Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 30 mars 2022 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Je remercie Mme la présidente de nous permettre de tenir ces auditions sur un dossier douloureux, qui a de nombreuses implications humaines et politiques. Chacun dans nos rôles, nous sommes tous assoiffés de justice et de vérité. Même si cela n'est pas simple, nous essayerons de nous départir de l'émotion, pour être le plus factuel possible.

Vos raisonnements semblent tautologiques. Tout ce que vous avancez paraît normal : par exemple, que les 280 caméras vidéo ne soient pas au bon endroit ou que la promenade fasse l'objet d'une surveillance vidéo alors qu'un gardien dédié était présent –pourquoi ce choix ?

Deux agents, au PIC et au PCI, n'ont rien vu – évidemment.

Il est aussi normal qu'une maintenance de trente secondes à deux minutes se déroule à 10 heures du matin, alors que, dans n'importe quel service, hospitalier ou de sécurité, elle est effectuée à des horaires appropriés. À moins que vous ne le confirmiez, je ne suis pas sûr qu'il soit usuel de conduire une telle opération dans ces horaires-là. Je n'ai d'ailleurs pas compris les conséquences de cette maintenance sur le visionnage et l'enregistrement, notamment des allées et venues, avant et autour de l'agression.

Nous sommes là pour traiter de la possibilité d'une préméditation mais aussi de celle qu'un tiers ait pu commanditer cet assassinat. Nous sommes dans notre rôle pour savoir si les dysfonctionnements – le mot est faible – vont jusqu'au laisser-aller, volontaire ou coupable, voire la connivence, et pourquoi. Compte tenu des zones d'ombre, ces questions se posent. Par exemple, sur les vidéos que, malheureusement, nous avons pu voir dans la presse, Elong Abé est déterminé : on a l'impression qu'il sait déjà, avant d'entrer dans la pièce, qu'Yvan Colonna y sera dans la position la plus faible. Ces questions liées à la maintenance sont donc très importantes.

Il paraît aussi normal que l'agent n'ait rien vu, qu'il soit allé vers d'autres occupations, qu'il ait choisi d'autres priorités. Selon nos informations, sur les cinq DPS du bâtiment A, trois seulement se seraient trouvés au même endroit à cette heure-là : les deux dans la même salle, et M. Hakim Tahir dans la salle à côté. Et on a décidé qu'il n'y aurait pas de surveillance, ni physique ni vidéo. Vous trouvez cela normal ; nous sommes nombreux à trouver que non eu égard aux textes et à la réalité du statut de DPS. Pourquoi ce choix ? Nous n'avons pas de réponse satisfaisante à cette question.

Vous parlez de l'impossibilité du passage à l'acte : qu'a fait la cellule de surveillance des djihadistes d'Arles, qui fait des rapports quotidiens, transmis à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ? De quelles informations disposiez-vous ?

Éric Diard l'a rappelé, certains dires ou actes de M. Elong Abé auraient pu inquiéter. Quelques jours avant son passage à l'acte, la presse s'est fait l'écho de ce qu'il s'était laissé pousser la barbe. C'était le signe d'un risque de passage à l'acte. Pourquoi n'a-t-il pas été détecté ? En juin 2021, un courrier de M. Sébastien Mattei notamment faisait état d'une menace d'être poignardé car il se douchait nu avec Yvan Colonna. Un agent, témoin, a transmis ces menaces à sa hiérarchie huit mois avant l'événement qui nous occupe ; il y avait bel et bien eu détection de risque.

S'agissant de vos arguments concernant l'intervention physique, dans son courrier, M. Mattei évoque une intervention en vingt secondes suite à un petit problème en octobre 2021. Pourquoi, en l'espèce, onze minutes?

À comparer les parcours d'Yvan Colonna et d'Elong Abé, on cherche les justifications qui permettent au second d'avoir un contrat rémunéré, mais aussi des remises de peine durant son passage à Arles. Il avait été condamné à treize ans et demi de prison – neuf ans pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, plus quatre ans pour prise d'otages à l'unité hospitalière de surveillance aménagée de Lille-Seclin –, or il sortait en octobre 2023. Il aurait donc fait près de neuf ans. Avez-vous été amenés à donner des avis pour qu'il bénéficie de ces remises de peine exceptionnelles, quand Yvan Colonna, sans être un détenu modèle – il avait son petit caractère –, recevait des avis unanimement défavorables de la commission locale à ses demandes de retrait du registre des DPS ?

Quelle était la motivation de ces avis défavorables ? Était-elle liée à son parcours ou à l'acte qu'il avait commis ? S'il s'agit de l'acte, on a deux poids deux mesures, et M. Elong Abé est « chouchouté » dans son parcours. Vous n'avez pas fourni d'information sur son comportement en Afghanistan, ce qui est étonnant car, nous, nous en avons. Éric Diard l'a dit la semaine dernière, il était d'une extrême cruauté. Comment quinze mois peuvent gommer cinquante incidents, une prise d'otages, une attitude de sauvage en Afghanistan ? Comment, en face, maintient-on un régime forcené de DPS, qui s'accompagne d'un excès de zèle, notamment lors des fouilles, différentes selon les uns ou les autres ?

Enfin, je vous le demande solennellement, pouvez-vous affirmer avec certitude qu'il n'y a pas eu de témoin physique de l'agression ?

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