Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 23 septembre 2021 à 9h00
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Article 18

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Même avis que le rapporteur, votre amendement est satisfait.

Je saisis cette occasion pour saluer les parlementaires qui ont beaucoup travaillé sur les rodéos. Cette question a été prise à bras-le-corps durant ce quinquennat, elle est complexe, pour plusieurs raisons.

Les véhicules concernés ne sont pas que des quads ou des motos, il peut s'agir de voitures utilisées dans des conditions très dangereuses pour ceux qui les conduisent, mais aussi pour les tiers. En plus de créer des nuisances dans l'espace urbain, ces personnes peuvent blesser ou tuer, une personne âgée en a encore été récemment victime à Toulouse.

Cette question soulevait des problèmes de saisie des véhicules, d'identification des auteurs, de poursuite, d'intervention, de cadre juridique et de protection des policiers et des gendarmes qui intervenaient, et qui étaient souvent pris à partie judiciairement car ils avaient osé poursuivre les malfaisants.

Votre travail, madame Pouzyreff, ainsi que celui de vos collègues, a permis de largement régler cette situation, bien que les efforts doivent être intensifiés sur le terrain.

Il a fallu replacer les rodéos dans l'échelle des peines, en les assimilant à un véritable refus d'obtempérer. Ce projet de loi poursuit ce travail.

La saisie des véhicules est primordiale. Lorsque j'étais maire, cette saisie n'était pas systématique, alors qu'aujourd'hui, plus de 600 engins ont été saisis depuis le début de l'année. Cet article, amélioré grâce à votre travail, va encore parfaire les choses. Désormais, certaines personnes utilisent des véhicules dont ils ne sont pas propriétaires ou des véhicules de location. Il est important de pouvoir s'attaquer à ceux qui contournent ainsi les mesures de saisie que vous avez souhaitées. La destruction des engins, suite à la saisie, est plus importante encore pour empêcher la récidive. Indépendamment de la condamnation à une amende, il est important de détruire l'objet du délit : les quads, les motos ou les voitures peuvent avoir une valeur importante, leur destruction fait bien plus mal à ceux qui les utilisent qu'une éventuelle peine de prison avec sursis.

S'agissant de l'identification, les caméras de vidéoprotection apportent une aide. La loi pour une sécurité globale prévoit le report des images de ces caméras dans les barres HLM. Le plus important est de saisir ces véhicules avant ou après le délit, et ce délit n'est pas facile à constituer – je reviendrai sur les consignes données aux forces de police et de gendarmerie. Savoir que des quads, des motos ou des voitures qui ont servi à commettre ces délits sont placés dans les parties communes permet de les faire saisir par le procureur de la République. Les images de vidéoprotection, sur la voie publique ou dans les bâtiments des bailleurs sociaux qui reporteront les images dans les centres de supervision des communes, pourront être consultées par la police. Ces mesures sont essentielles pour le travail d'identification, en amont et en aval.

J'entends beaucoup de bêtises à propos du travail des forces de police et de gendarmerie. Le principal rôle du ministre de l'intérieur est de faire arrêter les malfaisants, sous l'autorité de la justice, mais aussi de protéger les fonctionnaires de la République qui interviennent dans des conditions extrêmement difficiles. La responsabilité de tout chef est de permettre à ceux qui sont placés sous son autorité de revenir en bonne condition physique – ce sont des pères et des mères de famille comme les autres – en leur donnant des consignes juridiques de protection. On ne peut pas donner n'importe quelle consigne à n'importe quelle personne. Par ailleurs, une intervention de police ne peut pas se solder par des conséquences disproportionnées, telles que la mort d'une fillette ou d'une personne âgée qui traverseraient la rue au moment de la poursuite.

Mais ni les instructions ni les lois de la République n'interdisent de poursuivre les personnes qui font des rodéos en quad, en moto ou en voiture. Il est interdit de se mettre en danger, et de mener une intervention disproportionnée si la personne que l'on poursuit commet des actes manifestement contraires au code de la route et met autrui en danger en roulant sur les trottoirs ou en prenant des ronds-points à contresens. Dans ma ville de Tourcoing, le quartier difficile dans lequel il y a le plus de rodéos est à côté d'un hôpital, près des arrivées du SAMU ! Chacun comprend que sur cette portion de route, la consigne donnée aux policiers n'est pas de rouler à contresens de véhicules de pompiers ou du SAMU qui arrivent dans l'hôpital à toute berzingue, comme dirait le chanteur. Les consignes de modération sont des consignes de bon sens.

Ce n'est pas parce que nous mettons un terme à une chasse que nous renonçons à arrêter la personne. À la fin, c'est toujours la police qui gagne, à condition d'accepter d'appliquer l'intégralité des moyens que vous nous avez donnés : vidéoprotection ; recours à la police technique et scientifique dans le cadre des rodéos urbains ; saisie et confiscation ; travail avec les fichiers de cartes grises et les fichiers d'identification.

Je peux vous assurer que ce n'est pas parce que des policiers ne peuvent pas toujours mener les poursuites jusqu'au bout – et qu'ils en sont sans doute un peu frustrés, dans des conditions difficiles – qu'à la fin, la personne poursuivie n'est pas arrêtée. Et puis les chefs de circonscription de police et de gendarmerie travaillent au quotidien avec le procureur de la République pour repérer les motos, les quads et les voitures.

Le travail du ministre de l'intérieur n'est pas de céder au désir de poursuivre absolument – même si ce n'est pas ce que vous avez dit, j'entends souvent le contraire, et parfois de la part des effectifs – car cela met en danger les personnes et peut conduire à des drames. Une intervention de police ne doit pas se conclure par la mort d'une personne – que celle-ci soit concernée ou non par le larcin !

Je veux surtout souligner combien nous avons progressé. Madame Pouzyreff, en un an, grâce à la loi renforçant la lutte contre les rodéos urbains dont vous avez été rapporteure, nous avons multiplié par dix le nombre de condamnations pour ces pratiques. Évidemment, il reste des améliorations à apporter. Un travail particulier doit être mené pour les zones frontalières, dont on voit bien sur les cartes qu'elles sont particulièrement touchées, les délinquants les franchissant volontiers. Pour les frontières intercommunales, la création de CSU – centres de sécurité urbains – départementaux, et la mutualisation des polices municipales, prévues par la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, va grandement nous aider – la loi est déjà adoptée, promulguée, et les décrets sont en cours de rédaction.

Enfin, un travail doit être mené concernant les agences de locations de voitures, de motos et de quads, notamment sur certains véhicules provenant de l'étranger – je vois de plus en plus de plaques d'immatriculation polonaises ou tchèques, ce qui est inquiétant. Je me rendrai en Pologne dans quelques jours ; ce sera l'occasion d'améliorer la coopération policière dans le marché commun, lequel a malheureusement ses défauts, car il permet la location de véhicules étrangers moins bien identifiés.

Les motocross ou les quads sont bienvenus dans la République, mais uniquement dans les espaces destinés à les accueillir et non sur la voie publique. Il faut le rappeler avec beaucoup de sévérité à ceux qui tirent profit de la location de ces véhicules, comme nous l'avons fait, jadis, pour les vendeurs d'armes, en leur signifiant – pardon de cette évidence – que celles-ci ne peuvent être utilisées en France dans certaines conditions, et certainement pas sur la voie publique. De fait, les véhicules visés ici n'ont rien à voir avec la libre circulation, telle que prévue par le code de la route.

Je vous remercie donc pour ce travail collectif – vous en particulier, madame Pouzyreff, car vos différents travaux, notamment ceux sur l'application de la loi, ont permis de challenger – comme on dit en mauvais français –, les services de police et de gendarmerie. Vous pouvez également être fière de votre travail sur la loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés – ainsi que vous tous ici, car celle-ci a été largement votée. Cette loi est appliquée ; elle permet de gagner en tranquillité et de mieux condamner les personnes qui, malheureusement, utilisent ces engins pour autre chose que ce qui est prévu.

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