Intervention de Karine Lebon

Séance en hémicycle du jeudi 8 juillet 2021 à 15h00
Protection des enfants — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Lebon :

Monsieur le secrétaire d'État, votre projet de loi nous laisse un goût d'inachevé et un sentiment de frustration légitime au regard des attentes que ce texte a pu susciter.

Face à tous ces enfants en grande détresse, parfois en danger de mort, nous ne pouvons pas nous contenter du sentiment du devoir accompli. C'est inenvisageable pour les députés des outre-mer, qui doivent encore une fois supporter votre recours quasi systématique aux ordonnances quand il s'agit de gérer nos situations, qui vous dépassent manifestement.

Au-delà de l'exclusion de la représentation nationale du débat consubstantiel au système des ordonnances, cette procrastination qui ne dit pas son nom est inacceptable compte tenu de la situation de ces enfants, l'urgence absolue étant l'un des éléments de leur survie.

En sus, votre projet ramasse une diversité de sujets relatifs à la protection de l'enfance, sans renforcer les moyens financiers en faveur de cette politique publique décentralisée aux départements. Les grands enjeux sont laissés de côté, alors que les juges et les associations dénoncent le manque de moyens alloués à la protection des mineurs.

Nous avons tous lu la déclaration de Mme Michèle Créoff, inspectrice des affaires sanitaires et sociales, qui relève les carences de votre texte. Elle dénonce notamment le comportement de l'État, qui ne sanctionne pas les départements qui refusent de s'acquitter de leurs obligations en matière de protection de l'enfance, et les mesures du projet de loi qui ne sont pas plus contraignantes. Quand on connaît le rôle joué par le département en la matière, ce texte est condamné d'avance si l'on mesure déjà les limites de sa véritable portée dans nos collectivités.

Nous aurions aimé voir ressortir dans ce projet des réponses efficaces à toutes ces insuffisances régulièrement pointées du doigt et aggravées par les périodes de confinement : violences dans les établissements ; placements illégaux dans des hôtels ; crise des mineurs non accompagnés ; carence de vigilance et d'action des services de l'ASE dans le cadre des infanticides. À La Réunion, Gabriel, 3 ans, a été tué après huit signalements, et Elianna, 2 ans, après cinq signalements.

Il y a aussi abandon au triste sort de la rue des jeunes adultes sortant du dispositif de protection de l'enfance. L'article 3 n'interdit pas explicitement le recours au placement à l'hôtel. À l'inverse, il l'aménage en l'autorisant pour des situations d'urgence ou particulières. On se demande alors quels seront les moyens déployés pour contrôler la bonne application de cette mesure et éviter les abus.

En outre, nous sommes très circonspects sur le volet relatif aux mineurs non accompagnés. Il n'est nullement question ici de renforcer leurs droits ou l'accompagnement. Nous sommes passés tout près d'un vote favorable à l'interdiction des tests osseux ; nous regrettons vraiment que celle-ci n'ait pas été adoptée.

Monsieur le secrétaire d'État, tout n'est pas contraire à nos convictions dans votre texte. Sur tous les bancs de cet hémicycle, nous n'avons pas ménagé nos efforts pour le rendre plus performant. Hélas, les moyens humains et financiers sont toujours exsangues sur le terrain et dans ce projet de loi.

En ce moment même, des enfants sont en danger. Notre responsabilité ici est de tout mettre en œuvre pour éviter que ne surviennent de nouveaux drames. C'est maintenant qu'il faut prévenir et agir. Nous aurions voulu protéger aujourd'hui pour ne pas avoir à condamner demain. Étant donné que vous vous abstenez sur les moyens, comprenez que nous nous abstenions sur ce texte.

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