Le Conseil constitutionnel, excusez-moi ! Merci de cette correction, monsieur le ministre.
Ces 9 milliards c'est nous tous qui allons les payer puisque vous respectez la règle d'or de Bruxelles qui vous impose de ne pas avoir un déficit public dépassant 3 % du PIB. Cette affaire de taxe sur les dividendes, dont le remboursement aux actionnaires sera imputé pour moitié sur le budget de l'État, montre d'ailleurs que, comme souvent, on se fiche comme une guigne de l'explosion des déficits dès lors qu'il s'agit de rembourser les actionnaires ou de socialiser les pertes des banques, comme ce fut le cas en 2010. On ne fait attention à la dépense publique que lorsqu'elle concerne la quasi-totalité des Français, et non quand elle est au bénéfice du capital.
Nous allons donc tous les payer en faisant 15,6 milliards d'euros de dépenses en moins et en faisant 4,1 milliards d'euros d'économies sur les dépenses sociales, notamment via cette solution extraordinaire qui consiste à faire en sorte que les patients passent le moins de nuits possible à l'hôpital, quel que soit leur état de santé. Je suppose, chers collègues, que vous connaissez tous dans votre entourage, comme moi, des gens qui ont dû sortir beaucoup trop tôt de l'hôpital au prix de complications ultérieures. C'est cette situation que l'on nous propose d'aggraver, comme l'annonce la fameuse phrase prononcée par le président de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, sur France Inter il n'y a pas longtemps expliquant qu'une nuit d'hôtel coûtait beaucoup moins cher qu'une nuit à l'hôpital : il est évident que les deux sont comparables et que quelqu'un qui va à l'hôpital ne cherche en réalité qu'une nuit d'hôtel !
Nous voyons bien à quoi tendront ces économies budgétaires : baisse de 1,8 % des APL, 1,5 milliard de moins en faveur de la politique pour l'emploi. Je cite ces trois exemples parce que, regardez tous les sondages, ce sont chaque fois les trois priorités des Français que vous amputez ainsi considérablement.
À cela s'ajoute la diminution des dotations des collectivités territoriales – avec cette question dont nous avons débattu : s'agit-il d'une baisse en tant que telle des dotations ou d'une baisse de leur progression ? Quoi qu'il en soit, l'effet sera le même puisqu'à partir de 2018 les collectivités territoriales auront encore moins d'argent pour accomplir toutes leurs tâches. Je rappelle en outre que, lors du dernier quinquennat, leurs dotations ont baissé de 10 milliards. Cela continue donc et s'aggrave avec la fameuse suppression, en trois temps, de la taxe d'habitation, laquelle ne constitue en rien un progrès pour les Français les plus défavorisés puisqu'ils en étaient déjà exonérés. En revanche, elle coûtera 10 milliards aux collectivités territoriales. Vous avez certes argué d'une compensation à l'euro près, mais comme l'histoire des collectivités territoriales et de la décentralisation nous apprend rigoureusement l'inverse, vous comprendrez mon extrême méfiance – je note d'ailleurs que c'est aussi le cas de la plupart des associations d'élus. Une telle suppression, bien sûr, aggravera la situation budgétaire des collectivités.
Nous paierons tous une telle situation par une augmentation de la CSG de 1,7 point qui sera, nous dit-on, compensée par une diminution des cotisations sociales, idée que nous contestons d'ailleurs puisque nous estimons qu'il s'agit d'une baisse du salaire socialisé et qu'en fait, on prendra dans une poche des salariés ce qu'on leur aura donné dans l'autre. De surcroît, l'échelonnement dans le temps ne permettra pas de compenser une hausse qui, elle, sera immédiate.
Vous ajoutez à cette baisse le plus grand plan social qui soit, notamment pour les collectivités territoriales, avec la suppression de 270 000 contrats aidés, que vous avez souvent osé appeler des « emplois d'aubaine » alors que nous les savons tous efficaces pour les associations, etc. Les collectivités en souffriront donc, de même que des secteurs importants pour la vie des Français comme le logement, avec la diminution de l'APL ou la taxe sur le logement social, mais aussi comme le secteur de l'environnement, lequel ne devrait souffrir d'aucune baisse de financement public si l'on veut être au rendez-vous que s'est lui-même fixé le Président de la République – dans les mots, mais peu dans les actes – sur la question du climat. Lorsque l'on instaure une taxe carbone qui ne touche que les particuliers et non les avions – nous avons quant à nous proposé une taxe kérosène – ou les plus grandes entreprises polluantes, évidemment, tout cela ne va pas très loin.
Par ailleurs, vous attaquez un grand nombre d'opérateurs publics qui agissent en matière d'environnement. Je pense à Météo France, au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement – CEREMA – que vous mettez en danger de mort et aux agences françaises de l'eau, dont vous supprimez une part importante du budget. De ce point de vue-là, j'espère que les amendements votés au Sénat seront maintenus, car ils sont plus modérés et plus bienveillants que le dispositif prévu par le texte initial.
Enfin, s'agissant du budget de l'enseignement supérieur – dont nous discutons par ailleurs – j'observe là encore que l'augmentation de 200 millions ne correspond pas au nombre d'étudiants qui arriveront à l'université puisque ce sont 650 millions qui auraient été nécessaires pour maintenir une simple stabilité des moyens par étudiant. C'est donc la baisse de l'investissement public en faveur des étudiants qui se poursuivra, comme nous l'observons depuis des années dans le pays.
J'aurais mauvaise grâce à ne pas mentionner le service public de l'audiovisuel qui, selon le chef de l'État, est « une honte » pour la France. Le budget qui lui sera attribué, en tout cas, est une véritable honte : moins 17 millions pour Radio France, moins 20 millions pour France Télévisions, nombre d'antennes régionales de France 3 étant appelées à disparaître.
Enfin, la fonction publique est lourdement pénalisée avec l'augmentation du nombre de jours de carence instaurée par un amendement du Sénat – j'espère que l'on reviendra dessus – et le gel de la rémunération des fonctionnaires – je rappelle que le point d'indice avait déjà été gelé entre 2010 et 2016 – sans parler des suppressions d'emplois dans la fonction publique à cause de cette logique stupide du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux parti à la retraite alors que tous les services publics en souffrent, de même que les capacités de l'État. Voilà où nous en sommes !
Dernière station dans ce musée des horreurs qu'est le projet de loi de finances : finalement rien ou presque rien n'est fait s'agissant de l'évasion fiscale qui nous est pourtant présentée comme un fléau, un problème de démocratie. Bruxelles s'est penchée dessus d'une manière assez amusante à travers la question des paradis fiscaux en retirant de la liste presque tous ceux qu'elle y avait inscrits, en particulier ceux d'Europe, sans proposer aucune mesure concrète permettant de lutter vraiment contre ce fléau – nous avons évoqué le verrou de Bercy et je veux faire confiance à la présidente de la mission en cours pour que celle-ci soit menée à bonne fin – , sans interdire non plus aux banques qui continuent à commercer avec ces paradis fiscaux d'avoir une licence, sans embaucher le nombre de fonctionnaires nécessaire, sans taxations différentielles. Ce sera un test en la matière : quelle sera la réaction de la majorité, ici, quant aux articles nouveaux 46 quater A et 46 quater B issus du Sénat pénalisant un peu plus l'optimisation fiscale ?