Le débat est récurrent, et c'est normal, puisque l'article consacre une évolution du cadre juridique du financement des associations cultuelles, donc des religions.
Contrairement à ce qu'a dit notre collègue Corbière, nous nous inscrivons bien dans la logique de la loi de 1905 : ce ne sont pas l'État ni les collectivités locales qui financent les cultes en France, à une exception que vous rappelez souvent, l'Alsace-Moselle. Dès lors, pour assurer le libre exercice des cultes, il faut que les différentes communautés religieuses, les différentes Églises, quelle que soit leur structuration, disposent de ressources.
Même si elle l'avait temporairement contesté lors d'une audition en commission, la Fédération protestante de France a reconnu ensuite que la demande émanait d'elle. Vous pourriez nous reprocher d'adopter une mesure spécifique pour répondre à une demande d'une religion, voire d'une branche du christianisme. Depuis le début de l'examen du projet de loi, nous avons été souvent accusés de viser une religion en particulier – en l'occurrence, pas la religion protestante mais la religion musulmane – sans nous préoccuper des effets collatéraux sur les autres religions. Certains représentants des religions avaient eux-mêmes, à un moment, nourri ce reproche – quelques articles de presse y avaient été consacrés. Ce rappel, en réalité, montre bien que les dispositions du projet de loi sont de portée générale et que les solutions qu'elle propose concernent tous les cultes alors que leurs besoins de financement sont différents.
La communauté protestante a cette particularité d'être organisée à l'échelon local, de la paroisse. Il n'existe pas d'associations départementales, encore moins nationales, pour gérer la rémunération des pasteurs et le patrimoine. Certaines paroisses tirant des revenus de leur patrimoine en le louant se sont vu opposer un contrôle de légalité au motif que leur statut d'association cultuelle ne les autorisait pas à avoir de tels financements. Il y avait donc nécessité de résoudre ce problème, d'où la demande de la Fédération protestante de France.
De son côté, la communauté catholique dispose d'un vaste patrimoine foncier et immobilier ; elle est structurée en associations diocésaines départementales – quand ce n'est pas à une échelle plus grande encore. Elle ne manquera donc pas de recourir à ces nouvelles dispositions – Mgr de Moulins-Beaufort l'a dit lors de son audition. Il en est de même de la communauté juive ou des communautés protestantes émergentes telles que les chrétiens évangéliques.
La communauté musulmane n'était en effet pas demandeuse au départ mais il est évident qu'elle s'en saisira également. Il faut préciser que dans la culture musulmane, il est délicat d'envisager de souscrire des emprunts et de faire des placements financiers, ce qui constitue un obstacle pour le financement du culte, comme l'a souligné le rapporteur général. Elle est organisée comme chez les protestants à l'échelle locale, de façon très autonome, autour de chaque mosquée. Il sera utile pour elle de disposer de cette nouvelle source de financement. Les dons et les legs des fidèles permettront de dégager des ressources pérennes et durables pour construire des lieux de culte, les entretenir et payer les salaires des imams. Cela lui épargnera d'avoir à passer par les systèmes de financement classiques qui ne sont pas toujours faciles à gérer pour elle.
Même si cette mesure répond à une demande formulée par les protestants, elle pourra donc être utilisée par l'ensemble des religions. De portée générale, elle préserve l'équilibre initial de la loi 1905 selon lequel le financement des religions ne saurait être d'origine publique et doit être alimenté par les fidèles.