Intervention de Général Bruno Arviset

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Bruno Arviset :

Monsieur de la Verpillière, votre première question portait sur le statut militaire et la jurisprudence du Conseil d'État. Nous sommes bien entendu soulagés par cette décision qui a reconnu le caractère singulier de la gendarmerie et qui a constaté que l'organisation de son service préservait les grands équilibres en matière de repos. Ma lecture diffère cependant légèrement de la vôtre. Je n'ai pas retenu — et le Conseil d'État ne semble pas avoir retenu — une lecture statutaire : à l'instar de la Cour de justice de l'Union européenne, le Conseil d'État raisonne par mission. Ce n'est pas le statut militaire qui emporte la non-application de la DETT mais la nature de la mission. Si la mission est militaire, la DETT n'aurait pas vocation à s'appliquer dans son intégralité ; si elle est civile, la DETT aurait vocation à s'appliquer. En outre, le recours émanait d'un gendarme départemental d'une unité territoriale. Le Conseil d'État a posé le constat que le cumul de nos règles de récupération, de repos et de quartiers libres conduisait dans les faits le gendarme départemental « classique » à travailler une quarantaine d'heures par semaine et que, par conséquent, il ne dépassait pas le plafond de 48 heures fixé par la DETT. Parallèlement, nous avons d'autres garanties.

Notre sujet de préoccupation concernait les astreintes. Le régime de la gendarmerie repose en effet sur l'astreinte. Si celle-ci avait dû être comptabilisée en temps de travail, nous aurions franchi la limite des 48 heures. Or le Conseil d'État a considéré que l'astreinte, dès lors qu'elle a été prise au domicile, ce qui est le cas grâce aux logements concédés, ne devait pas être considérée comme du temps de travail. Nous avons ainsi été grandement rassurés. La DETT raisonne soit par rapport au repos, soit par rapport au travail, et comme un grand nombre de services d'urgence, la gendarmerie se situe dans une position intermédiaire avec l'astreinte, indispensable à notre fonctionnement, dans les profondeurs du territoire notamment.

Vous souhaitiez des précisions sur les volumes de recrutement. En 2021, nous avons recruté un peu moins de 4 000 sous-officiers et de 6 000 gendarmes adjoints. En 2022, nous en recruterons respectivement 4 860 et 5 700. Les chiffres pour 2023 seront sensiblement les mêmes, puisque nous nous situons dans un plan de montée en puissance de notre recrutement de sous-officiers. Nous sommes attachés à ce que la qualité soit au rendez-vous de ces recrutements. À cet égard, nous retenons un candidat sur 3,6 pour les sous-officiers et un sur trois pour les gendarmes adjoints. Ces chiffres sont suffisants, mais ils ne sont pas au-delà des besoins. Nous portons donc notre attention sur le vivier de candidats, d'autant plus que nous avons constaté une forme d'érosion ces derniers mois, peut-être liée à la reprise du marché du travail. Recrutant plus de sous-officiers, nous avons en effet besoin de développer ce vivier.

Concernant la question de M. Blanchet, je considère que le statut militaire favorise le respect de la déontologie dans la gendarmerie puisqu'il oblige à appliquer un certain nombre de notions tout à fait conciliables. En premier lieu, je pense à l'exigence de neutralité des militaires de la gendarmerie qui s'applique tous les jours dans nos missions de service public. La discipline militaire est un autre aspect de cette déontologie. La mission est rendue dans le respect de la discipline et des règles. Quand les règles sont enfreintes, le règlement de discipline dans les armées nous permet d'appliquer des sanctions. À ce titre, le statut militaire représente une aide à l'application de la déontologie. Nous disposons en outre d'une charte du gendarme et d'un code de déontologie partagé avec la police nationale, codifié dans le code de la sécurité intérieure.

Vous faisiez également référence à l'adversaire. Il est souvent dit que les armées au combat font face à un ennemi. Sur le territoire national, l'adversaire du gendarme est un citoyen momentanément égaré. Il doit être traité comme tel. Il est vrai que dans les opérations d'engagement de la paix, l'approche des armées est proche de la nôtre concernant la notion d'adversaire, le besoin d'encadrer la force, le respect de cet adversaire et la volonté de privilégier en permanence une désescalade plutôt que l'emploi de la force. Nous disposons à cet égard de négociateurs régionaux qui, lors de chaque crise, contribuent à ramener le citoyen momentanément égaré à la raison plutôt que, ou avant, d'employer la juste force quand c'est nécessaire.

S'agissant de la disponibilité des personnels, nous sommes en effet rassurées par la décision du Conseil d'État. Notre souhait que la DETT intègre bien la notion d'astreinte reste central.

Vous me demandez si la formation militaire a diminué. Il est vrai qu'il y a une vingtaine d'années, nous avons fourni des efforts importants sur les aspects techniques dans le cadre de nos formations initiales afin de faire face à la complexité de notre droit pénal. Il y a une dizaine d'années, j'ai également pu observer des efforts en matière d'intervention professionnelle, qui se limitait souvent aux binômes : comment, par exemple, sortir quelqu'un d'une voiture en maîtrisant l'emploi de la force pour qu'il soit sans danger pour la personne ou le gendarme ? Aujourd'hui, il apparaît que dans un nombre croissant d'opérations, nous sommes confrontés à des adversaires multiples, déterminés et lourdement armés. Nous considérons par conséquent que nous devons revenir vers une formation militaire plus classique afin de faire manœuvrer un groupe pouvant compter jusqu'à une dizaine de gendarmes armés face à des individus eux aussi armés. À cet égard, les majors généraux de l'armée de Terre et de la gendarmerie nationale ont signé un protocole il y a quelques mois visant à ce que les militaires de la gendarmerie puissent être entraînés par ceux de l'armée de Terre dans la manœuvre d'un groupe dit de combat, appliqué aux règles de la gendarmerie.

Le DGE vise à organiser en permanence des patrouilles là où les interventions sont fréquentes, statistiquement, sur le plan géographique ou dans le temps. Le DGE ne peut donc être que bénéfique puisque nous organisons le service en fonction de la demande qui a été estimée sur la base de constats sur le temps long et par des algorithmes. Par ailleurs, ce DGE mutualise les interventions, le principe appliqué consistant à envoyer les patrouilles les plus proches du lieu des faits. Là où il fonctionne, le DGE permet donc une amélioration de la qualité de vie pour nos gendarmes et une meilleure efficacité dans l'organisation des patrouilles.

Nous avons obtenu il y a quelques années que les réservistes retraités puissent conserver leur qualité d'agent de police judiciaire. Je rappelle qu'un réserviste est, sinon, agent de police judiciaire adjoint. Nos sous-officiers retraités conservent donc leur qualité d'agent de police judiciaire. Il ne serait pas inutile que, dès lors qu'ils pratiquent et qu'ils sont recyclés, ils puissent conserver cette qualité d'OPJ pour un temps, à condition qu'ils restent à la hauteur de la tâche. La police judiciaire et la procédure pénale sont en effet très évolutives.

Concernant les plaintes formulées par M. Chassaigne, je connais bien son territoire, car j'ai commandé la compagnie limitrophe de Montbrison dans le passé. Il est vrai que nous rencontrons parfois des difficultés pour convaincre des gendarmes de servir dans des territoires présentant peu d'opportunités de travail pour leur conjoint ou leur conjointe, de scolarisation pour leurs enfants, surtout quand ils sont en âge universitaire. Cependant, nous nous efforçons de remplir nos brigades. Les affectations des sous-officiers sont déconcentrées à l'échelon des commandants de région. Vous faisiez allusion à un adjudant qui n'arrivera sur place pour commander une brigade qu'au mois de juin. Je suppose qu'il sera muté à la tête de cette brigade à la faveur de son avancement. Pour autant, monsieur Chassaigne, je m'engage à faire le point avec le commandant de la formation administrative d'Auvergne et à revenir vers vous pour vous apporter des précisions plus particulières sur ces deux cas de figure.

Au sujet du zonage police-gendarmerie, des travaux liminaires sont en cours dans un certain nombre de départements.

Monsieur Lassalle, vous nous avez posé des questions sur une perte de contact présumée. Je vous propose de reposer plutôt cette question au directeur des opérations et de l'emploi, qui intervient après moi. Je soulignerai que depuis le premier confinement, nous avons mis en place, sous l'impulsion de notre directeur général, l'opération « répondre présent » : dans ce cadre, des gendarmes sont disponibles afin de répondre à des sollicitations qui dépassent le cadre d'emploi normal de la gendarmerie. Je pense par exemple aux distributions de masques. Nous avons donc fourni un effort pour reprendre le contact. Cependant, le temps, comme vous le savez, nous est compté, y compris par un certain nombre de textes supranationaux. Il faut par conséquent limiter les efforts ailleurs pour intervenir dans ce cadre.

Quand un réserviste ne répond pas aux attentes, une procédure permet de réunir une commission qui prononce la radiation de l'intéressé afin que le commandant de région concerné puisse résilier son contrat. Cependant, il s'agit de cas graves, qui renvoient à des fautes déontologiques ou professionnelles avérées. Il existe en parallèle une « zone grise » constituée par des réservistes qui seraient moins performants que d'autres et qui, selon les missions, seront ou non convoqués. Il est vrai qu'à deux mois de la fin d'un contrat, plutôt que de monter une commission pour exclure un réserviste « borderline », il est plutôt choisi de le bloquer en attendant la fin de son contrat. En tout cas, la procédure de radiation existe pour les réservistes. C'est une procédure encadrée, contradictoire, et qui se justifie.

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