Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 23 septembre 2021 à 9h00
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Article 8

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

…dont le métier est précisément d'encadrer les manifestations et qui ont été formés pour cela.

Ne confondons pas les sujets, la stratégie française en matière de maintien de l'ordre et l'utilisation des techniques de captation d'images par des caméras aéroportées. Chacun peut le comprendre facilement : certes, le drone ne résout pas tout, mais il constitue une source d'information utile pour prendre les décisions dans les salles de commandement. Il offre par ailleurs à chacun la possibilité de se référer aux images de ce qui s'est passé.

Madame El Aaraje, vous êtes un peu contradictoire. J'eusse évidemment aimé que les finalités judiciaires pour lesquelles les drones peuvent être utilisés intègrent les rodéos urbains. Le Gouvernement l'avait d'ailleurs proposé, mais notre texte a été censuré par le Conseil constitutionnel. Il nous faudra revenir sur le sujet lorsque nous refondrons le statut juridique des images dans notre pays. Il est évident que pour lutter contre les rodéos urbains qui pourrissent la vie de nos concitoyens, le recours à la caméra de vidéoprotection ne suffit pas. Par définition, le motocross qui fait du bruit dans un quartier et qui tue des piétons – encore très récemment, à Toulouse – doit son pouvoir de nuisance à sa mobilité. Or il est beaucoup plus simple d'organiser des vidéopatrouilles avec des drones qu'avec des caméras de vidéoprotection, dont toutes les municipalités ne disposent pas, ce qui peut se comprendre.

Je veux, par ailleurs, le redire, notamment à l'intention de M. Clément : le régime juridique relatif à la captation d'images que nous proposons à l'article 8 est tout à fait attaquable, et bien davantage que les techniques de renseignement. L'autorisation administrative désormais délivrée par le préfet pour l'utilisation d'une caméra aéroportée sera, en effet, comme toutes les autorisations administratives, attaquable devant le juge des libertés qu'est le juge administratif – au tribunal administratif et éventuellement au Conseil d'État, qui a validé le dispositif en amont – c'est une drôle d'atteinte aux libertés que celle qui est approuvée par le Conseil d'État, vous en conviendrez ! Le juge pourra par ailleurs apprécier la proportionnalité de chaque usage des drones proposé par l'administration au regard de la finalité poursuivie. Je le répète, chaque citoyen ou chaque organisation aura la possibilité d'attaquer l'arrêté administratif pris par un préfet.

Ce régime est donc beaucoup plus protecteur que celui qui prévaut pour les techniques de renseignement. Il est assez rare que l'on saisisse le tribunal administratif lorsque l'on est mis sur écoute – en général, on n'est pas au courant ! L'autorisation est donnée par des responsables politiques – dont je suis, évidemment –, sans oublier la consultation d'une autorité administrative indépendante, qui n'informe pas les citoyens a priori. Je ne m'étendrai pas plus longuement sur le régime juridique relatif aux techniques de renseignement, mais je ne peux laisser dire que les libertés sont mieux protégées quand la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) place des individus sur écoute que lorsque le préfet prend un arrêté de manière officielle, lequel est contestable par chacun devant le tribunal administratif. Il me semble donc que vous allez un peu loin dans votre argumentation, monsieur le député !

Nous avons donc besoin de l'article 8 à la fois pour les forces de l'ordre et pour nos concitoyens. Il est proportionné et respectueux de la décision du Conseil constitutionnel, il propose un dispositif garant des libertés fondamentales, tout en tenant compte des évolutions technologiques actuelles. Les voyous, aujourd'hui, vous le savez, font voler des drones. Nous devons nous inscrire dans la même révolution du maintien de l'ordre que celle engagée par le préfet Louis Lépine : lorsque les voyous ont commencé à utiliser des voitures, les policiers ont utilisé des voitures ; lorsque les voyous ont utilisé le téléphone, le téléphone a été installé dans les commissariats.

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