Intervention de le général Bruno Arviset

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général Bruno Arviset, adjoint au directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'abord d'excuser l'absence du directeur du personnel en titre, le général de corps d'armée de Oliveira. Ce dernier a cessé ses fonctions par nécessité de l'âge et j'exerce aujourd'hui l'intérim.

En cette journée, je voulais rendre un hommage particulier à nos camarades de l'armée de Terre, qui ont perdu un artilleur au Mali et qui ont déploré plusieurs blessés. L'armée de Terre a toujours été à nos côtés lorsque nous étions dans la douleur, notamment lorsque trois des nôtres ont été tués à Ambert en 2020. L'un de mes proches collaborateurs est également engagé au Mali, il est heureusement demeuré sain et sauf. Bien que nous ne déplorions pas de blessés, nous sommes touchés par cet événement.

La gendarmerie a vu son statut militaire réaffirmé par la loi du 3 août 2009. Il n'est pas exagéré de dire que le gendarme est le soldat de la loi. Si le statut général des militaires s'applique intégralement à la gendarmerie, il existe des statuts particuliers pour chaque corps, qui répondent à nos besoins et missions spécifiques. Ce statut particulier nous permet d'exercer des missions tantôt militaires, tantôt civiles. C'est cependant toujours en tant que militaires que nous exerçons nos missions, mêmes civiles.

L'année 2021 a montré combien ce statut militaire était indispensable. Ce statut recouvre les notions de résilience, de disponibilité, d'organisation et de capacité de réaction. Sur tous les événements de 2021, nous avons montré le bien-fondé de notre statut militaire. En mai 2021, lors d'un double homicide dans le Gard, aux Plantiers, 250 gendarmes ont été engagés pour rechercher le tireur isolé. Au cours du même mois, en Dordogne, 300 gendarmes ont mené une traque durant 48 heures, puis dans les Alpes-Maritimes en juillet. Chaque fois, les commandants de région ont mené à bien ces missions, avec des effectifs considérables.

Outre-mer, l'année 2021 a également été riche en événements. 1 500 gendarmes ont été déployés en Nouvelle-Calédonie, tandis qu'un grand nombre d'entre eux le sont encore en Guadeloupe. Nous avons ainsi été amenés à assurer des opérations de maintien de l'ordre particulièrement dures. Deux gendarmes ont en effet été successivement blessés par balle au cours de ces événements, qui nous ont vus passer d'une situation de paix à une situation de crise. C'est notre statut militaire qui nous a permis de monter en puissance et de manœuvrer dans ces situations.

Les grands socles de ce statut militaire sont les suivants : notre formation initiale, axée sur la formation militaire, le sens de l'engagement et de la disponibilité, l'esprit de corps et de cohésion, et l'attention portée aux personnels dont le chef défend les intérêts et la qualité de vie au travail.

S'agissant de la formation initiale, un tiers des huit mois de cette formation est consacré à la formation militaire au sens large, incluant la résilience, la manœuvre et la robustesse. Nous avons à ce sujet pour ambition de porter la formation actuelle de 8 mois en école et 4 mois en stage à une formation de 12 mois en école. Outre le renforcement de la formation à la police judiciaire, nous fournirons également un effort sur le socle militaire.

Au-delà de la formation initiale, nous avons développé la formation continue tout au long de la carrière, notamment au travers de la création des centres régionaux d'instruction qui permettent pour l'instant aux personnels de « recycler » leurs qualifications. Ces centres sont actuellement au stade embryonnaire, mais nous entendons les développer afin de redonner leurs capacités de manœuvre et d'entraînement à nos gendarmes départementaux et à ceux de nos pelotons de surveillance et d'intervention (PSIG), généralement exposés aux événements les plus difficiles. En parallèle, la formation de nos officiers a été durcie dans le domaine de la capacité de manœuvre, notamment dans le cadre de l'enseignement militaire supérieur du deuxième degré, à l'École de guerre, où un nouveau cursus porte sur la capacité de manœuvre et la méthode de raisonnement tactique appliquée à la gendarmerie.

Notre statut militaire donne en outre un sens à notre engagement et permet notre disponibilité en tout temps et en tout lieu. Dans les profondeurs du territoire ou dans les zones périurbaines, notre gestion nous permet d'affecter des gendarmes au plus près du territoire qu'ils sont chargés de protéger. À travers le logement concédé, nos gendarmes peuvent vivre avec leur famille en immersion dans la population – une immersion indispensable à l'efficacité du service.

Le statut militaire renvoie également à un esprit de corps, de cohésion derrière un chef, et de discipline. Au fil des ans, nous avons mis en place un modèle de concertation dans la gendarmerie. Ce modèle a pu dans les premiers temps inquiéter nos camarades militaires, qui craignaient l'émergence, à côté du commandement militaire, d'un organe semblable à une organisation syndicale du civil. Ces dernières années, nous avons su montrer que notre chaîne de concertation, rassemblant des militaires élus à tous les niveaux depuis la compagnie jusqu'à l'échelon national avec le conseil de la fonction militaire gendarmerie, n'entendait pas s'attribuer des droits ou des attributions du commandement. Au contraire, ce maillage est un gage d'efficacité et de paix sociale et joue un vrai rôle de « pédagogie dans les deux sens ».

Enfin, au travers de ce statut militaire, le chef défend les intérêts de ses subordonnés et garantit une attention absolue à l'ensemble de ses personnels, surtout quand ces derniers sont mis en difficulté. Cette attention passe d'abord par la qualité de vie au travail. Le statut militaire a pour conséquence que nous ne comptabilisons pas notre temps de travail. Pour autant, il appartient au chef militaire de garantir le bon équilibre physique et familial de son personnel. En ce sens, le militaire se voit octroyer des repos, des quartiers libres, de jour ou de nuit, de sorte que son service individuel s'en trouve équilibré. Le militaire de la gendarmerie travaille aujourd'hui environ une quarantaine d'heures par semaine. Ces heures n'étant pas pondérées, la comptabilisation des heures de nuit ou de jours fériés aboutirait à une durée supérieure. En outre, le gendarme assure une cinquantaine d'heures d'astreinte, garantissant une intervention jour et nuit sur l'ensemble du territoire.

Le chef garantit également les intérêts de ses subordonnés quand ceux-ci sont confrontés aux difficultés de la vie et de la mission en particulier. En 2021, nous avons déploré 3 tués en service et 7 638 blessés, dont 1 883 par des agressions physiques directes. Parmi ces dernières, 573 recouvraient des agressions par arme blanche ou arme à feu. Nous bénéficions heureusement d'un accompagnement solide, reposant sur l'appui du service de santé des armées et sur nos psychologues insérés au sein de chaque région de gendarmerie et qui nous accompagnent dans les missions difficiles ainsi qu'au quotidien. Nous travaillons actuellement à renforcer le lien entre le service de santé des armées et ces psychologues, qui relèvent directement de la gendarmerie. Le chef a le devoir d'accompagner ses blessés jusqu'au bout et de retrouver un emploi à ceux qui présenteraient des inaptitudes les empêchant de servir dans les unités de terrain. Il est cependant vrai qu'en raison de transformation d'un certain nombre de postes en personnels de soutien ou civils, il est difficile de trouver des postes pour des gendarmes souffrant d'inaptitudes médicales.

Les perspectives pour le proche avenir en matière de recrutement de sous-officiers de gendarmerie (SOG) et de gendarmes adjoints sont bonnes. Nous serons appelés à augmenter dès 2022 notre volume de recrutement en école, ce qui induira une tension sur le plan capacitaire en école. Nous allons recruter environ 1 000 sous-officiers supplémentaires. Cette perspective est le fruit de la transformation de 1 000 postes de gendarmes adjoints dans nos pelotons de surveillance en 1 000 postes de sous-officiers. Nous pressentons que nos écoles seront mises en tension, car grâce à « l'ascenseur social » qui fonctionne, sept sous-officiers sur dix sont issus des rangs des gendarmes adjoints, cinq à travers le concours interne et deux à travers le concours externe. Ainsi, chaque fois que nous recrutons et formons dix sous-officiers, il nous faut en remplacement recruter et former sept gendarmes adjoints. Pour recruter dix sous-officiers, il nous faut donc former dix-sept personnels des deux statuts. Cela représente un effort en matière de formation initiale et capacitaire.

Le défi technologique auquel nous sommes confrontés redouble cet effort. Dans nos écoles, nous devons renforcer la formation technique aux nouvelles technologies du cyber et de la criminalistique. Nous recrutons par conséquent de plus en plus de scientifiques, auxquels nous fournissons un bagage juridique pour remplir leur mission. Il s'agit tant d'ingénieurs pour les officiers que de techniciens pour les sous-officiers. Des e-compagnies seront constituées à partir de sous-officiers présentant une appétence pour les nouvelles technologies. Une e-compagnie a d'ores et déjà été formée en 2021 et deux nouvelles seront mises en place en 2022.

Parallèlement, nous ne restons pas à l'écart des grandes réformes que connaît la fonction publique civile. Nous entendons mener la réforme de la haute administration de l'État au sein de la gendarmerie nationale. L'École des officiers de la gendarmerie nationale a donc été rattachée à l'Institut national de service public. À ce titre, tous nos élèves officiers suivent le même socle que tous les hauts fonctionnaires.

Enfin, le Président de la République nous a demandé de renforcer la formation à la police judiciaire dès le stade de la formation initiale de sous-officiers. Dès l'année prochaine, nous délivrerons à chaque sous-officier de gendarmerie (SOG) en école l'équivalent théorique de la formation d'officier de police judiciaire, soit environ un mois supplémentaire de formation théorique. Ce ne sera qu'une fois affecté en unité que le SOG, à travers un stage pratique, pourra satisfaire à l'examen final d'officier de police judiciaire. Aujourd'hui, nous délivrons en école une formation d'agent de police judiciaire, et les SOG deviennent des officiers de police judiciaire à travers une formation théorique puis pratique en unité. Ce processus, qui prend aujourd'hui plusieurs années, sera accéléré car la formation théorique aura lieu en école et nous espérons ensuite amener les plus rapides à la formation pratique en deux ans.

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