Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée au sujet du paiement en roubles réclamé par Moscou. De notre point de vue, imposer un paiement en roubles constituerait une rupture de la plupart des contrats, puisque ceux qui ont été conclus par les entreprises françaises, notamment avec Gazprom, sont libellés en euros. Il serait donc tout à fait légitime que ces entreprises refusent un changement de devises. En outre, si la Banque centrale russe décidait de modifier son taux de change, cela reviendrait à fixer unilatéralement le prix du gaz et à contourner les sanctions, ce qui n'est pas acceptable.
Le G7 Énergie s'est réuni la semaine dernière. Nous avons réaffirmé que nous étions opposés à ce versement en roubles et que nous étions unis sur cette question. Nous avons envoyé un message clair à nos opérateurs sur ce point. Les informations que nous avons reçues de Moscou ces derniers jours nous laissent penser que nos entreprises pourront continuer de payer leurs factures en euros auprès de banques, notamment Gazprombank, qui se chargeront elles-mêmes de convertir leurs euros en roubles.
À partir du moment où les entreprises paient en euros, les contrats sont respectés et il n'y a pas de raison de craindre, a priori, une rupture des importations de gaz russe. Cette demande de paiement en roubles constitue, de mon point de vue, davantage une mesure de soutien au rouble qu'une mesure de rétorsion vis-à-vis des entreprises européennes ou françaises. Il n'en reste pas moins que nous devons trouver, le plus vite possible, des moyens de réduire notre dépendance aux importations de gaz russe.
Plusieurs questions portent également sur l'importation de métaux russes. En 2020, les produits métalliques russes, bruts ou semi-finis, importés sur le territoire français représentaient 8 % de nos besoins. Cependant, des fournisseurs de rang supérieur peuvent s'inscrire dans des chaînes de valeur dont certains maillons sont situés en Russie. La France est fortement exposée dans certains secteurs industriels ; je pense notamment à l'automobile, qui utilise aluminium et platinoïdes, et à la défense, qui a besoin de tungstène et d'aciers spéciaux.
Dès le début de la crise, une task force interministérielle regroupant le ministère de la transition écologique, celui des finances et celui de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que le Bureau de recherches géologiques et minières a été créée afin d'appréhender les difficultés rencontrées par les filières industrielles et de permettre aux services de l'État de leur apporter une réponse coordonnée. Les risques à court terme sont maîtrisés, mais nous demeurons très vigilants.
La situation spécifique de l'année 2020 puis les tensions actuelles affectant certaines matières premières ont montré combien il est important pour les pouvoirs publics de veiller, au côté des acteurs économiques, à améliorer la résilience de nos chaînes de valeur. C'est dans cette perspective qu'a été prévu, dans le cadre du plan « France relance », un effort spécifique en faveur de la résilience de nos approvisionnements stratégiques en métaux. Près d'une quarantaine de projets ont ainsi été soutenus, représentant plus de 543 millions d'euros d'investissements et 108 millions d'euros de soutien public. Bien entendu, les efforts consacrés à la sécurisation des chaînes « métaux » sont amenés à se poursuivre dans le cadre de « France 2030 » : une enveloppe de subvention de 500 millions d'euros permettra de lancer un appel à projets sur une liste ciblée de métaux prioritaires et une enveloppe de fonds propres d'un montant équivalent accompagnera le lancement d'un fonds « Métaux » au côté des acteurs privés. Ces mesures font suite aux travaux de Philippe Varin, plus particulièrement consacrés à la question de l'industrie automobile.
Madame Deprez-Audebert, le gaz naturel est importé de Russie de deux manières : sous forme liquide – c'est ce que l'on appelle le gaz naturel liquéfié (GNL) – et, dans des proportions beaucoup plus importantes, par gazoduc. Nous devons anticiper une éventuelle rupture de cet approvisionnement par gazoduc en diversifiant nos importations. Pour ce faire, nous pouvons utiliser ceux des tuyaux existants qui ne sont pas reliés à la Russie – je pense, par exemple, au gazoduc norvégien. Mais, pour le reste, il nous faut recourir à du gaz naturel liquéfié. Or celui-ci, je le rappelle, est transporté sous forme liquide et doit être, une fois arrivé à destination, regazéifié dans un terminal méthanier. Nous disposons, en France, de quatre terminaux de ce type ; nous les optimisons afin qu'ils puissent accueillir une plus grande quantité de GNL en provenance des pays producteurs. En revanche, l'Allemagne, très dépendante du gaz, n'a pas de terminaux méthaniers, car la majeure partie de ses importations est acheminée par gazoduc.
En France, une task force a été créée pour coordonner les mesures à prendre. Outre le fait que nous augmentons les capacités des terminaux méthaniers existants, nous examinons la possibilité de créer un terminal flottant, plus facile à installer. L'étude des différentes localisations et implantations possibles et les délais dans lesquels ce terminal flottant pourrait être construit est en cours. Aucune décision n'a été prise pour le moment, mais le port du Havre fait partie des localisations qui ont fait l'objet d'un examen attentif, car il présente des capacités qui permettraient de construire rapidement une telle installation.
Par ailleurs, des contacts avec les pays exportateurs sont en cours. Les Européens ont besoin d'être unis pour optimiser les achats de gaz. La France ne peut pas se comporter comme si elle était une île : elle se doit non seulement d'être solidaire des autres États membres de l'Union européenne, mais aussi de tenir compte de l'existence du marché, faute de quoi le gaz ira ailleurs. La coordination sous la forme d'achats groupés est donc nécessaire – j'y reviendrai peut-être ultérieurement.
Le calendrier prévoyant la construction de six EPR d'ici à 2035 est très ambitieux. Les enseignements de la construction des EPR existants – Flamanville, Taishan et Olkiluoto – ont été tirés pour améliorer tant la conception que la construction des EPR, y compris dans la durée. Bien entendu, l'État soutiendra EDF pour que le calendrier soit respecté. Des travaux préparatoires ont été réalisés et se poursuivent afin de renforcer les compétences de la filière – il s'agit là de l'un des points clés du programme.
Compte tenu des défis liés aux conséquences de la guerre en Ukraine sur nos approvisionnements, il nous faut renforcer et accélérer encore le déploiement des énergies renouvelables, car ce sont les ENR qui nous permettront d'augmenter rapidement – plus rapidement que les centrales nucléaires – notre part de production d'électricité non dépendante des fossiles. Le Gouvernement a pris récemment des décisions à cet effet, et nous étudions un ensemble de mesures supplémentaires pour lever les freins au développement de ces énergies. Le nouveau dispositif d'appel d'offres pour la période 2021-2026, mis en place l'été dernier, permettra de lancer au moins 25 gigawatts de nouveaux projets d'éolienne terrestre, de panneaux photovoltaïques et de petite hydroélectricité. L'arrêté tarifaire applicable aux projets photovoltaïques sur les bâtiments a été revu en octobre dernier afin de porter le plafond de 100 à 500 kilowatts. Par ailleurs, la loi « Climat et résilience » a prévu de nouvelles obligations concernant l'équipement des entrepôts, hangars et parkings en toiture végétalisée ou solaire. Enfin, nous préparons des mesures de renforcement du développement du biogaz, dont le lancement d'un appel d'offres pour les méthaniseurs non éligibles au tarif d'achat destiné aux petites installations, ainsi que des mesures pour sécuriser le lancement des projets en cours de développement.
En ce qui concerne la chaleur renouvelable et les économies d'énergie, nous allons porter le budget annuel du fonds « Chaleur » à 520 millions d'euros dès cette année et renforcer certains forfaits du dispositif MaPrimeRénov' pour favoriser l'installation de pompes à chaleur.
Par ailleurs, la priorité est de développer les capacités de production de biocarburants avancés et de structurer des filières logistiques de collecte des intrants. Dans le cadre de cette stratégie d'accélération et du plan « France 2030 », des guichets sont ouverts, et le renforcement du soutien apporté à la filière par la taxe relative à l'incorporation des énergies renouvelables ainsi que des leviers complémentaires sont à l'étude. J'ajoute que nous veillons à ce que le développement des biocarburants n'entre pas en concurrence avec l'alimentation.
S'agissant des pompes à chaleur, c'est précisément parce que les prix augmentent que nous avons créé les dispositifs que j'ai évoqués, dont l'augmentation de 1 000 euros de MaPrimeRénov'. Ainsi, les aides de l'État permettent de s'équiper d'une pompe à chaleur ou d'une chaudière au bois pour le même prix, voire pour un prix moindre que celui d'une chaudière neuve au gaz. Il nous faut à présent travailler avec les professionnels pour qu'ils se forment de manière à être opérationnels le plus rapidement possible.
Madame Battistel, je me réjouis toujours de la contribution des parlementaires : le travail que vous avez réalisé avec Anthony Cellier est une source d'idées précieuse, face aux crises qui arrivent.
Remettons les choses en perspective : en France, le niveau de l'inflation, notamment des prix de l'énergie, n'a rien à voir avec ce qu'il est dans certains pays – je pense notamment à l'Italie ou à l'Espagne, où il atteint 9,8 % – et ce, grâce aux mesures de protection que nous avons prises. Certes, les Français voient tout de même les prix augmenter, et il n'est pas toujours facile de faire passer le message que, sans ces mesures, la situation serait pire… mais c'est la réalité : nous avons fait tout notre possible pour limiter la hausse des prix. Les tarifs réglementés sont un bon tapis d'amortissement.
S'agissant de la remise de 15 centimes – 18 centimes pour les particuliers – sur le prix du litre de carburant à la pompe dans les petites stations des territoires ruraux, nous proposons à celles-ci une avance, de 3 000 ou 6 000 euros selon leur taille, pour qu'elles puissent appliquer immédiatement l'opération. Nous avons donc fait le nécessaire ; à elles, à présent, de faire en sorte d'avancer au plus vite.
Monsieur Herth, nous avons besoin, je l'ai dit, d'adopter une approche européenne commune pour assurer notre approvisionnement en gaz et créer des plateformes à cet effet. Nous en avons discuté lors du Conseil européen des 24 et 25 mars, et nous y travaillons actuellement avec la Commission. Les interconnexions gazières seront encore plus utilisées qu'elles ne le sont actuellement pour répartir les flux ; nous étudions la possibilité de créer un flux de la France vers l'Allemagne, qui ne dispose pas de terminaux GNL.
S'agissant du stockage, la Commission envisage de créer, par la future réglementation qu'elle propose, une solidarité avec les États ne disposant pas de solution de stockage, en leur permettant de financer des quantités stockées dans les autres États. Des discussions sont en cours pour que ce dispositif soit organisé le plus efficacement possible.
Madame Pinel, les primes C2E ne sont pas réduites. Nous avons annoncé, en 2020, le volume d'obligations pour la période 2022-2025, qui a augmenté de 17,5 % ; nous n'y touchons pas. Par ailleurs, le stock de C2E détenus par les obligés à la fin de la période précédente étant très supérieur à ce qu'ils avaient déclaré et à ce que le Gouvernement avait anticipé, le prix des certificats baisse mécaniquement sur les marchés où ils sont échangés. C'est problématique, dans la mesure où cette baisse sera répercutée sur les ménages. Cette situation va cependant se résorber, et le Gouvernement étudie la possibilité de limiter la volatilité du prix des C2E compte tenu de ces évolutions. Il est déterminé à agir en ce sens, car la finalité de ces certificats est de favoriser les économies d'énergie, notamment dans le cadre d'actions de rénovation globale.
Le 1er mai, les fiches d'opérations standardisées seront révisées pour adapter les C2E délivrés à l'impact d'une action ; sont notamment concernées les fiches « isolation des planchers » et « isolation des murs », qui n'avaient pas été révisées depuis 2014. Il est vrai que les constats nous ont amenés à réduire assez fortement les forfaits. Mais il faut que le calibrage des C2E soit adapté aux opérations, faute de quoi les obligés atteignent trop facilement leurs objectifs et les prix s'écroulent, au détriment in fine des ménages. L'équilibre n'est pas facile à trouver, mais les mesures qui entreront en vigueur le 1er mai permettront d'harmoniser les outils pour que l'objectif essentiel qu'est l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments soit plus facilement atteint.
Nous sommes en train de réfléchir aux modalités du versement des aides aux entreprises ; il s'agit de les aider le plus vite et le plus efficacement possible.
En ce qui concerne EDF, la décision que nous avons prise concernant l'ARENH était nécessaire pour contenir la hausse des prix. Cela représente, certes, un manque à gagner pour EDF, mais son principal manque à gagner est dû – elle l'a elle-même reconnu, en l'estimant à 11 milliards d'euros, et c'est probablement plus aujourd'hui – au fait qu'elle ne produit pas suffisamment d'électricité actuellement, à un moment où les prix sont très hauts. De fait, environ la moitié du parc nucléaire est à l'arrêt, en partie à cause d'opérations de maintenance qui étaient prévues, en partie à cause de problèmes qui imposent un arrêt pour des raisons de sûreté. J'ai donc demandé à EDF de réaliser un audit afin d'améliorer l'efficacité et la coordination de ses plannings de maintenance pour éviter de se trouver dans une situation où une part trop importante de son parc nucléaire ne produit pas, la privant ainsi de profits très importants.
La mesure concernant l'ARENH représente, c'est vrai, un effort pour EDF, et nous l'assumons. Mais si elle avait mieux géré son parc nucléaire, elle ferait actuellement des profits très importants.