Au terme de ces débats, ce texte, de notre point de vue, aura plutôt pour effet de malmener la laïcité, en tout cas dans l'esprit de la loi de 1905, et ne répondra en rien à la question du séparatisme, notamment du premier des séparatismes qu'est le séparatisme social.
Dans l'esprit de la loi de 1905, la laïcité est une contrainte pour l'État et une liberté pour les individus. La loi de 1905 est également une loi de cohésion nationale. Le premier pilier de la laïcité, c'est la liberté – liberté de croire ou de ne pas croire, et de pratiquer sa religion dans le respect de l'ordre public. Or, au terme de nos débats, nous ne pouvons que regretter que cette loi, à l'inverse de celle de 1905, soit davantage une loi de contrainte, de restriction et de contrôle.
Pour ce qui est du séparatisme social et de l'espoir que certains d'entre nous avaient conçu en entendant le Président de la République aux Mureaux, le texte est aux abonnés absents face à tous les problèmes qu'il avait relevés à juste titre dans ce discours. Aucune des mesures sociales annoncées alors ne figure dans ce texte pour lutter contre le séparatisme. Rien sur le déterminisme social qui ronge notre institution scolaire. Rien sur le séparatisme social qui conduit les enfants des classes populaires et ceux des classes les plus privilégiées à ne jamais se rencontrer, rien sur la paupérisation grandissante qui frappe nos écoles publiques et nos universités.
J'ai pris des exemples dans mon département de la Seine-Saint-Denis où, avec une démographie positive, 1 300 enfants quitteront l'école publique à la prochaine rentrée pour des raisons qui tiennent à la paupérisation de ces écoles, au non-remplacement des professeurs et au fait que, dans ce département, à l'école publique, entre le CP et la troisième, un enfant passe l'équivalent d'une année scolaire sans professeur devant lui, ce qui est absolument insupportable, surtout dans les départements populaires, où l'on place beaucoup d'espérances dans l'école pour ses enfants.
Rien non plus sur le logement social, les quartiers, la lutte contre les ghettos et la mixité sociale. Rien pour corriger les inégalités criantes qui existent dans certains territoires où les services publics ont déserté, où les professeurs, les policiers, les médecins et les magistrats sont moins nombreux qu'ailleurs et où il y a rupture de l'égalité républicaine. Rien dans ce texte pour tenter de surmonter ou de réparer ces ruptures d'égalité. Rien non plus sur les discriminations : alors que notre pays constate, mois après mois, la montée du racisme et des intolérances, rien dans ce texte ne permet de lutter efficacement contre cet autre séparatisme qu'est celui des discriminations et du racisme.
Enfin, comme cela a été dit tout à l'heure, ce texte a servi, dans le débat politique du moment et à quelques mois d'une élection présidentielle, pour stigmatiser la communauté musulmane. Vous pouvez le nier, mais tous nos débats ont attesté le contraire et montré que ce sont bien une partie de nos compatriotes, notamment nos compatriotes musulmans, qui ont été visés. Les débats obsessionnels et irrationnels sur le voile en ont été la démonstration, mais ils ont blessé de nombreuses personnes dans notre pays, et c'est grave de la part de notre Parlement.
Pour toutes ces raisons, parce que cette loi malmène la laïcité tout en ne répondant en rien au problème du séparatisme, notamment le séparatisme social, que le groupe GDR votera contre ce texte.