Ce texte, assez ambitieux à l'origine, aura perdu quelques-unes de ses plumes depuis le début de son examen, interrompu par la crise sanitaire. La version issue de la CMP préserve néanmoins les trois objectifs que sont le renforcement de la lutte contre le piratage, la fusion de la HADOPI et du CSA pour créer l'ARCOM et une protection de l'accès du public aux œuvres cinématographiques françaises. En clair, et à quelques mois de la fin du quinquennat, ce n'est pas le big bang de l'audiovisuel promis par le candidat Macron auquel on assiste, mais un projet dont l'ambition a été revue à la baisse.
Si la transposition des directives européennes a pu être effectuée, nous avons regretté qu'elle le fût par ordonnance, privant une fois encore le Parlement d'un droit fondamental.
Exit donc la réforme de la contribution à l'audiovisuel public, qu'il faut réinventer afin de soutenir le secteur public de l'audiovisuel. La suppression du dispositif actuel est en totale contradiction avec la nécessité, pour nos médias publics, de mener le combat pour défendre les enjeux essentiels que sont la souveraineté culturelle, la liberté d'expression, la pluralité et la qualité des contenus, pour accompagner les évolutions des techniques et des usages et pour lutter contre la désinformation et la manipulation de l'information.
Le paysage audiovisuel français est en proie depuis plusieurs années à de profondes mutations qui méritent notre attention, et c'est tout l'intérêt de cette discussion. Les modes de consommation des médias audiovisuels ont profondément évolué avec l'arrivée des géants américains Amazon, Netflix ou Disney+. La concurrence féroce à laquelle ils se livrent sur le marché des investissements de production appelle toute notre vigilance pour protéger les producteurs indépendants et le patrimoine audiovisuel français et européen.
Au vu de ces profonds changements, le texte raccourci issu de la commission mixte paritaire a probablement déjà beaucoup de retard sur notre époque ! Comme souvent, nos lois courent lentement derrière les réalités – c'est ainsi. Ces dispositions opèrent la fusion annoncée entre la HADOPI et le CSA pour former l'ARCOM, ce que nous estimons être une bonne orientation pour mieux réguler les contenus. Il apparaît que cette fusion suscite un certain enthousiasme chez les équipes des deux structures, à la condition bien sûr que les moyens budgétaires soient au rendez-vous pour accompagner et consolider l'immense travail de protection des œuvres et de modernisation des outils. Nous en reparlerons au moment des discussions budgétaires à venir.
La partie du projet de loi relative à la protection de l'exploitation des œuvres cinématographiques en cas de cession est également une avancée positive même si elle aurait mérité d'être renforcée et si nous aurions souhaité intégrer la délicate question de la pollution numérique dans les discussions passées et à venir. Néanmoins, nous regrettons la suppression par la CMP de l'article 7 bis , qui visait à consolider une chaîne du service public comme référente en matière de sport. La captation par Amazon de l'essentiel de la diffusion de la ligue 1 illustre des rapports de force très inégaux en faveur de l'Américain !
Sur la question des droits voisins, nous serons vigilants quant à la bonne application de la directive suite à la suppression de l'article 2 bis . La commission des affaires culturelles et de l'éducation entend les alertes lancées par de très nombreux acteurs : face à la prédation énorme de notre patrimoine culturel par les GAFAM et autres géants du numérique, le Parlement doit veiller à l'exécution sans faille des sentences prononcées par l'autorité de la concurrence.
S'installer dans un rapport de force dynamique avec ces géants est une nécessité si nous voulons sortir de la situation asymétrique actuelle, avec des plateformes opposées à toute forme de régulation et qui n'ont pas pour objectif de présenter la presse de manière impartiale. Nous devons nous armer et créer les outils nécessaires. Je salue donc la démarche de rassemblement adoptée par les acteurs des éditeurs de presse autour d'un nouvel organisme de gestion collective. Peut-être faut-il cependant trouver le bon véhicule législatif, en France et en Europe, pour garantir l'indépendance et la qualité des contenus créés par nos éditeurs et agences de presse.
Enfin, je veux redire notre inquiétude relative au projet de fusion entre TF1 et M6, qui va entraîner de multiples formes de concentration : de l'information, de la publicité – jusqu'à 75 % du marché publicitaire ! – mais aussi de la production de séries ou de téléfilms. Cela nous interroge sur l'espace laissé à la production indépendante. Il nous faut adopter de nouveaux outils anticoncentration pour préserver notre diversité.
Nous le savons tous, chers collègues, l'enjeu est de taille : il s'agit de nous donner les moyens de lutter contre le pillage des œuvres et la captation de la valeur que nos créateurs produisent, que ce soit dans le domaine de la presse, de la musique ou de l'audiovisuel dans sa globalité. À l'heure où l'autorité de la concurrence a rendu des arbitrages forts, le Parlement se doit de jouer pleinement son rôle de contrôle. De ce point de vue, le texte que nous examinons à nouveau ici, s'il n'a pas pris en considération l'ensemble des enjeux relatifs à la régulation des marchés et à la protection des œuvres, est une avancée que nous reconnaissons volontiers.
Nous soutenons évidemment le projet de loi organique : il est essentiel que le Parlement puisse s'exprimer sur la nomination des présidents.
Aussi, malgré les réserves que j'ai émises, et parce que l'attente du monde audiovisuel est importante et que nous voulons défendre la place de l'audiovisuel public dans ce paysage, mon groupe votera en faveur de ce texte.