu de réponse aux demandes d'audition des personnes concernées.
Ce sont là des comportements que l'Office tout entier jugera inacceptables et qui doivent faire l'objet d'un courrier au Gouvernement. Nous ne pouvons pas nous contenter d'indiquer, dans les recommandations, qu'il serait opportun de mieux nous considérer la prochaine fois. J'insiste sur le fait qu'il s'agit de manquements graves.
Ma deuxième remarque porte sur les déchets TFA. Comme le disait Bruno Sido, les choses avancent très lentement et l'exemple allemand est intéressant. L'Allemagne ne peut être considérée comme un pays particulièrement indulgent ou enthousiaste vis à vis du nucléaire. Pourtant, elle est parvenue à avancer d'une façon très intéressante. Le critère qui doit être déterminant est bien le risque radiologique causé par le déchet à un instant précis et non le fait que ce dernier ait transité par une centrale nucléaire. La radioactivité naturelle est à cet égard une excellente référence à laquelle on trouvera difficilement à redire. Une telle perspective permettra, je l'espère, d'avancer sur cette catégorie de déchets. Il faut donc insister là-dessus.
Un troisième sujet important est celui de la qualification des matières nucléaires, spécifiquement l'uranium appauvri, comme combustible potentiel ou déchet. Il s'agit de quelque chose de délicat car on a affaire à un déchet qui est un combustible potentiel. Qu'en est-il de ce potentiel ? Ceci rejoint les interrogations du rapport de Thomas Gassilloud et Stéphane Piednoir sur l'avenir de la filière des réacteurs de quatrième génération. En échangeant avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), j'avais compris que l'uranium appauvri est présent en quantité telle que nous n'aurions l'usage que d'une petite fraction. L'idée est donc que si l'on détient un combustible en quantité gigantesque, on est de toute façon obligé de se débarrasser de la partie qui sera très vraisemblablement non utilisée. En ce cas, la distinction entre combustible et déchet serait non pertinente, voire trompeuse. Il faudra certainement remettre le sujet sur la table.
Ma dernière remarque est relative à l'importance du débat public. Je rejoins tout à fait ce que disait Gérard Longuet : la CNE2 a toujours travaillé pour l'Office avec efficacité et loyauté et elle nous est précieuse. Il ne faut pas la diluer dans une nouvelle organisation dont les contours sont encore flous, ni mélanger les rôles. J'ai l'impression que le Gouvernement a été plus actif pour esquisser un remaniement des dispositifs existants efficients, plutôt que de travailler sur le PNGMDR. Il est important de défendre la CNE2, et cela n'empêche pas de travailler pour une meilleure association avec le débat public. À cet égard, les remarques du rapport sont excellentes et la comparaison avec le modèle suédois est extrêmement éclairante. Gérard Longuet et moi avons préparé deux courriers, à destination de la ministre de la Transition écologique et solidaire et de Gilles Pijaudier-Cabot, président de la CNE2. Ils insistent sur la nécessité de donner à la CNE2 un périmètre d'action et une place dans l'État convenables et correspondant à nos attentes. Ces courriers devraient être annexés au rapport.
Pour finir, je constate que l'Office évolue dans un contexte délicat sur le domaine nucléaire. Il n'a visiblement pas été assez pris en compte par le Gouvernement et par les acteurs politiques qui souhaitent développer la filière. Par ailleurs, il est confronté à la défiance des acteurs qui sont opposés, méfiants ou suspicieux envers le nucléaire. Je note par exemple que les rapporteurs ont demandé, mais sans succès, à rencontrer les auteurs d'ouvrages relevant du « neuvième art » et destinés au grand public qui ont eu un certain écho. Je le regrette. Une telle défiance est dommageable, alors même que les rapporteurs expriment des positions individuelles variées sur le nucléaire. En particulier, Émilie Cariou ne peut pas être soupçonnée d'être une ardente lobbyiste de cette forme d'énergie. Pourtant, Bruno Sido et elle ont produit ce rapport consensuel sur lequel, je pense, l'Office peut se retrouver. C'est un très bon signe sur la façon dont l'Office traite le sujet. En l'espèce, je regrette que les rapporteurs de l'Office n'aient pas eu la confiance des acteurs de la société civile et nous devons améliorer ce point.
Voici, chers collègues, les remarques que je souhaitais formuler à l'égard du rapport. J'ai admiré sa belle structuration. Il est très clair, concis et synthétique. Fort bien écrit, il contraste agréablement avec le flou du travail gouvernemental.