Intervention de Michel Zumkeller

Réunion du jeudi 31 mars 2022 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Vous justifiez le recours au décret d'avance, qui permet de débloquer des crédits sans débat, par les nombreuses situations d'urgence constatées dans notre pays. Mettant de côté l'opportunité politique qu'il constitue pour le président-candidat à quelques jours de l'élection, nous préférons porter notre attention sur les maux actuels de notre pays.

La forte hausse du prix des carburants, après celle de l'énergie, et la perte de pouvoir d'achat pour les Français laissent présager une importante crise économique et sociale. S'y ajoute la guerre en Ukraine qui impose notamment de préparer comme il se doit l'accueil de plus de 100 000 réfugiés qui ont connu l'horreur.

Oui, il est nécessaire de débloquer en urgence des crédits pour financer des dépenses imprévues, mais le décret d'avance est aussi le reflet de l'état inquiétant de nos finances publiques. Le gouverneur de la Banque de France alertait récemment notre commission sur la soutenabilité de la dette publique et l'impossibilité de faire face à de nouvelles dépenses. Or il est bien question de dépenses supplémentaires dans le décret d'avance, lequel ouvre la voie à un prochain PLFR, sans que la responsabilité du Gouvernement et la transparence à l'égard des Français, qui paieront la note au bout du compte, ne soient assurées. À dix jours de l'élection présidentielle, nous leur devons, pour le moins, d'être honnêtes. Comment demander à une France qui va mal de consentir davantage d'efforts ? Vous ne pouvez exiger des Français l'impossible sans plonger le pays dans une crise sociale sans précédent.

S'agissant des dépenses du projet de décret, comment accepter de déshabiller la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire de 3,47 milliards d'euros alors même que la crise sanitaire n'est pas terminée, que les taux d'incidence et d'hospitalisation remontent, que le pays reste sous le régime de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 juillet ? Comment accepter de priver le ministère de la défense de 300 millions d'euros compte tenu des risques que présente la guerre en Ukraine pour l'ensemble des pays européens ? Les propos de la ministre des armées selon lesquels une telle réduction est temporaire confirment nos craintes : le décret d'avance est la somme d'écritures comptables destinées à enjamber les échéances électorales. Comment comptez-vous financer réellement ces mesures ? Par des économies sur le dos des collectivités, des hausses d'impôts ?

En ce qui concerne la méthode, sur les 5,9 milliards d'euros débloqués, 3 milliards sont destinés à alléger le coût des carburants pour les particuliers et les professionnels. Cette dépense est censée être pour partie compensée par les recettes tirées des taxes sur les carburants, évaluées à moins de 2 milliards d'euros. Compte tenu de la volatilité des chiffres, quel est précisément le montant attendu de ces recettes ? Si l'on fait un petit calcul, simpliste je le reconnais, le prix du sans-plomb 95 est aujourd'hui de 2,10 euros le litre, contre 1,50 lors de l'élaboration du budget pour 2022, soit 60 centimes de plus. Si l'on considère que les taxes représentent environ 60 % du prix de vente, le gain pour l'État serait de 36 centimes par litre. En rendant 18 centimes par litre, il vous reste manifestement un petit delta.

Enfin, pourquoi tant de complexité ? Le mécanisme de la remise de 15 centimes, qui s'appliquera uniformément pendant quatre mois quelle que soit l'évolution des prix, est déconnecté de la réalité. Le groupe UDI et indépendants défend depuis des mois, qu'on lui reconnaisse au moins cette constance, l'idée d'une fiscalité plus juste mais aussi plus simple : l'abaissement du taux de TVA sur la consommation d'énergie à 5,5 %, taux qui s'applique déjà à l'abonnement, permettrait d'alléger le poids d'une fiscalité démesurée qui aggrave l'envolée des prix du baril de brut. Face à la crise du pouvoir d'achat, le plafonnement de la fiscalité des carburants comme de l'énergie corrigerait de manière pérenne les effets de bord de cette fiscalité, devenue injuste.

L'absence de vision à long terme des finances publiques est très inquiétante pour l'avenir de notre pays, pour les Françaises et les Français, pour nos entreprises et entrepreneurs et pour nos collectivités territoriales, vous ne pouvez le nier. La crise ukrainienne sera durable, il ne faut pas se faire d'illusions, et vos comptes d'apothicaire ne résoudront pas les problèmes sérieux qui se profilent. Comment financer tout cela alors que nous sortons à peine d'une crise sanitaire sans précédent et que les taux d'intérêt ont de grandes chances d'augmenter ? C'est une question que nous devons légitimement nous poser.

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