Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du jeudi 15 juillet 2021 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2022

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

L'année 2020-2021 a été une année de crise assez inédite, mais aussi, au regard de la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons, une année de défis. Face à cette crise majeure aux conséquences économiques sans précédent, la France a réagi en prenant des mesures exceptionnelles pour lutter contre l'épidémie, en soutenant prioritairement les revenus des ménages et notre tissu économique et industriel.

Toutefois, cette crise aura inéluctablement un impact durable sur notre économie et nos finances publiques : en effet, nous faisons une distinction très claire entre la période pré-crise, celle de la crise actuelle, et celle du retour à la normale. Dès lors, pérenniser la sortie de crise appelle une réflexion en profondeur sur la modernisation de nos finances publiques. Au nom du groupe UDI et indépendants, je m'arrêterai donc ici sur certains points concrets, rappelant une partie des objectifs et principes primordiaux que nous défendons.

Tout d'abord, nous dressons aujourd'hui le constat d'un accroissement très inquiétant de la dette en raison de la crise de la covid-l9. La question du remboursement de la dette, qu'elle soit liée ou non à la covid-19, devient de plus en plus urgente à mesure que la sortie de crise se prolonge. Il s'agit pour nous d'une priorité. Rappelons que la dette publique progresserait de 190 milliards d'euros pour s'établir, en 2021, à 117,2 points de PIB. Quant au déficit public, il s'élève, comme cela a déjà été rappelé à plusieurs reprises, à 228 milliards d'euros en 2021, alors qu'il était de 212 milliards en 2020.

Devant l'ampleur des déficits annoncés pour 2020 et 2021, il est naturel de se demander ce qui se passera ensuite : devrons-nous rembourser cette dette ? Si oui, comment ? Avec l'instauration de la commission Arthuis pour l'avenir des finances publiques, le débat a pris une tournure surprenante en France, avec l'idée d'annuler les dettes détenues par la Banque centrale européenne. D'ailleurs, les travaux de cette commission mettent en évidence, de manière assez juste, que si les dépenses publiques continuent d'augmenter au rythme actuel, l'endettement poursuivra sa hausse continue dans les prochaines années, et ce dans la plupart des scénarios plausibles sur la croissance économique. Sans perspective de stabilisation, la situation apparaîtrait intenable à long terme. En effet, si nous n'avons pas plus de marges de manœuvre pour relever les défis de demain, comme celui de la transition écologique ou la survenance d'une prochaine crise, nous serons contraints d'être liés à la remontée des taux d'intérêt à court et moyen termes.

Le Gouvernement a fait le choix de continuer à soutenir fortement les revenus et de relancer l'économie par des dépenses temporaires, mais aussi par des baisses permanentes de prélèvements obligatoires – je pense notamment aux impôts de production – et par des augmentations durables de dépenses, en particulier avec des revalorisations salariales dans les établissements de santé et médico-sociaux. Si nous saluons ces mesures exceptionnelles, force est de constater qu'entre 2017 et 2019, aucune véritable initiative pour apurer les comptes de l'État n'a été impulsée, alors qu'il aurait été plus opportun, durant cette période de croissance, d'assainir nos finances publiques. Cela aurait permis de limiter l'explosion de la dette actuelle.

Lors des débats budgétaires, notre groupe a proposé à de nombreuses reprises de réfléchir à la réduction des dépenses de fonctionnement afin de ne pas augmenter les impôts, mais nos propositions n'ont malheureusement eu aucun écho. Nous avions notamment proposé de réduire les commissions consultatives et de rationaliser les agences d'État, ou encore d'agir sur le cumul, pour certains hauts fonctionnaires, d'indemnités avec les pensions de retraite.

Faire preuve de responsabilité et de volontarisme politique revient aussi à ne pas perdre de vue l'équilibre de nos finances publiques : nous devons être capables de dépasser l'unique perspective d'une relance conjoncturelle. Ainsi, nous devons être vigilants et prudents, afin, comme nous ne cessons de le répéter, de ne pas sacrifier les générations futures.

L'évolution de la conjoncture et le principe de réalité laissant penser qu'aucune inversion de tendance ne sera observée d'ici la prochaine élection présidentielle, il est nécessaire qu'un débat pragmatique sur le remboursement de la dette ait lieu. Le niveau du déficit en 2021 reste soumis à de très fortes incertitudes, liées en premier lieu à l'évolution de l'épidémie, mais aussi aux recettes, en raison de difficultés d'anticipation du produit de certains impôts.

Compte tenu du niveau déjà élevé des impôts et du matraquage fiscal subi durant le précédent quinquennat, augmenter les prélèvements obligatoires n'est pas envisageable ; néanmoins, la promesse gouvernementale de ne pas le faire nous laisse dubitatifs. Ainsi, le Président de la République n'a pas précisé comment seraient financées les mesures annoncées lundi. La seule ressource évoquée, à savoir le recul de l'âge de départ à la retraite, demeure hypothétique.

Il convient donc d'accorder la priorité à la maîtrise de la dépense publique, afin que celle-ci progresse moins vite que les recettes. Cette maîtrise doit en outre s'inscrire dans la durée, car il est illusoire d'imaginer réduire ou même stabiliser rapidement notre endettement, sauf circonstances macroéconomiques exceptionnelles lors de la phase de reprise. Or, s'agissant d'une telle stratégie à long terme, nous nous trouvons largement désarmés. En effet, quel que soit l'indicateur retenu – déficit effectif, déficit structurel, dette publique –, les finances françaises figurent parmi les plus affectées par la crise au sein de l'Union européenne. Selon les données d'Eurostat, notre déficit effectif était en 2020 le cinquième plus important des dix-neuf pays de la zone euro, excédant de 2 points de PIB la moyenne de cette zone et de 5 points le déficit allemand.

Entre austérité et responsabilité, la quête d'un équilibre n'est pas simple. La baisse de l'endettement à l'horizon 2030 constitue un objectif difficilement crédible. Le Gouvernement doit éviter de compromettre la reprise par un ajustement budgétaire trop rapide, mais aussi de trop gonfler les déficits ; il doit favoriser la croissance, qui rendra la dette plus soutenable, sans négliger de la rendre plus verte, de l'aligner sur les enjeux écologiques de notre temps. Nous sommes sincèrement convaincus que nous pouvons nous en donner les moyens. Pour notre groupe, la réduction de la dépense publique doit découler d'une vision à long terme, laquelle nécessitera une décentralisation active, la simplification de notre bureaucratie, et un recentrage de l'État sur ses missions régaliennes.

La crise financière a malheureusement révélé tout ce que le centralisme bureaucratique français peut avoir d'absurde et de contre-productif. Le besoin se fait sentir d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques, avec des objectifs de performance et d'évaluation qui nous empêcheraient de remettre les choses à demain. La gouvernance de nos finances publiques demande encore à être améliorée : court-termiste, elle nous amène à nous concentrer sur des politiques ponctuelles de rabot budgétaire, au détriment des réformes structurelles à moyen ou à long terme ; peu transparente, elle ne permet pas à nos concitoyens un débat éclairé. Dans leur écrasante majorité, les Français se considèrent comme mal informés au sujet de la dette publique. Toutefois, nous tenons à saluer le dépôt par M. Woerth, le président de la commission des finances, et M. Saint-Martin, son rapporteur général, d'une proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Nous nous félicitons également de l'instauration d'un débat annuel consacré à la dette publique ; nous défendons l'élargissement du débat parlementaire en vue d'une appropriation démocratique des enjeux de finances publiques.

En conclusion, gardons à l'esprit l'idée que cette crise constitue une opportunité pour la France de moderniser ses règles de gouvernance budgétaire, et pour nous de remettre à plat les modalités de fonctionnement de l'État, afin que nous soyons en mesure d'anticiper les futurs enjeux liés à la transition écologique, au numérique, à la recherche, à l'éducation ou à la formation professionnelle. Dépassons-nous : engageons de vraies réformes structurelles, qui nous procurent davantage de visibilité budgétaire. Sachons utiliser cette crise pour ne pas reproduire les erreurs du passé. Nous sommes à un tournant. La soutenabilité des finances publiques sera sans doute l'un des grands sujets de débat de 2022 : qu'elle le devienne même dès maintenant, car il ne faut jamais oublier qu'elle concerne les générations futures. À un moment ou à un autre, la dette devra être remboursée. Évitons les fausses promesses comme les annonces non financées, ou notre pays sera voué à vivre durablement au-dessus de ses moyens.

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