Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures.

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Mes chers collègues, nous poursuivons ce matin notre cycle d'auditions consacrées au rôle de la gendarmerie dans la protection du territoire et des citoyens et à l'importance de sa militarité. Nous recevons dans un premier temps le général de division Bruno Arviset, adjoint au directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale et M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances de la Gendarmerie nationale.

Je vous remercie d'avoir accepté tous deux notre invitation à venir évoquer devant la commission de la défense le statut et l'organisation militaires conjugués au maillage territorial comme gages d'efficience de la gendarmerie. Général, vous êtes l'adjoint au directeur des personnels militaires. Sa direction a pour mission de recruter, de former et de gérer l'ensemble des personnels qui servent dans la gendarmerie. Elle a à connaître de toutes les questions d'ordre social et juridique intéressant ces personnels. Elle élabore et conduit la politique des ressources humaines de la gendarmerie nationale. Votre tâche est particulièrement vaste puisque la gendarmerie nationale compte 100 000 gendarmes d'active et 30 000 réservistes, un effectif qui devrait être porté à 50 000 d'ici à 2024.

La direction des soutiens et des finances (DSF), à la tête de laquelle vous êtes, monsieur Desmadryl, est responsable du programme budgétaire de la gendarmerie nationale, le programme budgétaire 152 que nous examinons chaque année pour avis à la Commission de la défense. La DSF conduit à la fois la programmation, la préparation et le pilotage du budget et en assure l'exécution. En matière d'infrastructures, la DSF élabore la programmation immobilière de la gendarmerie dont elle suit la mise en application.

Pourriez-vous nous rappeler en quoi consistent le statut et l'organisation militaires de la gendarmerie et son maillage territorial ? Vous nous expliquerez également comment les militaires de la gendarmerie sont recrutés, formés et entraînés. Quels sont les fondements de votre organisation militaire et de votre système d'armes ? Quels sont les principes fondant ce maillage territorial si précieux, sachant que la gendarmerie couvre 96 % du territoire national et 51 % de sa population ? Vous évoquerez les atouts de la militarité pour couvrir un territoire aussi vaste et diversifié, intégrant notamment des territoires ruraux reculés en métropole, mais aussi en outre-mer. Quels sont les enjeux liés à la disponibilité militaire de la gendarmerie, au regard des dernières évolutions de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et du Conseil d'État ? Quels sont les enjeux spécifiques que vous rencontrez actuellement en termes de logistique et de soutien, et ceux que vous devrez surmonter d'ici à 2030 ? Vous évoquerez aussi le rôle des corps militaires de soutien comme condition de la résilience de la gendarmerie.

Vous ferez donc un état des lieux de ce qu'est un gendarme aujourd'hui et demain, avec ce qui est le plus précieux pour nous, sa singularité militaire.

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le général Bruno Arviset, adjoint au directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'abord d'excuser l'absence du directeur du personnel en titre, le général de corps d'armée de Oliveira. Ce dernier a cessé ses fonctions par nécessité de l'âge et j'exerce aujourd'hui l'intérim.

En cette journée, je voulais rendre un hommage particulier à nos camarades de l'armée de Terre, qui ont perdu un artilleur au Mali et qui ont déploré plusieurs blessés. L'armée de Terre a toujours été à nos côtés lorsque nous étions dans la douleur, notamment lorsque trois des nôtres ont été tués à Ambert en 2020. L'un de mes proches collaborateurs est également engagé au Mali, il est heureusement demeuré sain et sauf. Bien que nous ne déplorions pas de blessés, nous sommes touchés par cet événement.

La gendarmerie a vu son statut militaire réaffirmé par la loi du 3 août 2009. Il n'est pas exagéré de dire que le gendarme est le soldat de la loi. Si le statut général des militaires s'applique intégralement à la gendarmerie, il existe des statuts particuliers pour chaque corps, qui répondent à nos besoins et missions spécifiques. Ce statut particulier nous permet d'exercer des missions tantôt militaires, tantôt civiles. C'est cependant toujours en tant que militaires que nous exerçons nos missions, mêmes civiles.

L'année 2021 a montré combien ce statut militaire était indispensable. Ce statut recouvre les notions de résilience, de disponibilité, d'organisation et de capacité de réaction. Sur tous les événements de 2021, nous avons montré le bien-fondé de notre statut militaire. En mai 2021, lors d'un double homicide dans le Gard, aux Plantiers, 250 gendarmes ont été engagés pour rechercher le tireur isolé. Au cours du même mois, en Dordogne, 300 gendarmes ont mené une traque durant 48 heures, puis dans les Alpes-Maritimes en juillet. Chaque fois, les commandants de région ont mené à bien ces missions, avec des effectifs considérables.

Outre-mer, l'année 2021 a également été riche en événements. 1 500 gendarmes ont été déployés en Nouvelle-Calédonie, tandis qu'un grand nombre d'entre eux le sont encore en Guadeloupe. Nous avons ainsi été amenés à assurer des opérations de maintien de l'ordre particulièrement dures. Deux gendarmes ont en effet été successivement blessés par balle au cours de ces événements, qui nous ont vus passer d'une situation de paix à une situation de crise. C'est notre statut militaire qui nous a permis de monter en puissance et de manœuvrer dans ces situations.

Les grands socles de ce statut militaire sont les suivants : notre formation initiale, axée sur la formation militaire, le sens de l'engagement et de la disponibilité, l'esprit de corps et de cohésion, et l'attention portée aux personnels dont le chef défend les intérêts et la qualité de vie au travail.

S'agissant de la formation initiale, un tiers des huit mois de cette formation est consacré à la formation militaire au sens large, incluant la résilience, la manœuvre et la robustesse. Nous avons à ce sujet pour ambition de porter la formation actuelle de 8 mois en école et 4 mois en stage à une formation de 12 mois en école. Outre le renforcement de la formation à la police judiciaire, nous fournirons également un effort sur le socle militaire.

Au-delà de la formation initiale, nous avons développé la formation continue tout au long de la carrière, notamment au travers de la création des centres régionaux d'instruction qui permettent pour l'instant aux personnels de « recycler » leurs qualifications. Ces centres sont actuellement au stade embryonnaire, mais nous entendons les développer afin de redonner leurs capacités de manœuvre et d'entraînement à nos gendarmes départementaux et à ceux de nos pelotons de surveillance et d'intervention (PSIG), généralement exposés aux événements les plus difficiles. En parallèle, la formation de nos officiers a été durcie dans le domaine de la capacité de manœuvre, notamment dans le cadre de l'enseignement militaire supérieur du deuxième degré, à l'École de guerre, où un nouveau cursus porte sur la capacité de manœuvre et la méthode de raisonnement tactique appliquée à la gendarmerie.

Notre statut militaire donne en outre un sens à notre engagement et permet notre disponibilité en tout temps et en tout lieu. Dans les profondeurs du territoire ou dans les zones périurbaines, notre gestion nous permet d'affecter des gendarmes au plus près du territoire qu'ils sont chargés de protéger. À travers le logement concédé, nos gendarmes peuvent vivre avec leur famille en immersion dans la population – une immersion indispensable à l'efficacité du service.

Le statut militaire renvoie également à un esprit de corps, de cohésion derrière un chef, et de discipline. Au fil des ans, nous avons mis en place un modèle de concertation dans la gendarmerie. Ce modèle a pu dans les premiers temps inquiéter nos camarades militaires, qui craignaient l'émergence, à côté du commandement militaire, d'un organe semblable à une organisation syndicale du civil. Ces dernières années, nous avons su montrer que notre chaîne de concertation, rassemblant des militaires élus à tous les niveaux depuis la compagnie jusqu'à l'échelon national avec le conseil de la fonction militaire gendarmerie, n'entendait pas s'attribuer des droits ou des attributions du commandement. Au contraire, ce maillage est un gage d'efficacité et de paix sociale et joue un vrai rôle de « pédagogie dans les deux sens ».

Enfin, au travers de ce statut militaire, le chef défend les intérêts de ses subordonnés et garantit une attention absolue à l'ensemble de ses personnels, surtout quand ces derniers sont mis en difficulté. Cette attention passe d'abord par la qualité de vie au travail. Le statut militaire a pour conséquence que nous ne comptabilisons pas notre temps de travail. Pour autant, il appartient au chef militaire de garantir le bon équilibre physique et familial de son personnel. En ce sens, le militaire se voit octroyer des repos, des quartiers libres, de jour ou de nuit, de sorte que son service individuel s'en trouve équilibré. Le militaire de la gendarmerie travaille aujourd'hui environ une quarantaine d'heures par semaine. Ces heures n'étant pas pondérées, la comptabilisation des heures de nuit ou de jours fériés aboutirait à une durée supérieure. En outre, le gendarme assure une cinquantaine d'heures d'astreinte, garantissant une intervention jour et nuit sur l'ensemble du territoire.

Le chef garantit également les intérêts de ses subordonnés quand ceux-ci sont confrontés aux difficultés de la vie et de la mission en particulier. En 2021, nous avons déploré 3 tués en service et 7 638 blessés, dont 1 883 par des agressions physiques directes. Parmi ces dernières, 573 recouvraient des agressions par arme blanche ou arme à feu. Nous bénéficions heureusement d'un accompagnement solide, reposant sur l'appui du service de santé des armées et sur nos psychologues insérés au sein de chaque région de gendarmerie et qui nous accompagnent dans les missions difficiles ainsi qu'au quotidien. Nous travaillons actuellement à renforcer le lien entre le service de santé des armées et ces psychologues, qui relèvent directement de la gendarmerie. Le chef a le devoir d'accompagner ses blessés jusqu'au bout et de retrouver un emploi à ceux qui présenteraient des inaptitudes les empêchant de servir dans les unités de terrain. Il est cependant vrai qu'en raison de transformation d'un certain nombre de postes en personnels de soutien ou civils, il est difficile de trouver des postes pour des gendarmes souffrant d'inaptitudes médicales.

Les perspectives pour le proche avenir en matière de recrutement de sous-officiers de gendarmerie (SOG) et de gendarmes adjoints sont bonnes. Nous serons appelés à augmenter dès 2022 notre volume de recrutement en école, ce qui induira une tension sur le plan capacitaire en école. Nous allons recruter environ 1 000 sous-officiers supplémentaires. Cette perspective est le fruit de la transformation de 1 000 postes de gendarmes adjoints dans nos pelotons de surveillance en 1 000 postes de sous-officiers. Nous pressentons que nos écoles seront mises en tension, car grâce à « l'ascenseur social » qui fonctionne, sept sous-officiers sur dix sont issus des rangs des gendarmes adjoints, cinq à travers le concours interne et deux à travers le concours externe. Ainsi, chaque fois que nous recrutons et formons dix sous-officiers, il nous faut en remplacement recruter et former sept gendarmes adjoints. Pour recruter dix sous-officiers, il nous faut donc former dix-sept personnels des deux statuts. Cela représente un effort en matière de formation initiale et capacitaire.

Le défi technologique auquel nous sommes confrontés redouble cet effort. Dans nos écoles, nous devons renforcer la formation technique aux nouvelles technologies du cyber et de la criminalistique. Nous recrutons par conséquent de plus en plus de scientifiques, auxquels nous fournissons un bagage juridique pour remplir leur mission. Il s'agit tant d'ingénieurs pour les officiers que de techniciens pour les sous-officiers. Des e-compagnies seront constituées à partir de sous-officiers présentant une appétence pour les nouvelles technologies. Une e-compagnie a d'ores et déjà été formée en 2021 et deux nouvelles seront mises en place en 2022.

Parallèlement, nous ne restons pas à l'écart des grandes réformes que connaît la fonction publique civile. Nous entendons mener la réforme de la haute administration de l'État au sein de la gendarmerie nationale. L'École des officiers de la gendarmerie nationale a donc été rattachée à l'Institut national de service public. À ce titre, tous nos élèves officiers suivent le même socle que tous les hauts fonctionnaires.

Enfin, le Président de la République nous a demandé de renforcer la formation à la police judiciaire dès le stade de la formation initiale de sous-officiers. Dès l'année prochaine, nous délivrerons à chaque sous-officier de gendarmerie (SOG) en école l'équivalent théorique de la formation d'officier de police judiciaire, soit environ un mois supplémentaire de formation théorique. Ce ne sera qu'une fois affecté en unité que le SOG, à travers un stage pratique, pourra satisfaire à l'examen final d'officier de police judiciaire. Aujourd'hui, nous délivrons en école une formation d'agent de police judiciaire, et les SOG deviennent des officiers de police judiciaire à travers une formation théorique puis pratique en unité. Ce processus, qui prend aujourd'hui plusieurs années, sera accéléré car la formation théorique aura lieu en école et nous espérons ensuite amener les plus rapides à la formation pratique en deux ans.

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François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances de la gendarmerie nationale

Mon intervention portera sur le maillage territorial et l'immobilier de la gendarmerie.

Concernant le maillage du territoire, la gendarmerie couvre 51 % de la population. Au cours des dix dernières années, 2 millions d'habitants supplémentaires, représentant deux tiers de la croissance démographique, se sont implantés dans les zones ainsi couvertes par la gendarmerie. 60 % de cette population vit en milieu urbain ou périurbain. 96 % du territoire est en zone gendarmerie, ainsi que 85 % du linéaire routier et 94 % du linéaire frontalier.

Pour protéger ce territoire et sa population, la gendarmerie s'appuie sur un maillage d'environ 3 000 brigades. Ce modèle d'organisation a fêté ses 300 ans en 2020, et a démontré sa pertinence. Ce maillage très dense s'appuie également sur la vie en caserne qui permet de disposer des personnels sur place. Le délai d'intervention est par conséquent relativement court à toute heure de la journée. Il s'établit en moyenne à 12 minutes sur l'ensemble du territoire. Au-delà des aspects opérationnels, la vie en caserne garantit une implantation des gendarmes sur les territoires qu'ils couvrent. Les familles sont logées dans les casernes et les enfants vont à l'école à proximité. Enfin, ce modèle permet une interaction avec les territoires et les élus locaux, qu'il est essentiel de préserver. Ces 3 000 implantations rendent en outre la présence de l'État visible dans des lieux où les services publics et l'activité tendent à disparaître.

500 brigades ont été supprimées depuis la fin des années 1990. La tendance se stabilise depuis 2017. On n'assiste plus à des fermetures de brigade, sauf pour en recréer sur un autre territoire et adapter le maillage ou dans le cas de déménagements, pour accueillir dans de meilleures conditions gendarmes et administrés. Le Président de la République a en outre annoncé à Nice le renforcement de ce maillage avec la création dans les années à venir de 200 nouvelles brigades afin de compenser une partie des suppressions précédentes et d'adapter le maillage aux besoins.

Les dernières évolutions souhaitées par le général Rodriguez sont les suivantes.

La première a trait au dispositif d'appui interdépartemental (DAI). Les brigades possèdent une zone de compétence donnée et la brigade la plus proche n'est parfois pas celle du département concerné. Le DAI permet de faire intervenir les gendarmes les plus proches même s'ils ne relèvent pas de la zone administrative concernée. Ce dispositif a été élargi en septembre dernier. Le dispositif de gestion des événements (DGE) est également en passe de l'être. Il s'agit d'une nouvelle organisation des unités sur le terrain qui permet de rationaliser les moyens déployés, notamment la nuit, pour optimiser les patrouilles. Le potentiel ainsi libéré est redéployé en journée, ce qui permet une plus grande visibilité auprès de la population. Le troisième dispositif mis en place est le dispositif de consultation et d'amélioration du service (DCAS), qui permet d'échanger avec les élus et la population sur leur taux de satisfaction vis-à-vis des gendarmes. Le taux de satisfaction actuel s'élève à environ 80 %. Ce premier chiffre nous paraît plutôt satisfaisant. Enfin, la dernière évolution du maillage renvoie au dispositif de gendarme à domicile. Il fournit aux gendarmes téléphones mobiles et ordinateurs portables pour que le plaignant puisse déposer sa plainte et que le gendarme la prenne soit au domicile de la victime, soit dans un autre lieu neutre, pour éviter des déplacements inutiles à la brigade.

Pour accueillir et loger les gendarmes, des efforts sur l'immobilier sont nécessaires. La superficie du parc immobilier de la gendarmerie est de 11 millions de mètres carrés. Elle représente environ 70 % du parc immobilier du ministère de l'intérieur dans son ensemble, qui s'élève à 14 millions de mètres carrés. 76 000 logements, soit 90 % du parc de logements de l'État relèvent du programme 152. Ce parc se répartit en 4 millions de mètres carrés de locaux de service et 7 millions de logements de la gendarmerie. Les casernes représentent 3 700 implantations. Certaines d'entre elles recouvrent plusieurs centaines de logements en centre-ville tandis que, dans les territoires ruraux, les petites brigades comptent 5 logements. Cette diversité concerne également les statuts : le parc domanial couvre environ 18 % des casernes, souvent les plus grandes, et 40 % des logements alors que le parc locatif englobe 82 % des casernes.

L'entretien de ce parc immobilier constitue une condition de la pérennité de ce système d'arme. Il concentre toute mon attention et représente un sujet de discussion annuelle avec Bercy. Ces dix dernières années, quelques manquements ont conduit à une dégradation de l'état du parc immobilier. Je vous remercie des crédits votés ces derniers temps, notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. L'ouverture de 227 millions d'euros de crédits en 2022 nous permettra d'améliorer la situation et d'amorcer une remontée vers un niveau satisfaisant en matière d'entretien immobilier ainsi que de relancer de grands projets. En particulier, la rénovation de l'école des officiers de gendarmerie nationale à Melun a pu débuter cette année, tout comme celle des implantations du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et du groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) à Satory. Deux projets de casernes domaniales seront également lancés cette année, à Balma, dans le Sud-Ouest, et à Saint-Martin-du-Vésubie, à la suite des inondations. Nous n'avions plus connu depuis dix ans de lancement de projets de construction de casernes domaniales, or il est plutôt sain d'avoir un équilibre entre parc domanial et parc locatif.

Nous espérons également que le projet de loi d'orientation et de programmation annoncé par le Président de la République permettra de donner davantage de visibilité, sur une durée de cinq, six ou sept ans. La gestion annuelle se révèle difficile lorsqu'on ignore les crédits consacrés à l'entretien des projets construits. Cette chaîne immobilière s'appuie sur une chaîne affaires immobilières intégrée à la gendarmerie d'environ 600 ETP, qui entretient les casernes et discute avec les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'Intérieur (SGAMI) dans la perspective de la construction des nouveaux projets.

Cette chaîne joue aussi le rôle de syndic. Il convient de gérer les charges d'eau ou d'électricité de ces 76 000 logements, qui ne sont pas gérées par les affaires immobilières de l'État. Enfin, cette chaîne s'appuie aussi sur des personnels civils et sur des personnels des corps militaires de soutien. Cette mixité de statuts constitue un avantage pour nous, en raison de la connaissance plus fine que les corps militaires de soutien peuvent avoir du fonctionnement de la gendarmerie. Cela nous permet également de fidéliser les personnels et de les conserver plus longtemps dans cette activité.

Enfin, je souhaitais vous remercier encore une fois pour les moyens que vous avez votés en faveur de la gendarmerie. Les implantations immobilières ainsi que les véhicules qui permettent aux gendarmes de rayonner depuis ces implantations sont indispensables. Nous notons l'effort considérable consenti ces dernières années.

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Mon général, c'est un plaisir de vous retrouver dans le cadre de la commission de la défense alors que nous avons été amenés à travailler ensemble en Seine-Maritime. Monsieur le directeur, je vous remercie de vos propos liminaires.

Dans le cadre du plan 10 000, les effectifs de la gendarmerie ont augmenté de plus de 2 000 personnels sous cette législature, ce dont le groupe LREM se félicite. Selon vous, faudrait-il encore augmenter ces effectifs pour parvenir au juste équilibre et à une cohérence entre effectifs et évolution démographique sur notre territoire ? La réserve opérationnelle de la gendarmerie doit monter en puissance pour atteindre 50 000 personnels, contre 35 000 aujourd'hui, d'ici à la coupe du monde de rugby de 2023 et aux Jeux olympiques de 2024. Pour que cette réserve soit attractive, par rapport à celle des armées, il paraît indispensable que les réservistes soient employés pendant 30 jours au minimum. Qu'en pensez-vous ?

Monsieur le directeur, j'ai interrogé hier le général Rodriguez sur l'immobilier. La concession de logements par nécessité absolue de service est une composante essentielle de votre système d'arme. Elle permet la disponibilité des gendarmes, la gendarmerie s'appuyant sur un parc immobilier de 3 700 casernes et 76 000 logements. Cette disponibilité permet d'assurer la sécurité publique sur un vaste territoire. Vivre sur leur lieu de travail, au cœur des territoires, permet également aux gendarmes de créer du lien social avec la population sur place. Ce maillage territorial dense que permet le statut militaire a en outre un impact direct sur l'efficacité opérationnelle. En raison de sous-investissements pendant plusieurs années, de nombreuses casernes sont toutefois vétustes, ce qui a des effets délétères aussi bien sur les gendarmes que sur leurs familles. Si le niveau d'investissement dans le parc immobilier a augmenté sous cette législature, notamment grâce au Beauvau de la sécurité et au plan de relance, quelle devrait selon vous être la stratégie immobilière de la gendarmerie à moyen terme ?

Ma question suivante concerne les mutualisations de certaines fonctions de soutien et de logistique, entre les forces de sécurité au ministère de l'Intérieur. Dans mes avis budgétaires, je propose notamment que les secrétariats généraux de l'administration du ministère de l'Intérieur, qui gèrent les fonctions supports des forces de sécurité et la fourniture de moyens logistiques, soient positionnés au niveau des 13 régions et non plus des 7 zones de défense, afin de les rapprocher des gendarmes. Qu'en pensez-vous ? Quel bilan tirez-vous de la mutualisation des centres de soutien automobile de la gendarmerie ? N'existe-t-il pas un risque que ces mutualisations « tirent la gendarmerie vers le bas » ?

Je terminerai en remerciant les militaires et civils de votre direction qui m'ont accompagné dans mes travaux de rapporteur. Ils ont fait preuve d'une réactivité remarquable pour répondre à mes interrogations.

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Merci, Mon général, monsieur le directeur. Je voudrais vous confirmer l'intérêt et l'attachement des députés Les Républicains envers la gendarmerie nationale. Nous sommes extrêmement attachés au statut militaire, d'autant plus qu'il protège la gendarmerie des dérives de la jurisprudence européenne concernant l'application de la directive sur le temps de travail. En effet, le Conseil d'État vient de rendre un arrêt qui revient à dire que si le droit européen dont fait partie la directive sur le temps de travail possède une valeur supérieure aux lois françaises, l'application du droit européen ne doit pas avoir pour effet de faire obstacle à l'application de règles constitutionnelles. Parmi ces dernières figure la permanence des capacités militaires et d'intervention de notre pays. Par conséquent, le statut militaire de la gendarmerie nous protège d'une application intempestive de la directive sur le temps de travail, qui se concilie très mal avec la manière dont travaillent les gendarmes dans la mesure où ils assurent des permanences, de nuit, avec des temps de repos qui ne sont pas toujours alignés sur ce que réclamerait cette directive.

Vous avez indiqué que les perspectives de recrutement étaient bonnes. Combien de recrutements sont prévus dans les années à venir ? Combien de candidatures anticipez-vous ?

S'agissant de l'immobilier, Monsieur le directeur, pourriez-vous nous rappeler le processus de décision et de financement des locaux de service et des logements ainsi que le partage des tâches et de la charge financière entre les collectivités territoriales et l'État ?

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Le statut du gendarme est marqué par le contraste entre le caractère civil des missions qui lui incombent et son organisation militaire. Vous avez parfaitement exposé sa singularité.

Un élément me conduit à m'interroger sur le plan éthique et de la déontologie. En effet, dans le cadre de l'enseignement qui leur est délivré, dans quelle mesure les gendarmes estiment-ils que leurs prérogatives se distinguent de celles des militaires en termes d'emploi de la force ? De même, du point de vue de « l'adversaire », qui se veut différent pour un gendarme et pour un militaire, comment leur est inculqué le respect de ce dernier ?

Vous avez évoqué les réserves. Avec mon collègue Jean-François Parigi, nous avons mené une mission d'information sur le sujet. Force est de constater que la réserve de la gendarmerie fonctionne et qu'elle constitue un modèle pour les 45 réserves qui existent en France. 20 ans ont néanmoins été nécessaires pour parvenir à ce résultat d'efficacité. Pourtant, lors de nos auditions, nous avons été frappés de constater que parmi les réservistes qui s'engagent, certains candidats ne sont pas à la hauteur des attentes du corps de la gendarmerie. Puisqu'il est difficile de les évincer, ils restent sous-employés dans l'attente de la fin de leur contrat, au terme duquel ils ne sont pas réembauchés. Quelles dispositions seraient envisageables pour s'en séparer plus rapidement et disposer d'effectifs constants et réels ?

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À titre personnel, ayant reçu des menaces à trois reprises, je remercie le personnel de la gendarmerie pour leur accueil lors de mon dépôt de plainte et pour la protection mise en place pour mes proches et moi-même. Mon groupe salue également l'annonce par le Président de la République de la création de 200 brigades en zone rurale. Cette annonce traduit une inversion de la tendance observée depuis les années 1990. Je réitère en outre l'attachement de mon groupe à la militarité de la gendarmerie.

S'agissant des enjeux de disponibilité, j'ai eu l'occasion d'interroger le directeur du Haut comité d'évaluation de la condition militaire sur l'arrêt du Conseil d'État sur une question relative à la gendarmerie départementale. Êtes-vous rassuré par cette décision ? En jugeant que la gendarmerie respectait la directive sur le temps de travail, le Conseil d'État a établi une forme de bouclier constitutionnel. Cela scelle-t-il la disparition de l'épée de Damoclès à laquelle vous étiez exposés dans ce domaine ?

En échangeant avec certains gendarmes et anciens gendarmes, j'ai pu noter que certains regrettent que la militarité de la formation ait quelque peu diminué au cours des dernières années. Vous avez indiqué que la formation allait être légèrement durcie et que les aspects militaires seraient réintroduits. Pourriez-vous préciser cet aspect ?

Enfin, ma dernière question est plus conjoncturelle. Disposez-vous d'une évaluation de l'impact du DGE sur la qualité de vie au travail, sur la fatigue des personnels et leur capacité à réaliser leurs tâches judiciaires pour ceux qui se trouvent à la PJ ?

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Les élus de zone rurale savent combien la gendarmerie, avec ses brigades intégrées au plus près de la population dont elles assurent la protection, tient un rôle central. Cette organisation permet de garantir une sécurité de proximité dans le respect du principe de continuité. Dans le cadre des missions de la gendarmerie, on note toutefois la persistance de tâches « indues », qui représentent un temps croissant dans l'activité totale de nos gendarmes, comme l'établissement de procurations et leur transfert aux services de l'État. Ne pourrait-on pas libérer les gendarmes de ces tâches qui ne correspondent pas à leur cœur de métier, en les déléguant aux réservistes par exemple ? M. Christophe Naegelen, du groupe UDI, a déposé une proposition de loi visant à ce que les réservistes retraités de la gendarmerie conservent la qualité d'officier de police judiciaire. Que pensez-vous de cette proposition ?

En règle générale, on compte en moyenne un gendarme pour 1 000 habitants. Or, dans les zones touristiques, où la population s'accroît, les carences en la matière sont comblées par le renfort de gendarmes adjoints volontaires. Cependant, en raison du développement du tourisme sur l'ensemble des quatre saisons, certaines villes dont la population résidente compte 8 000 habitants peuvent dans les faits accueillir 20 000 ou 30 000 personnes sur leur territoire tout au long de l'année. En matière d'affectation, ne serait-il pas plus logique de se fonder sur une moyenne pour éviter de tels écarts et pour que les villes touristiques bénéficient d'un nombre de gendarmes suffisant chaque année sans avoir recours aux réservistes ?

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Je commencerai par exprimer mon mécontentement, ce qui ne met pas en cause mon attachement inaltérable à la gendarmerie, d'autant que je suis député de la circonscription où se trouve la compagnie d'Ambert et où a eu lieu la tragédie de Saint-Just. Dans cette compagnie, la communauté de brigade de Saint-Germain-l'Herm n'a pas de commandant depuis un an et trois mois. Il faudra attendre le 1er juin pour l'arrivée d'un adjudant. Dans cette même communauté de brigade de 10 militaires, il manque aussi depuis plusieurs mois un gendarme. Si le maillage territorial est une réalité reconnue par tous, notamment par un rapport récent de la Cour des comptes, et que je salue car il est par exemple bien supérieur à celui de la poste, il ne doit cependant pas délaisser des territoires ruraux.

Je souhaitais revenir sur des propos qui nous ont été tenus hier par le directeur général de notre gendarmerie nationale, qui a évoqué des brigades itinérantes pour accueillir la population, sur le terrain, en se déplaçant. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet ? Quelle part des créations de nouvelles brigades annoncées ces brigades itinérantes représenteront-elles ? Ont-elles vocation à remplacer des brigades existantes tout en assurant une activité qui évoluerait ?

Je terminerai sur une question sur le Livre blanc sur la sécurité intérieure. Une suite est-elle prévue, notamment sur le zonage police et gendarmerie ? Des évolutions sont-elles en cours sur la répartition entre police et gendarmerie sur notre territoire ?

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Je crois que l'institution que vous représentez fait l'unanimité. Mes compatriotes sont rassurés par votre présence et attachés à ce que vous représentez. Vous avez eu l'occasion de dire en 2019 : « Ces dernières années, on a pu avoir une perte de contact avec les élus, les agriculteurs, la population en général. Un contact sacrifié au profit de la police judiciaire, toujours plus complexe et chronophage. Il a fallu refaire un effort dans ce domaine. » Qu'en est-il aujourd'hui ?

Enfin, ne pourrait-on pas faire davantage appel à votre savoir-faire pour la gestion des banlieues ?

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François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances de la gendarmerie nationale

Concernant les effectifs, pour des raisons d'efficience, des arbitrages seront malheureusement nécessaires entre la somme des besoins et ce qu'il est souhaitable de pouvoir réaliser. Toutefois, 2 000 effectifs sur les 10 000 du plan ont été fournis au cours du quinquennat passé. Le Président de la République a annoncé la création d'environ 200 brigades. Quelques effectifs seront placés dans ces brigades. Pour rappel, une brigade compte entre 15 et 18 ETP.

J'en profite pour répondre à la question de M. Chassaigne sur la création des brigades itinérantes. Les arbitrages ne sont pas encore rendus mais nous imaginons que deux tiers des 200 nouvelles brigades seraient des brigades classiques avec les locaux afférents et que le tiers restant correspondrait aux brigades itinérantes détaillées par le directeur général hier. Ces brigades seraient composées d'effectifs affectés sur un territoire et capables de se déplacer pour couvrir différentes circonscriptions. Sans nécessairement disposer de locaux fixes pour accueillir du public, elles iraient au contact du public sur les marchés ou dans les zones où il existe des besoins. Au-delà des brigades, le pendant de la gendarmerie départementale est la gendarmerie mobile, dont les escadrons sont sous tension, tout comme les CRS. La question de recréer quelques unités de force mobile (UFM) se pose, en raison de la disparition, ces quinze dernières années, d'environ 15 escadrons.

Le renforcement de la formation constitue un autre aspect sur lequel des besoins risquent de se présenter dans les années à venir. Le passage de 8 à 12 mois de la formation initiale et le renforcement de la formation continue demanderont des effectifs supplémentaires à la fois dans les écoles et dans les centres régionaux d'instruction. Enfin, des besoins ont été identifiés concernant le renforcement des capacités cyber, de la chaîne immobilière assurant l'entretien et les constructions, ainsi que les soutiens des gendarmes qui sont sur le terrain. Ce sont les besoins qui ont été identifiés pour les cinq prochaines années et qui seront discutés dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation.

30 000 réservistes sont mobilisés en moyenne 24 jours par an. Pour conserver ces réservistes et les fidéliser, il est nécessaire de leur fournir une activité. Il serait en effet souhaitable d'augmenter l'activité proposée à nos réservistes, sachant que leur nombre devrait être porté à 50 000. Une réflexion devra être menée sur l'activité qu'il convient de proposer à ces réservistes dans les cinq prochaines années. Le chiffre de 30 jours que vous proposez correspond à peu près à ce qui est évalué par le commandement des réserves de la gendarmerie comme niveau souhaitable pour fidéliser les réservistes. Cette fidélisation nous épargne non seulement des recrutements en permanence, mais représente également un gage de compétence des réservistes sur le terrain. Une partie d'entre eux sont d'anciens militaires de l'arme, et se montrent donc très compétents. Cependant, certains jeunes réservistes découvrent le métier et il est préférable de les conserver quelques années afin de garantir qu'ils soient opérationnels.

Concernant l'immobilier, notre première stratégie consiste à remettre à niveau l'entretien du parc immobilier. Certes, de nouvelles implantations peuvent être construites, mais le point essentiel porte sur l'entretien de ce parc. En raison d'un décalage qui s'est accentué depuis une dizaine d'années, le niveau d'entretien actuel ne correspond pas aux besoins. Selon nos estimations, 400 millions d'euros seraient nécessaires pour entretenir correctement le parc de la gendarmerie, dont 300 millions pour le parc domanial et 100 millions pour le parc locatif. Une remontée du niveau des crédits a été amorcée depuis 2021, notamment grâce au Beauvau de sécurité, et nous espérons atteindre cette cible en fin de programmation. Au-delà de cet entretien, un équilibre doit être trouvé entre le parc domanial et le parc locatif selon la durée d'occupation d'une implantation. La stratégie actuelle reposant sur les casernes en locatif ne me paraît pas nécessairement satisfaisante, car une implantation locative coûte plus cher si elle est conservée entre vingt et trente ans. Il faut trouver le bon équilibre. A mon sens, jusqu'au niveau « compagnie », le domanial a du sens. Pour les brigades, nous pouvons rester en locatif. Schématiquement, les implantations de 100 à 150 logements auraient vocation à être en domanial.

Vous m'interrogiez sur la répartition des coûts des implantations immobilières. La gendarmerie supporte l'intégralité des coûts, pour les locaux de service et techniques. Suivant les montages mis en place par les collectivités locales, la collectivité locale loue directement à la gendarmerie et la gendarmerie paye le loyer correspondant ; ou bien un office HLM réalise la construction pour le compte de la collectivité locale tandis que la gendarmerie verse un loyer à la collectivité qui paye le remboursement de la construction à l'office HLM. Dans les deux cas, c'est toujours la gendarmerie qui paye le loyer et couvre donc l'ensemble des frais.

La mutualisation des SGAMI constitue un sujet complexe. Une trop grande concentration des SGAMI entraîne un risque de déconnexion avec le terrain. À l'inverse, la multiplication des implantations conduit à une perte de l'effet de masse qui permet de disposer des bonnes compétences et de la capacité à absorber les évolutions de charge. Nous comptons actuellement 7 SGAMI, soit un par zone de défense et de sécurité. Faut-il passer à 13 ? Le bon équilibre se situe sans doute entre les deux. Des zones très larges comme l'Ouest et le Sud mériteraient de disposer d'implantations supplémentaires. À l'inverse, le niveau zonal est probablement suffisant dans d'autres lieux.

Une réflexion est en cours sur la rénovation du schéma d'implantation des centres de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG), notamment à l'occasion de l'arrivée des véhicules blindés CENTAURE, qui nous incite à repenser leur lieu d'installation afin qu'ils soient soutenus dans de bonnes conditions. Des échanges satisfaisants sont menés avec le secrétariat général pour élaborer cette nouvelle cartographie des implantations des CSAG. Le dispositif devra correspondre à nos attentes sur le plan opérationnel et nous permettre de garder la main sur ce qui est important pour nous tout en assurant la mutualisation avec les forces de police et les préfectures, avec un maillage cohérent pour l'ensemble du ministère de l'Intérieur. Cette cartographie devrait être stabilisée d'ici à l'été 2022. Nous sommes confiants quant au fait que le dispositif final nous conviendra. Cette réflexion nous a par ailleurs conduits à constater des sous-investissements dans ces CSAG. Par conséquent, dès 2022 et pour les cinq prochaines années, nous l'espérons, un plan de remise à niveau des implantations en termes d'immobilier et d'équipements sera mis en application. L'arrivée des véhicules électriques et hybrides nous impose de revoir les équipements pour être en mesure de les soutenir, avec un plan de formation pour les personnels.

Concernant le bon niveau de personnel à positionner dans certaines zones touristiques, ce sujet soulève certaines difficultés en raison de l'activité très fluctuante que certains lieux peuvent connaître tout au long de l'année. Dans ces conditions, faut-il viser un point bas quitte à ajouter ensuite des renforts ou plutôt le point haut, ce qui conduirait certains personnels à se trouver en sous-activité pendant une partie de l'année ? La question est complexe. Nous avons institué l'outil « RATIO », qui permet d'évaluer de manière statistique le besoin en effectifs en fonction de différents critères. Ces critères sont régulièrement mis à jour, et intègrent depuis l'an dernier l'activité liée aux centres pénitentiaires, aux routes et à l'effet touristique. Des améliorations sont toujours possibles. Toutefois, se fonder sur une moyenne risque d'entraîner des effets peu souhaitables. Les effectifs seront trop nombreux l'hiver et insuffisants l'été. Nous cherchons plutôt à améliorer le dispositif de renforts estivaux et hivernaux, soit grâce à des gendarmes mobiles, soit par des transferts d'effectifs ponctuels entre les différentes zones touristiques. Le sujet est en tout cas identifié.

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Général Bruno Arviset

Monsieur de la Verpillière, votre première question portait sur le statut militaire et la jurisprudence du Conseil d'État. Nous sommes bien entendu soulagés par cette décision qui a reconnu le caractère singulier de la gendarmerie et qui a constaté que l'organisation de son service préservait les grands équilibres en matière de repos. Ma lecture diffère cependant légèrement de la vôtre. Je n'ai pas retenu — et le Conseil d'État ne semble pas avoir retenu — une lecture statutaire : à l'instar de la Cour de justice de l'Union européenne, le Conseil d'État raisonne par mission. Ce n'est pas le statut militaire qui emporte la non-application de la DETT mais la nature de la mission. Si la mission est militaire, la DETT n'aurait pas vocation à s'appliquer dans son intégralité ; si elle est civile, la DETT aurait vocation à s'appliquer. En outre, le recours émanait d'un gendarme départemental d'une unité territoriale. Le Conseil d'État a posé le constat que le cumul de nos règles de récupération, de repos et de quartiers libres conduisait dans les faits le gendarme départemental « classique » à travailler une quarantaine d'heures par semaine et que, par conséquent, il ne dépassait pas le plafond de 48 heures fixé par la DETT. Parallèlement, nous avons d'autres garanties.

Notre sujet de préoccupation concernait les astreintes. Le régime de la gendarmerie repose en effet sur l'astreinte. Si celle-ci avait dû être comptabilisée en temps de travail, nous aurions franchi la limite des 48 heures. Or le Conseil d'État a considéré que l'astreinte, dès lors qu'elle a été prise au domicile, ce qui est le cas grâce aux logements concédés, ne devait pas être considérée comme du temps de travail. Nous avons ainsi été grandement rassurés. La DETT raisonne soit par rapport au repos, soit par rapport au travail, et comme un grand nombre de services d'urgence, la gendarmerie se situe dans une position intermédiaire avec l'astreinte, indispensable à notre fonctionnement, dans les profondeurs du territoire notamment.

Vous souhaitiez des précisions sur les volumes de recrutement. En 2021, nous avons recruté un peu moins de 4 000 sous-officiers et de 6 000 gendarmes adjoints. En 2022, nous en recruterons respectivement 4 860 et 5 700. Les chiffres pour 2023 seront sensiblement les mêmes, puisque nous nous situons dans un plan de montée en puissance de notre recrutement de sous-officiers. Nous sommes attachés à ce que la qualité soit au rendez-vous de ces recrutements. À cet égard, nous retenons un candidat sur 3,6 pour les sous-officiers et un sur trois pour les gendarmes adjoints. Ces chiffres sont suffisants, mais ils ne sont pas au-delà des besoins. Nous portons donc notre attention sur le vivier de candidats, d'autant plus que nous avons constaté une forme d'érosion ces derniers mois, peut-être liée à la reprise du marché du travail. Recrutant plus de sous-officiers, nous avons en effet besoin de développer ce vivier.

Concernant la question de M. Blanchet, je considère que le statut militaire favorise le respect de la déontologie dans la gendarmerie puisqu'il oblige à appliquer un certain nombre de notions tout à fait conciliables. En premier lieu, je pense à l'exigence de neutralité des militaires de la gendarmerie qui s'applique tous les jours dans nos missions de service public. La discipline militaire est un autre aspect de cette déontologie. La mission est rendue dans le respect de la discipline et des règles. Quand les règles sont enfreintes, le règlement de discipline dans les armées nous permet d'appliquer des sanctions. À ce titre, le statut militaire représente une aide à l'application de la déontologie. Nous disposons en outre d'une charte du gendarme et d'un code de déontologie partagé avec la police nationale, codifié dans le code de la sécurité intérieure.

Vous faisiez également référence à l'adversaire. Il est souvent dit que les armées au combat font face à un ennemi. Sur le territoire national, l'adversaire du gendarme est un citoyen momentanément égaré. Il doit être traité comme tel. Il est vrai que dans les opérations d'engagement de la paix, l'approche des armées est proche de la nôtre concernant la notion d'adversaire, le besoin d'encadrer la force, le respect de cet adversaire et la volonté de privilégier en permanence une désescalade plutôt que l'emploi de la force. Nous disposons à cet égard de négociateurs régionaux qui, lors de chaque crise, contribuent à ramener le citoyen momentanément égaré à la raison plutôt que, ou avant, d'employer la juste force quand c'est nécessaire.

S'agissant de la disponibilité des personnels, nous sommes en effet rassurées par la décision du Conseil d'État. Notre souhait que la DETT intègre bien la notion d'astreinte reste central.

Vous me demandez si la formation militaire a diminué. Il est vrai qu'il y a une vingtaine d'années, nous avons fourni des efforts importants sur les aspects techniques dans le cadre de nos formations initiales afin de faire face à la complexité de notre droit pénal. Il y a une dizaine d'années, j'ai également pu observer des efforts en matière d'intervention professionnelle, qui se limitait souvent aux binômes : comment, par exemple, sortir quelqu'un d'une voiture en maîtrisant l'emploi de la force pour qu'il soit sans danger pour la personne ou le gendarme ? Aujourd'hui, il apparaît que dans un nombre croissant d'opérations, nous sommes confrontés à des adversaires multiples, déterminés et lourdement armés. Nous considérons par conséquent que nous devons revenir vers une formation militaire plus classique afin de faire manœuvrer un groupe pouvant compter jusqu'à une dizaine de gendarmes armés face à des individus eux aussi armés. À cet égard, les majors généraux de l'armée de Terre et de la gendarmerie nationale ont signé un protocole il y a quelques mois visant à ce que les militaires de la gendarmerie puissent être entraînés par ceux de l'armée de Terre dans la manœuvre d'un groupe dit de combat, appliqué aux règles de la gendarmerie.

Le DGE vise à organiser en permanence des patrouilles là où les interventions sont fréquentes, statistiquement, sur le plan géographique ou dans le temps. Le DGE ne peut donc être que bénéfique puisque nous organisons le service en fonction de la demande qui a été estimée sur la base de constats sur le temps long et par des algorithmes. Par ailleurs, ce DGE mutualise les interventions, le principe appliqué consistant à envoyer les patrouilles les plus proches du lieu des faits. Là où il fonctionne, le DGE permet donc une amélioration de la qualité de vie pour nos gendarmes et une meilleure efficacité dans l'organisation des patrouilles.

Nous avons obtenu il y a quelques années que les réservistes retraités puissent conserver leur qualité d'agent de police judiciaire. Je rappelle qu'un réserviste est, sinon, agent de police judiciaire adjoint. Nos sous-officiers retraités conservent donc leur qualité d'agent de police judiciaire. Il ne serait pas inutile que, dès lors qu'ils pratiquent et qu'ils sont recyclés, ils puissent conserver cette qualité d'OPJ pour un temps, à condition qu'ils restent à la hauteur de la tâche. La police judiciaire et la procédure pénale sont en effet très évolutives.

Concernant les plaintes formulées par M. Chassaigne, je connais bien son territoire, car j'ai commandé la compagnie limitrophe de Montbrison dans le passé. Il est vrai que nous rencontrons parfois des difficultés pour convaincre des gendarmes de servir dans des territoires présentant peu d'opportunités de travail pour leur conjoint ou leur conjointe, de scolarisation pour leurs enfants, surtout quand ils sont en âge universitaire. Cependant, nous nous efforçons de remplir nos brigades. Les affectations des sous-officiers sont déconcentrées à l'échelon des commandants de région. Vous faisiez allusion à un adjudant qui n'arrivera sur place pour commander une brigade qu'au mois de juin. Je suppose qu'il sera muté à la tête de cette brigade à la faveur de son avancement. Pour autant, monsieur Chassaigne, je m'engage à faire le point avec le commandant de la formation administrative d'Auvergne et à revenir vers vous pour vous apporter des précisions plus particulières sur ces deux cas de figure.

Au sujet du zonage police-gendarmerie, des travaux liminaires sont en cours dans un certain nombre de départements.

Monsieur Lassalle, vous nous avez posé des questions sur une perte de contact présumée. Je vous propose de reposer plutôt cette question au directeur des opérations et de l'emploi, qui intervient après moi. Je soulignerai que depuis le premier confinement, nous avons mis en place, sous l'impulsion de notre directeur général, l'opération « répondre présent » : dans ce cadre, des gendarmes sont disponibles afin de répondre à des sollicitations qui dépassent le cadre d'emploi normal de la gendarmerie. Je pense par exemple aux distributions de masques. Nous avons donc fourni un effort pour reprendre le contact. Cependant, le temps, comme vous le savez, nous est compté, y compris par un certain nombre de textes supranationaux. Il faut par conséquent limiter les efforts ailleurs pour intervenir dans ce cadre.

Quand un réserviste ne répond pas aux attentes, une procédure permet de réunir une commission qui prononce la radiation de l'intéressé afin que le commandant de région concerné puisse résilier son contrat. Cependant, il s'agit de cas graves, qui renvoient à des fautes déontologiques ou professionnelles avérées. Il existe en parallèle une « zone grise » constituée par des réservistes qui seraient moins performants que d'autres et qui, selon les missions, seront ou non convoqués. Il est vrai qu'à deux mois de la fin d'un contrat, plutôt que de monter une commission pour exclure un réserviste « borderline », il est plutôt choisi de le bloquer en attendant la fin de son contrat. En tout cas, la procédure de radiation existe pour les réservistes. C'est une procédure encadrée, contradictoire, et qui se justifie.

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Alors que les travaux de cette commission, à l'image de l'excellent rapport présenté par MM. Jean-Charles Larsonneur et Alexis Corbière l'an dernier, contribuent à mettre en lumière la fonction méconnue des personnels civils de la défense, je tiens à évoquer aujourd'hui plus précisément les personnels civils de la gendarmerie nationale.

Rouages essentiels de cette belle institution, ces fonctionnaires et ouvriers d'État contribuent à la continuité de l'action de notre gendarmerie pour sécuriser notre territoire national, bien que soumis à des normes et exigences distinctes de celles qui s'imposent à nos militaires. Dans l'hypothèse d'une crise majeure sur le territoire national, de quels moyens juridiques ou humains disposez-vous pour adapter la disponibilité de ces personnels civils à la situation ? Avez-vous identifié des perspectives d'évolution législative en particulier ?

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Merci pour vos exposés et vos premières réponses. Dans un article publié récemment dans la revue Science et Action sociale, le politiste François Dieu analyse le processus en cours d'hybridation des acteurs policiers et français. Depuis les années 1970, un double processus d'infléchissement des spécificités de la police et de la gendarmerie s'observe. La première tendrait à se militariser avec des règles de comportement et des éléments symboliques empruntés au domaine militaire, notamment s'agissant de la formation des policiers. La gendarmerie, quant à elle, tendrait à se « policiariser », notamment avec le développement de l'activité de police judiciaire, mais aussi son rattachement au ministère de l'intérieur depuis 2009.

François Dieu relève également au sujet de la répartition géographique que les zones périurbaines mobilisent de plus en plus les gendarmes. Le gouvernement soutient d'ailleurs ces permutations de circonscriptions dans ces zones entre les brigades de gendarmerie d'un côté et les commissariats de police de l'autre, et cela conformément aux recommandations du livre blanc de la sécurité intérieure de 2020. Rappelons aussi un fait important, l'augmentation régulière de la population. Ce processus d'hybridation entre gendarmerie et police, cette interchangeabilité des missions en zone périurbaine, doivent-ils être poursuivis ? Dans l'affirmative, pourquoi et comment ? Faut-il relever le seuil d'étatisation à 30 000 ou 40 000 habitants, voire plus, pour une meilleure efficacité et une logique de proximité avec la population ? Faut-il poursuivre l'augmentation des effectifs engagée sous cette législature ?

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Je voudrais rappeler notre attachement à tous nos gendarmes, puisqu'ils font partie de notre quotidien et que nous savons combien nous en avons besoin. D'un point de vue immobilier, permettez-moi de rappeler ma satisfaction en ce qui concerne le projet de caserne de Champagney. Le ministre de l'Intérieur et le DGGN s'y sont rendus il y a deux semaines pour la pose de la première pierre. Cela représentait un signal très fort, dans le sens de l'ancrage de nos gendarmes dans nos territoires. Je pense que la qualité de l'immobilier, que cela soit pour le travail ou pour loger les familles, est nécessaire à l'attachement des gendarmes à un territoire afin qu'ils s'imprègnent de la vie de nos concitoyens et des exigences spécifiques à ce territoire.

Votre ministère de rattachement fait cohabiter des policiers et des gendarmes avec deux vocations de carrière différentes, même s'ils visent les uns et les autres à œuvrer pour le bien-être de nos concitoyens. La militarité et la fidélisation sont deux aspects importants : il est nécessaire de recruter, mais aussi de conserver nos gendarmes dans l'institution. Quelle est votre stratégie en ce sens ? Nous connaissons le travail commun entre la police et la gendarmerie, mais des passerelles de carrière sont-elles proposées à nos gendarmes et à nos policiers ?

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Je voudrais vous remercier pour vos interventions et m'associer aux remerciements qui ont été exprimés par mes collègues à l'égard des forces de sécurité, gendarmes comme policiers, qui œuvrent sans relâche sur nos territoires.

Depuis le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur, la question de la préservation du statut militaire des forces de gendarmerie peut se poser. Pourtant, le statut militaire garantit la disponibilité de nos forces de gendarmerie qui agissent sur 96 % du territoire. Il garantit également, comme le rappelait M. Xavier Batut dans son rapport pour avis consacré à la gendarmerie nationale sur le projet de loi de finances pour 2022, une montée en puissance rapide de ses forces en cas de nécessité, comme cela a été le cas lors de la crise sanitaire où 65 000 militaires par jour en moyenne étaient mobilisés.

Ma question porte sur les voies qui existent aujourd'hui pour l'amélioration statutaire des conditions que nous accordons à nos gendarmes, tout en préservant les garanties liées aux spécificités du statut militaire. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point et sur les marges de manœuvre dont nous disposons ?

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Pourriez-vous me rappeler ou me préciser la politique de mobilité de la gendarmerie actuelle ? Le changement d'affectation est-il obligatoire ? À quel rythme et comment cette mobilité est-elle accompagnée sous forme de primes ou d'incitations ? La promotion est-elle nécessairement accompagnée d'une mobilité ? Cette mobilité est-elle interdépartementale, interrégionale ?

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Dans mon département, certaines zones présentent une densité de 5 ou 6 habitants par kilomètre carré et la vie économique y est assurée par le monde agricole. Je suis moi-même également exploitant agricole. Nous subissons de très nombreux vols depuis de nombreuses années. Je crois que le maillage territorial a constitué une réponse face à ces vols à répétition. Depuis quelques années, la situation s'améliore avec une plus grande proximité de la part des forces de gendarmerie vis-à-vis des élus locaux, notamment des maires, et des exploitants agricoles. Néanmoins, le problème persiste. Je milite donc pour un maillage le plus dense possible, y compris dans les régions les plus reculées du milieu rural.

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L'amélioration des conditions de vie de nos gendarmes est une priorité abordée dans le rapport d'information sur le bilan du plan famille, que j'ai présenté avec Mme Isabelle Santiago à la fin de l'année 2021 au sein de cette commission. Nous avons constaté que les attentes de nos gendarmes et de leurs familles sont fortes en matière de mobilité. Nos gendarmes vivent en caserne. Cependant, ils souhaitent conserver et continuer leur vie au-delà des déménagements. L'allongement des préavis de mutation est un moyen de répondre à cette attente, avec l'envoi des ordres de mutation au plus tôt. À ce stade, le délai est théoriquement de cinq mois dans 80 % des cas. Général, pouvez-vous nous indiquer les délais de préavis de mutation plus précisément pour nos gendarmes ?

Je souhaitais également vous remercier et remercier nos gendarmes présents dans nos territoires, notamment dans la première circonscription de l'Eure. Leur proximité est appréciée tant par les administrés que par les élus. Je me joins aussi à mes collègues normands pour vous remercier de l'action et du travail que vous avez accomplis au sein de notre belle région.

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François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances de la gendarmerie nationale

La définition dans les textes du partage de zone entre police et gendarmerie est légèrement ambiguë. Plusieurs interprétations sont possibles. L'article L. 2214-1 du code général des collectivités territoriales définit la zone de police d'État. Certains y lisent une zone de partage entre les zones police et les zones gendarmerie, or il s'agit d'une répartition entre la police d'État, qui regroupe police nationale et gendarmerie nationale, et la police municipale. La gendarmerie est capable d'effectuer un régime de police d'État. Je ne suis donc pas certain que ce soit la bonne définition. De manière plus générale, je ne suis pas sûr qu'il soit possible de définir des seuils pour faire émerger une ligne de partage claire et inamovible entre la police et la gendarmerie. Des réflexions sont en cours avec la police concernant de possibles ajustements. Un grand nombre de critères sont à prendre en compte, comme le seuil de population, la densité de population ou le type et l'intensité de la délinquance. Cela dépend aussi de la cartographie. On peut parfois trouver un commissariat isolé dans un département qui relève à 100 % de la gendarmerie ou, au contraire, une brigade dans une zone tenue par la police nationale.

La réflexion concernant d'éventuelles évolutions est menée au cas par cas avec les élus locaux et entre la police et la gendarmerie. Ces évolutions seront marginales et ne concerneraient que quelques dizaines de cas, car la ligne de partage des eaux pour l'instant est relativement efficace. Je rappelle en outre que 60 % de la population de la zone gendarmerie est en zone urbaine ou périurbaine, et que 79 % des implantations de gendarmes se situent dans ces zones urbaines ou périurbaines. La gendarmerie est ainsi capable de mener des missions en zone périurbaine comme rurale. Ce critère n'est donc pas absolu.

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Général Bruno Arviset

Concernant les personnels civils, je rappelle que notre soutien dans la gendarmerie repose sur environ 10 000 personnes, dont 5 200 personnels civils et un peu plus de 5 000 personnels militaires, qu'ils soient officiers du corps technique et administratif, ou sous-officiers du corps de soutien technique et administratif. Nous avons trouvé un équilibre qui nous permet de conserver un corps militaire de soutien pour mener toutes les opérations en temps et en zone de crise. Ce corps militaire de soutien intervient en accompagnement de nos militaires, officiers et sous-officiers de gendarmerie, lors des crises outre-mer, en opérations extérieures en accompagnement logistique de nos militaires de la gendarmerie, ou lorsque des crises surviennent sur le territoire métropolitain. Je ne crois pas que nous ayons besoin de moyens juridiques spécifiques complémentaires s'agissant des personnels civils. Il existe également dans tous les ministères et dans la gendarmerie un plan de continuité de l'action du service public, qui a d'ailleurs pu être appliqué à l'occasion des crises sanitaires. Je n'ai pas noté de difficulté en la matière. La conservation de cet équilibre entre civils et militaires dans les missions de soutien reste mon point d'attention.

Vous évoquiez les travaux de M. Dieu, qui constate une tendance à la policiarisation de la gendarmerie et à la militarisation de la police. Je ne récuserai pas ce constat, si le raisonnement s'échelonne sur les vingt dernières années. Cela étant, comme je le disais dans mon exposé, face à une augmentation de la violence sous toutes ses formes, nous devons remilitariser davantage la formation de la gendarmerie. Ce constat mériterait par conséquent d'être tempéré.

La fidélisation des gendarmes sur des territoires non attractifs est en effet une difficulté. Nous la surmontons notamment par un dialogue de gestion et par la contractualisation. Lorsque nous constatons un déficit permanent sur certains territoires ou dans certaines brigades en raison d'un défaut d'attractivité du territoire lui-même, il nous arrive de contractualiser avec des sous-officiers pour qu'ils s'engagent à servir quatre ou cinq années sur le territoire ou dans la brigade en question. En contrepartie, au terme de cet engagement, nous leur promettons une affectation dans un autre secteur qui leur est plus favorable ou qu'ils savaient ne pas pouvoir obtenir. Par exemple, dans des régions qui comportent une partie littorale et des zones moins attractives à l'intérieur des terres, nous contractualisons pour que les brigades de ces zones puissent être elles aussi pourvues, en contrepartie de quoi le militaire concerné sait que quelques années plus tard, s'il le souhaite, il sera prioritaire pour rejoindre une affectation sur le littoral. Nous proposons également des formes d'accompagnement pour les familles, notamment pour l'emploi. Cependant, même si nous mettons en place des mesures à l'échelon national, je crois beaucoup aux efforts relayés ou menés par les maires pour accueillir la famille du gendarme. Rien ne remplacera ce qui pourra être réalisé en partenariat à l'échelon local, et avec vous en particulier.

Il existe effectivement une passerelle entre police et gendarmerie depuis 2012. Cette passerelle s'opère exclusivement entre les grades de gendarmes et gardiens de la paix. Chaque année, nous ouvrons des postes au profit de policiers qui souhaitent rejoindre la gendarmerie, et réciproquement. Depuis 2012, entre 350 et 400 mouvements de part et d'autre ont ainsi été observés. Les intéressés sont détachés en observation pendant un premier temps, puis, s'ils le souhaitent, ils sont intégrés dans l'institution. Cette passerelle fonctionne, mais de manière modérée. Chaque année, ce sont souvent nettement moins de 50 personnels dans chaque institution qui font le choix de rejoindre l'autre. Ce sont en outre souvent des « déçus du concours » qui retournent vers leur institution d'origine. Je souhaite pour ma part que cette passerelle perdure. En revanche, nous n'avons jamais souhaité la mettre en place pour les cadres, considérant que ceux-ci possèdent une culture de la maison qui leur est inculquée au stade de leur formation initiale et tout au long de leur carrière. Cela pourrait en outre poser des problèmes d'équivalence de grade.

Existe-t-il des voies d'amélioration de la préservation du statut militaire et de la montée en puissance ? Nous ne pouvons pas rester à l'écart de toutes les mesures prises dans la fonction publique et dans le secteur privé. Je reste donc attentif à ce que les mesures prises dans la fonction publique puissent être transposées, adaptées et mises en application dans la gendarmerie, dans les corps reconnus comme équivalents ou comparables, dans un souci de justice, d'équité et d'attractivité. En ce sens, je fais pleinement confiance aux analyses conduites chaque année par le Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM). J'ai d'ailleurs été auditionné à l'automne, comme chaque année, par le HCECM et nous nous inspirons ensuite largement de ce qui figure dans ses rapports annuels. Nous sommes aussi engagés dans la nouvelle politique de rémunération des militaires. Nous travaillons sur la question des indemnités attachées au métier avec le ministère de l'Intérieur. Les indemnités ayant trait à la qualification sont davantage traitées avec le ministère des Armées.

Dans le cadre de notre politique de mobilité, en 2020, 28 % des officiers de gendarmerie et 16 % des sous-officiers ont fait l'objet d'une mutation. S'agissant des officiers, les temps d'affectation s'élèvent en général à quatre ans, au terme desquels l'officier est muté. L'année qui précède, il dépose une fiche de vœux, fait l'objet d'entretiens de gestion et de bilans de compétences avant de recevoir une nouvelle mutation. Nous tentons de faire en sorte que l'officier connaisse sa mutation cinq ou six mois avant l'échéance. La plupart des mutations étant prononcées avec effet à l'été, souvent au 1er août, nous communiquons aux officiers leur mutation en début d'année civile. Il existe aussi un dialogue dans le plan annuel de mutation, l'officier étant consulté à nouveau avant la mutation définitive.

S'agissant des sous-officiers, la logique diffère un peu. Tant qu'il ne candidate pas à l'avancement et qu'il sert dans une unité, le sous-officier a vocation à y rester. Ce n'est que lorsqu'il émet des vœux pour en sortir qu'il peut éventuellement faire l'objet d'une mutation. C'est également le cas si la hiérarchie constate que sa présence n'est plus souhaitable en un lieu donné pour des raisons qui tiennent par exemple à sa personne. Dans ce cas, nous prononçons une mutation d'office, ce qui est toutefois relativement exceptionnel. Le sous-officier est donc généralement muté à sa demande, pour convenance personnelle, quand il souhaite changer de zone géographique. Il est attaché à une région de gendarmerie et s'il souhaite changer de région, il lui faut convaincre une région d'accueil de l'accueillir et sa région de départ de le laisser partir. Par conséquent, il est muté en priorité au sein de sa région. Le sous-officier est également muté dans le cadre de l'avancement, lorsqu'il atteint les grades d'adjudant-chef ou major pour tenir des fonctions de commandement ou d'encadrement. Là encore, un dialogue de gestion bien en amont de la sortie du tableau d'avancement est mené. Le tableau d'avancement est publié chaque année au 1er décembre. Un dialogue de gestion a eu lieu à l'automne avec l'intéressé et dès la sortie du tableau d'avancement, nous faisons connaître dans les jours qui suivent les mutations aux sous-officiers concernés. Elles s'échelonneront dans l'année civile qui suit, en fonction de la mise en œuvre de ce tableau d'avancement. Ils bénéficient donc toujours de quatre à six mois, voire davantage, de préavis, ce qui permet davantage de souplesse.

Dans le cas des territoires non attractifs, nous avons créé une bourse à l'emploi national de postes à pourvoir en priorité dans des unités où nous constatons en permanence des déficits de personnel. Il peut s'agir d'unités de nature très différente, comme des brigades dans le rural profond ou le périurbain difficile. Des brigades dans le milieu montagnard profond dans le sud de la France, qui attirent difficilement des gendarmes de Provence-Alpes-Côte d'Azur, peuvent ainsi intéresser un gendarme d'une autre région cherchant à se rapprocher du sud. Cette bourse nationale offre ainsi des solutions. Il restera toujours des régions peu attractives dans les zones elles-mêmes non attractives, mais nous y travaillons au travers de la contractualisation que j'ai mentionnée.

Madame la députée, je vous remercie pour vos propos sur mon action en Normandie. Vous savez qu'en dehors de mon travail, je réside dans votre circonscription. Je vous remercie de toute l'attention que vous prêtez à nos gendarmes. Vous avez eu l'occasion de me saisir sur le cas douloureux d'un d'entre eux mort en service dans la région il y a quelques mois, et sur les intérêts de sa veuve. Je vous sais tous très attentifs à nos gendarmes. Merci donc pour vos propos à mon endroit qui font écho à ceux de M. Batut.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Général, monsieur le directeur, vous avez pu constater au cours de cette audition la proximité de nos élus avec vos hommes et vos forces. Le statut militaire, le maillage territorial et la disponibilité concourent ensemble à faire de la gendarmerie une force militaire précieuse et utile pour la sécurité des Français. Nous en sommes ici tous convaincus. Je souligne également l'importance de préserver cette présence sur le terrain et la force de votre travail de proximité. Je crois que nous y sommes d'autant plus attentifs que cette proximité et la richesse des relations pour chacun d'entre nous avec l'ensemble de vos hommes sont formidables. Je me félicite donc de la décision historique du Président de la République de recréer 200 brigades sur tout le territoire. Je souhaitais saluer l'ensemble des initiatives très innovantes, par exemple afin de mieux appréhender les victimes des violences conjugales, ou encore pour rapprocher le gendarme des élus et des citoyens. Je tenais une nouvelle fois à vous remercier et à vous témoigner toute notre gratitude pour tout le travail que vous faites.

La séance est levée à dix heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Christophe Blanchet, M. Bernard Bouley, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Catherine Daufès-Roux, M. Rémi Delatte, Mme Françoise Dumas, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, Mme Marie Guévenoux, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jean Lassalle, M. Christophe Leclercq, M. Didier Le Gac, M. Gilles Le Gendre, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Gérard Menuel, Mme Monica Michel-Brassart, Mme Patricia Mirallès, Mme Catherine Pujol, Mme Nathalie Serre, M. Benoit Simian, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Charles de la Verpillière, M. Stéphane Vojetta

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Christophe Castaner, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, M. Richard Ferrand, M. David Habib, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Philippe Meyer, M. Patrick Mignola, M. Gwendal Rouillard, Mme Isabelle Santiago, M. Thierry Solère, M. Joachim Son-Forget