Intervention de Jean-Michel Blanquer

Séance en hémicycle du mercredi 29 septembre 2021 à 15h00
Création de la fonction de directeur d'école — Présentation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports :

Parfois, la République a rendez-vous avec elle-même. C'est souvent le cas lorsque nous examinons des textes portant sur l'éducation, et c'est particulièrement vrai aujourd'hui avec l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi de Mme la députée Cécile Rilhac, qui porte sur l'une des fonctions les plus essentielles de notre école : celle de directrice ou de directeur d'école. Dans nos 54 000 écoles, dans nos villes et nos campagnes, il y a, avec les professeurs, une directrice ou un directeur qui est un repère pour tout le monde – parents, enfants, professeurs et maires. Le matin à la grille pour accueillir les enfants, au téléphone avec l'inspecteur ou l'inspectrice de l'éducation nationale pour faire face à un imprévu, à l'écoute des parents qui s'interrogent, inquiet pour un enfant qu'on ne sent pas en forme, toujours bienveillant, toujours exigeant et, en plus de tout cela, la plupart du temps, chargé d'une classe. Je connais la difficulté du travail des directrices et directeurs d'école, et c'est pourquoi nous avons avancé pour améliorer leur décharge – je vais y revenir. Nous savons que, durant la pandémie, matin et soir, ils ont su faire face et organiser en toutes circonstances la continuité des enseignements des élèves.

Cet après-midi, très solennellement, je veux adresser ici ma gratitude et reconnaissance aux directrices et directeurs d'école de France. Ils sont le cœur de notre école et, par conséquent, au cœur de la politique scolaire que mène le Gouvernement depuis quatre ans et dont la priorité, vous le savez, est l'école primaire.

Nous parlerons donc beaucoup aujourd'hui des directrices et directeurs d'école et, en parlant d'eux, nous parlerons de l'école primaire. Rien ne nous fera dévier de ce sillon fondamental pour les élèves, pour leurs familles et pour notre pays. C'est le combat absolu de notre nation, car il est vecteur d'émancipation grâce à la consolidation des savoirs fondamentaux et vecteur de liberté, d'égalité et de fraternité parce que les citoyens qui composent notre pays ont d'abord été des élèves de l'école primaire. Le combat d'une nation qui lutte contre tous les fatalismes – ceux qui découlent du pessimisme, du sentiment d'impuissance et de la naissance –, d'une nation qui veut donner le meilleur à tous ses enfants en luttant à la racine contre la difficulté scolaire. L'élévation générale du niveau scolaire de notre pays et la justice sociale : voilà, en deux mots, ce qui résume notre volonté pour l'école primaire, et cela passe par une directrice ou un directeur d'école bien positionné.

Durant ces quatre années, nous n'avons jamais dissocié l'élévation du niveau des élèves de l'amélioration des conditions de travail des professeurs et, plus largement, des personnels, car nous savons tous que cela fait système. Les Français ont besoin de savoir que leur école fait réussir leur enfant. Souvent, ils ne savent pas que le directeur ou la directrice n'a pas de pouvoir réel. Nous mettons aujourd'hui cette question en lumière, car les professeurs ont le droit de demander à la société la juste reconnaissance de leur engagement – et c'est vrai aussi pour les directeurs et directrices d'école. Pendant quatre ans, nous avons mené une action déterminée pour l'école primaire. Aujourd'hui, nous ne sommes pas moins déterminés à donner aux directeurs et directrices la juste reconnaissance du rôle essentiel qu'ils jouent.

Voilà quatre ans, nous annoncions un objectif volontariste : 100 % des élèves devaient sortir de l'école primaire en maîtrisant les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter et respecter autrui. Durant quatre ans, nous nous en sommes donné les moyens, en abaissant l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans pour faire de l'école maternelle, plus encore qu'aujourd'hui, une école où chaque enfant se prépare avec les mêmes chances à entrer dans les enseignements fondamentaux ; en dédoublant les classes de grande section, CP et CE1 en éducation prioritaire pour que chaque professeur ait deux fois plus de temps pour s'occuper de chacun des élèves – près de 350 000 élèves sont aujourd'hui concernés par cette mesure – et en limitant les effectifs de classe, dans toute la France, à vingt-quatre élèves en grande section de maternelle, en CP et en CE1 pour donner à tous les meilleures conditions de scolarisation en faveur des apprentissages fondamentaux. Cela aussi fait partie de la vie quotidienne des directeurs et directrices d'école. En cette rentrée, 86 % des classes de grande section, de CP et de CE1 de l'enseignement public, tous territoires confondus, bénéficient ainsi d'un effectif inférieur ou égal à vingt-quatre élèves.

En parallèle, nous nous sommes engagés, dans le Grenelle de l'éducation, pour améliorer les conditions d'exercice des professeurs et leur rémunération – parce que c'est, évidemment, ce qu'ils le méritent, mais aussi parce que c'est un levier de progrès pour nos enfants et pour notre pays. En quatre ans, nous avons ainsi porté la prime de l'éducation prioritaire jusqu'à 5 000 euros en ajoutant près de 3 000 euros aux primes existantes, afin de stabiliser les équipes, car nous savons que c'est un facteur de progrès des élèves. Cela faisait longtemps qu'on en parlait. Aujourd'hui, cette prime destinée au réseau d'éducation prioritaire renforcé, ou REP+, est réellement attractive, afin qu'on ne trouve pas dans ce réseau que les nouveaux venus, mais des personnels qui restent longtemps.

Nous avons revalorisé les débuts de carrière des professeurs, et la prime d'attractivité permettra ainsi des augmentations pouvant atteindre 169 euros net par mois pour un débutant. Cette évolution aura eu lieu en moins d'un an. Or, s'il suffisait d'appuyer sur un bouton, cela aurait été fait depuis longtemps. Ce qui a été enclenché avec le Grenelle de l'éducation, c'est un vaste processus, une dynamique qui, nous le voulons – nous le souhaitons –, continuera à se produire tout au long des prochaines années.

Nous avons aussi aidé à financer le matériel informatique des professeurs, avec une prime pérenne de 150 euros net, qui concerne aussi, bien évidemment, les directeurs et directrices d'école. Tout cela s'est traduit par des augmentations budgétaires pour 2022. Ces augmentations, dont nous reparlerons dans un autre cadre et qui viennent d'être présentées, représentent 1,6 milliard d'euros pour la seule année 2022. Nous pouvons en être fiers, car il n'est pas d'investissement plus productif pour une nation que l'investissement éducatif. Comme j'ai souvent eu l'occasion de le répéter depuis plusieurs mois, notamment dans le contexte de la crise sanitaire, ce n'est pas seulement la France, mais aussi l'Europe et le monde qui doivent investir beaucoup plus dans l'école – dans certains pays, pour remédier à la longue fermeture des établissements scolaires et, dans tous, pour tenir compte des défis du XXIe siècle. Cet investissement éducatif supplémentaire doit tout particulièrement porter sur l'école primaire et doit avoir un impact sur la fonction de directeur et de directrice d'école.

Comme vous le savez, les conditions d'exercice de la direction d'école sont très variées selon que l'on se trouve en milieu rural ou urbain et dans de petites ou de grandes écoles, ce qui se traduit par une forte diversité des profils d'écoles, et donc des missions. Cela nous oblige à faire preuve de beaucoup de pragmatisme.

Nous avons déjà pris des mesures pour la direction d'école dans la perspective de cette proposition de loi, jalon fondamental du processus général de reconnaissance. Dès l'été 2019, j'ai souhaité que le chantier de l'amélioration de la situation des directrices et directeurs d'école fasse partie de l'agenda social du ministère. Cela a donné lieu à une grande consultation, dont nous pouvons voir les fruits aujourd'hui, à une grande concertation et à une négociation. Nous avons rendu publics les résultats de cette consultation, ce qui nous a permis de mesurer l'ampleur de l'attente qui s'exprime de la part de nos directrices et directeurs d'école.

Des travaux ont été engagés et les premières réponses ont été apportées ; je citerai les principales. En premier lieu, pour donner davantage d'autonomie à ceux qui exercent le métier de directeur d'école et pour alléger leurs tâches administratives, j'ai souhaité que leur soit confiée la pleine responsabilité de la programmation et de la mise en œuvre des cent huit heures annuelles de service dans le cadre réglementaire existant. Ce temps annuel, qui s'ajoute aux heures d'enseignement, sert – vous le savez – à soutenir les élèves en difficulté, à recevoir les parents, mais aussi à se former. N'oublions pas que jusqu'aux années 1970, les directeurs d'école étaient responsables de la formation des professeurs. Désormais, l'équipe de circonscription les aide et c'est une bonne chose, mais sans doute avons-nous quelque peu oublié que le directeur d'école a toujours été le moteur de l'ambition pédagogique ; il faut retrouver cette idée.

Cela montre bien que l'objectif consistant à consolider le métier de directeur d'école revient à consolider également les équipes qui sont placées sous sa responsabilité, dans l'intérêt de l'esprit d'équipe. Je n'ignore pas les objections qui sont faites à cette proposition de loi : la crainte que soit créé un pouvoir hiérarchique, qu'il en découle un amenuisement des libertés sur le terrain. C'est tout l'inverse qui est proposé. Plus le directeur et la directrice pourront prendre des initiatives, plus les actions seront menées au plus près du terrain, en concertation avec les professeurs de chaque établissement.

En deuxième lieu, nous avons amélioré les outils numériques de gestion afin que les directeurs et directrices se recentrent sur l'essentiel, à savoir le pilotage de leur école.

En troisième lieu, nous expérimentons depuis la dernière rentrée une fonction de référent. Placés auprès des directions des services départementaux de l'éducation nationale, les référents apportent aux directrices et directeurs écoute et conseils dans l'exercice de leurs missions ; c'est un accompagnement qui complète les deux journées de formation désormais accordées – au minimum. La proposition de loi vise à en généraliser l'expérimentation.

En quatrième lieu, à l'automne 2020, nous avons versé aux directeurs et directrices d'école une indemnité exceptionnelle de 450 euros en reconnaissance de leur rôle fondamental dans la gestion de la crise sanitaire. La pérennisation de cette indemnité en 2021 est une étape supplémentaire – mais pas la dernière – en faveur de la juste reconnaissance des conditions d'exercice de ces professionnels. Dans le cadre du Grenelle de l'éducation, nous continuerons de revaloriser cette fonction. D'autre part, depuis la rentrée de 2021, comme je m'y étais engagé, un nouveau régime des décharges a été instauré : 600 emplois supplémentaires y sont consacrés et 40 % des directeurs et directrices sont concernés. Leur vie s'en trouve changée : alors qu'il leur fallait jusqu'à présent jongler constamment entre des dizaines de priorités, ils ont désormais le temps de bien faire leur travail.

Enfin, les directeurs et directrices d'école bénéficient des avancées majeures qu'a permises le Grenelle en 2020 et 2021. Je récapitule les primes : une prime exceptionnelle de 450 euros en 2020, une revalorisation indemnitaire de 450 euros par an à partir de 2021, une prime d'équipement informatique de 176 euros par an, une prime d'attractivité de 1 400 euros par an pour les débuts de carrière en 2021, à quoi s'ajouteront 800 euros supplémentaires en février 2022 ; enfin, le taux d'accès à la classe exceptionnelle a été amélioré. Citons enfin les primes afférentes à l'éducation prioritaire dans les zones concernées.

L'objectif de cette proposition de loi consiste à récapituler tous ces éléments tout en allant au-delà, en vue d'une pleine reconnaissance de la direction d'école, en faisant notamment des directeurs et des directrices de véritables pilotes pédagogiques de l'équipe scolaire. Le texte vise à consacrer, sinon à renforcer par la loi la reconnaissance nécessaire de la fonction de directeur d'école et de son autonomie, ainsi que l'accompagnement matériel et humain auquel ceux qui l'exercent pourront prétendre. Je sais que nous devons aller plus loin dans l'aide que nous devons collectivement fournir aux directeurs d'école – pour la partie qui ne relève pas de la loi – mais j'y reviendrai au cours du débat.

Cette proposition de loi a pour ambition de conforter et de sécuriser l'emploi de directeur d'école. Il faut reconnaître la mission de ceux qui l'occupent, reconnaître leur fonction de stimulation, de coordination, d'encouragement, d'harmonisation des initiatives de l'équipe pédagogique ; c'est ce à quoi nous nous employons avec pragmatisme et exigence pour qu'ils puissent plus et mieux assurer le relais entre les familles, les collectivités locales, les professeurs et la réussite des élèves.

Reconnaître leur fonction, c'est reconnaître leur rôle – celui de pilote au sein d'un collectif, contribuant à l'échange de pratiques, à la coordination des enseignements pour une meilleure continuité des apprentissages – et c'est reconnaître leur force de proposition dans l'accompagnement de proximité et la formation afin qu'ils répondent mieux aux besoins de l'équipe des professeurs de leur école. Les constellations, par exemple, sont des processus de formation continue mis en œuvre dans le cadre du plan Français et du plan Mathématiques ; elles sont le fruit d'une vision « horizontale » de la formation continue, puisqu'elles interviennent au plus près des besoins définis par les équipes elles-mêmes, sous la coordination des directeurs et directrices d'école. Les deux plans cités nous donnent donc une idée de la forme que pourrait prendre une conception plus large des initiatives prises au plus près du terrain en matière de formation des professeurs.

Il existe, on le voit, un lien entre notre action en faveur de la reconnaissance de la fonction de directeur et l'efficacité pédagogique au service des élèves. Un directeur ou une directrice d'école affirmé dans ses fonctions, c'est un élève qui réussira mieux demain. Reconnaître ces fonctions, c'est lui permettre de mieux défendre le projet d'école auprès des collectivités et des parents d'élèves, mais aussi auprès de l'institution scolaire dans son ensemble. L'école est ainsi replacée au centre du village.

En somme, il s'agit d'apporter une pierre supplémentaire à l'édifice d'une école qui prend tout son sens – le sens donné aux apprentissages des élèves, qu'éclairent la recherche et les évaluations ; celui du métier de professeur, mieux reconnu, plus à l'initiative de son enseignement, mieux formé et membre d'une équipe ; celui des missions du directeur ou de la directrice, véritable pilote pédagogique de cette équipe.

Je veux une nouvelle fois rendre hommage au travail de votre rapporteure, Cécile Rilhac,…

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