Si « la responsabilité est la conséquence intime de la liberté », selon Desrosiers, alors ce texte est une conséquence intime de l'exercice de nos libertés individuelles et collectives. Dans notre République, jamais la demande de libertés réelles n'a été aussi grande. Or c'est bien à l'État, garant de l'ordre public, que revient le devoir de consolider les outils qui protègent les droits les plus essentiels des citoyens. Liberté d'aller et venir, droit à l'intégrité, au respect de la vie privée, à une vie paisible, au respect de la dignité humaine, liberté de manifester, chacun de ces fondamentaux appelle une responsabilité subséquente, pour l'État comme pour le citoyen ou l'étranger accueilli.
C'est la raison pour laquelle le Président de la République, Emmanuel Macron, a pris de grands engagements devant les Français. Nous sommes tous ici conscients de la contradiction qui saisit notre société : d'une part, la quête d'une plénitude d'exercice de nos droits et, d'autre part, l'augmentation quotidienne et décomplexée de la violence, notamment des atteintes aux personnes. L'enjeu est de taille pour un État de droit : responsabiliser autrui pour garantir l'effectivité des libertés de chacun.
Dans l'histoire de la justice, souvent, une affaire populaire met en exergue une question du siècle. C'est le cas de l'affaire Halimi comme ce fut le cas de l'affaire Firmin à l'origine du principe de l'irresponsabilité pénale en 1795. Oui, l'émotion populaire fut forte. Et pour cause, elle soulève des préoccupations majeures de notre époque : banalisation des addictions, de l'antisémitisme, des atteintes à autrui.
Les mesures pénales présentées par le garde des sceaux répondent à l'affaire médiatique en allant au-delà. Ce texte responsabilise la prise volontaire de substances psychoactives conduisant à une perte de contrôle potentiellement dangereuse. Personne ne peut prétendre aujourd'hui ignorer le péril de ces addictions. Nous, majorité, partageons la conviction du Président de la République : refus du déni, affirmation d'un combat de société, oui, les drogues sont dangereuses pour soi, autrui et la collectivité.
Elles sont dangereuses notamment en raison de l'abolition du discernement qu'elles provoquent, lequel conduit parfois au pire. Ce pire, réalisé sous l'emprise d'une aliénation, ne peut faire l'objet d'une condamnation criminelle dans une démocratie rationnelle. Lorsque la volonté n'est plus libre, la responsabilité ne peut être retenue. En revanche, en remontant un peu dans le temps, au moment où la volonté encore libre a fait le choix de s'exposer à une aliénation, alors oui, un délit pénal peut être constitué et réprimé.
C'est l'enjeu du titre Ier . Nous créons un délit aggravé de mise en situation volontaire d'irresponsabilité pénale par prise de substances psychoactives. Or 10 % des irresponsabilités pénales sont prononcées sur des viols ou incendies volontaires ayant conduit au meurtre. Le groupe LaREM, sous l'impulsion de notre collègue Laetitia Avia, défendra des amendements pour inclure ces infractions. Pas d'impunité pour la mise en irresponsabilité volontaire.
En la matière, la justice ne tranche pas seule. Croisée des chemins avec la médecine, la santé est impliquée dans ces décisions judiciaires. La revalorisation des experts psychiatres par le garde des sceaux, saluée par tous, a aussi été l'occasion d'échanger sur leur spécificité. Ils appellent notamment à la structuration d'une filière légale dédiée, proposition qui mérite d'être examinée. L'éducation aussi peut jouer : clé de l'émancipation, elle pourrait renforcer la lutte contre les addictions, la réaffirmation de la liberté humaine par la raison, enjeu colossal à l'ère du « tout divertissement ».
Nous avons ensuite une responsabilité à l'égard de nos forces de sécurité intérieure, de ceux qui ont choisi de vouer leur vie à servir l'État, à nous protéger. Nos vigies de la tranquillité publique doivent être respectées. Parce que le lien de confiance entre la police et la population est crucial en république, les échanges civils doivent être multipliés et les abus sanctionnés. La création de la réserve opérationnelle de police offrira un espace nouveau d'engagement entre police et population.
Quant à ceux qui dédaignent ce que signifie « dépositaire de l'autorité publique », nous alourdissons les sanctions à leur égard. C'est l'engagement du Premier ministre et du ministre de l'intérieur : protéger ceux qui nous protègent. Pas de quartier pour la rébellion, qui, à raison d'une toutes les dix-sept minutes, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre de l'intérieur, est devenue une incivilité à la vulgarité banalisée. Si les décennies précédentes ont laissé ce mépris s'installer envers nos forces de sécurité intérieure, nous, majorité présidentielle, décidons d'agir.
Dans le même sens, rodéos, débordements organisés sur la voie publique, allant jusqu'à mettre en péril le droit fondamental de manifester, ne pourront prospérer. Les mouvements de foule pourront être mieux encadrés grâce aux images par aéronef, le tout en se limitant strictement aux nécessités du maintien de l'ordre public. Pas de science-fiction dans nos débats : la surveillance généralisée en France n'existe pas. Pas même en germe. Le complotisme ne serait pas digne de cet hémicycle, j'espère que nos débats oseront la proportionnalité nécessaire à nos droits fondamentaux.
À la fin, c'est bien là que réside l'enjeu : que nous sachions articuler la proportionnalité des mesures de ce texte avec le respect des libertés fondamentales auxquelles nous sommes attachés. Car là où il y a liberté, il y a responsabilité.