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La séance est ouverte à neuf heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 109 à l'article 7.
Les amendements n° 36 et 37 sont défendus, et je m'attarderai sur les amendements n° 38 et 39 , qui me tiennent un peu plus à cœur. Ils tendent à revenir sur les dispositions prévues à l'alinéa 14 de l'article 7, selon lesquelles les traitements de vidéosurveillance ne peuvent pas être couplés avec une captation du son ou un dispositif biométrique. Je me suis beaucoup interrogée sur ces dispositions, parce que la captation du son pourrait, dans certains cas, être très utile.
Comme je l'ai dit en commission, pour que la vidéoprotection utilisée dans les cellules de garde à vue soit efficace, il faut qu'un policier soit en permanence derrière les écrans. Dans certains commissariats, la pièce où se trouvent les écrans de vidéosurveillance n'est pas à proximité des cellules de garde à vue. Or vous savez aussi bien que moi que les policiers – et ce n'est absolument pas un reproche que je leur fais – ne peuvent pas passer leurs journées devant les écrans à vérifier ce qu'il se passe dans les cellules, parce qu'ils sont occupés à beaucoup d'autres tâches : répondre au public, remplir des formulaires et dossiers administratifs, discuter avec leurs collègues d'affaires en cours. Je suis encore allée lundi au commissariat de Béziers pour vérifier comment cela se passait, et je confirme qu'ils ne peuvent pas être attentifs à 100 % aux caméras de protection.
Il me semble donc important de coupler la vidéoprotection avec un dispositif de captation du son, ce qui permettrait d'alerter immédiatement le policier, qui n'est pas en permanence derrière son écran – et c'est normal, je le répète – qu'il se passe quelque chose dans une cellule : agression d'un gardé à vue par un autre gardé à vue, tentative de suicide, crise d'angoisse.
Le commissaire de Béziers m'expliquait d'ailleurs que, si tel n'est pas le cas dans son commissariat, dans d'autres, les salles de visionnage des écrans de vidéoprotection sont éloignées des cellules de garde à vue, situées même parfois à un autre étage, ce qui pose donc un problème. Il me semble que la captation du son permettrait plus d'efficacité.
La parole est à M. Jean-Michel Mis, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Nous avons déjà eu ce débat en commission : vous connaissez mon intérêt pour les sujets liés aux données biométriques et mon attachement à l'amélioration des outils de captation, mais l'alinéa 12 détermine les modalités d'utilisation des caméras de vidéosurveillance, et précise les techniques et les moyens qui doivent être appliqués.
De ce point de vue, le dispositif que vous proposez ne semble pas une bonne idée, car le son capté ne sera pas uniquement un son d'ambiance : au sens de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), il s'agit d'une donnée biométrique. Par conséquent, votre proposition affaiblirait la constitutionnalité du dispositif. Or nous sommes soucieux de nous en tenir scrupuleusement à ce qui est préconisé par le Conseil constitutionnel. Partant, j'émets un avis défavorable sur les quatre amendements.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement n° 374 .
Il vise à renforcer l'article 7, qui instaure un outil indispensable et très intéressant pour les policiers : le placement sous vidéosurveillance durant la garde à vue. Aux termes de cet article, le gardé à vue dispose de quarante-huit heures à compter de la levée de la garde à vue pour demander la conservation des images de vidéosurveillance pour une durée supplémentaire de sept jours. Il me semble d'ailleurs que cela a été prévu à l'invitation du Conseil d'État.
Par conséquent, il me semble qu'il existe une incohérence dans le texte : l'alinéa 16 dispose que les enregistrements sont conservés pendant une durée maximale de quarante-huit heures. Cela signifie que, s'ils peuvent l'être pour toute cette durée, ils peuvent également n'être conservés que vingt-quatre, douze, dix heures, voire trois minutes ! De fait, en pratique, le gardé à vue n'aura pas toujours la faculté de demander la conservation des images, et le dispositif sera inopérant dans certains cas. Or les images extraites des vidéos peuvent concourir à la manifestation de la vérité et faciliter les enquêtes des policiers.
Nous proposons donc de supprimer le mot « maximale ».
Sans changer la philosophie générale de l'article 7, cet amendement renforce la clarté et la lisibilité des dispositions relatives à la durée de conservation des données. C'est pourquoi j'émets un avis favorable.
L'amendement n° 374 est adopté.
Je serai brève, car nous en avons déjà discuté en commission.
Il me semble important de prolonger la durée de conservation des enregistrements et de la porter à sept jours, sans que cela ne soit possible qu'à la demande du gardé à vue. L'objectif de cet amendement est une meilleure protection de nos forces de l'ordre.
Je reprends l'exemple que j'avais donné en commission : imaginez qu'à sa sortie, un gardé à vue, qui a été enregistré pendant vingt-quatre heures, laisse passer le délai légal pendant lequel il aurait pu demander la conservation des enregistrements et revienne quarante-huit heures plus tard en clamant qu'il a été maltraité durant sa garde à vue. Si, entre-temps, l'enregistrement a été effacé, il peut très bien arguer qu'il a été maltraité par un autre gardé à vue, ou même par un policier – il arrive que les gardés à vue soient de mauvaise foi !
Conserver automatiquement les enregistrements durant sept jours, ce qui n'est pas une durée très longue, ni attentatoire aux libertés, sans que le gardé à vue le demande expressément, permettrait de simplifier les procédures et serait une avancée importante pour la protection des membres des forces de l'ordre.
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement n° 368 .
Il vise à étendre à soixante-douze heures la durée de conservation des enregistrements, qui avait déjà été portée de vingt-quatre à quarante-huit heures en commission. La raison en est très simple : en pratique, il sera sinon impossible, du moins très difficile de permettre aux gardés à vue de demander la conservation des enregistrements.
En effet, à l'issue d'une garde à vue, l'individu est souvent déferré dans le cadre d'une procédure. Or les images qui peuvent être enregistrées pendant la garde à vue sont intéressantes et peuvent concourir à la manifestation de la vérité. Mme Emmanuelle Ménard a d'ailleurs évoqué plusieurs exemples dans lesquels ces images seraient utiles : un gardé à vue malmené par un autre, ou qui prétendrait avoir été maltraité par un policier, par exemple. Les images permettent de mettre tout le monde d'accord.
De plus, dans de nombreuses affaires judiciaires, accéder aux images permet de gagner du temps en évitant des heures de confrontation et d'audition. En effet, face à la vidéo, un individu qui niait les faits a plutôt tendance à avouer les choses. Ces images, qui facilitent les enquêtes, sont donc importantes, autant pour la personne en garde à vue que pour les policiers.
Par ailleurs, vous m'aviez indiqué en commission, monsieur le rapporteur, que le dispositif pouvait poser un problème de constitutionnalité. J'ai relu avec attention la décision du Conseil constitutionnel, et ce n'est pas en raison de la durée de conservation des images qu'une disposition similaire avait été précédemment censurée, mais en raison de la durée pendant laquelle on peut filmer une personne en garde à vue.
Le Conseil d'État lui-même avait estimé que la possibilité pour les gardés à vue de demander la conservation des images durant sept jours était une garantie. Comme l'amendement vise à renforcer cet aspect du dispositif, je pense donc qu'il offre une garantie supplémentaire du point de vue constitutionnel.
Je me garderai bien d'être constitutionnaliste, madame Louis, et me contenterai d'être un modeste législateur. Figurait en creux dans la décision du Conseil constitutionnel le respect d'un principe : la conservation doit être strictement nécessaire et proportionnée aux finalités poursuivies.
En commission, à l'initiative d'Antoine Savignat, la durée de conservation des données a été portée de vingt-quatre à quarante-huit heures. Cela me paraît la durée maximale pendant laquelle nous pouvons raisonnablement conserver les images.
Par conséquent, je suis défavorable aux deux amendements proposés, qui sont dans le même esprit.
Vu la teneur des débats et le sort réservé aux amendements de mes collègues, je n'ai pas trop de doutes sur les suites qui seront réservées à celui-ci !
Il me semble tout de même important de partager avec vous la discussion que nous avons eue en commission au sujet de la durée de conservation des images, car le Gouvernement n'était pas représenté à cette réunion.
En commission, la durée de conservation des images a été portée de vingt-quatre à quarante-huit heures. Mes collègues proposent désormais de la porter à soixante-douze heures, voire sept jours. Mon amendement vise, lui, à prolonger la conservation jusqu'à trente jours. En effet, l'intention du texte est non seulement de prévenir une éventuelle fuite, mais aussi de protéger les gardés à vue contre d'éventuelles violences, qu'elles soient commises par d'autres gardés à vue ou par des policiers.
Or je pense que lorsque l'on sort d'une garde à vue, il faut du temps pour prendre de la distance avec ce qu'il s'est passé et en discuter avec son avocat. Laisser seulement quarante-huit heures pour se retourner et demander à consulter les images ne semble donc pas très cohérent. Sept jours, c'était une durée plus acceptable, mais trente jours me semblent encore mieux car, dans l'hypothèse où des poursuites judiciaires seraient engagées, cette durée permet de disposer d'images parlantes, voire probantes, et d'éviter un certain nombre de problèmes.
L'amendement n° 150 de Mme Marie-George Buffet est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous avons en effet déjà abordé ce sujet en commission, mais il est légitime que vous réexposiez les termes du débat.
Dans le même esprit de prudence qui caractérisait mon avis sur les amendements précédents, il me semble excessif, et même peu utile en réalité, d'allonger encore la durée de conservation des images. En effet, une conservation des enregistrements pendant une durée de sept jours semble suffisante pour pouvoir procéder au visionnage si celui-ci se révélait nécessaire en raison d'un incident survenu lors de la garde à vue. Avis défavorable.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement n° 397 .
Si certains de mes collègues estiment qu'un allongement de la durée de conservation des images serait nécessaire, je pense pour ma part qu'il serait nécessaire que la personne faisant l'objet d'une mesure de surveillance et son avocat puissent, dès qu'ils le demandent, avoir accès aux enregistrements et disposer d'une copie. Il faudrait donc que les enregistrements, importants pour garantir les droits de la défense, soient versés au dossier.
Cet amendement a été proposé par le Conseil national des barreaux (CNB).
J'entends vos arguments, madame Gaillot, mais si un incident se produit pendant la garde à vue, la personne placée sous vidéosurveillance peut demander, à des fins probatoires, la conservation prolongée des enregistrements pendant sept jours afin d'objectiver dans ce délai les faits qui se seraient déroulés. Il n'y a aucune raison de prévoir de façon systématique la remise d'une copie des enregistrements à la personne concernée. On ne peut pas, en effet, préjuger de l'usage qui serait fait par ces personnes ou par des tiers de tels enregistrements, lesquels pourraient, par exemple, être mis en ligne ou diffusés sur internet, détournant ainsi la raison pour laquelle la vidéosurveillance peut être mise en place. Avis défavorable.
L'amendement n° 397 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 7, amendé, est adopté.
En mai 2021, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, notamment la possibilité de capter des images par drone dans le cadre des opérations de police administrative. Le présent article 8 réintroduit certaines de ces dispositions. Nous avons entendu l'argumentaire de M. le ministre sur le fait que le Gouvernement a tenu compte de l'avis du Conseil constitutionnel, mais il nous semble jouer au plus près des limites tracées par celui-ci, au risque de les déborder.
En premier lieu, c'est le préfet qui délivre l'autorisation : autant dire que c'est le contrôleur contrôlé. Nous l'avons durement éprouvé, notamment à Paris, lors des manifestations dites des gilets jaunes pendant de très nombreuses semaines. C'est aujourd'hui la politique même de maintien de l'ordre qui pose problème dans le cadre des manifestations, qui, je me permets de le rappeler, sont un droit fondamental dans notre République.
Nous estimons que l'autorisation aurait dû revenir à un magistrat dans le cadre d'opérations de police judiciaire, c'est-à-dire aux fins d'identification et d'arrestation des auteurs d'infractions. À ce sujet, monsieur le ministre, je me permets un petit aparté sur notre amendement n° 319 à l'article 18, qui offre la possibilité d'utiliser des drones avec caméra dans un cadre judiciaire s'agissant du sujet très précis des rodéos motorisés. C'est une disposition très attendue par nombre d'élus locaux et de riverains qui subissent ces rodéos.
Ensuite, l'article prévoit que l'utilisation de ces outils doit être strictement nécessaire aux missions concernées. Or, dans la rédaction actuelle, ce n'est pas vraiment le cas.
Enfin, la loi est censée définir ces missions en termes précis. Or ils sont très vagues, vous en conviendrez. Rien ne viendra donc limiter le pouvoir de l'autorité administrative quant au déploiement de ces drones de surveillance.
C'est pourquoi nous sommes très défavorables à cet article. Comme pour la vidéoprotection, dont nous avons discuté hier, nous ne sommes absolument pas hostiles au dispositif lui-même, mais il convient de le faire entrer dans un cadre judiciaire, qui nous paraît mieux adapté.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'opposent à l'adoption de cet article, dont les dispositions encadrant l'utilisation des drones étaient déjà présentes dans la proposition de loi pour une sécurité globale : or nous nous y étions déjà opposés lors de l'examen de ce texte. L'article tel qu'il était présenté dans la loi précitée a fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel, car les motifs de l'utilisation des drones se révélaient beaucoup trop larges, crainte dont nous vous avions fait part et que vous n'aviez pas entendue.
Nous reconnaissons toutefois une grande avancée dans le présent texte, puisque ni la reconnaissance faciale ni l'interconnexion ou mise en relation automatisée avec d'autres traitements de données à caractère personnel ne seront mises en œuvre à partir des images captées. Cependant, nous sommes surpris de voir cet article revenir une nouvelle fois devant le Parlement, alors que les garanties apportées nous apparaissaient minimales. Finalement, les drones pourront être déployés dans quelque situation que ce soit, ou presque. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une société qui dérive progressivement vers une surveillance de masse.
Par ailleurs, ce dispositif nous paraît peu efficace en matière de dissuasion et de prévention et l'usage des caméras aéroportées ne peut se substituer aux moyens humains. Dans de nombreux départements, les forces de l'ordre ne sont pas suffisantes pour assurer correctement les missions de sécurité publique. Nous regrettons que ce volet soit une nouvelle fois oublié dans ce projet de loi, la réserve opérationnelle ne répondant pas, à notre sens, nous vous l'avons dit hier soir, à cette problématique.
De plus, le Conseil d'État souligne, je le cite, que « la législation en cause aurait gagné en cohérence et en lisibilité avec la création d'un régime unifié pour l'ensemble des caméras utilisées par les services de l'État ou, à tout le moins, en cas d'harmonisation des règles applicables aux services de police et de gendarmerie, d'une part, et de sécurité civile, d'autre part, et de reconnaissance explicite d'un régime légal d'encadrement du recours aux caméras aéroportées dans le cadre des missions de police judiciaire ». Il « regrette que le projet, il est vrai rédigé dans de brefs délais, ne retienne aucune de ces deux options ».
Nous sommes défavorables au principe même de la surveillance par les drones, même avec les garanties – je mets des guillemets à garanties – ici proposées. Il est d'ailleurs étrange, ou cocasse, que la nouvelle proposition ait retiré, par rapport à la loi pour une sécurité globale, la possibilité d'utiliser des drones en matière judiciaire, alors que c'était la seule matière où un usage des drones pouvait être contrôlé par l'autorité judiciaire, contrôle assurant un minimum des garanties – but poursuivi ou durée d'utilisation, par exemple.
En revanche, vous inscrivez dans le texte qu'il s'agit de prévenir des actes de terrorisme. Comme on raconte, en même temps, que le terrorisme peut frapper partout, tout le temps, n'importe comment, cela signifie que, sur ce seul critère, vous pourrez déployer des drones partout sur le territoire national, sans avoir même à avertir les citoyens filmés, avec les rengaines habituelles : « Si vous n'avez rien à vous reprocher, si vous n'avez rien à cacher, que craignez-vous ? » Je crains, moi, les dérives habituelles dans ce pays des systèmes de surveillance – sans parler de leur inefficacité.
J'insiste sur ce dernier point : car nous avons déjà recouru à des drones au cours de manifestations – le préfet de police de Paris Lallement a été coutumier de cet usage. A-t-il obtenu des résultats en matière de gestion des manifestations, notamment de diminution de la violence ou d'une meilleure prise en compte des interpellations ? Non : nous avons observé, alors que des drones étaient utilisés, les mêmes scénarios de gaz lacrymogènes en veux-tu en voilà et de nasses, alors que le Conseil d'État lui-même les a critiquées comme méthode de maintien de l'ordre. Cela signifie qu'on nous enfume quant à l'utilité de ce genre d'appareils.
Je passe sur le fait que le ministère n'ait même pas attendu que le texte soit voté pour acheter des drones.
La parole est à Mme Lamia El Aaraje, pour soutenir l'amendement n° 318 .
Cet amendement de suppression ne vous étonnera pas après ma prise de parole sur l'article, lequel reprend les dispositions retoquées par le Conseil constitutionnel de la loi pour une sécurité globale. Les critères d'encadrement de la vidéosurveillance par drone sont trop flous et les garanties trop difficiles à corréler aux libertés fondamentales. Quand je vois la rigueur exigée dans le cadre des systèmes de vidéoprotection, je suis étonnée que, dans ce cadre-ci, beaucoup plus ouvert, on ne soit pas capable d'offrir des garanties précises en matière de libertés fondamentales.
J'ai évoqué les rodéos motorisés. Il me semble que l'utilisation de cette captation d'images par drone est beaucoup plus adéquate dans ce cas, dès lors qu'elle a lieu dans un cadre judiciaire. C'est la preuve que nous n'y sommes pas opposés par principe.
C'est la politique même de maintien de l'ordre qu'il convient d'interroger. Or ce n'est pas l'utilisation de drones qui permettront de la modifier. Des groupes de travail ont été montés à l'échelle européenne en lien avec les élus de la Ville de Paris, à la suite de ce qui s'est passé avec les gilets jaunes : leurs conclusions ne me semblent pas inintéressantes. Elles mériteraient sans aucun doute que nous en discutions plus longuement afin de formuler des propositions.
Nous ne pouvons accepter que, systématiquement, quand se déroule une manifestation quelque part dans ce pays, et principalement en région parisienne, on craigne pour les biens et les personnes. Des gens aujourd'hui ne veulent plus participer à des manifestations, par peur des conséquences. Ce n'est pas normal. Quant aux commerçants, ils n'ont pas non plus à subir de dégâts. Or les drones ne répondront absolument pas à la problématique des troubles à l'ordre public dans le cadre des manifestations.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 389 .
Le groupe Libertés et territoires qui, comme vous le savez, est très attaché au respect des libertés individuelles et collectives, s'oppose évidemment à ce dispositif et en demande la suppression.
Je voudrais établir un parallèle avec d'autres techniques, utilisées dans le cadre du renseignement : elles sont très intrusives mais aussi très contrôlées, même lorsqu'il s'agit de terrorisme, notamment par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), dont le président a été renouvelé hier en commission des lois.
Or, dans le texte actuel, on préjuge d'un désordre lié à une manifestation pour déployer des techniques de surveillance qui ne seront contrôlées par personne. Je m'interroge, sinon sur une restriction toujours plus grande de nos libertés, du moins sur la création de dispositifs toujours plus intrusifs. Ce n'est pas la première fois, pendant ce quinquennat, que vous attentez aux libertés. Vous franchissez encore un palier pour régler un cas particulier. Notre groupe est très opposé à cette démarche et peut-être irons-nous plus loin pour tenter de faire tomber ce dispositif qui, je le répète, est trop intrusif et ne présente aucune garantie pour les personnes qui en seront victimes.
L'avis est défavorable à ces amendements de suppression. Je prendrai toutefois un peu de temps pour répondre, l'article 8 encadrant la mise en œuvre, par les forces de sécurité et les agents des douanes, des dispositifs de captation d'images par des caméras aéroportées, qu'elles soient installées dans des avions, des hélicoptères ou des drones.
Comme pour les articles 7 et 9, il revient au législateur de fixer un régime juridique clair et cohérent, afin de préserver l'utilité opérationnelle de ces nouveaux outils tout en garantissant le droit au respect de la vie privée et la protection des données personnelles. C'est l'orientation qui fut la mienne lorsque j'ai remis mon rapport au Premier ministre sur ce sujet la semaine dernière et c'est, bien entendu, toujours la mienne en tant que rapporteur de ce projet de loi.
Là encore, à la suite de décisions contentieuses du Conseil d'État en 2020, la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi pour une sécurité globale a censuré l'essentiel des dispositions prévues par ce texte pour plusieurs motifs.
Les finalités pour lesquelles les drones pouvaient être utilisés étaient particulièrement larges, à l'image de la lutte contre l'ensemble des infractions contraventionnelles ou de l'objectif d'assurer le respect des arrêtés municipaux. De plus, la loi ne prévoyait aucune limite à la durée d'utilisation d'un drone par l'autorité judiciaire ou administrative. Par ailleurs, le recours aux drones ne présentait pas de caractère subsidiaire en matière de police administrative. Enfin, contrairement aux règles applicables en matière de renseignement – monsieur Clément, je rappelle que j'étais, aux côtés de M. Guillaume Larrivé, son président, avec M. Loïc Kervran rapporteur de la mission d'évaluation de la loi de 2015 relative au renseignement –, s'agissant par exemple de l'utilisation des appareils IMSI-catchers, aucun contingentement du nombre de drones n'était prévu par la loi.
Pour l'ensemble de ces raisons, le cadre ainsi posé est apparu insuffisamment rigoureux, ce qui a motivé la censure de l'essentiel des dispositions régissant l'utilisation des drones. L'objet de l'article 8 est précisément de tirer les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle et de prévoir toutes les garanties nécessaires à la protection de la vie privée, car le principe du recours à des caméras aéroportées n'est pas contraire en soi à la Constitution : je vous renvoie sur ce point à l'avis du Conseil d'État.
Ainsi, l'article 8 précise que l'utilisation des caméras aéroportées ne peut viser que des finalités de police administrative limitativement énumérées, telles que, par exemple, la prévention des atteintes à la sécurité des personnes, la prévention des actes de terrorisme, la surveillance des frontières ou la régulation des flux de transport. La durée de conservation des données est limitée à sept jours. Les conditions de fonctionnement des caméras aéroportées sont strictement encadrées. Le recours aux caméras aéroportées est soumis à une procédure d'autorisation préfectorale, dans le respect d'un double contingentement permettant de déterminer le nombre maximal de caméras pouvant procéder aux enregistrements. Toutes ces dispositions s'inspirent des remarques formulées par le Conseil constitutionnel, ce qui garantit à la fois l'opérationnalité du dispositif et sa sécurité juridique.
M. le rapporteur a tout dit, je serai donc bref. Je ne veux pas, en effet, alourdir notre débat sur un sujet qui nous a déjà beaucoup occupés lors de l'examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Je soulignerai simplement à mon tour que nous avons tiré les conséquences de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur ce précédent texte et de celle du Conseil d'État sur le schéma national du maintien de l'ordre.
Il n'est évidemment pas attentatoire aux libertés de faire voler des hélicoptères dotés de caméras ou des drones. Rappelons-le une fois encore, aujourd'hui, l'interdiction d'utiliser des drones s'applique à une seule catégorie de la population : les policiers et les gendarmes. Que l'usage des caméras aéroportées soit encadré et soumis à un statut particulier paraît normal, mais cette interdiction paraît quelque peu excessive, vous en conviendrez !
Le drone n'est pas tout à fait une caméra qui vole puisqu'il n'est pas régi par les mêmes techniques de protection de la vie privée – nous en avons déjà largement débattu. Dans un esprit de compromis, nous avions proposé un système qui nous paraissait équilibré : une procédure d'autorisation par l'autorité judiciaire pour les finalités d'utilisation judiciaires ; une procédure d'autorisation préfectorale pour les finalités de police administrative. Le Conseil constitutionnel a toutefois considéré que nous devions aller plus loin dans la protection et la construction juridiques.
La CNIL et les juristes préconisent, quant à eux – contrairement aux partis de l'opposition –, un statut juridique unique pour l'ensemble des images enregistrées, qu'elles soient captées par des caméras de vidéoprotection, des caméras mobiles ou des drones. Il s'agira sans doute d'un travail long et compliqué, que nous mènerons peut-être dans le cadre de la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), annoncée par le Président de la République, dans la continuité du Livre blanc de la sécurité intérieure.
Revenons à l'article 8 : il vise à répondre à l'urgence de la situation, puisque nous avons le besoin impératif de faire voler des drones. Nous le faisons d'ailleurs déjà dans des circonstances exceptionnelles pour lesquelles le risque d'atteinte imminente à la sécurité nationale est avéré – bien entendu, avec l'accord du juge, toujours très compréhensif sur ce sujet.
En ce qui concerne l'ordre public, madame El Aaraje, vous pouvez me menacer de tous les procès du monde, je réaffirme que le système de maintien de l'ordre public français est un très bon système, salué par la quasi-intégralité des observateurs internationaux. Nous avons affronté une année de violences contre policiers et les gendarmes sans jamais que la vie d'un manifestant soit menacée. En réalité, mon action s'inscrit dans le droit fil du travail de Bernard Cazeneuve et de Manuel Valls, ministres d'un gouvernement socialiste.
Manifestement, vous vous en écartez radicalement !
Bernard Cazeneuve et Manuel Valls n'étaient pourtant pas connus pour attenter aux libertés.
M. Ugo Bernalicis et Mme Lamia El Aaraje s'interpellent.
Monsieur Bernalicis, madame El Aaraje, vous débattrez de vos différences programmatiques et idéologiques plus tard ! Il ne s'agit pas ici d'une réunion d'union politique.
En tout état de cause, ce n'est pas une insulte que de vous renvoyer à M. Cazeneuve et à M. Valls. Ces grands ministres de l'intérieur socialistes ont inscrit leur action dans la continuité de celle de Georges Clemenceau, qui a profondément inspiré la doctrine française du maintien de l'ordre public et qui était très attentif au respect des libertés fondamentales.
M. Clément a d'ailleurs lui-même soutenu jadis les gouvernements auxquels appartenaient ces deux ministres, qui ont mené une politique dans ce domaine à laquelle je n'aurais personnellement strictement rien à redire. Il n'y a pas, d'un côté, les gouvernements qui défendent les libertés et, de l'autre, ceux qui ne les soutiennent pas. Si c'était le cas, notre débat n'aurait pas beaucoup d'intérêt.
Pour assurer l'ordre public dans de bonnes conditions, il est évidemment nécessaire de limiter l'usage de la force, mais aussi de nous doter des instruments indispensables pour répondre aux difficultés qui caractérisent notre époque, liées notamment à la diminution des services d'ordre dans les manifestations. Ce n'est évidemment pas la même chose de surveiller une manifestation de quelques millions de personnes, dotée d'un important service d'ordre, dans la capitale, et des centaines de manifestations tous les samedis, en France, sans services d'ordre – les manifestants ont bien entendu le droit de manifester, mais dans le respect absolu des biens et des personnes. Les problèmes surgissent aussi quand les responsables des services d'ordre sont aveugles aux débordements ou n'ont pas reçu la formation qui leur permettrait d'assumer efficacement cette tâche. L'une des erreurs commises par notre pays a été de diminuer le nombre de policiers, de CRS et de gendarmes mobiles,…
…dont le métier est précisément d'encadrer les manifestations et qui ont été formés pour cela.
Ne confondons pas les sujets, la stratégie française en matière de maintien de l'ordre et l'utilisation des techniques de captation d'images par des caméras aéroportées. Chacun peut le comprendre facilement : certes, le drone ne résout pas tout, mais il constitue une source d'information utile pour prendre les décisions dans les salles de commandement. Il offre par ailleurs à chacun la possibilité de se référer aux images de ce qui s'est passé.
Madame El Aaraje, vous êtes un peu contradictoire. J'eusse évidemment aimé que les finalités judiciaires pour lesquelles les drones peuvent être utilisés intègrent les rodéos urbains. Le Gouvernement l'avait d'ailleurs proposé, mais notre texte a été censuré par le Conseil constitutionnel. Il nous faudra revenir sur le sujet lorsque nous refondrons le statut juridique des images dans notre pays. Il est évident que pour lutter contre les rodéos urbains qui pourrissent la vie de nos concitoyens, le recours à la caméra de vidéoprotection ne suffit pas. Par définition, le motocross qui fait du bruit dans un quartier et qui tue des piétons – encore très récemment, à Toulouse – doit son pouvoir de nuisance à sa mobilité. Or il est beaucoup plus simple d'organiser des vidéopatrouilles avec des drones qu'avec des caméras de vidéoprotection, dont toutes les municipalités ne disposent pas, ce qui peut se comprendre.
Je veux, par ailleurs, le redire, notamment à l'intention de M. Clément : le régime juridique relatif à la captation d'images que nous proposons à l'article 8 est tout à fait attaquable, et bien davantage que les techniques de renseignement. L'autorisation administrative désormais délivrée par le préfet pour l'utilisation d'une caméra aéroportée sera, en effet, comme toutes les autorisations administratives, attaquable devant le juge des libertés qu'est le juge administratif – au tribunal administratif et éventuellement au Conseil d'État, qui a validé le dispositif en amont – c'est une drôle d'atteinte aux libertés que celle qui est approuvée par le Conseil d'État, vous en conviendrez ! Le juge pourra par ailleurs apprécier la proportionnalité de chaque usage des drones proposé par l'administration au regard de la finalité poursuivie. Je le répète, chaque citoyen ou chaque organisation aura la possibilité d'attaquer l'arrêté administratif pris par un préfet.
Ce régime est donc beaucoup plus protecteur que celui qui prévaut pour les techniques de renseignement. Il est assez rare que l'on saisisse le tribunal administratif lorsque l'on est mis sur écoute – en général, on n'est pas au courant ! L'autorisation est donnée par des responsables politiques – dont je suis, évidemment –, sans oublier la consultation d'une autorité administrative indépendante, qui n'informe pas les citoyens a priori. Je ne m'étendrai pas plus longuement sur le régime juridique relatif aux techniques de renseignement, mais je ne peux laisser dire que les libertés sont mieux protégées quand la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) place des individus sur écoute que lorsque le préfet prend un arrêté de manière officielle, lequel est contestable par chacun devant le tribunal administratif. Il me semble donc que vous allez un peu loin dans votre argumentation, monsieur le député !
Nous avons donc besoin de l'article 8 à la fois pour les forces de l'ordre et pour nos concitoyens. Il est proportionné et respectueux de la décision du Conseil constitutionnel, il propose un dispositif garant des libertés fondamentales, tout en tenant compte des évolutions technologiques actuelles. Les voyous, aujourd'hui, vous le savez, font voler des drones. Nous devons nous inscrire dans la même révolution du maintien de l'ordre que celle engagée par le préfet Louis Lépine : lorsque les voyous ont commencé à utiliser des voitures, les policiers ont utilisé des voitures ; lorsque les voyous ont utilisé le téléphone, le téléphone a été installé dans les commissariats.
Ce qui a été possible au XIX
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
Contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, un particulier ne peut pas faire voler des drones quand il veut, où il veut.
Il peut faire voler des drones !
Un régime d'autorisation s'applique en fonction des catégories de drones. Vous dites que n'importe qui peut faire voler un drone et espionner tout le monde, sauf les policiers. C'est une contre-vérité ! Vous vous moquez non seulement de nous, mais aussi de la réglementation en vigueur dans notre pays. Et si des drones sont utilisés illégalement, alors la police devrait intervenir. Faire en sorte que moins de drones circulent, ce serait, pour le coup, une belle mission de police administrative ! Mais ce n'est évidemment pas votre projet politique, puisque vous voulez, au contraire, utiliser davantage de drones. Heureusement que les voyous n'utilisent pas des lance-roquettes :…
…vous seriez capables de nous expliquer demain que les policiers doivent également en utiliser ! Voyez l'ineptie de votre raisonnement – mais nous sommes habitués.
Rappelons, par ailleurs, ce qu'a relevé le Conseil d'État, le 22 décembre 2020, dans sa décision relative à l'usage des drones pour surveiller les manifestations à Paris : « Le ministre n'apporte pas d'élément de nature à établir que l'objectif de garantie de la sécurité publique lors de rassemblements de personnes sur la voie publique ne pourrait être atteint pleinement, dans les circonstances actuelles, en l'absence de recours à des drones. »
Vous assénez que nous avons besoin des drones, mais, monsieur le ministre, vous n'en avez fait la démonstration ni devant le Conseil d'État – autrement, vous auriez certainement obtenu une décision plus favorable –, ni dans cet hémicycle. Vous ne nous dites pas pourquoi les drones sont utiles, efficaces, voire indispensables et pourquoi ils nous manquent aujourd'hui. Vous n'en faites pas la démonstration, parce que vous êtes incapable de la faire. Ce que vous voulez, en réalité, c'est un nouvel outil de surveillance, au cas où… « Vous comprenez, les drones existent : il faut les utiliser ! »
Fort heureusement, nous n'utilisons pas toutes les technologies existantes. La responsabilité du législateur est précisément de déterminer celles qui doivent être mises en œuvre et à quel moment. Ce n'est pas parce que le Conseil constitutionnel n'a rien contre les drones eux-mêmes qu'il faut que le Parlement soutienne leur utilisation, a fortiori dans le cas qui nous occupe. Les finalités poursuivies – prévention du terrorisme, maintien de l'ordre – et les garanties prévues par le dispositif, exposées dans le projet de loi, ne sont absolument pas convaincantes. Nous refusons cette surveillance de masse, puisqu'il s'agit bien de cela – plus de 600 drones ont déjà été achetés par le ministère de l'intérieur.
Si vous nous disiez que vous avez été surpris par la censure du Conseil constitutionnel et que vous avez déjà commandé un grand nombre de drones, qui doivent aujourd'hui être utilisés pour être rentabilisés, alors nous pourrions éventuellement comprendre votre raisonnement, mais ce n'est pas celui que vous tenez. Pourquoi insistez-vous autant sur le nécessaire recours aux drones ? Êtes-vous un joueur de Watch Dogs ?
Êtes-vous tombé amoureux du jeu ? Avez-vous trouvé génial d'être surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Que s'est-il passé ? Nous aimerions comprendre !
Nous avons, pour notre part, de nombreux arguments à opposer au dispositif proposé par ce projet de loi. Nous les avons présentés lors de l'examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale et nous les avons de nouveau exposés dans ce débat.
En tout état de cause, vos arguments sont un peu légers, monsieur le ministre !
Je suis ravie, monsieur Darmanin, que vous vous référiez à Bernard Cazeneuve et à Manuel Valls, mais je ne suis pas certaine que vous agissiez tout à fait dans le même esprit politique qu'eux – ne polémiquons pas, nous ne sommes pas là pour refaire le monde, quand bien même vous laissez entendre le contraire.
S'agissant du Conseil constitutionnel, il ne s'est pas opposé par principe à l'usage des drones pour finalités judiciaires : il a simplement souligné que le texte était mal écrit. Vos affirmations sont donc inexactes.
D'ailleurs, l'utilisation des drones par les policiers et les gendarmes a déjà lieu, comme nous l'avons vu à Paris, mais elle a lieu hors du cadre légal. Il est donc en effet nécessaire d'encadrer cette pratique, mais de manière précise.
Je suis surprise par vos propos sur la politique de maintien de l'ordre. Comment pouvez-vous affirmer qu'elle constitue une réussite à l'échelle du territoire ? Ce n'est absolument pas vrai ! Par respect à l'égard des Parisiens, vous devriez reconnaître qu'elle s'est globalement soldée par un échec, qu'il s'agisse des gilets jaunes ou de toute autre manifestation à l'heure actuelle.
J'habite dans le 20
Et ce pour de multiples raisons. Je ne remets en cause ni la bonne volonté des manifestants, impuissants face aux casseurs, ni celle des policiers présents, qui ont fait ce qu'ils ont pu, mais les consignes données et l'autorisation accordée ne correspondaient absolument pas à la nature du quartier dans lequel se déroulait la manifestation. Résultat : des dizaines de commerçants et de familles ont pâti des débordements et ont dû être accompagnés financièrement pour remonter la pente, dans un contexte de crise sanitaire déjà difficile. Un sujet aussi délicat mérite d'être examiné avec honnêteté. Vous êtes le seul à estimer que la politique de maintien de l'ordre à Paris est une grande réussite au plan international.
Monsieur Bernalicis, vous vous illustrez une fois encore par vos propos tout en nuance et en mesure !
Vous demandez pourquoi M. le ministre insiste autant sur les dispositifs de captation d'images par caméras aéroportées. Je n'ai pas d'a priori à leur sujet, mais j'entends ce que disent les représentants des forces de l'ordre sur le terrain : ils sont démunis dans certaines situations.
M. Ugo Bernalicis s'exclame.
Nous avons évoqué hier le cas des personnes qui refusent d'arrêter leur véhicule à la demande des forces de l'ordre. Je pense bien sûr aux courses-poursuites et aux rodéos urbains.
Monsieur Bernalicis, nous vous avons écouté ; c'est maintenant à Mme Brocard de s'exprimer.
Je vous remercie, monsieur le président !
On comprend aisément, dans le cas des courses-poursuites et des rodéos urbains, comment le drone peut constituer un outil utile aux forces de l'ordre.
Quant aux manifestations, madame El Aaraje, en effet, elles posent actuellement problème. Nous l'avons vu lors de celles des gilets jaunes : parce qu'ils sont très mobiles, les black blocs sont très difficiles à interpeller. Dans ce cas précis, il ne me choque pas que les forces de l'ordre utilisent des drones pour mieux les repérer.
Je voudrais ajouter une dernière chose, qui n'est certes plus du ressort ni du droit ni de la législation : dans notre société, la diffusion d'images est omniprésente, et ces images sont souvent tronquées. Sur le plan individuel, cela ne pose finalement de problème à personne. Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas mettre cet outil à la disposition des forces de l'ordre.
Je voudrais très rapidement réagir aux propos de ma collègue socialiste. J'espère qu'elle ne croira pas que je lui en tienne rigueur mais je l'ai entendue, au détour d'une explication, nous dire tout le mal qu'elle pense du dispositif proposé. Elle aurait observé, à Paris, les forces de l'ordre utiliser des drones sans en avoir l'autorisation.
Si, si, chère collègue, c'est ce que vous avez dit. Vous venez de le dire ! Faites attention à ce que vous dites ! Selon vous, les forces de l'ordre utilisent ces dispositifs alors qu'ils n'en ont pas le droit. On ne peut se permettre de formuler de telles accusations à la cantonade, au détour d'une argumentation : cela me paraît fort peu approprié.
M. Ugo Bernalicis proteste.
Sur le fond, vous avez entendu, dans le cadre des auditions menées en commission, que les forces de l'ordre ont besoin de ce type de dispositifs. Je ne vois donc pas pourquoi vous vous opposez par principe aux procédures proposées, alors qu'elles sont assorties de garanties qui doivent permettre une utilisation restreinte. Il faut arrêter de s'opposer de manière systématique, par principe, à tout ce qui est proposé ; une telle attitude est absolument anormale car il est nécessaire – je le répète – que les forces de l'ordre puissent utiliser de tels dispositifs.
On ne peut pas laisser dire absolument n'importe quoi, et je remercie le député Terlier de l'avoir souligné en partie.
Tout d'abord, en effet, il est évident qu'on ne peut pas faire voler un drone avant d'avoir obtenu l'autorisation définitive de la CNIL, du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel : puisque des décisions nous ont notifié que nous ne pouvions pas utiliser de drones tant qu'un régime juridique spécifique n'aurait pas été approuvé par le législateur – je constate d'ailleurs que les autorités administratives et le Conseil d'État se sont parfois un peu contredits, l'un disant que nous n'avions pas besoin de loi, les autres qu'il en fallait une –, aucun drone ne vole. Par respect pour les responsables de la République, arrêtons de dire n'importe quoi !
Ensuite, je le dis à Mme la députée : je pense que ses mots ont dépassé sa pensée. Le mot « carnage » a un sens : il faudrait commencer par utiliser les mots de manière proportionnée, car c'est la modération qui devrait gouverner ces questions essentielles. Nous avons manifestement un différend idéologique : vous êtes sur la ligne de M. Bernalicis, tandis que je suis sur celle de Bernard Cazeneuve.
Mme Lamia El Aaraje et M. Ugo Bernalicis rient.
En effet, je l'assume ! Mais ce n'est pas grave !
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Cela pose d'ailleurs une question fondamentale, celle de savoir comment l'on construit des partis de gouvernement, mais c'est un autre sujet. Cependant, un tel désaccord a tout de même une signification : il montre qu'au fond, ces questions sont politiques.
De notre côté, nous pensons que la sécurité est la garantie de la liberté, y compris de manifester, d'aller et de venir. Voilà ! Nous faisons confiance aux forces de l'ordre pour utiliser la force de manière proportionnée, selon la loi. Cela n'empêche pas que des contrôles soient menés et que des sanctions soient prises à l'encontre de ceux qui, dans un cadre spécifique, ne respecteraient pas les limites de la violence légitime dont ils ont le monopole, par exemple en utilisant la force dont ils disposent ou les images qu'ils captent pour autre chose que ce qui est prévu par la loi. Des sanctions sont prévues et c'est d'autant plus vrai que l'utilisation des drones est soumise à un régime d'autorisation ; le dispositif est donc très encadré.
Quant à vous, vous partez du principe que les choses se passent mal par définition. Vous n'avez pas un mot pour les 6 000 policiers et gendarmes blessés pendant les manifestations des gilets jaunes,…
…alors que pas un seul manifestant – regardez comment les choses se passent dans tous les autres pays du monde – n'est décédé du fait de la police ou de la gendarmerie pendant toute cette année de mobilisation. On pourrait tout de même remercier les policiers et les gendarmes !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
Ce serait la moindre des choses. Ils ont travaillé dans des conditions tout à fait déplorables, face à des gens venus se battre contre eux avec des barres de fer, des barres à mine, des armes de poing, des armes tout court !
Oui, ce sont les faits : il y a des gens qui incendient des voitures de police, des biens publics et privés, ou qui s'en prennent à des monuments historiques, et vous n'avez pas un mot pour le déplorer. Au bout de trois interventions de votre part, je pense que c'est assez révélateur d'une certaine forme de pensée !
Monsieur Bernalicis, vous dites vraiment n'importe quoi pour soutenir votre thèse. Aujourd'hui, chaque citoyen peut faire voler un drone ! S'il veut le faire voler au-dessus d'habitations, il doit demander une autorisation, mais il a le droit de la demander. Il ne s'agit d'ailleurs pas que des citoyens : les maisons de production de cinéma ou les collectivités locales – qui s'en servent par exemple pour faire leur vidéo de vœux de fin d'année –…
…peuvent également faire voler des drones, sans même demander d'autorisation, par exemple sur des terrains industriels. Quiconque le souhaite peut faire voler un drone ! Cela nécessite parfois une autorisation, lorsqu'on veut passer au-dessus d'un jardin ou d'un lieu privé, mais la police et la gendarmerie, elles, n'ont pas le droit de le faire, même avec autorisation ! C'est précisément l'objet du texte : qu'elles puissent être autorisées à le faire.
Mais en leur sein, personne ne le pourra sans avoir transmis un acte administratif spécifique, qui devra présenter le problème justifiant de faire voler un drone, en prenant appui sur la loi et sur le règlement. Le document en question devra être rendu public et il pourra être contesté auprès du tribunal administratif et du Conseil d'État. Parmi tous ceux qui font voler des drones, les policiers et les gendarmes sont donc soumis au régime le plus contraignant !
Par conséquent, monsieur Bernalicis, s'il vous plaît, vous avez le droit de dire que vous n'aimez pas les drones et de penser que la police et la gendarmerie ne doivent pas en utiliser ; vous avez même le droit de penser que tous les policiers et tous les gendarmes n'ont par nature qu'une envie, celle de violenter l'ordre public ou la liberté individuelle des personnes, mais ne dites pas le contraire de la vérité : aujourd'hui, chaque citoyen peut demander l'autorisation de faire voler son drone personnel, et chaque entreprise – capitalistique, monsieur le député –,…
…peut également faire voler un drone après en avoir demandé l'autorisation, mais l'administration de la République française, elle, ne le peut pas. Voilà ! Ce qu'on autorise aux collectivités locales, aux entreprises et aux citoyens, nous demandons simplement que les forces de l'ordre puissent en bénéficier, dans le cadre d'une autorisation administrative qui pourra, d'ailleurs, être contestée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
J'ai un désaccord avec ma famille politique sur ce sujet et je crois qu'il s'agit d'un débat de société qui n'est pas anecdotique. Nous ne pouvons pas nous contenter de suivre le progrès technologique : nous devons l'encadrer en fonction de ce que nous voulons pour notre société. Je vous rejoins sur un point, monsieur le ministre : d'une certaine manière, je trouve que le cadre légal régissant actuellement l'utilisation des drones par les particuliers est trop laxiste.
Pour être totalement cohérent avec ce que je pense des drones, je serais pour encadrer davantage leur utilisation.
Le présent amendement vise d'ailleurs à créer deux cadres légaux distincts, l'un pour les drones et l'autre pour les hélicoptères ou les avions directement pilotés par des êtres humains. Je crois qu'une partie de nos concitoyens – j'en fais partie – ne souhaite pas voir l'utilisation des drones se généraliser, et plus particulièrement – c'est ce qui nous intéresse en l'espèce –, par les forces de l'ordre. Les drones sont des appareils intrusifs, dont la présence dans l'espace aérien conduit d'une certaine manière à une déshumanisation du rapport entre les citoyens et la police. C'est ainsi que le perçoivent nos concitoyens et ce n'est pas positif.
En outre, eu égard à leur coût modeste, ils peuvent être utilisés de manière beaucoup plus systématique que les hélicoptères ou les avions. L'alinéa 17 de l'article 8 me pose donc un vrai problème : je n'imagine pas que l'on puisse faire surveiller quotidiennement des quartiers entiers par des drones. Cela reviendrait à étendre leur utilisation à une visée préventive, et non plus seulement dans des cas d'urgence.
À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, l'article a, certes, introduit des avancées en matière de respect de la vie privée. Mais nous devons être très vigilants quant à l'utilisation d'outils aussi puissants qui, à mon avis, pourraient aller à l'encontre de nombre de nos libertés. Ce n'est pas un débat technique : il s'agit de définir la manière dont nous considérons l'utilisation des nouvelles technologies dans notre société. Voilà pourquoi je propose un tel amendement : son adoption nous permettrait de déterminer à quel moment on peut faire usage des drones et quand il est préférable d'utiliser des moyens conventionnels, hélicoptères et avions, pour lesquels le cadre proposé me semble adéquat.
Vous faites mon désespoir, monsieur Rupin ! Je pensais vous avoir convaincu en commission ,
Mme Blandine Brocard sourit
mais je vois que votre amendement revient en séance. Mes arguments n'étaient peut-être – malheureusement – pas suffisants,…
…mais contrairement à ce que vous dites, un drone n'est pas un robot. Je crois que vous devez intégrer cette réalité : derrière chaque drone se trouve un téléopérateur. Je souhaite d'ailleurs leur rendre hommage : j'ai eu l'occasion d'en rencontrer quelques-uns pour préparer le projet de loi et je peux vous dire qu'ils sont très bien formés, très professionnels et très attentifs. Je profite donc de cette occasion pour les saluer : ces fonctionnaires de police, ces gendarmes ou ces douaniers accomplissent un travail remarquable. Le présent article doit précisément leur permettre – c'est son objectif – de remplir encore mieux leur fonction et, aussi, d'être moins exposés aux risques malheureusement provoqués par certains manifestants, qui s'en prennent de manière éhontée aux forces de l'ordre.
S'agissant de votre amendement, monsieur Rupin, l'article 8 du projet de loi – contrairement, à l'article 47 de la loi pour une sécurité globale, avec lequel vous faites peut-être une confusion – concerne l'ensemble des caméras aéroportées, qu'il s'agisse de drones mais aussi d'avions ou d'hélicoptères.
Je crois donc que la mesure proposée renforce encore la protection que vous appelez de vos vœux. Un tel champ d'application est cohérent : en effet, il n'y a pas lieu de distinguer les images enregistrées par des caméras aéroportées depuis des aéronefs – c'est le terme juridique consacré –, suivant qu'une personne se trouve à bord ou non. Ce n'est pas tant le vecteur qui pose vraiment problème que les conditions dans lesquelles les caméras aéroportées sont utilisées. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur votre amendement.
J'ai l'impression que nos forces de police ont acheté les drones les plus ringards qui puissent exister ! J'ai, pour ma part, déjà piloté un drone : il était doté de capacités assez extraordinaires. En effet, il suffisait que je cible une personne ; ensuite, la machine pouvait la suivre toute seule, sans que j'agisse. Je vous entends dire que le drone n'a pas de capacités autonomes semblables à celle d'un robot, mais c'est faux ! Il a une capacité autonome : elle est disponible dans les drones accessibles au public et il suffit que l'opérateur l'active – je l'ai moi-même utilisée à l'occasion d'un mariage. Le dispositif intègre donc une capacité qui ressemble à de la reconnaissance faciale : je le répète, une fois qu'une personne est ciblée, le drone peut la suivre tout seul, sans que l'opérateur ait besoin d'intervenir à nouveau. À mon avis, un drone permet donc d'entrer dans la vie privée d'une personne,…
…en la suivant par exemple au sein d'une ville. Si une telle possibilité n'est pas attentatoire à la liberté, alors je ne sais pas ce qui l'est !
Je suis membre de la commission des affaires étrangères, comme d'autres ici. Quand on veut classer un État sur le plan de son rapport aux libertés individuelles, on observe notamment sa capacité à surveiller les gens – la Chine, pour ne pas la citer, est souvent mentionnée dans ce domaine. Nous sommes critiques vis-à-vis de situations de ce type, et nous disons tous que nous n'aimerions pas vivre dans une société caractérisée par une surveillance permanente, exercée à l'aide de caméras partout présentes, intégrant désormais la reconnaissance faciale. Nous ne voulons pas vivre dans une telle société ! Et pourtant, progressivement, pour des raisons de sécurité – les Chinois invoquent les mêmes arguments –, notre société développe elle aussi ce genre de dispositifs rendus possibles par les moyens techniques existants. Je vous invite à résister à cette tentation.
Je vais donner la parole à MM. Terlier et Rupin, qui sont du même groupe, mais j'ai le pressentiment qu'ils n'ont pas la même opinion. La parole est à M. Jean Terlier.
Sourires.
Je voudrais simplement dire à mon collègue Pacôme Rupin, pour lequel j'ai la plus grande amitié, que le groupe majoritaire, lui, aime les drones ! Plaisanterie mise à part, M. Lecoq vient précisément de fournir un contre-argument aux propos de M. Rupin, qui correspond d'ailleurs à ce qu'a très bien expliqué M. le rapporteur. M. Lecoq dit qu'au bout du compte, les drones sont des robots : mais on voit bien que ce n'est pas le cas ! Ils doivent être pilotés par des humains.
Votre démonstration, monsieur Lecoq, ne résiste donc pas à l'examen : par exemple, lorsque vous l'enclenchez, le mode vidéo de votre téléphone portable tourne tout seul jusqu'à ce que vous l'arrêtiez ; de la même manière, dans une voiture, une fois que le régulateur est lancé, il fonctionne tout seul ! Ces améliorations technologiques nécessitent une maîtrise, un contrôle de l'humain au début et à la fin de l'utilisation ! On ne peut donc pas comparer les drones à des robots,…
…qui seraient dotés d'une conscience et d'une capacité d'action autonomes.
Merci, monsieur le président, d'avoir bien voulu me redonner la parole. Monsieur le rapporteur, je voulais également vous remercier. Le présent amendement est différent de celui que j'avais déposé en commission : à la suite de nos discussions, j'ai été convaincu qu'il fallait établir un cadre spécifique pour les hélicoptères et pour les avions, et que le cadre proposé était plus respectueux de la vie privée et de nos libertés que celui qui existe actuellement. Il va dans le bon sens, et c'est bien pour cette raison que j'ai repris ce cadre en rédigeant mon nouvel amendement.
En revanche, vous dites que les drones sont pilotés par des personnes qui se trouvent derrière un écran. C'est vrai, en effet, mais il est important de souligner que les gens, lorsqu'ils voient un drone passer au-dessus de leur tête, ne perçoivent pas tout à fait les choses de cette manière : ils peuvent se demander à quoi sert le drone en question, et s'en inquiéter. Au contraire, lorsqu'un hélicoptère de la gendarmerie ou de la police, identifié comme tel, intervient, c'est plutôt rassurant, car c'est souvent en cas d'urgence.
Cependant, la question – soulevée à l'instant par M. Lecoq – est de savoir si ces drones pourront fonctionner de manière autonome, ce qui est envisageable compte tenu de l'évolution technologique actuelle. Ceux qui sont utilisés par la police ne peuvent pas le faire actuellement, mais le pourront à l'avenir. Si nous ne mettons pas noir sur blanc qu'un drone doit être piloté par un être humain par écran interposé, le cadre juridique que nous sommes en train d'adopter pourrait permettre l'usage de drones de la police fonctionnant de manière automatique. Ce n'est pas une petite question. C'est pourquoi j'aurais souhaité quelques éclaircissements sur ce point. Le cadre que nous nous apprêtons à adopter interdit-il l'utilisation par la police de drones fonctionnant de manière automatique ?
L'amendement n° 276 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 40 .
Par cet amendement d'appel je souhaite compléter l'alinéa 6 – qui dispose que « les images captées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service chargé de la conduite et de l'exécution de l'intervention » – par les mots « en vue de les analyser ». Cela tombe un peu sous le sens, me direz-vous, et c'est pourquoi j'ai précisé qu'il s'agit d'un amendement d'appel. Si cet alinéa est en lui-même tout à fait pertinent, se pose évidemment la question du personnel qui sera affecté à l'analyse des images. Avons-nous suffisamment de personnel pour assurer une telle analyse ou bien cet alinéa n'aura-t-il in fine qu'une portée très limitée ?
La précision que vous demandez ne me semble pas nécessaire puisque, comme vous le dites vous-même, cela tombe sous le sens que ces images seront analysées. Quant aux règles régissant la manière dont elles le seront, elles relèvent plutôt du pouvoir réglementaire, de l'organisation du travail et de la formation des opérateurs chargés d'exploiter ces images. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 40 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 41 .
M'inspirant d'une préconisation émise lors des auditions, je propose de modifier l'alinéa 14 disposant que les enregistrements effectués par drones sont conservés pendant une durée maximale de sept jours, afin de porter cette période à seize jours pour l'aligner sur la durée maximale de l'enquête de flagrance – huit jours – renouvelable une fois.
Lors de nos travaux en commission, monsieur le rapporteur, vous m'aviez dit que cet amendement ne serait pas recevable parce qu'il pourrait être frappé du sceau de l'inconstitutionnalité. Pourquoi cette mesure serait-elle inconstitutionnelle alors que, précisément, je prends le soin de l'aligner sur la durée maximum de l'enquête de flagrance ? Ma proposition traduit une volonté d'offrir aux forces de l'ordre une efficacité maximale.
Votre amendement relaie une préconisation qui a effectivement été émise lors des auditions auxquelles vous avez participé, ce dont je vous remercie. J'en comprends l'objectif, mais nous avons le souci de nous caler de manière stricte sur la décision du Conseil constitutionnel. Étendre la durée maximale de conservation de sept à seize jours apparaît excessif et disproportionné. Cela serait de nature à déséquilibrer juridiquement le dispositif, au risque d'encourir une censure constitutionnelle. Par conséquent, j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 41 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous avons évidemment tous à cœur de garantir la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens. À cet égard, la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés a créé un arsenal législatif utile dans la lutte contre ces rodéos, que ce projet de loi tend à renforcer notamment à l'article 18, ce que nous saluons.
Le présent article inscrit la possibilité pour les forces de l'ordre d'utiliser les caméras aéroportées en matière administrative, en tenant compte de la décision du 20 mai dernier du Conseil constitutionnel. Cependant, il ne semble pas prendre en compte les rodéos. L'amendement vise donc à ajouter les rodéos à la liste des infractions pour lesquelles l'utilisation des dispositifs de caméras sur aéronefs est possible en matière administrative. Cela est d'autant plus justifié que nos concitoyens manifestent une exaspération croissante face à ce fléau, les rodéos urbains étant très dangereux. Faut-il rappeler que deux passantes sont décédées cet été après avoir été percutées par des deux-roues ?
Dans des situations bien précises, démontrer nos capacités d'action en utilisant ces moyens aéroportés peut avoir un effet dissuasif sans laisser s'installer un sentiment d'impuissance. Il importe bien sûr de préserver les libertés : l'objectif est d'utiliser ces drones de manière proportionnée, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays, en prévoyant des limites temporelles et spatiales et des garanties telles que celles offertes à l'article 8.
L'amendement est issu de l'une des recommandations de la mission d'évaluation de l'impact de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés, que mon collègue Robin Reda et moi-même avons menée et dont nous avons présenté le rapport le 8 septembre. Je serai attentive à votre réponse sur ce sujet du renforcement des mesures destinées à lutter contre les rodéos.
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement n° 376 .
Cet amendement va dans le même sens que celui de ma collègue dont je veux saluer le travail destiné à mieux sanctionner les participants à ces rodéos.
À Marseille et ailleurs, les forces de l'ordre sont mobilisées sur le terrain contre ces rodéos urbains qui pourrissent littéralement la vie de nos concitoyens et qui mettent aussi en danger les policiers et gendarmes. À Marseille, plus d'une centaine de véhicules ont été confisqués et détruits l'année dernière lors d'opérations de contrôles ciblées et de nombreuses personnes ont été interpellées. À cette occasion, je tiens à souligner le travail des policiers sur le terrain.
D'expérience, nous savons que la vidéoprotection – notamment l'utilisation des drones – peut-être un outil très utile pour les policiers. Ce sont eux qui en parlent le plus. Nous avons eu un débat sur l'intérêt de la vidéoprotection, sur l'utilisation des drones. Pour ma part, j'ai le souvenir d'une visite du ministre à Marseille, au commissariat du quart Nord, à laquelle participaient quelques élus marseillais qui, par principe, étaient plutôt réticents à l'utilisation de la vidéoprotection. Au fur et à mesure que nous discutions avec les policiers, ils étaient finalement rattrapés par la réalité : ces vidéos sont utiles en matière de prévention.
Il s'agit d'utiliser des drones dans un cadre administratif. Nous savons tous – élus, habitants, policiers – que ces rodéos se passent toujours dans les mêmes endroits. Permettons aux policiers de pouvoir surveiller ces zones de manière encadrée : cet article protège aussi les libertés individuelles. Contrairement à ce qu'ont dit certains orateurs, il ne s'agit pas du tout d'une surveillance de masse. L'idée est de prévenir les infractions précises, dans des lieux précis, dans un cadre très précis également.
Ces amendements visent à étendre la liste des finalités au titre desquelles les caméras aéroportées peuvent être autorisées afin d'y inclure la lutte contre les rodéos motorisés. D'autres amendements proposeront également d'inclure d'autres finalités, notamment en matière de police judiciaire. Permettez-moi de prendre le temps d'expliquer la position de la commission sur l'ensemble de ces amendements, ce qui m'évitera de la répéter sur chacun d'entre eux par la suite.
Je veux tout d'abord saluer le travail remarquable d'évaluation de la loi du 3 août 2018 que nos collègues Robin Reda et Natalia Pouzyreff ont accompli récemment sur les rodéos motorisés, qui, en plus d'être une pratique dangereuse pour ceux qui s'y adonnent, engendrent des nuisances insupportables pour les riverains. Nous sommes tous confrontés à ces difficultés, que ce soit à Saint-Étienne, Marseille ou ailleurs. Soyez assurés que nous sommes parfaitement conscients de la gravité de ce phénomène et des nuisances qu'il cause à nos concitoyens.
Sur ces amendements et sur les suivants, dont la rédaction va au-delà des finalités de police administrative actuellement prévues par l'article 8, je solliciterai cependant une demande de retrait et, à défaut, émettrai un avis défavorable, pour au moins trois raisons.
Premièrement, sans méconnaître aucunement l'importance des nuisances causées par ces rodéos motorisés, il me semble qu'ils ne relèvent pas tout à fait du même registre que les infractions énumérées à l'alinéa 17, telles que les trafics d'armes et de stupéfiants ou les risques d'agression. Inclure les rodéos motorisés à cette liste ne me paraît pas cohérent sur ce point et pourrait en outre déséquilibrer l'ensemble du dispositif, alors même qu'il s'agit d'un élément soulevé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 mai 2021.
Deuxièmement, l'alinéa 20 de l'article 8 ouvre la possibilité pour la police et la gendarmerie d'utiliser les images captées par des caméras aéroportées afin de réguler des flux de transport aux seules fins du maintien de l'ordre et de la sécurité publics. Cette finalité, strictement circonscrite à la police administrative, devrait permettre de lutter contre les pratiques contraires au code de la route que ces amendements décrivent.
Troisièmement, de façon plus large et en ce qui concerne l'extension des finalités aux activités de police judiciaire, je laisserai M. le ministre répondre, mais je crois savoir que le Gouvernement vient de solliciter un avis du Conseil d'État afin de déterminer s'il était juridiquement nécessaire d'adopter des règles spécifiques en la matière, ou si le cadre fixé par le code de procédure pénale est déjà suffisant. Ce sujet étant encore en débat, il ne me semble pas non plus opportun de le trancher avant d'avoir reçu la réponse du Conseil d'État.
D'où la position de la commission concernant ces amendements, même si nous partageons les préoccupations qui vous ont guidés lors de vos travaux.
M. le rapporteur m'invite à m'exprimer, mais il a tout dit. Je vais donc être bref.
Nous poursuivons le même but : permettre l'usage de drones dans le cas particulier de la lutte contre les rodéos urbains. Nous pensons qu'il n'y a pas besoin de textes supplémentaires pour ce faire alors que la chancellerie pense le contraire. Ou l'inverse, je ne sais plus. En fait, c'est l'inverse.
Nous avons donc saisi le Conseil d'État pour savoir exactement quel est l'état du droit et s'il est nécessaire de l'adapter. Pour ne pas faire de bêtises et risquer la censure, sur les plans administratif et judiciaire, nous proposons d'attendre l'avis du Conseil d'État, afin de pouvoir inscrire en dur, si j'ose dire, des dispositions qui nous permettraient d'encadrer juridiquement l'utilisation de ces techniques nouvelles dans la lutte contre les rodéos urbains.
Nous demandons le retrait des amendements pour que le Gouvernement puisse proposer une meilleure rédaction du texte, tout en répondant à vos préoccupations.
J'abonde dans le sens du ministre et du rapporteur, tout en soulignant la qualité du travail réalisé par nos collègues Natalia Pouzyreff et Alexandra Louis sur ce sujet. Comme le ministre l'a très bien dit, la décision du Conseil constitutionnel nous contraint à ne pas fragiliser le dispositif prévu et à circonscrire l'utilisation de drones dans le cadre de la police administrative sans l'étendre à celui de la police judiciaire. C'est pourquoi je prône aussi un retrait de ces amendements pour ne pas fragiliser le dispositif que nous nous apprêtons à adopter.
Prenant note des craintes exprimées, je vais retirer l'amendement n° 398 , dans l'attente de l'avis du Conseil d'État. Quoi qu'il en soit, je remercie le rapporteur pour ses paroles et le ministre pour son engagement dans ce domaine.
Rappelons qu'en 2019, dans sa communication et les réponses apportées à des questions écrites de parlementaires, le ministère de l'intérieur expliquait que le texte récemment adopté pour lutter contre les rodéos motorisés suffirait pour appréhender les auteurs. Vous-même ne cessez de répéter des chiffres comme celui de 1 600 véhicules saisis. Nous reposons donc la question : à quoi sert-il de recourir en plus à des drones si le système actuel fonctionne déjà correctement ? Comme d'habitude, vous continuez à renforcer l'effet cliquet en autorisant l'usage de dispositifs de plus en plus intrusifs, alors que ce n'est pas forcément utile et proportionné.
Je répète à M. Bernalicis qu'entre-temps sont intervenues les décisions de la CNIL et du Conseil d'État. Auparavant, en l'absence de décision positive et dans le silence de la loi, certaines pratiques étaient autorisées. Néanmoins, comme nous sommes des républicains et des démocrates attentifs au respect de l'État de droit, lorsqu'une autorité administrative et le Conseil d'État nous expliquent que nous ne pourrons utiliser de drones qu'à condition que le législateur épuise sa compétence – ce qu'il fait aujourd'hui –, nous nous plions à leurs décisions. Entre 2019 et septembre 2021, il s'est écoulé l'année 2020 et le début de l'année 2021.
Je remercie le rapporteur et le ministre pour leurs réponses très claires. Nous nous accordons effectivement sur l'opportunité d'utiliser des drones pour lutter contre les rodéos motorisés, et nous voulons tous veiller à le faire dans le respect de la Constitution. C'est la raison pour laquelle je retire mon amendement. Nous serons attentifs, pour la suite, à l'avis que rendra le Conseil d'État.
L'amendement n° 77 n'est pas adopté.
L'amendement vise à permettre, dans le cadre d'une expérimentation de trois ans – pour répondre aux réserves du Conseil d'État –, l'utilisation de ces vidéos dans la collecte de preuve, le constat des infractions, ainsi que l'identification et la poursuite des auteurs. Ces preuves permettraient notamment – cela a déjà été dit, mais il est important de le répéter –, de poursuivre les auteurs de rodéos urbains dans le cadre des missions de la police judiciaire et d'enrayer ce fléau qui nuit à la tranquillité de vie des habitants.
Dès lors que la doctrine qui prévaut en France consiste à proscrire les courses-poursuites, les choses ne peuvent pas rester en l'état : chacun voit l'exaspération que ce phénomène provoque chez nos concitoyens. S'il faut attendre l'autorisation du Conseil d'État pour avancer en la matière, expérimenter l'utilisation des drones pour réprimer les rodéos urbains constituerait donc, à mon sens, un bon moyen terme.
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff, pour soutenir l'amendement identique n° 399 .
Dans le cadre de la mission d'évaluation de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés que nous avons menée conjointement, Robin Reda et moi-même avons souligné que les forces de l'ordre ne sont pas habilitées à poursuivre et à prendre en chasse les auteurs de ces faits. On peut le comprendre, du fait des dommages collatéraux que cela pourrait entraîner et des risques pour les passants qui seraient pris dans de telles courses-poursuites. Nous avons aussi noté une difficulté liée à la collecte de preuves et à l'identification des auteurs.
Nous saluons les apports du présent texte, notamment le fait que l'article 9 ouvre la possibilité pour les forces de l'ordre de disposer de caméras embarquées ainsi que le déploiement de caméras-piétons. Néanmoins, nous estimons nécessaire de combiner plusieurs moyens, dont, pourquoi pas, une utilisation des drones par les forces de l'ordre en matière judiciaire. Cette recommandation figure dans le rapport rédigé par Robin Reda et moi-même.
L'article 8 du projet de loi, tel qu'il est rédigé, ne permet pas cet usage, car il l'autorise uniquement à des fins administratives. Tout en tenant compte de l'avis du Conseil constitutionnel, l'amendement vise à permettre l'utilisation de drones à titre expérimental, de façon limitée dans le temps, pour les seules infractions de rodéo urbain, et sur autorisation de l'autorité compétente.
Une telle mesure permettrait d'ailleurs également de juger de l'efficacité de ces dispositifs. Chacun sait en effet que les drones souffrent de quelques limitations techniques, en matière notamment de portée et de résolution des images.
L'amendement n° 184 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
J'apporterai évidemment la même réponse à Mmes Ménard et Pouzyreff : croyez bien que je suis attaché, dans d'autres domaines, à inscrire dans la loi davantage de droits à l'expérimentation. S'agissant du texte qui nous occupe, cependant, j'estime que nous devons en rester à ce que j'indiquais précédemment. La philosophie, comme le soulignait Mme Ménard, est la même. Par conséquent, mon avis reste le même également. Avis défavorable.
L'amendement n° 184 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de repli – car, comme je l'indiquais tout à l'heure, je suis opposé à l'utilisation des drones. Il me semble qu'il serait moins intrusif et inquiétant pour nos concitoyens que les drones, quand ils sont utilisés par les forces de l'ordre, ne soient ni visibles ni perceptibles par les personnes résidant ou circulant dans le périmètre d'utilisation : ce serait un moindre mal.
Cela permettrait aux forces de l'ordre de faire leur travail sans que l'outil utilisé soit intrusif pour les citoyens qui habitent ou circulent dans les périmètres surveillés.
Décidément, nous ne nous entendrons pas sur ces questions. J'émets un avis défavorable, car votre proposition me semble précisément aller à l'encontre de ce que propose déjà l'article L. 242-3 du code de la sécurité intérieure,…
…qui pose, conformément à la demande du Conseil constitutionnel, le principe de l'information du public quant à la mise en œuvre de tels outils de captation d'image.
Au-delà même des difficultés opérationnelles que créerait l'adoption de votre amendement, ce dernier me paraît donc de nature à fragiliser l'ensemble du dispositif.
La question de l'information du public est intéressante. La décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 25 mai 2021 ne dit rien à ce propos, puisqu'il n'a pas eu à examiner ces griefs pour se prononcer sur la censure de l'article concerné. Il n'y a donc pas de matière applicable, en l'occurrence.
Pourtant, nous avions soulevé cet élément, car, dans la précédente rédaction du texte, il était prévu que, par principe, sauf en matière de lutte le terrorisme, toute utilisation d'un drone serait rendue publique sur un support de communication accessible – par exemple le site du ministère de l'intérieur –, où les citoyens auraient pu savoir que tel drone avait volé à tel endroit, tel jour et à telle heure.
Vous avez supprimé tout cela et vous vous contentez de prévoir que la demande d'utilisation du drone devra préciser, « le cas échéant, les modalités d'information du public » : il faudra que l'information soit prévue, mais sans aucune garantie ni précision. Alors, prétendre que le mécanisme que vous présentez aujourd'hui est plus protecteur, franchement !
Monsieur le rapporteur, on peut très bien informer les citoyens que leur quartier est surveillé et faire en sorte que l'utilisation de l'outil de surveillance ne soit ni visible ni perceptible : les deux ne sont pas incompatibles. Les drones occasionnent tout de même une gêne : ils font du bruit, occupent l'espace aérien, les citoyens se demandent pourquoi ils sont là. Je ne crois pas que nous parlions du même sujet : l'amendement vise plutôt, ici, la nuisance causée par les drones présents dans l'espace aérien, et non l'information du public.
L'amendement n° 277 n'est pas adopté.
Déposé par ma collègue Paula Forteza, il vise à apporter une garantie supplémentaire quant à l'usage des drones en le proscrivant dans les espaces privés. L'article, tel qu'il est rédigé, n'exclut leur utilisation que pour l'intérieur des domiciles. Or la notion d'espace privé est plus large, puisqu'elle englobe aussi les espaces extérieurs ou les habitacles des véhicules. L'amendement vise donc à préciser que l'usage des drones n'est pas interdit seulement pour l'intérieur des domiciles, mais aussi pour les espaces extérieurs des propriétés privées et les habitacles des véhicules.
L'amendement n° 84 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 42 .
Il s'agit de compléter l'alinéa 24 de l'article 8. Si je demande cette précision, c'est parce que j'avais déposé, en commission puis en séance, des amendements qui ont été déclarés irrecevables et qui visaient à ce que les drones puissent être utilisés par la police municipale et non uniquement par la police nationale et la gendarmerie. En effet, les dispositifs de vidéoprotection étant le plus souvent installés par les communes, c'est traditionnellement la police municipale – en lien avec la police nationale ou la gendarmerie, bien entendu –, qui visionne les images aux côtés d'un officier de police judiciaire.
L'usage des drones par la police municipale serait donc utile, non seulement contre les rodéos urbains, mais aussi, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, dans certaines petites communes – dont certaines sont situées dans ma circonscription –, pour lutter contre la cabanisation en identifiant des zones difficilement accessibles et des terrains qui accueillent des constructions ou des habitations mobiles de loisir dissimulées par les propriétaires. Il permettrait aussi de protéger les personnes habitant dans des lieux retirés situés en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), qui subissent directement les débordements de cours d'eaux lors de fortes précipitations.
Ces missions, à l'évidence incombent davantage à la police municipale qu'à la police nationale, qui a d'autres tâches à accomplir. L'utilisation de drones ou d'aéronefs dans ce cadre par les polices municipales pourrait donc se révéler très utile. Le policier municipal qui m'a alertée sur ces questions m'expliquait par exemple que 62 % du territoire de sa commune se trouve en zone inondable et demeure inaccessible par voie terrestre en cas d'inondation.
Il me semble que Mme Ménard ne défendait pas l'amendement n° 42 , mais des amendements ultérieurs. Avis défavorable néanmoins.
L'amendement n° 42 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Déposé par ma collègue Paula Forteza, il s'agit d'un amendement d'appel, visant à éviter une utilisation massive des drones, à laquelle nous sommes opposées. Nous souhaitons apporter une garantie supplémentaire en exigeant une autorisation du procureur de la République avant toute utilisation d'un drone par les forces de police et de gendarmerie.
L'amendement n° 79 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement n° 394 .
Dans la continuité des garanties supplémentaires à apporter pour encadrer l'utilisation des drones, cet amendement, proposé par le Conseil national des barreaux, vise à permettre au représentant de l'État ayant délivré l'autorisation d'usage des drones d'y mettre fin avant la durée maximale de trois mois. Il est en effet nécessaire que le représentant de l'État exerce un contrôle sur cette autorisation.
Ne tombons pas dans l'excès. Par parallélisme des formes, l'autorité préfectorale peut tout à fait décider de retirer une autorisation qu'elle aurait elle-même délivrée, dès lors qu'elle considère que cette autorisation n'est plus justifiée au regard des critères prévus par la loi. Laissons-lui au moins cette possibilité. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 394 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 44 .
Il vise à permettre le renouvellement du droit à l'utilisation de dispositifs aéroportés pour une durée de vingt-quatre heures, sur autorisation expresse de l'autorité compétente.
Monsieur le ministre, j'avais obtenu en commission des éléments de réponse du rapporteur s'agissant de l'utilisation des drones par la police municipale. En revanche, n'ayant pas entendu votre avis sur cette question, j'aimerais le connaître. Est-ce une possibilité envisageable dans les années à venir ou considérez-vous, par principe, que cet usage doit être réservé à la police et à la gendarmerie nationales ?
Dans le cadre de la procédure dérogatoire en cas d'urgence, il n'y a pas lieu de prévoir le renouvellement d'une autorisation d'utilisation au-delà de vingt-quatre heures car, alors, nous ne serions précisément plus dans un contexte d'urgence, lequel justifiait le recours à une procédure dérogatoire.
Le cas échéant, le service demandeur peut tout à fait solliciter le préfet dans le cadre de la procédure classique prévue par les alinéas 25 et suivants. Avis défavorable.
Je ne suis pas défavorable à l'utilisation par la police municipale de moyens de vidéoprotection et de drones. Il faut cependant, comme toujours, traiter cette question de façon proportionnée en fonction des finalités. De même que pour la police nationale ou la gendarmerie, la surveillance d'un événement spécifique ou d'un lieu particulièrement criminogène pourrait être expérimentée, dans le cadre d'autorisations expresses. Je n'y suis pas défavorable, je le répète. Le travail mené actuellement ici et au Sénat, ainsi qu'avec le Conseil d'État, laisse une place à cette possibilité.
De toute façon, vous connaissez la situation actuelle. Les collectivités font déjà voler des drones, non pas pour assurer la sécurité mais dans le cadre d'opérations événementielles ou de projets urbanistiques par exemple. L'utilisation des drones par les collectivités n'est donc pas impossible dans l'absolu mais il faut en connaître les finalités. Il faudrait en outre que les agents municipaux soient soumis au même type de régime que la police nationale ou la gendarmerie, et donc qu'ils expliquent pourquoi ils utilisent ce moyen, qui serait notamment attaquable.
L'amendement n° 44 n'est pas adopté.
Sur l'article 8, je suis saisi par les groupes La République en marche et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements n° 82 de Mme Albane Gaillot et 45 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 47 .
L'actuel article L. 242-6 du code de la sécurité intérieure dispose que « les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours, les personnels des services de l'État et les militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile ou les membres des associations agréées de sécurité civile au sens de l'article L. 725-1 » ne peuvent avoir recours à l'usage de drones que dans deux cas de figure : la prévention des risques naturels ou technologiques et le secours aux personnes et la lutte contre l'incendie.
Cet amendement vise à ajouter une troisième condition : la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens. Comme je l'avais expliqué en commission, il s'agit de renforcer la sécurité, notamment des pompiers, et d'enrichir ainsi le plan de prévention et de lutte contre les agressions visant les sapeurs-pompiers mis en place durant l'été 2020.
Cette proposition répond, encore une fois, à un souci d'efficacité. Vous le savez, les pompiers utilisent de manière très efficace les drones pour lutter contre les incendies. Peut-être avez-vous déjà eu l'occasion d'assister à ce type d'opération, réellement spectaculaire. Grâce aux drones, ils peuvent en effet repérer des zones dans lesquelles un feu couve mais qui ne sont pas forcément visibles à l'œil nu. C'est donc très utile pour eux.
Il arrive aussi – j'en parle également en connaissance de cause – que les pompiers ne veuillent plus intervenir seuls dans des quartiers difficiles, comme on dit pudiquement de nos jours, parce qu'ils craignent, à juste titre, de tomber dans des guets-apens. Ce type de situation se produisant de plus en plus régulièrement, ils n'interviennent dans ces quartiers que lorsqu'ils sont accompagnés de la police, qu'elle soit nationale ou municipale.
Or l'envoi préalable d'un drone permettrait de vérifier que, en quelque sorte, le champ est libre, qu'ils ne courent aucun danger, qu'ils ne risquent pas de tomber dans un guet-apens, que, par exemple, le feu de poubelle pour lequel ils avaient été appelés n'est pas qu'un prétexte trouvé par une bande de voyous pour les attaquer ultérieurement. Grâce à l'usage des drones, ils n'auraient donc plus besoin d'attendre les forces de sécurité et mèneraient bien sûr plus efficacement leurs missions de protection civile, puisque eux-mêmes seraient protégés.
Votre amendement vise ici une finalité qui concerne les services de police et de gendarmerie dans le cadre de leurs missions de police administrative : c'est ce que prévoit explicitement l'alinéa 17 de l'article 8.
En revanche, cette finalité est inopérante s'agissant de l'utilisation des caméras embarquées par la sécurité civile qui doit rester circonscrite par cohérence aux finalités déjà prévues par l'article L. 242-6, lequel émane, je le rappelle, de la proposition de loi relative à la sécurité globale et avait été jugé conforme par le Conseil constitutionnel. Or il prévoit explicitement deux finalités : la prévention des risques naturels ou technologiques et le secours aux personnes et la lutte contre l'incendie.
Nous souhaitons rester dans le cadre de la loi qui a déjà été adoptée et conserver la cohérence globale de l'article. Je demande donc le retrait et émettrai, à défaut, un avis défavorable, même si j'entends vos arguments.
Monsieur le rapporteur, vous me répondez que vous souhaitez rester dans le cadre existant. Ce n'est pas un argument. Il faut accepter des modifications si le texte peut être amélioré.
Il ne me semble pas totalement irrationnel ou irresponsable de vouloir renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers en leur permettant d'utiliser des drones dans le cadre d'interventions dans des quartiers difficiles, pour empêcher qu'ils ne soient victimes de guets-apens, de fausses alertes ou d'attaques en règle.
J'aurais donc aimé une autre réponse que celle qui consiste à émettre un avis défavorable sur mon amendement uniquement parce qu'il faudrait absolument rester dans le cadre déjà prévu.
L'amendement n° 47 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 28
Nombre de suffrages exprimés 28
Majorité absolue 15
Pour l'adoption 23
Contre 5
L'article 8 est adopté.
L'article 9 ouvre la possibilité, pour les forces de l'ordre, d'utiliser des caméras embarquées à bord de leur véhicule dans un cadre juridique sécurisé. Cette disposition était très attendue par les forces de police et de gendarmerie nationales car elle leur permet d'avoir une vision plus large de la situation opérationnelle dans laquelle elles sont engagées.
La possibilité de voir les mouvements qui s'effectuent autour d'elles est aussi pour elles un gage de sécurité. La captation d'images constitue, de plus, un moyen d'amasser des preuves permettant d'identifier les auteurs de délits. Enfin les caméras embarquées, en permettant de garder une certaine distance de sécurité, peuvent représenter une solution alternative à la poursuite des auteurs de délits. C'est pourquoi l'utilisation des caméras embarquées faisait partie des recommandations de la mission d'évaluation que mon collègue Robin Reda et moi-même avons menée.
Je me félicite également que cette mesure rejoigne celles qu'a annoncées le Président de la République le 14 septembre lors du Beauvau de la sécurité et qui témoignent de la volonté d'équiper les véhicules de nos forces de l'ordre en caméras d'ici à 2023.
Comme ce fut le cas pour le précédent article, nous nous opposons à l'adoption de l'article 9 portant sur les caméras embarquées.
Ce nouveau régime autorise les services de police et de gendarmerie nationales, ainsi que la sécurité civile, à filmer et à enregistrer leurs interventions « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances ou au comportement des personnes concernées ». Ces caméras pourront être embarquées dans tout type de véhicule dans le cadre de missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection des personnes et des biens.
L'objectif affiché est d'assurer la sécurité des interventions des agents de la police nationale, des gendarmes, des sapeurs-pompiers, ainsi que des personnels des services de l'État et des militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile. Nous doutons de l'effet dissuasif de cette mesure – car tel est tout de même son objectif.
Tout autant que pour les drones, le Gouvernement entend prendre en considération les critiques formulées par le Conseil constitutionnel en apportant un lot de garanties oubliées. Bien que quelques-unes aient été ajoutées, celles-ci ne suffisent pas à nous rassurer sur le risque d'intrusion dans la vie privée des personnes que représente un tel dispositif. Les enregistrements comportant des données à caractère personnel seront conservés sept jours maximum, personne ne pourra y avoir accès sauf pour les besoins d'un signalement à l'autorité judiciaire – seule exception autorisée.
Cependant nous nous interrogeons fortement sur l'efficacité des caméras embarquées en matière de prévention et de dissuasion. Là encore, nous estimons que les moyens humains – nous insistons sur ce mot – sont importants et que des caméras de surveillance et autres robots, quels qu'ils soient, ne peuvent s'y substituer.
Premièrement, nous nous opposons par principe à ce type de dispositif car, en l'état actuel des recherches scientifiques, notamment à l'étranger – il n'en existe quasiment pas en France –, l'utilité des caméras embarquées, ni d'ailleurs des caméras-piétons, n'est avérée. S'agissant de la vidéosurveillance, les recherches démontrent même que le bilan de l'analyse coût-bénéfice – en prenant en compte le coût budgétaire occasionné – est plutôt négatif.
Deuxièmement, la majorité nous dit qu'elle revient à la charge car, à la suite de la censure du Conseil constitutionnel et de l'avis du Conseil d'État, elle essaie d'apporter des garanties. Or, ce qui est assez extraordinaire, c'est que toutes les garanties s'accompagnent aussitôt d'un « sauf ». Ainsi, la caméra embarquée doit faire l'objet d'une signalétique visible indiquant aux personnes qu'elles sont potentiellement filmées, sauf s'il s'agit par exemple d'un véhicule de police banalisé. Nous comprenons bien la logique mais cette précision annule la garantie. On ne peut pas dire que l'on apporte une garantie alors qu'il n'y en aura pas, notamment pour les véhicules banalisés.
Avec ces exceptions égrenées tout au long du texte, toutes les – fausses, donc – garanties explosent les unes après les autres, au gré des circonstances, en fonction de ce qui se passe sur le terrain.
Je prie à la fois les collègues et le ministre de se rendre compte qu'ils s'exposent à une nouvelle censure. En effet, la démonstration sera faite que, lors de l'application du texte, les garanties disparaîtront et ne réapparaîtront jamais. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Je conclurai en faisant remarquer que si, a priori, dans votre esprit, les caméras embarquées sont prévues pour filmer non pas l'intérieur de l'habitacle mais l'extérieur, la possibilité de filmer l'intérieur aurait pu cependant aussi poser problème.
Ces amendements visent à supprimer l'article 9 qui encadre la mise en œuvre par les forces de sécurité des dispositifs de captation d'images installés dans leurs véhicules ou leurs embarcations lors de leurs interventions. Or, comme pour les articles 7 et 8, il s'agit d'un article utile afin de fixer un cadre légal à l'utilisation de ce que l'on appelle les caméras embarquées, à la suite de la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions prévues en ce sens par la loi pour une sécurité globale.
Celui-ci avait en effet considéré en mai dernier que les diverses finalités de police administrative, de police judiciaire et de sécurité civile pour lesquelles ces caméras pouvaient être utilisées étaient extrêmement larges. En outre, il a noté que leur utilisation était insuffisamment encadrée puisque aucune précision inhérente à la durée maximale d'enregistrement n'avait été prévue. Enfin, il avait estimé que les modalités d'information du public étaient également insuffisantes, n'étant fondées que sur l'affichage d'une simple signalétique sur les véhicules concernés.
L'article 9 semble répondre à l'ensemble des exigences soulevées par le Conseil constitutionnel, en s'inspirant notamment des règles applicables aux caméras-piétons. Le fait de choisir ce modèle constitue un changement de philosophie par rapport à la loi pour une sécurité globale. Une seule finalité est donc désormais possible : assurer la sécurité des agents dans l'exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public.
Nous pouvons nous accorder sur ce point. En effet nous avions assigné cet objectif aux caméras-piétons. Or nous savons aujourd'hui combien les forces de sécurité apprécient ce dispositif qui sécurise leurs patrouilles et répond au besoin qui avait été identifié : pacifier les relations avec nos concitoyens dans le cadre des opérations de contrôle.
La finalité est ici la même : assurer la sécurité des forces de sécurité dans l'exercice de leur mission de prévention des atteintes à l'ordre public, l'information du public étant garantie par la mise en place d'un signal sonore ou visuel spécifique indiquant si la caméra enregistre. J'ajoute que s'appliqueront les mêmes règles que pour les caméras aéroportées, en matière de durée de conservation, elle aussi limitée à sept jours, et de recueil des images de l'intérieur des domiciles et de leur entrée.
Enfin, à l'initiative de notre collègue Sacha Houlié, je confirme en séance que la commission a également interdit toute interconnexion des enregistrements ainsi effectués avec d'autres traitements de données à caractère personnel – nous avions alors évoqué les technologies de reconnaissance faciale.
Pour l'ensemble de ces raisons, qui témoignent de l'équilibre du dispositif, j'émets au nom de la commission un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Nous ne disposons d'aucun rapport, d'aucune évaluation un tant soit peu scientifique, d'aucun élément chiffré et circonstancié qui nous permettent de savoir si ce que vous racontez est vrai. Vos seuls arguments relèvent du ressenti. Je ne dis pas que le ressenti des policiers et des gendarmes qui utilisent aujourd'hui des caméras-piétons n'est pas important, ce ressenti qui vous permet de proposer l'extension du dispositif aux caméras embarquées parce que tout le monde trouverait cela cool : mais je commencerai par rappeler que ce n'est pas mon cas, donc que tout le monde n'est pas de cet avis.
J'ai également des témoignages de policiers, ainsi que des personnels pénitentiaires – car les caméras peuvent aujourd'hui être utilisées dans les quartiers disciplinaires –, qui confirment ce que j'ai lu dans des études étrangères : le bilan est plutôt nul parce que, s'il y a des gens que le déclenchement de la vidéo apaisera en effet, il y en a d'autres pour qui ce sera une cause d'escalade ou de surenchère, qui augmentera le niveau de tension et provoquera une situation de conflit avec la personne qu'on est censé gérer. J'aimerais bien pouvoir vous dire que vous avez raison dans les faits et qu'il ne s'agit, de ma part, que d'une opposition sur les grands principes mais, y compris d'un point de vue pragmatique – cette manière de voir les choses que vous appréciez tant –, vous n'avez aucun argument rationnel à faire valoir.
Une fois de plus, je constate que les garanties présentées n'en sont pas. Certes, il y aura dorénavant une signalétique, mais avec la possibilité de ne pas l'utiliser. De même, l'usage de la caméra est censé durer seulement le temps de l'intervention, mais il n'y a pas de définition de ce qu'est une intervention. Il y a, je suis désolé de vous le dire, monsieur le rapporteur, tout un tas de chausse-trapes juridiques, qui aboutissent à l'absence de vraies garanties.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 51 .
L'alinéa 8, qui insère un article L. 243-3 dans le code de la sécurité intérieure, dispose que « lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras embarquées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement ». Je propose de faire de cette faculté une obligation. C'est une question de bon sens, me semble-t-il, puisque la sécurité des agents est précisément menacée.
J'en profite pour revenir sur mon amendement n° 48 qui a été déclaré irrecevable. Il visait à permettre à la police municipale de procéder au moyen de caméras embarquées à un enregistrement de leurs interventions, parce que je ne vois pas pourquoi on les priverait de cette possibilité alors qu'elle est accordée aux agents de la police nationale, aux agents des douanes, aux gendarmes, aux sapeurs-pompiers et aux personnels des services de l'État et aux militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile. On pourrait légitimement ajouter à la liste les policiers municipaux. Vous savez bien, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que ce serait, pour eux aussi, un moyen de sécuriser leurs interventions et que ce dispositif, bien sûr, rassurerait également la population, qui saurait que ces interventions sont filmées.
L'amendement n° 51 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
Je suis saisi d'un amendement n° 360 rectifié portant article additionnel après l'article 9.
La parole est à M. Jean-Michel Mis, rapporteur, pour le soutenir.
J'ai souhaité en effet reprendre cet amendement déposé par Mme Park et M. Vuilletet, et sur lequel la commission avait émis un avis favorable, parce qu'il va dans le sens du renforcement des règles relatives à la répression des infractions en cas de méconnaissance des dispositions régissant l'interdiction de prises de vue aériennes. Il clarifie le cadre juridique proposé par le texte.
L'amendement n° 360 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement propose de supprimer l'alinéa 12 pour laisser la possibilité au préfet de limiter l'interdiction de détention d'armes à uniquement certaines catégories. En effet, l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure est d'une portée particulièrement large, ce qui peut se comprendre étant donné l'impératif de protection de la société. Il convient cependant de laisser une possibilité à l'autorité administrative de prendre des décisions au cas par cas, en fonction du délit qui a été commis et de la catégorie d'armes, s'agissant notamment des armes démilitarisées de catégorie C, non létales et détenues à des seules fins de collection, puisqu'elles ne représentent, contrairement aux autres, aucun danger.
Monsieur Diard, je prononcerai un avis défavorable parce que l'intérêt de cet alinéa est précisément d'assurer l'application de manière uniforme des interdictions de détention d'armes sur l'ensemble du territoire, dans un souci de cohérence à l'échelle nationale. Même si j'en comprends les motifs, maintenir la possibilité pour le préfet de limiter cette interdiction à uniquement certaines catégories d'armes me semble contraire à l'objectif recherché et même à la philosophie du texte.
L'amendement n° 159 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ce second amendement à l'article 10 vise à maintenir la procédure contradictoire dans le cadre des décisions d'interdiction d'acquisition et surtout de détention d'armes en application des articles L. 312-3 et L.312-3-2 du code de la sécurité intérieure. Il convient en effet de la maintenir car elle permet à l'autorité administrative de prendre ses décisions de manière juste, c'est-à-dire en fonction du délit commis et de la catégorie d'armes concernée, s'agissant notamment, je le redis, des armes démilitarisées de catégorie C, non létales et détenues à des seules fins de collection.
Il n'y a selon moi, cher collègue, pas lieu de maintenir une procédure contradictoire préalable à la remise desdites armes décidée par l'autorité préfectorale, dès lors que l'interdiction d'acquisition et de détention relève de l'application d'une condamnation pénale ou d'une ordonnance de protection. En effet, outre que cette procédure constitue un facteur de rigidité superflu dans les cas que vous évoquez, l'autorité préfectorale se retrouve alors en situation de compétence liée, ce qui signifie qu'elle ne dispose d'aucune marge de manœuvre quant à la décision qu'elle est tenue de prendre. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 160 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté.
Je suis saisi d'une série d'amendements portant article additionnel après l'article 10. Je vous suggère, monsieur Breton, de les défendre ensemble puisque vous en êtes l'auteur.
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais d'abord défendre le premier, puis les deux suivants, n° 350 et 351, avant d'en venir au dernier, l'amendement n° 352 . Je préfère procéder ainsi parce que, même s'ils concernent tous la question des collections d'armes et de matériels anciens, ils traitent de sujets différents et sont issus de propositions élaborées en lien avec les associations de collectionneurs.
Il propose d'offrir la possibilité aux mineurs à partir de 16 ans de devenir collectionneurs parce que cela permettrait d'aligner la condition d'âge sur celle qui existe pour d'autres pratiques : je pense notamment à la chasse et au tir sportif. Il serait en effet contradictoire, voire paradoxal, de leur permettre les unes et pas l'autre, sachant que la collection d'armes est bien sûr très encadrée.
Comme je l'ai dit à M. Breton en commission, l'avis sera défavorable à ces quatre amendements, d'autant plus que les règles applicables en la matière me semblent relever du pouvoir réglementaire. Je rappelle que la collection d'armes n'est ouverte qu'aux seules personnes majeures depuis la création du statut de collectionneur.
La réponse consistant à dire qu'on ne change rien parce que cela s'est toujours fait ainsi n'est absolument pas satisfaisante et je m'étonne que la majorité s'en contente. J'ai rappelé les conditions d'âge pour l'exercice de pratiques objectivement plus risquées, comme la chasse ou même le tir sportif et, pour les collections, dont on sait pourtant le régime juridique très encadré et sécurisé, vous dites non. J'attendais de votre part une réponse argumentée.
L'amendement n° 353 n'est pas adopté.
Ils visent à prévoir la possibilité pour les collectionneurs de demander une autorisation d'acquisition et de détention auprès de la préfecture pour les armes des catégories A ou B ayant une nature patrimoniale, c'est-à-dire pour les armes d'un modèle antérieur au 1er janvier 1946. Ainsi, les armes d'un modèle antérieur au 1er janvier 1900 seraient libres d'acquisition et de détention, celles d'un modèle compris entre 1900 et 1946 soumises à autorisation préalable pour les collectionneurs détenteurs de la carte de collectionneur, et celles d'un modèle postérieur à 1946 leur demeureraient inaccessibles.
La carte de collectionneur permettrait également d'acquérir et de détenir certains spécimens de munitions actives ainsi que tout type de munitions neutralisées et de munitions ou engins inertes dans un unique but culturel au titre de la collection, en excluant les munitions destinées à une quelconque utilisation.
Cet amendement vise à permettre le port d'armes détenues au titre de la carte de collectionneur, dans le cadre exclusif des reconstitutions historiques ou autres commémorations culturelles. Cette disposition relève en effet, monsieur le rapporteur, du domaine réglementaire, mais le but est de l'inscrire dans la loi afin qu'il n'y ait aucune contestation possible.
L'amendement n° 352 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet article vise à soumettre à l'obtention d'une autorisation préalable l'accès aux formations aux métiers de l'armurerie et de l'armement ; la délivrance de cette autorisation serait précédée d'une enquête administrative visant à écarter les personnes présentant un comportement à risque pour l'ordre et la sécurité publics.
Il convient en effet de s'assurer préalablement à leur entrée en formation que les postulants ne sont pas inscrits au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA). Face à la violence de notre société, il est impératif de mieux contrôler la circulation des armes dans notre pays. À cet égard, les arsenaux découverts lors des saisies policières sont de nature à nous inquiéter tant ils révèlent le volume important d'armes en circulation dans notre pays. Mieux contrôler l'accès aux formations aux métiers de l'armurerie et de l'armement paraît donc une mesure de bon sens face aux défis que pose l'accès aux armes.
L'article 10 bis est adopté.
J'indiquerai simplement que les derniers amendements que j'ai déposés, dont celui-ci, sont soit rédactionnels soit de coordination. Pour finir, je profiterai de cette prise de parole pour saluer – une fois n'est pas coutume – les élèves et les enseignants du lycée professionnel Benoît Fourneyron de Saint-Étienne ; ma circonscription a en effet la chance d'accueillir l'un des plus beaux lycées des métiers de l'armurerie de France.
L'amendement n° 359 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 10 ter, amendé, est adopté.
L'article 10 quater, amendé, est adopté.
Les amendements n° 356 et 355 rectifié de M. le rapporteur sont des amendements de coordination.
Les amendements n° 356 et 355 rectifié , acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 10 quinquies, amendé, est adopté.
L'amendement n° 366 de rédaction globale de M. le rapporteur est un amendement de coordination.
L'amendement n° 366 est adopté. En conséquence, l'article 11 est ainsi rédigé.
Cet article permet d'habiliter les gardes particuliers assermentés à constater, par procès-verbal, certaines contraventions en matière de police de la circulation et de la sécurité routières, dans les limites des propriétés dont ils ont la garde.
Nous sommes opposés à cette extension progressive des pouvoirs de constatation des agents de droit privé : n'étant pas des agents du service public, leurs fonctions et leurs habilitations ne doivent pas être étendues. En l'état actuel du droit, ces personnes doivent informer les officiers de police judiciaire les plus proches quand ils constatent une infraction.
Encore une fois, plutôt que de renforcer les moyens et de répondre aux besoins, cet article est le signe d'une politique qui vise à remplacer le service public par le privé, ce contre quoi nous nous élevons. Voilà pourquoi nous pensons qu'il faut supprimer l'article 17.
La parole est à Mme Lamia El Aaraje, pour soutenir l'amendement n° 386 .
Monsieur le président, si vous le permettez je défendrai également l'amendement n° 328 rectifié , qui s'inscrit dans le même esprit.
Comme l'a précisé ma collègue Danièle Obono, nous présentons un amendement de suppression pour une raison très simple. Nous avons eu l'occasion d'en débattre : la police est confrontée à un problème d'effectifs. Quand bien même vous annoncez leur augmentation, les effectifs ne correspondent pas aux besoins réels de la population. Ils ne permettent pas non plus d'accroître les moyens où ce serait nécessaire pour aller vers plus de police de proximité et renforcer les liens avec les citoyens. Nous estimons que la police des routes doit rester une activité de protection et de contrôle exercée par nos forces de l'ordre ; elle ne doit pas être déléguée.
Dans l'hypothèse où l'article ne serait pas supprimé, l'amendement de repli n° 328 rectifié demande un rapport qui permettrait de clarifier les attributions des gardes assermentés qui se verront attribuer des compétences de contrôle en matière de police de la route, alors que ces agents ne sont ni policiers, ni gendarmes, ni agents des douanes.
De façon sous-jacente, on constate une forme de privatisation rampante des activités de sécurité ; il est nécessaire que les parlementaires et les citoyens puissent y voir plus clair. Les parlementaires, notamment dans le cadre de leurs pouvoirs de contrôle, doivent être vigilants.
La parole est à M. Jean-François Eliaou, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
L'avis est défavorable. Je voudrais tout de même préciser les avantages à attendre de cette disposition. Tout d'abord, l'intervention des gardes particuliers assermentés allégera le travail de la gendarmerie nationale et des polices municipale et nationale ; c'est un élément important. En outre, la procédure de constatation des infractions sera plus rapide et simplifiée. Les propriétaires des terrains accessibles au public – c'est bien de cela qu'il s'agit – pourront solliciter directement les gardes particuliers assermentés qu'ils auront commissionnés pour procéder aux constatations.
Enfin, un point me semble très important : la présence de gardes assermentés sur les sites devrait permettre aux dispositions du code de la route d'être davantage respectées par les conducteurs ; c'est l'objectif. Même s'il y a suffisamment de policiers municipaux et nationaux et de gendarmes, il existe des troubles à l'ordre public parce que certains conducteurs font parfois un peu n'importe quoi. Je pense que ces propositions permettront de régler le problème.
Dernier point qui mérite d'être souligné, les gardes particuliers assermentés ne pourront pas constater l'ensemble des contraventions au code de la route. Une liste sera définie par décret, il s'agit donc d'une extension très limitée de leurs prérogatives. Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable. Pour ajouter un élément…
Outre le fait que je suis par principe défavorable aux demandes de rapport, je rappelle qu'un travail très récent a déjà été réalisé sur le sujet par le Conseil d'État. L'étude réalisée à la demande du Premier ministre sur les pouvoirs d'enquête de l'administration, rendue en juillet dernier, répondra, ma chère collègue, à vos interrogations ; je vous invite à vous y référer. Avis défavorable.
L'amendement n° 328 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement n° 162 .
Les gardes particuliers peuvent participer utilement au continuum de sécurité ; cela est notamment le cas en matière de circulation et de sécurité routières. C'est la raison pour laquelle le présent amendement de mon collègue Philippe Gosselin vise à garantir que soit conféré aux gardes particuliers le pouvoir – évidemment circonscrit aux limites des terrains dont ils ont la garde – de constater par procès-verbal certaines contraventions en matière de police de la circulation et de la sécurité routières.
Votre amendement va dans le même sens que l'article 17, mais il s'en distingue par une nuance très importante : il supprime la réserve qui y est inscrite s'agissant des gardes particuliers assermentés déjà habilités à constater par procès-verbal certaines infractions au titre de l'article L. 116-2 du code de la voirie routière. Comme vous le savez, il s'agit d'ingénieurs et de conducteurs de travaux publics de l'État qui verbalisent à titre principal des infractions au domaine public routier.
Ces agents sont déjà habilités à constater certaines infractions au code de la route, mais dans les limites qui sont posées par l'article R. 130-5 de ce code, qui impose que l'infraction soit connexe à une infraction à la police de la conservation du domaine public routier, ce qui est totalement différent. Il n'est pas envisagé que ces agents, dont le métier est très spécifique et que je viens très rapidement d'évoquer, puissent constater des contraventions au code de la route sans condition ; ce n'est ni utile ni souhaitable. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
En pratique, on sait très bien que ces gardes particuliers n'utilisent pas cette connexité : elle est très complexe à démontrer ou à matérialiser au regard des dispositions du code de procédure pénale et des trois éléments obligatoires du procès-verbal d'infraction, notamment l'élément moral.
L'amendement n° 162 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement n° 165 .
Le présent amendement simplifierait les procédures pour les gardes particuliers du domaine public routier. De plus, et c'est intéressant, il permettrait aux structures privées qui sont ouvertes à la circulation routière et qui comprennent des parkings de faire respecter le code de la route – je pense notamment aux emplacements réservés aux personnes à mobilité réduite.
L'amendement n° 165 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le présent amendement a pour objet de permettre aux agents de développement des fédérations départementales des chasseurs de constater par procès-verbal certaines infractions en matière de police de la circulation et de la sécurité routières. Il a été préparé en lien avec des responsables associatifs.
L'amendement n° 309 de M. Éric Ciotti est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements visent à permettre aux agents de développement des fédérations départementales des chasseurs commissionnés et assermentés de constater certaines contraventions au code de la route, dans la mesure où elles se rattachent à la sécurité et à la circulation routières. En pratique, ils sont déjà satisfaits : les agents dont vous parlez sont des gardes particuliers assermentés et sont donc concernés par l'article 17 du projet de loi. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'article 17 est adopté.
Je souhaite revenir sur le fléau des rodéos urbains, contre lequel il est nécessaire de lutter plus efficacement. Ces pratiques sont néfastes pour les riverains et des quartiers entiers de nos villes sont rendus invivables à cause de ces incivilités. Pire encore, la vie de nos concitoyens est menacée par ces conduites dangereuses.
Face aux auteurs de ces comportements à risque, il est nécessaire que la loi soit ferme et dissuasive. Les dispositions de cet article sont intéressantes à ce titre. Il faut faciliter l'identification des véhicules et renforcer les obligations de déclaration des véhicules auprès des autorités administratives. Je tiens surtout à saluer la réduction de quinze à sept jours du délai permettant de constater l'abandon d'un véhicule ayant servi à un rodéo urbain laissé en fourrière. Le véhicule pourra être livré à la destruction dès le constat de cet abandon. En outre, les véhicules ayant servi à des rodéos urbains pour lesquels les obligations relatives à l'immatriculation ou à l'identification n'ont pas été satisfaites par le propriétaire au moment de leur mise en fourrière pourront être considérés comme abandonnés dès leur entrée en fourrière et livrés à la destruction.
Ces mesures sont de nature à lutter plus efficacement encore contre les rodéos urbains et faciliteront le travail de nos forces de l'ordre. Nous souhaitons vivement leur adoption.
La lutte contre les rodéos est le travail de tout un mandat. Depuis 2017, les députés de la majorité n'ont cessé de recueillir les remontées du terrain sur les difficultés rencontrées par les élus locaux et les forces de l'ordre pour endiguer ce phénomène. Ce fléau concerne l'ensemble de nos territoires, urbains et ruraux. Avec nos collègues Catherine Osson, Mireille Clapot, Naïma Moutchou, Yaël Braun-Pivet, Stéphane Testé, Thomas Rudigoz, Saïd Ahamada, Bruno Studer, Rémy Rebeyrotte, Anissa Khedher, Yves Blein et Guillaume Gouffier-Cha, nous avons constaté partout en France l'exaspération croissante de nos concitoyens.
Nous nous félicitons des avancées apportées par l'article 18, notamment celles qui concernent les véhicules non soumis à restriction, c'est-à-dire non homologués. Ces avancées vont permettre une meilleure traçabilité, grâce à l'intégration des numéros d'identification et d'immatriculation de ces véhicules.
Nous saluons également le renforcement des obligations de déclaration des véhicules non homologués permis par le fichier de déclaration et d'identification de certains engins motorisés, ou « DICEM », et la facilitation des destructions rapides des véhicules, gage de prévention de la récidive.
Je me félicite des améliorations apportées à cet article en commission, suite à l'adoption d'un amendement que j'avais déposé afin de faciliter le prononcé des confiscations de véhicules que les propriétaires ont mis à disposition de tiers, en permettant aux juges de s'appuyer sur des critères géographiques et matériels objectifs pour évaluer leur bonne foi.
Enfin, je souligne le travail de coconstruction unique mené entre les parlementaires et les services des ministères de l'intérieur et de la justice. C'est grâce à ces efforts communs que nous arriverons à rédiger des lois adaptées à la réalité du terrain et à lutter plus efficacement contre de telles incivilités et comportements délictueux qui affectent gravement la vie de nos concitoyens.
Je souhaite souligner la qualité du travail de nos collègues Robin Reda et Natalia Pouzyreff sur les rodéos urbains, et l'esprit de cet article 18, qui va dans le bon sens.
Les rodéos sont un fléau qui nuit à la qualité de vie d'un grand nombre de nos concitoyens. Nous avons tous été interpellés par des habitants et des élus locaux, totalement désemparés, ainsi que par les forces de l'ordre qui n'ont pas les moyens de lutter contre ce fléau.
Si le texte va dans le bon sens, le groupe Socialistes et apparentés a souhaité aller plus loin et ouvrir la possibilité d'utiliser des drones pour lutter contre ces rodéos. Les forces de l'ordre ont déploré leur incapacité à engager des courses-poursuites, qui ne sont pas souhaitables car elles mettraient en danger les forces de l'ordre, les auteurs de l'infraction et d'éventuels usagers de l'espace public qui se trouveraient à proximité. Les drones avec caméra embarquée, utilisés dans un cadre judiciaire comme je l'évoquais lors de nos débats sur l'article 8, offriraient une avancée pour identifier et poursuivre les auteurs de ces infractions.
Par ailleurs, à l'instar de nombreux riverains, je veux exprimer un regret au sujet des deux-roues motorisés. Ces véhicules devaient être soumis à un contrôle technique et je tiens à dénoncer le recul en la matière. Cette mesure était très attendue par les habitants des quartiers concernés. Ce n'est certes pas la solution miracle contre les rodéos, mais elle aurait offert un moyen de lutter contre les nuisances produites par ces véhicules qui ne sont soumis à aucun contrôle, notamment s'agissant de la pollution, du bruit, et d'un certain nombre d'infractions dont leurs propriétaires sont souvent auteurs.
Notre proposition a été jugée irrecevable et nous regrettons cette entrave à notre droit d'amendement.
Il nous est apparu, au vu des difficultés rencontrées dans les quartiers qui subissent les rodéos urbains, que la police – nationale ou municipale – avait les plus grandes difficultés à identifier les propriétaires de véhicules non homologués.
À l'exemple de ce que l'on peut constater à Compiègne, il serait souhaitable que les véhicules non homologués fassent l'objet d'un certificat d'immatriculation, sans remettre en cause l'interdiction de les faire circuler sur la voie publique. Cette mesure permettrait d'identifier le propriétaire et de le rendre responsable des faits qui se produisent lorsqu'il a cédé le véhicule sans qu'aucune déclaration en préfecture ne permette d'assurer une traçabilité.
Par ailleurs, nous pourrions imaginer un système pour attester les transactions, validé par l'administration.
Cet amendement est satisfait. S'il ne s'agit pas d'une immatriculation à proprement parler, l'article L. 321-1-2 du code de la route dispose : « Tout propriétaire [d'un engin motorisé] doit déclarer ce véhicule auprès de l'autorité administrative. Un numéro d'identification lui est délivré, qui doit être gravé sur une partie inamovible du véhicule. Chacun de ces véhicules doit être muni d'une plaque fixée en évidence et portant le numéro d'identification délivré. Cette plaque peut être retirée dans le cadre d'une pratique sportive. »
Le fait de ne pas procéder à cet enregistrement dans le registre DICEM est passible d'une contravention de quatrième classe. Avis défavorable ou demande de retrait.
Même avis que le rapporteur, votre amendement est satisfait.
Je saisis cette occasion pour saluer les parlementaires qui ont beaucoup travaillé sur les rodéos. Cette question a été prise à bras-le-corps durant ce quinquennat, elle est complexe, pour plusieurs raisons.
Les véhicules concernés ne sont pas que des quads ou des motos, il peut s'agir de voitures utilisées dans des conditions très dangereuses pour ceux qui les conduisent, mais aussi pour les tiers. En plus de créer des nuisances dans l'espace urbain, ces personnes peuvent blesser ou tuer, une personne âgée en a encore été récemment victime à Toulouse.
Cette question soulevait des problèmes de saisie des véhicules, d'identification des auteurs, de poursuite, d'intervention, de cadre juridique et de protection des policiers et des gendarmes qui intervenaient, et qui étaient souvent pris à partie judiciairement car ils avaient osé poursuivre les malfaisants.
Votre travail, madame Pouzyreff, ainsi que celui de vos collègues, a permis de largement régler cette situation, bien que les efforts doivent être intensifiés sur le terrain.
Il a fallu replacer les rodéos dans l'échelle des peines, en les assimilant à un véritable refus d'obtempérer. Ce projet de loi poursuit ce travail.
La saisie des véhicules est primordiale. Lorsque j'étais maire, cette saisie n'était pas systématique, alors qu'aujourd'hui, plus de 600 engins ont été saisis depuis le début de l'année. Cet article, amélioré grâce à votre travail, va encore parfaire les choses. Désormais, certaines personnes utilisent des véhicules dont ils ne sont pas propriétaires ou des véhicules de location. Il est important de pouvoir s'attaquer à ceux qui contournent ainsi les mesures de saisie que vous avez souhaitées. La destruction des engins, suite à la saisie, est plus importante encore pour empêcher la récidive. Indépendamment de la condamnation à une amende, il est important de détruire l'objet du délit : les quads, les motos ou les voitures peuvent avoir une valeur importante, leur destruction fait bien plus mal à ceux qui les utilisent qu'une éventuelle peine de prison avec sursis.
S'agissant de l'identification, les caméras de vidéoprotection apportent une aide. La loi pour une sécurité globale prévoit le report des images de ces caméras dans les barres HLM. Le plus important est de saisir ces véhicules avant ou après le délit, et ce délit n'est pas facile à constituer – je reviendrai sur les consignes données aux forces de police et de gendarmerie. Savoir que des quads, des motos ou des voitures qui ont servi à commettre ces délits sont placés dans les parties communes permet de les faire saisir par le procureur de la République. Les images de vidéoprotection, sur la voie publique ou dans les bâtiments des bailleurs sociaux qui reporteront les images dans les centres de supervision des communes, pourront être consultées par la police. Ces mesures sont essentielles pour le travail d'identification, en amont et en aval.
J'entends beaucoup de bêtises à propos du travail des forces de police et de gendarmerie. Le principal rôle du ministre de l'intérieur est de faire arrêter les malfaisants, sous l'autorité de la justice, mais aussi de protéger les fonctionnaires de la République qui interviennent dans des conditions extrêmement difficiles. La responsabilité de tout chef est de permettre à ceux qui sont placés sous son autorité de revenir en bonne condition physique – ce sont des pères et des mères de famille comme les autres – en leur donnant des consignes juridiques de protection. On ne peut pas donner n'importe quelle consigne à n'importe quelle personne. Par ailleurs, une intervention de police ne peut pas se solder par des conséquences disproportionnées, telles que la mort d'une fillette ou d'une personne âgée qui traverseraient la rue au moment de la poursuite.
Mais ni les instructions ni les lois de la République n'interdisent de poursuivre les personnes qui font des rodéos en quad, en moto ou en voiture. Il est interdit de se mettre en danger, et de mener une intervention disproportionnée si la personne que l'on poursuit commet des actes manifestement contraires au code de la route et met autrui en danger en roulant sur les trottoirs ou en prenant des ronds-points à contresens. Dans ma ville de Tourcoing, le quartier difficile dans lequel il y a le plus de rodéos est à côté d'un hôpital, près des arrivées du SAMU ! Chacun comprend que sur cette portion de route, la consigne donnée aux policiers n'est pas de rouler à contresens de véhicules de pompiers ou du SAMU qui arrivent dans l'hôpital à toute berzingue, comme dirait le chanteur. Les consignes de modération sont des consignes de bon sens.
Ce n'est pas parce que nous mettons un terme à une chasse que nous renonçons à arrêter la personne. À la fin, c'est toujours la police qui gagne, à condition d'accepter d'appliquer l'intégralité des moyens que vous nous avez donnés : vidéoprotection ; recours à la police technique et scientifique dans le cadre des rodéos urbains ; saisie et confiscation ; travail avec les fichiers de cartes grises et les fichiers d'identification.
Je peux vous assurer que ce n'est pas parce que des policiers ne peuvent pas toujours mener les poursuites jusqu'au bout – et qu'ils en sont sans doute un peu frustrés, dans des conditions difficiles – qu'à la fin, la personne poursuivie n'est pas arrêtée. Et puis les chefs de circonscription de police et de gendarmerie travaillent au quotidien avec le procureur de la République pour repérer les motos, les quads et les voitures.
Le travail du ministre de l'intérieur n'est pas de céder au désir de poursuivre absolument – même si ce n'est pas ce que vous avez dit, j'entends souvent le contraire, et parfois de la part des effectifs – car cela met en danger les personnes et peut conduire à des drames. Une intervention de police ne doit pas se conclure par la mort d'une personne – que celle-ci soit concernée ou non par le larcin !
Je veux surtout souligner combien nous avons progressé. Madame Pouzyreff, en un an, grâce à la loi renforçant la lutte contre les rodéos urbains dont vous avez été rapporteure, nous avons multiplié par dix le nombre de condamnations pour ces pratiques. Évidemment, il reste des améliorations à apporter. Un travail particulier doit être mené pour les zones frontalières, dont on voit bien sur les cartes qu'elles sont particulièrement touchées, les délinquants les franchissant volontiers. Pour les frontières intercommunales, la création de CSU – centres de sécurité urbains – départementaux, et la mutualisation des polices municipales, prévues par la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, va grandement nous aider – la loi est déjà adoptée, promulguée, et les décrets sont en cours de rédaction.
Enfin, un travail doit être mené concernant les agences de locations de voitures, de motos et de quads, notamment sur certains véhicules provenant de l'étranger – je vois de plus en plus de plaques d'immatriculation polonaises ou tchèques, ce qui est inquiétant. Je me rendrai en Pologne dans quelques jours ; ce sera l'occasion d'améliorer la coopération policière dans le marché commun, lequel a malheureusement ses défauts, car il permet la location de véhicules étrangers moins bien identifiés.
Les motocross ou les quads sont bienvenus dans la République, mais uniquement dans les espaces destinés à les accueillir et non sur la voie publique. Il faut le rappeler avec beaucoup de sévérité à ceux qui tirent profit de la location de ces véhicules, comme nous l'avons fait, jadis, pour les vendeurs d'armes, en leur signifiant – pardon de cette évidence – que celles-ci ne peuvent être utilisées en France dans certaines conditions, et certainement pas sur la voie publique. De fait, les véhicules visés ici n'ont rien à voir avec la libre circulation, telle que prévue par le code de la route.
Je vous remercie donc pour ce travail collectif – vous en particulier, madame Pouzyreff, car vos différents travaux, notamment ceux sur l'application de la loi, ont permis de challenger – comme on dit en mauvais français –, les services de police et de gendarmerie. Vous pouvez également être fière de votre travail sur la loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés – ainsi que vous tous ici, car celle-ci a été largement votée. Cette loi est appliquée ; elle permet de gagner en tranquillité et de mieux condamner les personnes qui, malheureusement, utilisent ces engins pour autre chose que ce qui est prévu.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Sur l'article 18, je suis saisi par les groupes La République en marche et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre Vatin.
Monsieur le ministre, je partage entièrement votre propos sur la nécessité de rester mesuré lors des courses-poursuites et de protéger nos concitoyens. Mon amendement portait sur l'immatriculation de ces véhicules, car celle-ci permettrait l'identification des propriétaires et leur responsabilisation – le propriétaire déclaré, au cas où il n'aurait plus la possession du véhicule et où aucun nouveau propriétaire ne serait identifié, resterait ainsi responsable. De fait, le système déclaratif qui vaut pour les transactions actuelles ne fonctionne absolument pas. En l'absence d'immatriculation, les cessions sont traitées avec désinvolture, sans parler des cas où les véhicules saisis n'ont plus aucun numéro d'identification.
L'immatriculation responsabiliserait en outre les acquéreurs non-membres d'associations sportives, en permettant de les informer que ces véhicules ne sont pas autorisés sur la voie publique. On rencontre plus souvent qu'on ne le croit des acquéreurs de bonne foi qui ne s'interrogent pas sur ce point : pour eux, puisque ces véhicules roulent, ils peuvent aller sur la voie publique. Je pense notamment au cas d'un adolescent qui utilisait ainsi un véhicule non homologué, offert par ses parents pour avoir réussi ses examens.
L'amendement n° 174 n'est pas adopté.
Pour renforcer la lutte contre les rodéos motorisés, je propose, par l'amendement n° 401 , d'interdire le paiement en argent liquide lors de l'achat des véhicules non soumis à réception – notamment des motocross, assez majoritairement utilisées pour les rodéos. De fait, cet argent provient souvent de trafics dans nos villes et nos banlieues.
C'est un amendement d'appel, car je comprends l'impératif de liberté du commerce. Je partage le souhait, formulé tout à l'heure par le ministre, que soit ouverte une réflexion sur la responsabilisation des loueurs et distributeurs de ces deux-roues motorisés.
L'article 18 vise à favoriser la destruction rapide des véhicules utilisés pour les rodéos – il portera le délai avant destruction de quinze à sept jours après le dépôt en fourrière – et la destruction immédiate des véhicules non soumis à réception n'ayant pas fait l'objet des déclarations administratives prescrites dans le fichier DICEM – de déclaration et identification de certains engins motorisés. Pour renforcer encore ces mesures, il me semble intéressant de proposer aux polices municipales un accès direct et gratuit au DICEM, ainsi que la portabilité de ce fichier ; ce serait un gage d'efficacité pour le travail des forces de l'ordre, aussi bien la police municipale que nationale. Tel est l'objet de l'amendement n° 402 .
Enfin, l'amendement n° 404 vise à mettre en lumière le travail de la délégation interministérielle à la sécurité routière sur une nouvelle version du DICEM…
…et permettra de mieux constater les infractions de rodéo. Disposez-vous d'informations supplémentaires sur ce point ?
Concernant l'amendement n° 401 , nous avons déjà débattu en commission de l'interdiction du paiement en espèce lors de la vente de véhicules non homologués. Cela constituerait une entrave à la liberté de commerce disproportionnée à l'objectif poursuivi. De plus, je rappelle que le montant des paiements en espèces par un particulier à un professionnel est déjà limité par des seuils, dans notre pays : il ne peut dépasser 1 000 euros. Quant aux paiements en espèce entre particuliers – pour l'achat d'une voiture ou d'un tableau, par exemple – si leur montant n'est pas limité, un écrit est nécessaire, au-delà de 1 500 euros, pour prouver le versement. Enfin, les professionnels ont l'obligation de déclarer à TRACFIN les sommes ou opérations dont il sait, suspecte ou suppose qu'elles ont des origines louches. Ces paiements sont donc suffisamment encadrés légalement. Et puis, comme nous l'avions dit en commission, instaurer une limite légale n'empêchera pas que certaines transactions soient menées dans l'obscurité, dans le darknet ou d'autres systèmes d'échanges fondés ou non sur l'argent. Avis défavorable.
Quant aux amendements n° 404 et 402 , ils sont d'appel. Je vous en demande donc le retrait, au bénéfice des explications apportées par le Gouvernement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Sur amendement n° 319 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Concernant l'amendement n° 401 , sur le fond, je ne partage pas l'avis du rapporteur. Toutefois, sur la forme, vous oubliez la modification nécessaire du code monétaire et financier. En outre, comme l'a rappelé le rapporteur, des plafonds sont déjà prévus. Enfin, on ne peut réserver des dispositions particulières à un seul type de commerce ou d'achat. Je vous demande donc de retirer l'amendement, pour le retravailler.
Nous connaissons tous des moyens de paiement, comme les cartes prépayées, les cryptomonnaies – et pas seulement sur le darknet –, qui permettent d'anonymiser les achats. La suppression générale de l'argent liquide ne réglerait donc pas tout et n'assurerait pas la fin de l'impunité dont bénéficient les commerces illicites. Toutefois, je reste persuadé que la question, complexe, mérite d'être posée et je me la pose, non pas en tant que membre du Gouvernement de la République, mais en tant que citoyen engagé – comme l'est tout homme ou femme politique –, car une telle mesure mettrait fin à un très grand nombre de trafics, ou au moins à certaines occupations du domaine public, notamment par les points de deal – même s'il y aura toujours des consommateurs de stupéfiants et des réseaux qui en procurent. Il en va de même pour la fraude fiscale – pour sortir du domaine qui m'occupe en tant que ministre de l'intérieur et en revenir à mes précédentes amours.
Oui, il restera toujours des moyens détournés de recourir à la prostitution infantile, de se procurer des armes, de la drogue – ou des motocross ! ; l'interdiction de l'argent liquide ne supprimerait pas les larcins. Toutefois, elle les empêcherait pour le tout-venant, en compliquant l'accès aux marchés illicites. En outre, elle permettrait de s'appuyer sur des traces, lors des poursuites, et d'éliminer les nuisances d'une grande partie du domaine public, point très important. Ainsi, qu'il s'agisse de fraude fiscale ou sociale, de corruption ou d'insécurité – notamment celle liée aux stupéfiants –, la question mérite d'être étudiée, car elle n'est pas mauvaise. C'est un débat de société, qui sera abordé dans les années qui viennent, sans aucun doute.
Concernant l'amendement n° 402 , l'idée de permettre aux policiers municipaux d'accéder au DICEM est très bonne ; c'est d'ailleurs pour cela que nous y travaillons. Toutefois, la mesure relève du domaine réglementaire – que je protège jalousement, comme tout membre du Gouvernement, car il s'agit de notre travail – et non du domaine législatif ; mais enfin, votre amendement était peut-être d'appel. Sachez en tout cas que la mesure sera prise dans les prochaines semaines ou les prochains mois, avec un DICEM refondu.
Ils sont en corrélation avec mon précédent amendement et visent les alinéas suivants relatifs à l'identification des véhicules et à la responsabilisation des propriétaires. Je ne vais pas répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, mais il me semble que cette responsabilisation est aujourd'hui particulièrement insuffisante s'agissant du propriétaire initial acquéreur du véhicule. On fait peser sur le vendeur professionnel la responsabilité de l'information relative à l'interdiction de circulation sur la voie publique, et non sur le propriétaire du véhicule qui fait mine de ne pas savoir.
S'agissant de l'amendement n° 175 , je donne un avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. En revanche, l'amendement n° 173 concerne un autre sujet et me pose deux problèmes. Votre proposition est la suivante : si le propriétaire n'est pas le conducteur et qu'il n'a pas porté plainte pour vol de véhicule, il serait condamné à la moitié de l'amende encourue pour rodéo motorisé. D'une part, l'amendement me semble satisfait en pratique, car si le propriétaire est effectivement complice des infractions commises par le conducteur au sens du code pénal, il est d'ores et déjà sanctionnable, sans avoir à le préciser dans ce texte. D'autre part, le code pénal prévoit – c'est important en matière de quantum de peine – que le complice est sanctionné pour l'infraction comme l'auteur. Il ne me semble donc pas pertinent de prévoir une condamnation à hauteur de la moitié de l'amende encourue par le conducteur, ce qui reviendrait à diminuer le quantum. Cela serait – à la limite – contre-productif et incitatif. Pour ces deux raisons, avis défavorable.
Votre remarque est certainement tout à fait judicieuse, monsieur le rapporteur. Elle me fait penser au fait suivant : en matière de responsabilité de la cession du véhicule, la démarche administrative doit être accomplie. Le problème que nous connaissons est le suivant : soit le propriétaire est complice et on considère qu'il savait ce qu'il faisait ; soit on peut déterminer qu'il ne l'était pas, mais qu'il a été négligent en n'effectuant pas les démarches.
Toutes les semaines, je reçois des administrés qui ont cédé un véhicule de bonne foi, qu'il soit autorisé ou non à rouler sur la voie publique. Ils m'expliquent qu'ils ont effectué les démarches, mais qu'ils reçoivent les amendes parce que le nouveau propriétaire n'a pas enregistré le véhicule. On voit bien que le système déclaratif ne fonctionne pas : toute cette problématique devra être revue.
La parole est à Mme Lamia El Aaraje, pour soutenir l'amendement n° 319 .
Comme je l'ai dit lors de la discussion préalable à l'article 18 et comme nous avons eu l'occasion d'en débattre en commission, il y a une forme de consensus global sur l'intention de l'article, bien que des discussions potentielles sur la forme restent possibles.
Cela a été évoqué à plusieurs reprises par nombre de collègues et par vous-mêmes, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre : dans le cadre des rodéos, les courses-poursuites sont dangereuses, mettant en danger les tiers et les forces de l'ordre elles-mêmes. Lors des auditions qui ont été effectuées, ces dernières ont signalé être parfois embêtées, que les rodéos aient lieu dans des espaces urbains ou ruraux. Quand un quad s'enfonce dans un chemin sinueux, il est absolument impossible, pour les forces de l'ordre, de le poursuivre.
Pour ces raisons, il serait pertinent – c'est une demande d'élus locaux avec lesquels nous avons eu l'occasion d'en discuter – de permettre aux forces de l'ordre d'utiliser des drones, dans un cadre judiciaire.
Nous n'allons pas revenir sur la discussion tenue en commission. Comme vous l'indiquez, nous sommes dans le cadre d'une enquête judiciaire ; c'est important de le préciser. Je vais laisser le ministre s'exprimer à ce sujet, puisqu'il y avait eu des discussions à la suite d'une demande d'étude du Conseil d'État. Demande de retrait ou avis défavorable.
Je vais rassurer Mme la députée : nous avons largement évoqué tout à l'heure le but de la manœuvre – si j'ose dire. Nous avons un désaccord d'interprétation et il faut utiliser le temps qui nous est imparti entre les deux chambres pour le résoudre, puisque nous avons le même objectif : utiliser les drones pour la surveillance des rodéos motorisés dans le cadre juridique demandé par le Conseil d'État et la CNIL. Nous avons saisi le Conseil d'État pour savoir si la Chancellerie a raison – nous n'avons pas besoin de texte – ou si un texte est nécessaire.
Comme le risque de censure du Conseil constitutionnel suscite chez nous la préoccupation d'écrire le plus correctement possible une loi très importante, nous proposons de ne pas adopter l'amendement – ce n'est pas un refus de principe – et d'attendre l'avis exact du Conseil d'État, qui sécurisera à coup sûr la décision du Conseil constitutionnel ; nous y reviendrons devant la Haute Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 35
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 7
Contre 26
L'amendement n° 319 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 35
Nombre de suffrages exprimés 32
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 30
Contre 2
L'article 18 est adopté.
L'amendement n° 199 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous l'avions déjà déposé à l'époque de l'examen du texte qui créait une infraction à part entière concernant les rodéos motorisés. Nous n'avons pas la même appréciation des objectifs poursuivis par la création de ce genre d'infraction. Nous pensions déjà – nous continuons de le penser – que prévoir une peine de prison, comme pour tous les autres délits, n'est pas raccord avec l'objectif poursuivi. Nous étions néanmoins favorables à la saisie des véhicules, à leur confiscation et à ce qui s'ensuit, conformément à l'application de la procédure pénale. Cela ne me pose pas de problème.
Des jeunes qui font du wheeling à moto sans casque, cela ne date pas de 2021. D'ailleurs, quand on avait examiné le texte que j'ai évoqué, certains dans l'hémicycle avaient reconnu avoir fait, lorsqu'ils étaient jeunes – comme beaucoup d'autres – ce qu'aujourd'hui on trouve insupportable et scandaleux. Attention à ne pas faire de la surenchère sur un sujet comme celui-là.
Une expérience intéressante avait été menée dans les années 1980 dans la métropole lilloise. Celle-ci avait ouvert un circuit de moto encadré par des policiers ; lorsque des personnes étaient interpellées, les magistrats les obligeaient à suivre un stage de conduite avec les policiers sur le circuit de Lezennes. Au tout début de la législature, les policiers ont été retirés et le circuit a fermé ; il y a eu des manifestations devant l'hôtel de police de Lille pour le maintenir, parce qu'il avait une utilité, une visée pédagogique et de prévention de la récidive. Cela permettait de dire aux jeunes : « Vous pouvez faire du wheeling ou ce que vous voulez avec votre moto sur le circuit, mais ne le faites pas dans la rue, c'est dangereux. »
Là, nous sommes uniquement dans le répressif. À l'époque du débat, vous aviez été un peu plus timoré sur le sujet. Dans bien des cas, on pourchasse la personne parce qu'elle fait du rodéo motorisé, car on n'arrive pas à l'appréhender pour d'autres faits, notamment le trafic de stupéfiants ; cela avait été assumé à l'époque. Si vous cherchez à coincer une personne pour ce motif, faites une enquête pour trafic de stupéfiant, pas pour rodéo motorisé ! Comme nous sommes en train de tout confondre, nous avons déposé l'amendement visant à ne pas prévoir de peine de prison pour le rodéo motorisé, parce que cela ne contribue pas à l'objectif de réduction de ces infractions.
L'amendement prévoit des TIG (travaux d'intérêt général) plutôt que de la prison – je schématise. On peut le comprendre, car il y a eu des expérimentations en ce sens, comme vous l'avez rappelé ; il pourrait y en avoir à nouveau. Mais il peut s'agir, dans le cas des rodéos motorisés, en plus du bruit, de morts et de blessés. Ces pratiques peuvent être dangereuses à la fois pour le conducteur et pour les riverains, qui demandent le calme.
C'est pour moi un peu dissuasif
M. Ugo Bernalicis fait des signes de dénégation
et je pense que les TIG ne sont pas suffisamment proportionnés aux désordres induits par les rodéos motorisés. De plus, parmi les peines complémentaires que peut prononcer le juge, il y a des travaux d'intérêt général, comme la participation au fonctionnement d'un service de réadaptation fonctionnelle où se trouvent des blessés victimes des rodéos motorisés, qu'il s'agisse de conducteurs ou de piétons qui étaient de passage et n'avaient rien à voir avec l'histoire.
L'amendement visant à instaurer des TIG plutôt que des peines de prison me semble disproportionné par rapport à l'enjeu et par rapport aux risques que présentent les rodéos motorisés. Avis défavorable.
C'est un peu embêtant de se laisser aller, parfois, à dire que les rodéos motorisés peuvent faire des victimes – des blessés ou des morts. Ils le peuvent, c'est vrai, mais quand c'est le cas, on ne poursuit pas la personne pour rodéo motorisé, on la poursuit pour homicide involontaire ou volontaire ; on passe sur un autre quantum de peine et une autre enquête.
Vous ne pouvez donc pas vous en prévaloir comme argument pour maintenir la peine d'un an d'emprisonnement pour rodéo motorisé. Hier, M. le ministre considérait à part le conducteur bourré mais qui ne refuse pas d'obtempérer. Séquençons les choses, regardons chaque délit pour ce qu'il est.
Nous avons rédigé l'amendement en prévoyant une peine de travail d'intérêt général ; j'aurais préféré une peine de probation autonome, mais elle n'existe pas sur l'échelle des peines. Le moment venu, on la créera, ne vous inquiétez pas. Il s'agit surtout d'un amendement d'appel pour vous dire que la peine de prison n'est pas l'alpha et l'oméga, en particulier en cette matière. Vous avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, que vous trouviez plus intéressant et plus utile de faire des stages obligatoires dans tel ou tel service hospitalier.
Enfin, il aurait été intéressant d'avoir un retour sur le prononcé des peines. Dans bien des cas, c'est juste la destruction du véhicule et une peine d'amende, éventuellement un bracelet électronique – fin de l'histoire. La vertu pédagogique en matière de prévention de la récidive est un peu limitée.
L'amendement n° 330 n'est pas adopté.
Tous ont trait au rodéo urbain et tendent à durcir les sanctions applicables à leurs auteurs afin de les rendre plus dissuasives et donc plus efficaces.
Avec l'amendement n° 57 , je propose d'aggraver les peines encourues lorsque l'individu dissimule son visage et lorsque l'engin n'est pas immatriculé. Le n° 56 est un amendement de repli. L'amendement n° 58 vise le rodéo urbain pratiqué dans des lieux dangereux, tels que les abords des écoles, les aires de jeux pour enfants, les lieux réservés aux piétons et les espaces commerciaux ouverts au public.
Enfin, l'amendement n° 59 tend à permettre au maire ou à l'officier de police judiciaire (OPJ) territorialement compétent de faire immobiliser, mettre en fourrière ou retirer de la circulation l'engin et, le cas échéant, de procéder à sa destruction.
Je sais que, dans les conclusions de leur mission d'information, Mme Pouzyreff et M. Reda ne préconisent pas d'aggraver les sanctions encourues.
En outre, vous m'avez opposé lors de l'examen en commission qu'on pouvait notamment généraliser les caméras-piétons pour lutter contre les rodéos urbains. Cependant cette mesure est insuffisante ; elle n'exclut pas d'aggraver les sanctions qu'encourent ceux qui pratiquent des rodéos urbains, en particulier lorsqu'ils mettent en danger la vie d'autrui, surtout d'enfants, en toute connaissance de cause – je rappelle que je propose de sanctionner plus durement les auteurs de rodéos aux abords d'écoles où dans des aires de jeux.
Les cas visés dans les quatre présents amendements peuvent constituer des circonstances aggravantes. Encore une fois, les riverains qui subissent de semblables nuisances toutes les nuits, parfois également de jour, sont exaspérés. Ils souhaitent qu'on mette fin au phénomène, ainsi qu'au sentiment d'impunité des auteurs.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté annoncer que les neutralisations d'auteurs et d'engins de rodéo avaient été multipliées par dix en un an, mais il reste beaucoup d'efforts à accomplir. Les responsables doivent être vraiment sanctionnés. À cet égard, l'augmentation des peines encourues ne constituerait pas un mauvais signal à leur envoyer, loin de là.
Vous avez déjà énoncé la plupart des arguments sur lesquels je fonderai mes oppositions. Je citerai encore l'excellent travail de Mme Pouzyreff et M. Reda : ils préconisent de ne pas augmenter le quantum des peines, mais de renforcer d'autres dispositifs. Aux caméras-piétons, que vous avez évoquées, s'ajoute toute une série de mesures : les caméras embarquées – comme le prévoit le projet de loi – ; l'incitation au déploiement de la vidéoprotection ; l'autorisation pour les policiers municipaux d'accéder au DICEM ; la réduction des délais de mise en fourrière, prévue par l'article 18.
Le texte encadre efficacement la lutte, sans augmenter le quantum de peine, car cela n'est pas forcément dissuasif, comme le montre le rapport de nos collègues. L'avis est donc défavorable concernant les amendements n° 57 , 56 et 58 .
L'amendement n° 59 est de nature quelque peu différente. L'exposé sommaire précise qu'il tend à permettre à l'OPJ et au maire de faire immobiliser, mettre en fourrière et détruire les engins non immatriculés. Il vise les véhicules épaves cités au second alinéa de l'article L. 325-1 du code de la route, c'est-à-dire les véhicules « privés d'éléments indispensables à leur utilisation normale et insusceptibles de réparation immédiate à la suite de dégradations ou de vols ». Vous souhaitez leur ajouter les véhicules qui ne sont pas immatriculés.
Nous avons eu le débat en commission : que les engins soient ou non immatriculés n'a pas d'importance. Lorsque les conditions fixées par l'alinéa sont remplies, le véhicule peut faire l'objet d'une immobilisation et d'une destruction. Ainsi, votre amendement est déjà satisfait. J'ajoute qu'il vaut mieux parler d'identification plutôt que d'immatriculation, parce que cela englobe tous les cas.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable aux quatre amendements.
L'article 20 est adopté.
Il vise à demander un rapport annuel qui recense les décisions de classement sans suite et d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, et leurs suites au niveau sanitaire.
Par cet amendement, nous reprenons la recommandation n° 13 de la mission sur l'irresponsabilité pénale de Dominique Raimbourg et Philippe Houillon. De notre point de vue comme du leur, un rapport précis en la matière répondrait à certaines interrogations. Nous avons abordé le sujet : tout le monde convient qu'il est sensible et complexe.
D'après le rapport, la mission a constaté l'extrême difficulté de recenser précisément les procédures et leurs suites. Le 18 juin 2019, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) a, par dépêche, informé les juridictions qu'elle supprimait le dispositif de recensement des décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Il s'agissait d'alléger le travail de collecte et de saisie des données, à savoir un dispositif de comptage manuel instauré par les dépêches de septembre et octobre 2008. La DACG exposait que le ministère de la justice effectuerait désormais le traitement statistique de l'irresponsabilité pénale à partir des données disponibles dans le système d'information décisionnel pénal et dans le casier judiciaire national, avançant qu'elles devaient connaître un enrichissement considérable.
Or les rédacteurs du rapport notent que « les enjeux sociétaux attachés à une connaissance fine des procédures de cette nature dans le souci de mettre en œuvre des réponses institutionnelles adaptées, tant judiciaires que sanitaires ou administratives, justifient de s'attacher dès maintenant à un comptage pertinent sans attendre les hypothétiques secours d'un déploiement [de différents outils] ». Voilà pourquoi nous reprenons cette recommandation à notre compte et vous demandons de voter cette demande de rapport.
Je pourrais vous répondre que nous sommes défavorables à toute demande de rapport, néanmoins je vais argumenter davantage.
Vous reprenez une recommandation de la mission sur l'irresponsabilité pénale de Dominique Raimbourg et Philippe Houillon. Cependant, ils ne préconisent pas que le rapport concerné soit remis au Parlement. Il s'agit d'organiser le recensement des décisions de classement sans suite et d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et de leurs suites au niveau sanitaire. Selon moi, cela relève du domaine réglementaire. Aussi l'avis est-il défavorable.
Disons qu'il s'agit d'un amendement d'appel pour que ce travail soit fait. Les débats sur ces sujets ont révélé à quel point les éléments relatifs aux problèmes que soulève l'irresponsabilité pénale, sans même parler des affaires judiciaires, étaient méconnus, y compris au sein du Parlement. Cela favorise la propagation d'informations erronées. Les parlementaires ont besoin d'accéder à ces données afin de savoir précisément de quoi on parle et d'éviter d'alimenter les incompréhensions qui s'expriment dans l'opinion publique. Tout le monde s'est montré très sensible à ces questions, or les discussions présentent les problèmes de manière déformée. L'irresponsabilité pénale concerne un nombre restreint de cas très spécifiques. La demande est donc légitime.
Nous proposons un rapport parce que c'est l'outil que nous avons à disposition. Les enjeux concernent même les parlementaires et les responsables politiques, qui ont l'importante responsabilité de ne pas contribuer à diffuser de fausses informations sur des sujets aussi sensibles.
À nouveau, il vise à obtenir un rapport relatif au suivi hospitalier et post-hospitalisation des personnes déclarées irresponsables pénalement en raison de leurs troubles psychiatriques.
En effet, les associations de victimes et de leurs familles demandent notamment l'amélioration de l'accompagnement des malades psychiatriques auteurs d'infractions, afin d'éviter qu'ils ne récidivent. Or, l'état de l'hôpital psychiatrique en France empêche les professionnels du secteur d'assurer un accompagnement complet des personnes lors de leur sortie d'hôpital.
Le rapport de notre collègue Caroline Fiat, issu de la mission relative à l'organisation de la santé mentale, est à cet égard éloquent. Inégale répartition des moyens ; désertification médicale ; difficultés d'assurer la continuité et la gradation des soins ; engorgement des urgences ; cloisonnement entre la ville et l'hôpital, entre les disciplines, entre le somatique et la psychiatrie et même au sein de la santé mentale elle-même ; organisation territoriale peu efficiente, extrêmement complexe, illisible et à bien des égards peu cohérente et mal coordonnée par la puissance publique : autant d'explications à l'incapacité des structures hospitalières à suivre convenablement les malades, notamment ceux atteints de troubles particulièrement graves, qui les ont conduits à commettre des actes condamnables, et sont peu suivis.
Avis défavorable. Encore une fois, je pourrais vous opposer que nous sommes défavorables aux rapports, mais je vais développer des arguments qui vaudront pour les amendements que nous allons examiner dans un instant.
Arrivés à la fin de notre mandat, nous pouvons être fiers des travaux que nous avons menés au cours de la législature. Or les missions d'informations ont fait davantage pour l'efficacité de notre travail que les rapports remis au Parlement par le Gouvernement. Vous le savez, pour avoir participé à certaines de ces missions. Elles permettent de formuler des préconisations, qui sont ensuite intégrées dans un texte législatif, qu'il s'agisse d'un projet ou d'une proposition de loi. Personnellement, je suis très fier de ces travaux, et je pense que nous pouvons tous l'être.
Mme Danièle Obono acquiesce.
Je m'exprime ici à titre personnel, et non comme rapporteur. Selon moi, notre travail de législateur consiste à nous emparer d'un sujet et à conduire une mission d'information, efficace, relayée par les médias et les parlementaires et suivie par nos concitoyens. Nous sommes leurs représentants et nous avons vis-à-vis d'eux une responsabilité. Je suis défavorable aux rapports, mais très favorable aux missions – nous en avons d'ailleurs conduit ensemble.
Nous voudrions, nous aussi, qu'il y ait davantage de missions d'information et que les parlementaires aient davantage de pouvoirs, y compris d'enquête. Ce sont des questions dont nous avons débattu lors de la réforme du règlement, et nous restons à mon sens assez démunis en la matière.
En l'occurrence, il se trouve que, pour préparer le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, il y a eu une mission flash. Or la rapporteure de cette mission nous a expliqué que la question du traitement judiciaire des troubles mentaux était fondamentale, mais que ce n'était pas le sujet ici. Allez comprendre !
Il aurait fallu pouvoir aller plus loin, et c'est précisément pour cela que nous demandons un rapport du Gouvernement, plus à même que nous d'obtenir des réponses des administrations. C'est un minimum, alors que ce projet de loi ne reprend aucune des recommandations du très bon rapport rendu par d'anciens parlementaires.
L'amendement n° 310 n'est pas adopté.
Il s'agit à nouveau d'une demande de rapport. Celui-ci viserait à évaluer le dispositif introduit par la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ; il porterait également sur les meilleurs moyens de le rendre accessible et compréhensible par les parties civiles.
Ce travail d'évaluation pourrait être mené par l'Assemblée nationale, mais elle ne l'a pas fait. Le Gouvernement devrait donc s'en charger.
Rappelons que cette loi devait répondre à l'émotion suscitée par l'affaire Dupuy. Elle a considérablement fait évoluer la procédure judiciaire, aboutissant aux déclarations d'irresponsabilité pénale en faveur des victimes. Elle a introduit une audience devant la chambre de l'instruction au cours de laquelle les faits sont établis, les responsabilités sont posées et, selon la procédure contradictoire, l'irresponsabilité du prévenu est discutée. De plus, cette audience donne lieu au prononcé par les juges d'une mesure de sûreté – vingt ans, dans le cas du meurtrier de Mme Halimi – et d'une hospitalisation d'office par le préfet sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
C'est donc une forme de procès qui se tient devant la chambre de l'instruction. D'ailleurs, le rapport Houillon-Raimbourg rappelle que les réformes législatives successives ont « conforté la mise en place d'un procès sui generis devant la chambre de l'instruction ».
Il ressort des auditions auxquelles nous avons pu assister que si de nombreuses associations de victimes ne sont pas totalement satisfaites, elles demandent surtout un meilleur accompagnement. Ce rapport pourrait, à notre sens, répondre à ces demandes.
C'est notre dernier amendement, monsieur le président, et il traite d'un sujet suffisamment important pour avoir fait l'objet d'une mission d'information et d'un projet de loi.
Je m'étonne de n'obtenir aucune réponse à nos questions. L'exposé des motifs lui-même dit qu'il s'agit ici de répondre à l'émotion suscitée notamment par le crime antisémite qui a frappé Mme Halimi. Il y a eu d'autres affaires similaires, notamment l'affaire Dupuy, l'assassinat d'une aide-soignante et d'une infirmière.
Ce projet de loi vise à répondre à une demande de justice des familles des victimes, mais aussi plus généralement de l'opinion publique. Or nos propositions s'inscrivent dans cette logique même – mais vous les repoussez, sans la moindre argumentation, au prétexte que vous ne voulez pas intégrer au texte de demandes de rapports.
Le Gouvernement peut-il au moins s'engager à évaluer les dispositions actuelles sur l'irresponsabilité pénale ? L'Assemblée pourrait le faire également.
Il apparaît clairement que votre projet de loi ne vise ni à répondre à une demande de justice, ni à faire comprendre le traitement judiciaire du trouble mental, ni même à avancer sur cette question essentielle, puisque vous refusez toutes les propositions – et pour ma part, j'y vois l'illustration de votre lamentable incurie.
L'amendement n° 311 n'est pas adopté.
J'entends vos arguments, monsieur le rapporteur : nous ne souhaitons pas alourdir le texte par des demandes de rapport. Il s'agit pour nous, vous l'avez compris, d'appeler votre attention sur plusieurs sujets.
À côté d'avancées somme toute mineures – soit dit sans dénigrer aucunement les propositions qui ont été faites –, je regrette certains manques dans ce texte.
Il ne règle pas certains sujets d'inquiétude : ainsi, nous n'avons aucune visibilité sur la réforme de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), ni sur le récépissé de contrôle d'identité. Vous dites que les pratiques policières ne posent pas de problème : dès lors, ces propositions ne menacent en rien les forces de l'ordre, bien au contraire. S'agissant des mineurs en particulier, elles contribueraient à restaurer un lien de confiance entre les jeunes et les policiers.
En ce qui concerne la police de proximité, nous n'avons pas non plus obtenu de réponses. Vous nous renvoyez au projet de loi de finances, monsieur le ministre : nous en rediscuterons en effet à ce moment-là. Mais, pour restaurer la confiance, la question des effectifs doit être liée à celle de l'esprit et des tâches qui sont demandées aux policiers ; sinon, j'ai peur que nous n'avancions pas.
Je ne reviens pas sur la politique de maintien de l'ordre, ni sur les flash-balls. Nous avions, là aussi, déposé des amendements dont je regrette qu'ils aient été déclarés irrecevables, alors que le droit d'amendement est protégé par la Constitution, et que nos propositions avaient un lien avec l'objet des débats.
S'agissant du comité d'éthique de la vidéoprotection que nous proposions dans un amendement déclaré irrecevable, vous avez failli me faire douter, monsieur le ministre, en disant que cela existait déjà. En effet, de telles instances sont parfois mises en place – vous avez donné des exemples de villes dirigées par des élus socialistes, mais des élus d'autres familles politiques agissent de la même façon. Cependant, aucune norme n'existe, alors qu'une définition commune nous ferait à mon sens avancer. Les débats sur la vidéoprotection nous ramènent encore parfois vingt ans en arrière, et c'est dommage. Les comités d'éthique et de transparence permettent de mieux encadrer, mais aussi de faire mieux comprendre la réalité de la vidéoprotection. Je vous rejoins sur un point : la demande des maires en matière de vidéoprotection est de plus en plus importante.
Enfin, nous proposions l'ouverture d'une plateforme de signalement des rodéos motorisés. Vous serez sensible, monsieur le ministre, à cette idée, et je vous invite à y réfléchir. De nombreux élus nous disent qu'ils suivent eux-mêmes ces affaires, en fonction des signalements effectués par les citoyens, et qu'ils compilent ces renseignements pour les transmettre à la police. C'est un travail fastidieux et qui ne devrait pas relever d'un maire. Une plateforme permettrait aux forces de l'ordre de réagir plus rapidement.
Voilà les propositions dont nous aurions aimé débattre.
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Le groupe Les Républicains votera ce texte, comme nous l'avons annoncé dès le début de nos travaux. Certes, je l'avais dit en commission des lois, il a un côté fourre-tout, c'est une sorte de session de rattrapage pour des mesures qui n'avaient pas encore été prises. Il n'en demeure pas moins qu'il comporte de véritables avancées.
Le premier sujet d'importance est celui de l'irresponsabilité pénale. Il aurait sans doute mérité une loi à lui seul, mais nous avons, je crois, avancé.
Pour comprendre ce que nous venons de faire, j'aimerais que nous prenions du recul vis-à-vis de l'affaire Halimi. Nous n'en changerons pas l'issue ; elle est jugée, définitivement, et la pauvre Mme Halimi ne reviendra pas. Mais cette affaire a mis en évidence des trous dans la raquette sur le plan législatif…
…et nous les avons, je crois, comblés. Je ne doute pas que les victimes nous remercieront, à l'avenir, des réponses qui leur seront apportées, alors que face à la folie, face à l'altération ou à l'abolition du discernement, notre système judiciaire était jusqu'ici dans l'incapacité d'apporter des réponses.
J'espère que le Gouvernement poursuivra son travail sur ce sujet : au-delà de l'irresponsabilité pénale, il faut poser la question du suivi médical, comme le soulignait Mme Obono. Quid de ceux qui ont été déclarés irresponsables ? En raison du secret médical, il me paraît difficile de publier des bulletins de personnes déclarées irresponsables. Il revient au Gouvernement d'améliorer la prise en charge de ces personnes.
S'agissant de l'identification des mineurs, le texte reprend certaines des propositions que j'avais formulées avec notre rapporteur Jean-François Eliaou. Ces dispositions sont importantes à mes yeux : on ne peut pas accompagner les mineurs, travailler avec eux, les faire progresser, si on ne sait pas qui ils sont. Gardez à l'esprit que la première chose qui vous arrive dans la vie, c'est le don d'un prénom. Celui-ci vous permet d'être en société et d'être distingué. Ce travail d'identification est donc indispensable : tous les travailleurs sociaux, ceux de l'aide sociale à l'enfance comme ceux de la protection judiciaire de la jeunesse, l'appellent de leurs vœux. Leur travail de suivi en sera considérablement amélioré.
En ce qui concerne les peines applicables aux violences à l'encontre de policiers, elles constituent évidemment une avancée dans la protection que nous devons à nos forces de l'ordre ; je me félicite également des dispositions relatives à la captation vidéo, aux drones et à la lutte contre les rodéos, véritable plaie de nos villes aujourd'hui.
Un petit regret : nous n'avons pas évoqué les psychotropes, qui sont pourtant au cœur de l'ensemble des sujets abordés par ce texte. Ils sont souvent la cause de l'altération ou de l'abolition du discernement ; ils sont très souvent aussi la cause des violences inadmissibles dont sont victimes les fonctionnaires de police lorsqu'ils interpellent des individus shootés à ces médicaments, qui sont de véritables drogues, caractère que nous n'avons pas voulu leur reconnaître dans ce texte.
J'espère toutefois que nous pourrons faire évoluer la législation de manière à permettre de sanctionner l'usage de psychotropes de la même manière que celui des drogues car ils sont, eux aussi, un fléau de nos villes.
Cependant, comme je vous l'ai dit en commençant, le groupe Les Républicains votera ce texte.
Sans revenir sur le fond des deux volets de ce texte, j'affirme que malgré les polémiques dont il a été entouré, ce texte contient de grandes avancées sur la question de la responsabilité pénale et en ce qui concerne la protection de ceux qui nous protègent.
Sur la forme, je tiens à saluer le travail de coconstruction accompli aussi bien en ce qui concerne les dispositions relatives à la justice que celles relatives à la sécurité intérieure.
Notre groupe avait montré des inquiétudes sur certaines mesures, qui ont été pour partie retoquées par le Conseil constitutionnel, mais le Gouvernement en a tenu compte et il a su travailler avec nous dans le souci d'améliorer la cohérence du texte et de garantir la clarté juridique. Nos débats en commission et en séance ont montré combien le Gouvernement et les rapporteurs ont été à l'écoute des parlementaires. Merci pour ce travail collectif qui fait honneur au Parlement et qui nous permet d'aboutir ensemble à un texte équilibré et cohérent.
Je dois aux gendarmes de ma circonscription de rappeler combien il est indispensable de poursuivre le travail engagé pour lutter contre les rodéos motorisés. Grâce notamment à l'engagement d'Isabelle Florennes, notre groupe s'est impliqué activement dans la lutte contre ce fléau, et nous continuerons avec la même implication.
Certes, il est facile de caricaturer ce texte, et d'aucuns ne s'en sont pas privés en adoptant des postures caricaturales, sans faire avancer du tout le débat.
Pourtant, ce projet de loi contient des dispositions nécessaires pour notre justice et pour notre sécurité, qui sont les deux jambes sur lesquelles marche notre République.
C'est donc avec conviction que le groupe démocrate votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Le groupe Socialistes et apparentés regrette que ce texte comporte deux parties qui n'ont pas grand-chose à voir l'une avec l'autre, ce qui nuit à la clarté de nos débats et à la perception de ceux-ci.
On salue, dans l'article 1er , le fait d'exclure du champ de l'irresponsabilité pénale une personne dont le discernement a été aboli et qui ne contrôle plus ses actes, lorsque cette abolition résulte d'une intoxication volontaire à la drogue ou à l'alcool dans le dessein de commettre une infraction. Nous devons cependant nous demander s'il est juste de remettre en cause un principe ancré dans notre tradition juridique sur la base d'un fait divers. Face à un acte odieux comme celui qui nous a tous heurtés, un acte antisémite, barbare, comme celui qu'a subi Mme Halimi, il paraît nécessaire de graver dans le marbre de la loi un principe sur lequel puisse se fonder la jurisprudence. Cet article 1er contribue à justifier la position que nous adopterons sur l'ensemble du texte.
Sur l'article 2, en revanche, je ne vous cache pas que, comme Mme Untermaier a eu l'occasion de l'indiquer, nous émettons des réserves très fortes, car il tend à complexifier, voire à rendre quasiment impossible l'analyse psychiatrique. Nous regrettons que le dispositif attendu par les victimes et porté avec les psychiatres d'un contrôle de l'obligation de soins dans la durée, en lien avec l'irresponsabilité pénale, n'ait pas pu être institué. Ma collègue a demandé que ce texte soit examiné dans le cadre des états généraux de la justice. Nous appelons à une vigilance particulière sur la question de l'état de la santé mentale en France. Nous avons, les uns et les autres, évoqué des cas de retour à domicile de personnes atteintes de troubles mentaux qui ne sont pas prises en charge. Il s'agit d'un sujet majeur sur lequel on doit pouvoir élaborer des solutions globales.
Bien loin d'adopter une posture caricaturale, nous avons montré notre volonté de coconstruire ce texte. Nous regrettons que l'état d'esprit qui aurait dû prévaloir pour restaurer un lien de confiance entre la police et les citoyens n'ait pas prévalu et que nombre de nos amendements n'aient pas été retenus ou même entendus. Le problème de fond est bien de savoir comment restaurer ce lien de confiance. Au-delà des questions de la formation, des effectifs et des moyens, sur lesquelles nous reviendrons, l'approche choisie est problématique : la police de proximité n'est pas celle de la statistique et du chiffre. Tant qu'on ne réglera pas ce problème, on ne pourra pas avancer.
Le Président de la République lui-même, en conclusion du Beauvau de la sécurité, a proposé une réforme de l'IGPN, rejoignant ainsi notre souci de la transparence. Toutefois nous regrettons que le Beauvau de la sécurité ne donne pas lieu à un texte ambitieux comme cela avait été prévu, mais que l'élaboration d'un texte soit repoussée au-delà des élections de 2022, si le Président de la République est réélu. En tout cas, cette réforme de l'IGPN nous paraît absolument nécessaire ; elle doit être faite sous l'autorité d'un magistrat. En effet, il faut accroître la transparence des modalités de contrôle et de suivi.
Nous déplorons que le récépissé de contrôle d'identité n'ait pas été retenu, alors que c'est un signal de transparence et de clarté qui aurait pu être envoyé à nos jeunes.
Nous regrettons également l'institution de la réserve opérationnelle, car vous instituez ainsi une police à deux vitesses. Nous serons particulièrement vigilants sur la question de la formation et des effectifs.
Nous notons des avancées concernant la vidéoprotection. Nous regrettons cependant que les limites qui avaient été posées par le Conseil constitutionnel ne soient pas, à notre sens, totalement respectées.
Nous pouvons avancer de manière consensuelle sur certains sujets, comme sur celui des comités d'éthique locaux sur la vidéoprotection.
Enfin, en ce qui concerne les rodéos urbains, nous attendons l'avis du Conseil d'État et le retour du texte après sa lecture par le Sénat.
Je voudrais tout d'abord souligner la qualité des débats que nous avons eus au sein de cet hémicycle ainsi qu'en commission des lois. Ce texte apporte des réponses sur la responsabilité pénale ainsi que sur la sécurité intérieure.
La responsabilité pénale est le fondement de notre droit pénal. Sans libre arbitre, ni le jugement ni la sanction ne sont possibles. Dans un État de droit, on ne juge pas les fous.
Cela étant, l'affaire Halimi nous a tous légitimement émus et a pointé des failles de notre arsenal juridique que nous ne pouvions pas laisser en l'état. Suite à un important travail de coconstruction, mené par le garde des sceaux et les parlementaires, en particulier par Naïma Moutchou et Antoine Savignat, nous sommes parvenus à élaborer une législation qui répare ces failles tout en restant fidèle à nos principes républicains et démocratiques. Ainsi, une personne qui prend des psychotropes alors qu'elle sait qu'elle risque de perdre son discernement et de commettre l'irréparable doit être sanctionnée pour cela, de la même manière que celui qui, pour se donner du courage, prend des drogues pour commettre le crime odieux dont il conçoit le dessein.
Nous devons travailler sur l'accompagnement des soins dans le cadre des états généraux de la justice.
Ce texte répond à un deuxième enjeu, celui de la sécurité de nos concitoyens. Il fait suite à la censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés. Débattre de nouveau de ces dispositions au sein de cet hémicycle montre la vitalité de notre démocratie, car le Gouvernement, après avoir entendu les griefs du Conseil constitutionnel, propose de nouvelles dispositions.
Le but est de donner aux forces de l'ordre des moyens innovants pour qu'ils soient efficaces sur le terrain, face à des délinquants qui eux-mêmes innovent, tout en respectant le cadre constitutionnel qui est le nôtre. C'est un exercice toujours difficile, dans une démocratie, que de trouver cet équilibre, mais je crois qu'avec ces dispositions nous l'avons trouvé, notamment sur le sujet de la vidéoprotection. Ce sujet anime beaucoup les débats car il touche à des notions de droit importantes. Cependant, comme le disent les policiers et les gendarmes, ces outils sont indispensables sur le terrain. Ces dispositions permettent de fixer un cadre respectueux pour l'usage de ces outils et d'élucider des affaires. Il en va de la sécurité de nos concitoyens.
Nous avons apporté un certain nombre de réponses sur les rodéos urbains, dans la continuité de ce qui a été fait depuis le début de ce mandat au sujet d'un fléau qui pourrit la vie de nos concitoyens.
Nous devons protéger ceux qui nous protègent. Permettez-moi de conclure en saluant les policiers et les gendarmes qui, chaque jour, risquent leur vie et leur sécurité pour garantir la nôtre. À l'heure où nous parlons, ils sont sur le terrain dans des conditions parfois difficiles. Nous, parlementaires, voulons tous améliorer leurs conditions de travail. Nous sommes à leur côté ; ils sont les visages de la République et nous devons leur donner les moyens de travailler. Je sais que nous continuerons collectivement à le faire. C'est la raison pour laquelle le groupe Agir ensemble votera bien évidemment ce texte.
Nous avons dit dès la discussion générale ce que nous pensions de ce texte. L'examen de ses articles ne nous a pas conduits à changer d'avis.
Concernant l'irresponsabilité pénale et l'abolition du discernement, les sujets importants qui ont pu émerger dans le débat ne sont pas ceux qui sont contenus dans les articles de ce projet de loi, qui ne concernent que des « cas d'école », comme cela a été dit, et qui n'auraient rien changé à l'issue du jugement dans l'affaire Halimi.
Les vrais problèmes n'ont pas été abordés dans ce texte : il ne contient aucune proposition concernant la psychiatrie, et en particulier les moyens des hôpitaux psychiatriques. Il ne contient rien non plus sur un sujet qui nous occupe toute l'année en commission des lois, à savoir la psychiatrie en détention. Il s'agit d'un sujet majeur : dans certaines maisons d'arrêt, plus de 70 % des détenus sont suivis pour des troubles psychiatriques, alors que les surveillants pénitentiaires ne sont pas des infirmiers psychiatres.
Nous avons eu un échange sur les moyens d'obtenir une hospitalisation d'office ou une hospitalisation sous contrainte en modifiant l'article 706 du code de procédure pénale, mais vous nous avez répondu que ce n'était pas objet du texte. De fait, résoudre les problèmes concrets n'est pas l'objet de ce texte ! C'est dramatique de faire de la communication politique sur un sujet et sur une affaire qui a créé de l'émoi dans le pays, au lieu de traiter les problèmes qui se posent effectivement.
Sur le volet « sécurité intérieure » – je constate que vous n'avez pas trouvé de nom qui caractérise ce que vous proposez, preuve qu'il s'agit d'un texte fourre-tout…
Vous rejouez le match avec le Conseil constitutionnel et vous continuez de mettre en place un technologisme sécuritaire, une société de surveillance, en prétendant que cela ne pose aucun problème à ceux qui n'ont rien à se reprocher.
Le problème c'est que parmi les droits, figure le droit à la vie privée, par exemple, qui n'est pas anodin. Peut-être vous en fichez-vous ;
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe LaREM
ce n'est pas notre cas. Ce type de droits et de libertés paraissent importants. Je rappelle que les libertés constituent la meilleure des sécurités, et pas l'inverse. Ce principe devrait nous animer dans l'hémicycle et dans notre pays.
Je reviens sur un petit point, qui peut sembler un point de détail, mais qui est symptomatique de votre vision de la société, de la procédure pénale, et de la pénalisation de certaines infractions. Je pense à l'amende forfaitaire que vous créez pour les vols à l'étalage. Concrètement, une personne commet un vol à l'étalage en dérobant, au hasard, un ou dix paquets de pâtes d'une valeur inférieure à 300 euros. Aujourd'hui, elle sera interpellée, le policier doit venir sur place et l'agent de sécurité attestera qu'elle a volé les paquets de pâtes. Une procédure est suivie : elle passera en jugement et le magistrat regardera quelle est sa situation sociale, si elle dispose de moyens de subsistance, si l'état de nécessité, qui est une notion juridique, peut être qualifié. Des questions se posent au juge qui essaie d'individualiser la peine, de prendre en considération la situation générale de la personne.
Or vous voulez remplacer ce dispositif par une amende. Ainsi, le policier se rendra sur place, constatera le vol et infligera une amende de 300 euros qui sera réduite à 250 si la personne paie immédiatement, alors que c'est typiquement une délinquance de nécessité, bien souvent – on parle de biens volés dont la valeur est inférieure à 300 euros.
Des personnes comme Xavier Bertrand vous disent que sont infligées des amendes qui ne sont pas payées, proposant de retenir leur montant sur les aides sociales versées. C'est du délire, car le Trésor public dispose déjà de beaucoup de pouvoirs : il peut réaliser des saisies sur salaire et sur compte bancaire, ce qui est amplement suffisant.
Finalement, vous ne faites aucune espèce de proposition politique. Voilà ce que vous entendez par simplification, notamment de la procédure ; c'est à contre-courant des principes qui devraient nous animer. D'ailleurs, en ce qui concerne la simplification de la procédure pénale annoncée lors du Beauvau de la sécurité, j'escompte que tout le monde nous entende, notamment tous les professionnels du droit. Vous aurez bien compris que, dans la bouche du ministre Darmanin, simplifier la procédure pénale revient surtout à revoir un peu les droits des avocats car, vous comprenez, ils constituent une lourdeur, notamment lors de la garde à vue qui est filmée.
Protestations sur quelques bancs du groupe Dem.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous avons tous conscience de la difficulté du travail de la police et des forces de sécurité qui est indispensable. Le problème, c'est que le texte ne règle pas les problèmes : nous sommes peu convaincus par son apport et nous ne voyons pas en quoi il pourrait éviter des crimes odieux tels que ceux que nous avons hélas connus.
Contrairement à ce qui a été annoncé, l'article 2, par exemple, risque bien de conduire à condamner des personnes ayant pourtant été déclarées pénalement irresponsables par la justice. A contrario, la question des moyens humains, matériels et des services psychiatriques spécialisés n'est pas abordée dans le texte alors qu'elle est pourtant centrale.
Nous sommes également inquiets, nous l'avons dit, au sujet de la réserve opérationnelle de la police nationale, notamment s'agissant du port d'armes par les réservistes. Quelles sont les conditions de recrutement de ces personnes ? Quelles sont les conditions de leur formation ? Elles ne sont pas détaillées dans le projet de loi qui renvoie à un décret alors que, manifestement, il s'agit de bien encadrer cette activité. En toute hypothèse, le port d'armes nécessite une formation adéquate.
De même, nous nous opposons aux mesures de surveillance, qui avaient d'ailleurs été censurées par le Conseil constitutionnel et que vous proposez à nouveau. Nous nous inquiétons du développement croissant de la vidéosurveillance, notamment par des drones, qui peut être utilisée dans des cas de figure très nombreux, en particulier dans les cellules de garde à vue. À l'évidence, ces mesures constituent une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles.
Sur le fond, ce texte, qui s'ajoute aux autres lois sécuritaires adoptées depuis le début du mandat, contribue à restreindre encore la liberté des citoyens. Or chacun, dans une démocratie, peut avoir une hiérarchie de valeurs, dont la sécurité fait bien entendu partie, nous ne l'oublions pas. Mais pour le groupe LT, je veux le rappeler encore une fois, la liberté individuelle est une valeur suprême.
Sur la forme, on peut s'étonner que le projet de loi présenté initialement pour restreindre les cas d'irresponsabilité pénale, en réponse à l'affaire Sarah Halimi, soit finalement beaucoup plus étendu et porte à titre principal sur la sécurité intérieure. En effet, sur les six titres et vingt articles du projet de loi, un seul titre et trois articles sont consacrés à la responsabilité pénale, tandis que trois titres et onze articles à la question de la sécurité intérieure. En définitive, ce texte comporte des dispositions disparates, peu lisibles ; c'est un texte fourre-tout qui, d'une part, réintroduit des dispositifs sécuritaires issus, pour certains, de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés censurée par le Conseil constitutionnel, comme les drones, d'autre part, prévoit de nouvelles dispositions relatives au droit pénal, à la police administrative et judiciaire et à la justice des mineurs sans aucune cohérence d'ensemble.
S'agissant de l'opportunité d'une réforme de l'irresponsabilité pénale, les conclusions du rapport de Philippe Houillon et de Dominique Raimbourg sur l'irresponsabilité pénale de février 2021 préconisent de conserver en l'état l'article 122-1 du code pénal. Ils soulignent que « l'abolition du discernement au moment de l'acte est exclusive de l'intention au sens du droit pénal. La mission a considéré qu'il ne pouvait pas être transigé avec ce principe sans remettre en cause notre édifice pénal. »
S'agissant des dispositions relatives à la sécurité intérieure, le texte prévoit des dispositions renforçant la répression des atteintes commises contre les forces de sécurité intérieure et transforme la réserve civile de la police nationale en une réserve opérationnelle, à l'instar de celle de la gendarmerie nationale et des armées. Le projet de loi comporte des dispositions relatives à l'usage, par certains services de l'État dans l'exercice de leur mission de police administrative, de caméras dans la cellule de garde à vue, de caméras aéroportées, de caméras embarquées sur des véhicules terrestres et des embarcations.
Nous l'avons dit et répété ce matin, ce modèle de société où l'on serait filmé en permanence n'est pas le nôtre. Le Gouvernement, l'exécutif d'une manière générale, et beaucoup d'autres dans cet hémicycle critiquent des États qui passent leur vie à filmer leur peuple, les qualifiant parfois de dictatures. Eh bien, je vous invite à faire en sorte que notre pays ne devienne pas ce genre de société où toute la population serait filmée du matin au soir, surveillée et où les libertés individuelles et collectives seraient bafouées.
Les dispositions du volet sur la sécurité intérieure sont très disparates, dépourvues de cohérence d'ensemble et complexifient inutilement le droit applicable. Plusieurs d'entre elles, qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel, sont réintroduites dans le projet de loi. Rédigées différemment, ces mesures pénales, dont la qualification demeure vague ou indéfinie, suscitent toujours des inquiétudes au regard de la conciliation nécessaire entre les objectifs poursuivis et les atteintes portées au droit à la vie privée et aux libertés. Toutes ces observations, de même que l'ensemble de nos amendements, commandent au groupe GDR de voter contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Sans surprise, le groupe La République en marche votera évidemment ce texte. Il ne s'agit pas d'un texte fourre-tout, comme cela a pu être dit sur certains bancs, mais d'un texte vraiment ambitieux qui se situe dans la continuité des engagements pris par le Président de la République de faire de la sécurité et de la justice les priorités de ce quinquennat.
Durant le quinquennat, le budget de la justice a augmenté de 30 %, ce qui n'avait jamais été fait. M. le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, l'a rappelé : le budget de son ministère a augmenté de 1,7 milliard d'euros. Tels sont les engagements qui sont pris et qui se traduisent dans ce projet de loi, loin d'être caricatural et fruit d'une coconstruction parlementaire, comme l'a rappelé Mme Brocard. C'est assez exceptionnel dans ce domaine, des rapports ont été successivement remis par des députés de la majorité et de l'opposition : je pense au rapport des députés Savignat et Moutchou, mais également celui des députés Eliaou et Savignat ou encore celui de Jean-Michel Mis, qui ont enrichi très sensiblement le projet de loi. Je le rappelle, il comporte des dispositifs, notamment relatifs à la justice, qui sont ambitieux.
Je voudrais également remercier très sincèrement Antoine Savignat,…
…qui nous a éclairés sur la pertinence du dispositif relatif à la responsabilité et à l'irresponsabilité pénales. Sur l'article 1er , on se figure mal comment aujourd'hui il peut y avoir un trou dans la raquette alors que des terroristes consommeront des psychotropes pour se donner du courage, ce qui les conduira à commettre l'irréparable. Aussi l'article 1er est-il pertinent.
Dans le cadre des violences intrafamiliales, le dispositif de l'article 2, vous l'avez également dit très justement, permettra de déterminer si une personne qui a consommé des substances psychoactives, perdant son discernement et pouvant être déclarée irresponsable pénalement du fait de l'abolition de celui-ci, était clairvoyante au moment de la prise de ces substances. Elle pourra ainsi être incriminée sur le fondement d'infractions nouvelles relatives aux intoxications volontaires que nous créons. Je remercie très sincèrement ma collègue Naïma Moutchou, rapporteure du projet de loi, dont le travail a permis de faire évoluer le dispositif.
Je salue encore une fois le travail du rapporteur Jean-François Eliaou et d'Antoine Savignat, concernant la difficile question de la prise d'empreintes des mineurs non accompagnés. Les garanties sont assurées : ces dispositifs permettent d'effectuer des contrôles contre leur volonté tout en assurant la protection qu'on leur doit.
S'agissant des dispositifs relatifs à la sécurité intérieure, j'avoue ne pas bien comprendre nos oppositions. On ne peut à la fois dire qu'on veut protéger nos forces de l'ordre dans le cadre du refus d'obtempérer, par exemple, et soutenir qu'on serait défavorable à ce texte. On ne peut pas dire non plus qu'on veut plus de policiers et de gendarmes – nous en avons déjà recruté 10 000 supplémentaires lors de ce quinquennat…
…et refuser de voter les dispositions relatives à la création d'une réserve opérationnelle pour la gendarmerie. On ne peut pas non plus dire qu'on est défavorable aux drones, alors que lors de leur audition, nos policiers et nos gendarmes se sont montrés très favorables à l'instauration d'un cadre juridique pour leur utilisation.
Oui, le projet de loi prévoit un ensemble de mesures qui sont très pertinentes et qui permettront de renforcer la protection de nos concitoyens, et d'accroître les moyens humains et financiers de nos forces de l'ordre qui l'attendent tant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 34
Contre 8
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Prochaine séance, mardi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances ;
Projet de loi ratifiant l'ordonnance du 21 avril 2021 relative aux travailleurs indépendants.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra