Alors que nous avons clos, le dimanche 25 juillet, la session extraordinaire de juillet, nous nous retrouvons pour ouvrir celle du mois de septembre avec le neuvième texte relatif à la gestion de la crise sanitaire examiné en l'espace d'un an et demi.
En cette rentrée 2021, la France fait face à la persistance de l'épidémie de covid-19, en particulier, depuis le début de l'été, à une quatrième vague portée par la virulence du variant delta. Cette nouvelle vague a mis une nouvelle fois notre pays et notre système hospitalier à rude épreuve. Pour l'affronter, nous avons pu compter sur les deux principaux piliers de notre stratégie sanitaire : le déploiement massif – et réussi – de la vaccination et l'extension opportune du périmètre du passe sanitaire, tous deux permis par l'adoption de la loi du 5 août 2021.
Si, malgré une situation demeurant fragile et appelant à la prudence, l'optimisme peut globalement être de mise, l'inquiétude reste néanmoins très forte dans la plupart des territoires d'outre-mer. Ceux-ci sont en effet confrontés à situation sanitaire qui se révèle partout préoccupante, voire dramatique dans certains territoires, qui connaissent des taux d'incidence jamais atteints, mais aussi une saturation des capacités hospitalières et une mortalité qui nous rappellent que la covid-19 tue, et continue de tuer – principalement des personnes non-vaccinées.
Je pense en particulier à la Polynésie française, où la situation est sans précédent : le taux d'incidence y est supérieur à 3 000 nouveaux cas pour 100 000 habitants, et avoisine même les 4 000 dans les îles Sous-le-Vent. Les hôpitaux sont saturés. En Guadeloupe, la situation amorce une amélioration, mais elle demeure très dégradée : le taux d'incidence reste supérieur à 1 000 et le taux d'occupation des lits de réanimation s'élève à 92 %. Je citerai également la Guyane, où la situation se dégrade à nouveau en raison de l'augmentation de la circulation du variant delta dans l'ensemble du territoire : le taux d'incidence y était en hausse de 16 % la semaine dernière. Si cette situation se justifie par des raisons structurelles rendant ces territoires particulièrement vulnérables face à l'épidémie, ainsi que l'a rappelé le Conseil scientifique dans son avis du 29 août, elle s'explique aussi, malheureusement, par une progression plus lente qu'ailleurs de la vaccination.
Au-delà de nos pensées sincères qui accompagnent les familles endeuillées, les personnels soignants mobilisés et les pouvoirs publics qui sont à pied d'œuvre, la prorogation de l'état d'urgence sanitaire en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Martinique, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin doit surtout s'accompagner d'une indispensable poursuite des efforts exceptionnels qui sont déployés en faveur de ces territoires. La solidarité nationale a permis une mobilisation sans précédent des personnels de santé. Depuis le 10 août, quatre rotations aériennes ont été instaurées au profit des Antilles et de la Polynésie française, permettant la mobilisation de plus de 1 600 renforts de personnels soignants. En parallèle, les efforts ont été démultipliés pour organiser un grand nombre d'évacuations sanitaires : au 31 août, soixante-sept patients avaient ainsi pu être évacués vers la métropole. D'un point de vue économique, je constate avec satisfaction que le dispositif d'indemnisation de l'activité partielle et les deux fonds de solidarité pour les entreprises ont été reconduits et renforcés dans les territoires ultramarins.
Bien que d'une portée plus technique, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, adopté sans modification par la commission des lois vendredi dernier, est indispensable pour permettre la poursuite, jusqu'au 15 novembre, des mesures nécessaires à la lutte contre l'épidémie, et qui sont permises par le régime de l'état d'urgence sanitaire là où il est déjà en vigueur. C'est notamment le cas de la Polynésie française, où l'état d'urgence sanitaire a été décrété le 11 août : c'est pour permettre son indispensable prorogation au-delà du 11 septembre que nous nous retrouvons pour légiférer dans des délais contraints. Contrairement au régime de sortie de crise prévu par la loi du 31 mai, l'état d'urgence sanitaire – et lui seul – permet la prise de mesures limitant la circulation des personnes hors de leur domicile, comme c'est aujourd'hui le cas dans l'ensemble des territoires précités – Guadeloupe, Guyane, Réunion, Martinique, Polynésie française –, qui tous connaissent un couvre-feu et un confinement parfois différencié, plus ou moins strict. Ces mesures sont difficiles et éprouvantes, mais ce sont les seules à même de protéger la santé des populations.
La prorogation qui nous est proposée est justifiée par la situation sanitaire dans les territoires concernés et par la nécessité d'y maintenir un instrument de réponse rapide et réactif face à un virus imprévisible. Elle se révèle également proportionnée, puisqu'elle est prévue pour un mois et demi. La date du 15 novembre 2021 correspond d'ailleurs à l'échéance fixée, au niveau national, pour le régime de gestion de la crise sanitaire que nous avons adopté par la loi du 31 mai 2021 et prorogé par la loi du 5 août 2021. Elle a en outre été validée par le Conseil d'État et le Conseil scientifique.
L'article unique du projet de loi prolonge également, jusqu'au 15 octobre 2021, le dispositif dérogatoire de déclaration de l'état d'urgence sanitaire, applicable à Mayotte depuis la loi du 5 août dernier. S'il est décrété avant cette date, l'état d'urgence sanitaire sera lui aussi en vigueur jusqu'au 15 novembre 2021. En effet, si le taux d'incidence dans ce territoire est le plus faible à l'échelle nationale, il a néanmoins connu une hausse de près de 50 % durant les sept derniers jours. La situation commence également à inquiéter en Nouvelle-Calédonie : celle-ci se reconfine, nous devons donc en tirer les conséquences. Il en va de même pour les îles Wallis et Futuna, qui disposent d'une liaison aérienne avec la Nouvelle-Calédonie. En revanche, la situation est maîtrisée à Saint-Pierre-et-Miquelon, et l'extension du dispositif dérogatoire n'y est pas justifiée : je vous proposerai un amendement en ce sens.
Une nouvelle fois, la date du 15 novembre 2021 constitue une échéance cohérente avec la perspective de la saisine du Parlement, à l'automne prochain, d'un projet de loi qui permettra de définir, en fonction de l'évolution de la situation sanitaire, le cadre juridique adapté pour poursuivre les mesures nécessaires à la lutte contre l'épidémie, en métropole comme en outre-mer.
D'ici là, je sais que nos compatriotes ultramarins attendent légitimement un soutien déterminé de la part de l'État. J'espère que nos débats d'aujourd'hui, en présence du ministre des outre-mer, contribueront à les réconforter. À ce titre, je sais, monsieur le ministre, qu'il existe une forte attente pour l'adaptation des systèmes d'information instaurés sur le fondement de la loi du 11 mai 2020, afin qu'ils soient rendus applicables – notamment en Polynésie française – et viennent renforcer le dispositif de lutte contre l'épidémie. En effet, la pertinence et l'utilité de ces systèmes d'information ne sont plus à démontrer. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte procéder sur ce sujet ?
Le Sénat, avec qui nous avons travaillé en bonne intelligence et en concertation – j'en profite pour saluer mon collègue sénateur M. Philippe Bas –, sera saisi rapidement de ce texte. Je pense que nous pouvons espérer, comme l'attendent les territoires d'outre-mer, sa promulgation dans les plus brefs délais.