Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du jeudi 8 juillet 2021 à 9h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2021 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, vice-président de la commission mixte paritaire :

Alors que la crise perdure, je me félicite que l'Assemblée et le Sénat soient parvenus à un accord sur ce texte, qui apportera un peu plus d'oxygène à notre économie et à nos collectivités territoriales, en particulier grâce aux apports du Parlement. Celui-ci a joué son rôle et a amendé largement le texte. À la suite du rapporteur, je remercie les membres de la commission mixte paritaire issus du Sénat – notamment le rapporteur, Jean-François Husson, et le président de la commission, Claude Raynal – pour leur travail et pour avoir permis de construire cet accord. Ce projet de loi, dans sa version finale, prévoit une augmentation d'environ 22 milliards d'euros des dépenses brutes de l'État.

Lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée, j'avais qualifié ce premier collectif budgétaire de l'année d'entre-deux – entre chien et loup, entre urgence et relance, juste avant l'après-covid. Les chiffres sont éloquents, puisque sur 20 milliards d'euros de dépenses nettes, près de 15 milliards relèvent de la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" . Il s'agit donc bien d'un PLFR d'urgence et non d'un texte de relance.

Avec ce texte, les dépenses publiques atteignent quasiment 61 % du PIB. Eh oui, vous ne rêvez pas, ce sont les chiffres ! Le niveau du déficit public, qui devait être de 8,5 % aux termes du PLF pour 2021, est actualisé à 9,4 % avec ce collectif budgétaire. D'ailleurs, nous commençons déjà à nous éloigner des objectifs du programme de stabilité que nous avons transmis à la Commission européenne il y a très peu de temps.

Si le soutien à l'économie doit rester la priorité, l'heure des comptes est aussi arrivée – au moins, elle approche à grands pas. Si nous aurons l'occasion d'en discuter plus longuement la semaine prochaine, lors du débat d'orientation des finances publiques, nous ne pouvons observer avec sérénité que l'ambiance dépensière qui s'est installée de manière plus ou moins insidieuse perdure, malheureusement. Les crédits de paiement annulés dans ce texte sont sans commune mesure avec ceux qui sont abondés, puisque les premiers sont inférieurs à 2 milliards d'euros quand l'augmentation des crédits dépasse, je l'ai dit, 22 milliards. Les difficultés d'arbitrage qui nous attendent dans un futur proche devront nous conduire à engager de véritables réformes structurelles pour maîtriser la dépense publique permise notamment par ce texte.

On peut se féliciter de plusieurs améliorations du texte, auxquelles les oppositions, notamment les membres du groupe Les Républicains, ont pris toute leur part : la prise en compte des pertes de recettes de versement mobilité pour Île-de-France Mobilités en 2021, l'amélioration du dispositif de garantie des ressources du bloc communal pour l'année 2021, la prolongation de la majoration de la déduction de l'impôt sur le revenu des investissements réalisés directement dans les PME, dite IR-PME.

De son côté, le Sénat a lui aussi sensiblement amélioré le texte sur plusieurs points, avec, par exemple, la suppression pour les entreprises de moins de cinquante salariés des conditions permettant de porter de 1 000 à 2 000 euros le montant de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, dite prime Macron, qui est exonérée d'IR et de cotisations sociales ; le report du 1er juillet 2022 au 1er janvier 2023 de la suppression du tarif réduit de la TICPE pour le gazole non routier, qui posera de nombreux problèmes, vous pouvez en être certains ; des hausses budgétaires en faveur de l'investissement des autorités organisatrices de mobilité, pour 50 millions d'euros, et en faveur de la forêt, pour 10 millions d'euros ; l'exonération des aides à la reprise des fonds de commerce ; l'abattement facultatif de taxe locale sur la publicité extérieure ; la reconduction du filet de sécurité pour certaines recettes des collectivités d'outre-mer et de la Corse.

Enfin, si le présent texte prévoit 1,5 milliard de crédits pour la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, conformément à ce qui avait été voté par l'Assemblée, un dispositif d'information des commissions des finances est désormais prévu, avant tout décaissement supérieur à 100 millions d'euros ; c'est une bonne chose.

Comme lors des négociations avant le second tour d'une élection, lors d'une CMP, chacun limite ses critiques et évite de faire de nouvelles propositions – jusqu'à n'en faire aucune. Toutefois, j'indique que des problèmes évoqués lors des débats précédents, qui ont même fait l'objet d'articles additionnels au Sénat, n'ont pas encore trouvé de réponse et que certaines mesures qui semblent nécessaires dans le contexte actuel sont encore refusées à ce jour.

C'est en particulier le cas de la question de la compensation du coût de la mission de service universel postal, déficitaire à hauteur de 1,3 milliard d'euros par an, alors que le problème est structurel. C'est également le cas de la proposition d'instaurer, à titre transitoire, des mécanismes d'amortissement accélérés pour certains investissements des entreprises, souvent avancée sur ces bancs.

Nous allons voter, avec le texte issu des travaux de la CMP, un nouveau collectif budgétaire d'urgence. Cette démarche exceptionnelle a toute sa raison d'être et nous avons besoin de ces crédits. Toutefois, Cela ne nous interdit pas de nous interroger : jusqu'où pouvons-nous aller sans que le coût des mesures dépasse le bénéfice collectif que notre économie et notre société peuvent en retirer ? C'est une question vertigineuse à laquelle le Gouvernement aura bientôt l'obligation de répondre clairement.

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