Intervention de Antoine Savignat

Séance en hémicycle du mardi 21 septembre 2021 à 15h00
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Savignat :

Nous ouvrons la session extraordinaire avec un texte important traitant d'un sujet grave s'il en est qui aurait sans doute mérité une grande et belle loi à lui seul ; un texte en réaction à une situation que nous ne pouvions ignorer ; un texte qui apportera une réponse – pas toutes les réponses – à l'émoi suscité par la décision de justice rendue sur l'ignoble agression dont a été victime Sarah Halimi, décision incompréhensible pour nombre de nos concitoyens. Nous devions aborder ce sujet mais il était indispensable de le faire sereinement, à froid, pour ne pas succomber à l'émotion, pour ne pas agir avec précipitation, tant il est complexe.

Avec Naïma Moutchou, nous l'avons constaté au fil des auditions que nous avons menées dans le cadre de la mission flash qui nous a été confiée par la commission des lois : entre les partisans de l'immobilisme, ceux de la réforme globale, entre l'avis des gens de droit et celui des médecins, il fallait trouver un compromis pour que celui qui annihilera volontairement son discernement avant d'entreprendre un projet criminel ne puisse plus jamais échapper à la déclaration de sa culpabilité. Avec ce texte, nous aurons accompli ce travail.

Reste une marge de progression relative à la prise en charge médicale et à l'accompagnement des personnels pénitentiaires trop souvent confrontés à des individus souffrant de lourdes pathologies qu'ils ne sont pas à même d'assister en milieu carcéral. Monsieur le garde des sceaux, vous avez annoncé une revalorisation de la rémunération des experts ; c'est un bon point, mais il faut aller plus loin. Il faut susciter une véritable émulation, un engouement pour que des collèges de réflexion se créent. Au cours de notre mission, nous avons vu que les écoles sont nombreuses sur les sujets des troubles mentaux et aucune bonne décision de justice ne sera rendue sans clarification et définition desdits troubles. Nous n'apporterons pas de réponse acceptable aux victimes sans réponse médicale.

L'autre volet du texte a essentiellement pour objectif de répondre aux censures par le Conseil constitutionnel de dispositions, votées dans la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, relatives en particulier au placement sous vidéosurveillance des personnes en garde à vue ou concernant l'usage par certains services de l'État de caméras aéroportées et de drones. Nous aborderons, notamment, la situation des mineurs non accompagnés et le problème essentiel de la détermination de leur âge.

Nous avions dénoncé le manque criant de moyens des autorités face à la croissance de la violence et du nombre d'actes de délinquance de certains jeunes, et la difficulté pour l'ensemble des intervenants judiciaires et sociaux d'évaluer leur âge. À plusieurs reprises, nous avions déposé des amendements visant à faciliter l'évaluation de la minorité. Aussi, nous saluons les mesures du texte, notamment celles donnant la possibilité à l'officier de police judiciaire de réaliser ou de faire réaliser sous son contrôle des opérations de prise d'empreintes digitales et palmaires ou la photographie de l'individu sans son consentement.

En effet, la mission d'information que j'ai conduite avec Jean-François Eliaou préconisait de rendre obligatoire la prise d'empreintes digitales des mineurs et des prétendus mineurs délinquants interpellés ou, à défaut, de renforcer la sanction du refus de se soumettre au relevé d'empreintes digitales. Cette proposition – contrairement à ce que j'ai entendu – ne visait pas à les reconduire à la frontière, ce qui demeure impossible pour les mineurs sans leur consentement, mais à les suivre effectivement d'un territoire à l'autre afin de ne pas continuer à les abandonner à leur déshérence.

Concernant les mineurs, je ne vous cache pas ma surprise de voir déclarer irrecevable un amendement sur la pénalisation du trafic de psychotropes : il avait été discuté en commission par laquelle il avait été jugé recevable. Nous ne pouvons ignorer et passer sous silence ce que nous avons constaté au cours de la mission d'information en la matière. Ces substances sont utilisées pour créer un lien de dépendance et pour réduire en esclavage, au service de réseaux criminels, nombre de jeunes qui se trouvent seuls sur le territoire. Tous les services prenant en charge ces mineurs le disent : ils les retrouvent totalement détruits, dépendants, dans des états physiques inacceptables. Ces drogues – parce que ce sont des drogues – sont obtenues dans les officines sur ordonnance et donc remboursées. Elles ont un moindre coût et sont donc plus faciles à obtenir et à diffuser que les produits classés stupéfiants. Tous les services de l'État, tous les services de sécurité soulignent l'urgence qu'il y a à mettre un terme à ces trafics ; il est dommage que nous n'ayons pas saisi l'occasion qui nous est offerte pour le faire.

Si nous regrettons que ce véhicule législatif, dans lequel des sujets si importants seront examinés dans la précipitation, soit en quelque sorte une voiture-balai, nous ne pouvons que constater que la majorité se rend enfin compte qu'il y a urgence à légiférer sur des sujets et des problèmes que nous ne cessons de dénoncer depuis des années. Le texte sert donc à modifier et à compléter plusieurs manquements. Les mesures proposées vont dans le bon sens et nous suivrons avec attention leurs évolutions au cours des débats, particulièrement concernant un sujet cher au groupe Les Républicains, celui des peines planchers s'appliquant aux auteurs d'infractions commises à l'encontre de nos forces de l'ordre.

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