Alors que la menace terroriste perdure, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine réitère son engagement sans faille pour agir avec fermeté contre le terrorisme dans le respect de la séparation des pouvoirs et de la protection des droits fondamentaux.
Si chacun est pleinement conscient de la réalité du phénomène terroriste et de la nécessité de prévenir les attentats, il est fondamental, plus que jamais dans cette période troublée, de maintenir les équilibres de notre État de droit afin de renforcer et non d'affaiblir l'édifice démocratique dans son entier.
Depuis 2015 et l'instauration de l'état d'urgence, nous n'avons eu de cesse de rappeler notre profond attachement aux principes fondamentaux de notre État de droit, et de mettre en garde contre le risque de pérennisation de l'usage de dispositifs exceptionnels.
Malheureusement, ce projet de loi confirme nos inquiétudes. Il vient à la suite d'une multiplication de lois sécuritaires, dérogatoires au droit commun, votées sans véritable évaluation préalable des dispositifs existants, sans véritable évaluation de leur nécessité ni de leur efficacité.
Ainsi, vous nous demandez de pérenniser en les renforçant les dispositifs de police administrative issus de la loi SILT, eux-mêmes issus de l'état d'urgence. Je rappelle que le groupe GDR s'était fermement opposé à la loi SILT, loi de normalisation de l'état d'urgence, en accord avec l'ensemble des associations de défense des droits de l'homme, de nombreux experts, ainsi que des organisations internationales et autorités administratives indépendantes. Nous avions alors alerté sur les risques et les dérives de la banalisation des mesures d'exception de nature à fragiliser l'État de droit et l'exercice des libertés fondamentales.
Par cohérence, nous nous opposons aujourd'hui à la pérennisation de ces dispositifs d'exception. Nous nous interrogeons toujours sur l'utilité de ces mesures de durcissements de l'arsenal répressif et administratif relatif à la lutte contre le terrorisme, alors même que notre législation en la matière est déjà substantielle.
Nous nous opposons également à la pérennisation et à l'élargissement des mesures expérimentales de la loi sur le renseignement de 2015, qui permet la surveillance automatisée du réseau par des algorithmes. L'extension des facultés conférées aux services de renseignement, la légitimation sans réserve de méthodes d'investigation très intrusives, l'imprécision de la définition des situations justifiant le recours à ces méthodes ainsi que l'insuffisance des mécanismes de contrôle et de recours ne permettent pas de garantir la proportionnalité des mesures d'intrusion dans la sphère privée au regard des buts poursuivis.
En outre, s'agissant de la question sensible de l'accès aux archives publiques, rappelons les termes d'un courrier adressé au Premier ministre, le 15 juin dernier, par la Commission nationale consultative de droits de l'homme : « l'accès aux archives est un droit de valeur constitutionnelle reconnu à tout citoyen sur le fondement de l'article 15 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen et ce droit doit également être garanti en vertu des principes constitutionnels de libre expression et d'indépendance des chercheurs. Il s'impose au-delà, au nom de la connaissance de l'histoire politique de la France qui exige la vérité sur celle-ci mais aussi parce qu'il est de nature à contribuer à la réconciliation des mémoires, voire peut en être la condition. »
Nous partageons ainsi les préoccupations exprimées par les archivistes, historiens et juristes relativement à l'article 19 de ce projet de loi et demandons après eux sa modification à la suite de la décision du Conseil d'État du 2 juillet dernier. Le Conseil d'État a en effet jugé illégale l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale qui, depuis plusieurs années, bloque l'accès aux archives publiques classées secret défense de plus de cinquante ans. L'annulation de cette procédure de classification doit ainsi être pleinement prise en compte par le projet de loi.
En définitive, aujourd'hui, comme hier, nous considérons que notre État de droit ne peut s'accoutumer aux atteintes aux libertés et droits fondamentaux ni accepter comme un effet collatéral les abus et dérives causés par ces dispositifs dérogatoires.
S'il est indispensable d'agir avec fermeté contre le terrorisme, le respect de la séparation des pouvoirs, le respect des libertés individuelles et leur contrôle ne doivent comporter aucune faille. À l'opposé de cette logique, nous considérons qu'il convient de se donner les moyens humains et matériels d'agir par l'amélioration et le renforcement des services de renseignement, par le renforcement de la coopération entre services, avec nos partenaires européens et internationaux, par le travail de terrain avec une police de proximité au plus près de la population et des observateurs du quotidien présents en nombre, au plus près des publics les plus fragilisés.