Concernant les personnels civils, je rappelle que notre soutien dans la gendarmerie repose sur environ 10 000 personnes, dont 5 200 personnels civils et un peu plus de 5 000 personnels militaires, qu'ils soient officiers du corps technique et administratif, ou sous-officiers du corps de soutien technique et administratif. Nous avons trouvé un équilibre qui nous permet de conserver un corps militaire de soutien pour mener toutes les opérations en temps et en zone de crise. Ce corps militaire de soutien intervient en accompagnement de nos militaires, officiers et sous-officiers de gendarmerie, lors des crises outre-mer, en opérations extérieures en accompagnement logistique de nos militaires de la gendarmerie, ou lorsque des crises surviennent sur le territoire métropolitain. Je ne crois pas que nous ayons besoin de moyens juridiques spécifiques complémentaires s'agissant des personnels civils. Il existe également dans tous les ministères et dans la gendarmerie un plan de continuité de l'action du service public, qui a d'ailleurs pu être appliqué à l'occasion des crises sanitaires. Je n'ai pas noté de difficulté en la matière. La conservation de cet équilibre entre civils et militaires dans les missions de soutien reste mon point d'attention.
Vous évoquiez les travaux de M. Dieu, qui constate une tendance à la policiarisation de la gendarmerie et à la militarisation de la police. Je ne récuserai pas ce constat, si le raisonnement s'échelonne sur les vingt dernières années. Cela étant, comme je le disais dans mon exposé, face à une augmentation de la violence sous toutes ses formes, nous devons remilitariser davantage la formation de la gendarmerie. Ce constat mériterait par conséquent d'être tempéré.
La fidélisation des gendarmes sur des territoires non attractifs est en effet une difficulté. Nous la surmontons notamment par un dialogue de gestion et par la contractualisation. Lorsque nous constatons un déficit permanent sur certains territoires ou dans certaines brigades en raison d'un défaut d'attractivité du territoire lui-même, il nous arrive de contractualiser avec des sous-officiers pour qu'ils s'engagent à servir quatre ou cinq années sur le territoire ou dans la brigade en question. En contrepartie, au terme de cet engagement, nous leur promettons une affectation dans un autre secteur qui leur est plus favorable ou qu'ils savaient ne pas pouvoir obtenir. Par exemple, dans des régions qui comportent une partie littorale et des zones moins attractives à l'intérieur des terres, nous contractualisons pour que les brigades de ces zones puissent être elles aussi pourvues, en contrepartie de quoi le militaire concerné sait que quelques années plus tard, s'il le souhaite, il sera prioritaire pour rejoindre une affectation sur le littoral. Nous proposons également des formes d'accompagnement pour les familles, notamment pour l'emploi. Cependant, même si nous mettons en place des mesures à l'échelon national, je crois beaucoup aux efforts relayés ou menés par les maires pour accueillir la famille du gendarme. Rien ne remplacera ce qui pourra être réalisé en partenariat à l'échelon local, et avec vous en particulier.
Il existe effectivement une passerelle entre police et gendarmerie depuis 2012. Cette passerelle s'opère exclusivement entre les grades de gendarmes et gardiens de la paix. Chaque année, nous ouvrons des postes au profit de policiers qui souhaitent rejoindre la gendarmerie, et réciproquement. Depuis 2012, entre 350 et 400 mouvements de part et d'autre ont ainsi été observés. Les intéressés sont détachés en observation pendant un premier temps, puis, s'ils le souhaitent, ils sont intégrés dans l'institution. Cette passerelle fonctionne, mais de manière modérée. Chaque année, ce sont souvent nettement moins de 50 personnels dans chaque institution qui font le choix de rejoindre l'autre. Ce sont en outre souvent des « déçus du concours » qui retournent vers leur institution d'origine. Je souhaite pour ma part que cette passerelle perdure. En revanche, nous n'avons jamais souhaité la mettre en place pour les cadres, considérant que ceux-ci possèdent une culture de la maison qui leur est inculquée au stade de leur formation initiale et tout au long de leur carrière. Cela pourrait en outre poser des problèmes d'équivalence de grade.
Existe-t-il des voies d'amélioration de la préservation du statut militaire et de la montée en puissance ? Nous ne pouvons pas rester à l'écart de toutes les mesures prises dans la fonction publique et dans le secteur privé. Je reste donc attentif à ce que les mesures prises dans la fonction publique puissent être transposées, adaptées et mises en application dans la gendarmerie, dans les corps reconnus comme équivalents ou comparables, dans un souci de justice, d'équité et d'attractivité. En ce sens, je fais pleinement confiance aux analyses conduites chaque année par le Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM). J'ai d'ailleurs été auditionné à l'automne, comme chaque année, par le HCECM et nous nous inspirons ensuite largement de ce qui figure dans ses rapports annuels. Nous sommes aussi engagés dans la nouvelle politique de rémunération des militaires. Nous travaillons sur la question des indemnités attachées au métier avec le ministère de l'Intérieur. Les indemnités ayant trait à la qualification sont davantage traitées avec le ministère des Armées.
Dans le cadre de notre politique de mobilité, en 2020, 28 % des officiers de gendarmerie et 16 % des sous-officiers ont fait l'objet d'une mutation. S'agissant des officiers, les temps d'affectation s'élèvent en général à quatre ans, au terme desquels l'officier est muté. L'année qui précède, il dépose une fiche de vœux, fait l'objet d'entretiens de gestion et de bilans de compétences avant de recevoir une nouvelle mutation. Nous tentons de faire en sorte que l'officier connaisse sa mutation cinq ou six mois avant l'échéance. La plupart des mutations étant prononcées avec effet à l'été, souvent au 1er août, nous communiquons aux officiers leur mutation en début d'année civile. Il existe aussi un dialogue dans le plan annuel de mutation, l'officier étant consulté à nouveau avant la mutation définitive.
S'agissant des sous-officiers, la logique diffère un peu. Tant qu'il ne candidate pas à l'avancement et qu'il sert dans une unité, le sous-officier a vocation à y rester. Ce n'est que lorsqu'il émet des vœux pour en sortir qu'il peut éventuellement faire l'objet d'une mutation. C'est également le cas si la hiérarchie constate que sa présence n'est plus souhaitable en un lieu donné pour des raisons qui tiennent par exemple à sa personne. Dans ce cas, nous prononçons une mutation d'office, ce qui est toutefois relativement exceptionnel. Le sous-officier est donc généralement muté à sa demande, pour convenance personnelle, quand il souhaite changer de zone géographique. Il est attaché à une région de gendarmerie et s'il souhaite changer de région, il lui faut convaincre une région d'accueil de l'accueillir et sa région de départ de le laisser partir. Par conséquent, il est muté en priorité au sein de sa région. Le sous-officier est également muté dans le cadre de l'avancement, lorsqu'il atteint les grades d'adjudant-chef ou major pour tenir des fonctions de commandement ou d'encadrement. Là encore, un dialogue de gestion bien en amont de la sortie du tableau d'avancement est mené. Le tableau d'avancement est publié chaque année au 1er décembre. Un dialogue de gestion a eu lieu à l'automne avec l'intéressé et dès la sortie du tableau d'avancement, nous faisons connaître dans les jours qui suivent les mutations aux sous-officiers concernés. Elles s'échelonneront dans l'année civile qui suit, en fonction de la mise en œuvre de ce tableau d'avancement. Ils bénéficient donc toujours de quatre à six mois, voire davantage, de préavis, ce qui permet davantage de souplesse.
Dans le cas des territoires non attractifs, nous avons créé une bourse à l'emploi national de postes à pourvoir en priorité dans des unités où nous constatons en permanence des déficits de personnel. Il peut s'agir d'unités de nature très différente, comme des brigades dans le rural profond ou le périurbain difficile. Des brigades dans le milieu montagnard profond dans le sud de la France, qui attirent difficilement des gendarmes de Provence-Alpes-Côte d'Azur, peuvent ainsi intéresser un gendarme d'une autre région cherchant à se rapprocher du sud. Cette bourse nationale offre ainsi des solutions. Il restera toujours des régions peu attractives dans les zones elles-mêmes non attractives, mais nous y travaillons au travers de la contractualisation que j'ai mentionnée.
Madame la députée, je vous remercie pour vos propos sur mon action en Normandie. Vous savez qu'en dehors de mon travail, je réside dans votre circonscription. Je vous remercie de toute l'attention que vous prêtez à nos gendarmes. Vous avez eu l'occasion de me saisir sur le cas douloureux d'un d'entre eux mort en service dans la région il y a quelques mois, et sur les intérêts de sa veuve. Je vous sais tous très attentifs à nos gendarmes. Merci donc pour vos propos à mon endroit qui font écho à ceux de M. Batut.