Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du jeudi 8 juillet 2021 à 9h00
Protection des enfants — Article 9

Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles :

Moi qui tiens beaucoup à l'accueil familial, j'ai été très marqué par un déplacement que j'ai effectué dans un lieu de vie du Tarn-et-Garonne. Vous me direz que ce cas n'est pas représentatif, mais je vais vous parler d'une jeune fille que j'y ai rencontrée : elle avait été adoptée à l'étranger par des parents français, qui l'avaient finalement abandonnée en France. Elle avait donc souffert d'un double abandon – cela n'arrive pas tous les jours, je vous le concède. Lorsqu'elle a été prise en charge par l'ASE, cette jeune fille a été placée en famille d'accueil. Je vous laisse imaginer la façon dont cela a pu se passer, et ce que représente la notion de famille pour elle ! Dans son cas, l'accueil dans une famille est simplement inenvisageable. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, qui vise à souligner qu'il ne faut pas opposer les types d'accueil. Chaque enfant a des besoins différents.

Vous avez raison, monsieur Ruffin, ce sont des enjeux humains et l'isolement que vous évoquez est effectivement un sujet central. Mais il faut dire les choses : il n'est pas uniquement lié au fait que le référent de l'enfant aurait trop de dossiers à gérer. Cela peut arriver, mais des questions de posture professionnelle et de culture entrent aussi en jeu – je vois d'ailleurs que Mme Santiago acquiesce. Certains travailleurs sociaux et services de l'ASE n'ont pas forcément la relation qu'ils devraient avec les assistants familiaux et ne font pas toujours preuve de respect à l'égard de ce beau métier. Une relation triangulaire un peu étrange se met parfois en place entre la famille biologique, l'assistant familial et l'ASE – ce qui renvoie aux débats idéologiques qui traversent le secteur de la protection de l'enfance.

Je reviendrai sur ce sujet central de l'isolement, qui fait justement l'objet de l'amendement n° 658 , dès que j'aurai fini de répondre aux questions qui m'ont été posées, celle de M. Naillet sur La Réunion notamment. En me rendant dans l'île, j'ai pu discuter de leur métier avec des assistantes familiales. Dans le cadre de la contractualisation, l'État va allouer plus de 4 millions d'euros à ce département, qui seront destinés entre autres à la formation des professionnels et, si mes souvenirs sont exacts, à la création de lieux d'accueil familial de fratries. Sur ce sujet, que nous avons beaucoup évoqué hier, on parle souvent des villages d'enfants mais il ne faut pas oublier que les assistantes familiales peuvent aussi accueillir des fratries ; c'est le type d'accueil que nous allons développer à La Réunion.

Enfin, madame Goulet, je ne peux pas vous laisser dire que les autres travailleurs sociaux sont les grands oubliés de ce texte. Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour les enfants mais aussi pour eux, et j'ai eu l'occasion de dire par ailleurs que nous lancerions une réflexion sur la qualité de vie au travail des autres travailleurs sociaux.

Il figure dans ce texte, notamment à l'article 9, un certain nombre de dispositions de nature législative issues des concertations avec l'ensemble des parties prenantes. Comme je vous l'avais promis en commission, je voudrais vous faire part des autres propositions et recommandations du groupe de travail au sujet des assistants familiaux que nous souhaitons mettre en place dès la rentrée 2022, pour compléter la loi.

Il s'agira d'abord de restructurer la formation initiale et continue afin de mieux prendre en compte les évolutions du métier, notamment en ce qui concerne les enfants à besoins spécifiques – un sujet qui a été évoqué précédemment –, ainsi que celle des profils des enfants, dont on sait que les besoins se trouvent de plus en plus à la frontière du social et du médico-social.

Nous engagerons aussi le passage du diplôme d'État d'assistant familial, le DEAF, du niveau V au niveau IV, celui du baccalauréat, sous réserve d'une évaluation des impacts pour les employeurs, tout en rendant obligatoire la présence à l'examen. Tout le monde s'accorde pour reconnaître la nécessité d'une plus grande professionnalisation et d'une montée en compétences de l'ensemble des assistants familiaux. Comme vous l'avez rappelé, madame Faucillon, ceux-ci sont à plus de 90 % des femmes, même si le métier se masculinise un peu ces derniers temps. Par ailleurs, le vieillissement de la profession, avec une moyenne d'âge de 53 ans, soulève le problème des départs en retraite.

Nous allons également mieux rémunérer l'accueil des enfants à besoins spécifiques par la revalorisation de l'indemnité ad hoc, qui ne relève pas du domaine législatif mais réglementaire. Cette revalorisation s'ajoute aux dispositions concernant l'allocation de base prévues à l'article 9, que vous avez adopté. Enfin, nous intégrerons les assistants familiaux dans les discussions en faveur d'une protection sociale complémentaire : les employeurs privés proposant déjà cet avantage, nous ferons en sorte que les employeurs publics fassent de même.

Concernant la formation – un sujet qui vous intéresse, à raison –, nous mettrons en œuvre la proposition du groupe de travail visant à ce que la formation initiale obligatoire comporte une première période de stage plus longue qu'à l'heure actuelle et prévoie un temps d'immersion dans au moins l'un des différents services de protection de l'enfance ou du secteur du handicap, ainsi que dans un service d'accueil familial. Le but est notamment de croiser les cultures. Le groupe de travail propose également d'encourager un temps de formation commun entre l'assistant familial et les autres travailleurs sociaux : il existe en effet des problèmes de méconnaissance voire de défiance entre les uns et les autres.

La détention du DEAF doit devenir plus fréquente, ce qui implique selon le groupe de travail que la préparation aux examens soit obligatoire. C'est ce vers quoi nous souhaitons tendre. Par ailleurs, dans le cadre de l'entretien de bilan professionnel, il faudra vérifier que les assistants familiaux ont bien bénéficié d'une action de formation.

Le deuxième grand chapitre des conclusions du groupe de travail porte sur le développement des connaissances et des bonnes pratiques : le groupe a constaté que des choses très intéressantes se faisaient dans de nombreux territoires et qu'il pourrait être profitable de solliciter la Haute Autorité de santé pour nous accompagner sur ce sujet.

Il s'agit enfin de favoriser l'intégration de l'assistant familial à l'équipe éducative pluridisciplinaire pour contrer l'isolement qu'évoquait à juste titre M. Ruffin. Il est important pour les assistants familiaux de pouvoir compter sur une relation privilégiée et de proximité avec les membres de l'équipe pluridisciplinaire qui contribuent au suivi de l'enfant, en particulier avec le référent de l'enfant, qui doit être disponible et formé à l'accueil familial.

Afin de renforcer l'accompagnement et le soutien professionnel des assistants familiaux, qui doivent être intégrés dans une équipe pluridisciplinaire, le groupe propose d'ajouter une disposition législative au code de l'action sociale et des familles. C'est l'objet de l'amendement n° 658 , qui vise à renforcer l'intégration des assistants familiaux dans l'équipe et dispose que l'employeur assure l'accompagnement et le soutien professionnel des assistants qu'il emploie. À cette fin, l'assistant familial est intégré dans une équipe de professionnels qualifiés dans les domaines social, éducatif, psychologique et médical. Un alinéa est modifié en conséquence : les mots « l'accompagnement professionnel des assistants familiaux qu'il emploie et l'évaluation des situations d'accueil » sont remplacés par les mots « l'évaluation de la qualité de l'accueil des enfants pris en charge par les assistants familiaux qu'il emploie ».

Je m'excuse pour cet exposé un peu long mais j'ai tenu à ce que vous ayez une vision complète de la revalorisation du métier. Celle-ci n'est pas uniquement financière, à l'article 9, mais passe aussi par la formation, la professionnalisation, la revalorisation de la prise en charge des enfants en situation de handicap et la formation des assistants familiaux à l'accueil de ces enfants.

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