Intervention de Marc Ollier

Réunion du mercredi 30 mars 2022 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Marc Ollier, chef d'établissement de la maison centrale d'Arles :

À 8 h 20, Colonna arrive au rez-de-chaussée du bâtiment A, pour aller à la salle d'activités. Le surveillant moniteur de sport lui propose de se rendre à l'endroit où il devait travailler normalement, à l'entretien des espaces verts. Mécontent de la réorganisation des mouvements résultant d'une réunion qui avait eu lieu la veille, dans le cadre d'une réforme en cours depuis deux mois, Colonna refuse et décide de rester en salle de musculation, ce qui ne pose pas de problème.

À 10 h 10, Elong Abé arrive au rez-de-chaussée. Le surveillant en poste arrive derrière lui ; il ouvre la porte, qui était verrouillée – ce verrouillage est important –, de la salle de musculation où Colonna se trouvait et la laisse ouverte pour qu'Elong Abé puisse faire son travail d'entretien de la salle. Celui-ci va chercher son matériel ; le surveillant repart – je vous expliquerai en quoi consiste son poste. Elong Abé rentre dans le local entretien à 10 h 11 puis en ressort. L'agent est toujours dans l'aile mais, appelé, il s'éloigne ; à 10 h 12, il est à la grille de l'aile. Ensuite, un agent des unités de vie familiale (UVF), qui sont situées en bout de bâtiment, va prendre son poste. Logiquement, il ne voit pas Elong Abé qui est dans le local d'entretien à ce moment-là, et qui en sort juste derrière lui, à dix mètres. L'agent passe et on n'en entend plus parler.

Elong Abé entre dans la salle de musculation ; il regarde tout de suite si l'agent, qui est parti à la grille depuis plusieurs minutes, n'est pas à proximité puis se jette sur Colonna. Il lui donne des coups de pied dans la tête, puis des coups de poing. Colonna était en train de faire des pompes entre deux instruments en se servant de leurs pieds fixés au sol, il n'avait donc pas la possibilité de beaucoup bouger. Pendant dix minutes Elong Abé l'agresse violemment. On voit que Colonna essaie de se défendre, mais il était sans doute déjà en partie KO. À un moment donné, Elong Abé essaye de l'étrangler, puis lui met un pied sur la gorge et l'autre sur la cheville. On voit qu'Yvan Colonna bouge de moins en moins. L'agression se termine lorsque Elong Abé, semblant avoir entendu un bruit, se retourne vers la porte, qui est poussée mais pas verrouillé – je dis bien : « pas verrouillée » ; elle est poussée, l'agent n'a pas tourné la clé. Il regarde et, en effet, c'est l'agent qui revient dans l'aile.

Elong Abé attend, va chercher son chariot de petit matériel de nettoyage et se met derrière la porte. Quand le surveillant vient pour chercher Colonna, qui était convoqué par le surveillant-chef pour la notification d'un document, Elong Abé lui dit : « Chef, Yvan a fait un malaise. »

Tout de suite, le surveillant donne l'alerte par émetteur-récepteur. L'unité sanitaire, c'est-à-dire les infirmières en compagnie du surveillant en poste au service médical, arrive au bout de trois minutes. D'autres renforts font sortir Elong Abé, puisqu'à ce moment-là on pense encore qu'il s'agit d'un malaise. Une de mes adjointes va dans la salle de crise et nous appelle, ma troisième adjointe et moi-même, pour dire que ce n'est pas un malaise mais une agression. Je prends la décision de faire mettre Elong Abé immédiatement au quartier disciplinaire. Entre-temps, les pompiers et le SAMU ont été appelés et sont venus. Le cœur est reparti.

On connaît la suite : Elong Abé extrait, le transfert à l'hôpital par les pompiers et le SAMU, avec l'accompagnement du RAID etc.

Pour revenir au secteur dont le surveillant avait la charge, il s'agit d'une aile classique de 30 mètres de long, comptant dix locaux plus ou moins occupés par des détenus. Au moment des faits, en plus de Colonna et d'Elong Abé, cinq autres détenus s'y trouvaient : un en face, à la bibliothèque, deux dans un lieu de convivialité que les détenus appellent traditionnellement « le gourbi », et deux autres ailleurs. Outre cette aile, où la salle de musculation se trouve à l'opposé de l'entrée, le surveillant a la charge des deux tiers d'une autre aile comprenant sept salles. S'y trouvaient alors sept détenus et cinq intervenants, parmi lesquels des femmes. Le surveillant prêtait davantage d'attention à cette zone où, avec une bonne part de détenus condamnés à perpétuité, notamment pour des meurtres, les risques étaient plus manifestes que dans celle où se trouvaient les cinq autres détenus, Colonna et Elong Abé qui, d'habitude, s'entendaient bien. Il se trouvait donc initialement à 30 mètres de la salle de musculation, auxquels il faut ajouter les 8 mètres du poste d'information et de contrôle (PIC) du bâtiment A, qui fait fonction de sas entre les deux ailes, et les 20 mètres de la deuxième aile.

Voilà les faits tels qu'ils se sont déroulés, dont j'ai établi le minutage.

Pour ce qui est de l'attitude d'Elong Abé, elle est dégueulasse – je n'ai pas d'autre terme. Dans notre métier, nous avons l'occasion d'assister à des agressions ; j'en ai déjà vu, soit filmées par des caméras, soit à quelques mètres, lors de promenades. Là, c'est très froid : Elong Abé rentre dans la salle, se tourne pour voir si le surveillant n'est plus là puis, porte poussée – et non verrouillée –, sans un mot à Colonna, il se jette tout de suite sur lui. On ne perçoit pas d'éclats de voix – les caméras n'ont pas de prise de son, mais on voit quand même lorsque quelqu'un crie. Elong Abé est parfaitement froid, ne manifeste aucune émotion. C'est hyperagressif. Même si le terme n'est pas très correct en français, je le répète : c'est dégueulasse. Et Colonna n'a rien pu faire.

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