Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du lundi 19 juillet 2021 à 16h00
Modernisation de la gestion des finances publiques et financement de la sécurité sociale — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur de la commission spéciale :

Les propositions de lois ordinaires et organiques que nous examinons aujourd'hui ne sont pas des textes purement techniques ; ils sont éminemment politiques.

Après la crise sanitaire, économique, sociale, et probablement politique, que nous traversons, le rétablissement des finances publiques et les conditions de celui-ci deviennent essentiels. La proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a précisément pour objet de rénover la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), afin de réunir les conditions d'un rétablissement de nos finances publiques le plus rapide possible. Autrement dit, si nous ne modifions pas le contenu fiscal et budgétaire, nous proposons d'en modifier le contenant, pour le rendre plus lisible et plus efficace, et pour que demain, enfin, notre pays puisse présenter des comptes publics plus sains et plus transparents.

Je reviendrai rapidement sur les quatre principaux axes de la réforme que nous proposons aujourd'hui.

Premièrement, nous souhaitons renforcer la place de la pluriannualité dans le processus budgétaire. La réforme de la LOLF doit doter le Parlement et le Gouvernement de nouveaux outils pour répondre aux défis de demain, à ceux notamment liés à l'impact de la pandémie sur les finances publiques. Il s'agit d'assurer un meilleur encadrement de la dépense publique, tout en valorisant l'effort d'investissement et en renforçant la logique de performance, si chère aux pères de la LOLF – Didier Migaud et Alain Lambert – que je salue devant vous.

L'évaluation des dépenses fiscales est également renforcée par le biais d'une information approfondie du Parlement. Nous avons d'ailleurs rehaussé l'ambition initiale du texte en commission spéciale.

Nous proposons une refonte du calendrier budgétaire afin de rationaliser les différents débats qui jalonnent une année et de faire du printemps, à l'occasion de la transmission du programme de stabilité à la Commission européenne, le grand moment parlementaire de débat d'orientation des finances publiques (DOFP) : le débat qui se tient habituellement en juillet serait remplacé par un grand débat sur la dette et les conditions de financement de l'État.

Nous voulons également renforcer les grands principes budgétaires d'unité et d'universalité – je veillerai particulièrement, dans la discussion, à ce que cet objectif soit conservé. Le consentement citoyen doit être conforté par un budget plus simple, plus lisible, plus clair, financé par une fiscalité largement simplifiée.

Ainsi la commission spéciale propose-t-elle d'interdire le financement par taxe affectée des fonds sans personnalité juridique et de créer un lien nécessaire entre la taxe et l'opérateur qui en bénéficie. C'est un facteur puissant et audacieux de simplification et de lisibilité pour notre système fiscal. L'ensemble des taxes affectées seront d'ailleurs récapitulées dans un article du projet de loi de finances (PLF), renforçant la portée de l'autorisation donnée par le Parlement de lever l'impôt.

L'ensemble des moyens des politiques publiques seront réunis au sein d'un nouvel état annexé, et ce, quel que soit le vecteur : dotation budgétaire, dépenses fiscales, prélèvements sur recette.

Autre source de progrès, la discussion budgétaire annuelle est rationalisée grâce à la création d'une loi de finances de fin de gestion destinée à éviter les dérives fiscales observées jusqu'en 2017 dans les collectifs budgétaires de fin d'année. La très bonne pratique du gouvernement actuel depuis quatre ans – je salue l'action des ministres en ce sens – doit perdurer, raison pour laquelle il faut l'inscrire dans la loi organique. Il s'agit d'un outil simple, limité aux ajustements budgétaires indispensables de fin de gestion.

L'articulation entre la première et la seconde partie du PLF est également précisée : la fiscalité d'État figurera ainsi en première partie, ce qui nous évitera de reproduire les mêmes débats fiscaux à l'occasion des articles non rattachés, ces débats interminables que nous subissons chaque automne et qui reprennent ceux qui se sont tenus quelques semaines plus tôt.

Le texte propose, enfin, de consacrer dans la LOLF une belle pratique que nous avons instaurée grâce aux efforts d'Éric Woerth, Amélie de Montchalin, Jean-Noël Barrot : le Printemps de l'évaluation. Perfectible mais désormais incontournable, cet exercice a véritablement renouvelé la pratique du contrôle budgétaire et de l'évaluation parlementaire.

La commission spéciale s'est attachée à améliorer le texte sur plusieurs points. Elle a notamment choisi d'introduire un compteur des écarts par rapport à l'évolution programmée de la dépense publique. Nous pourrons ainsi mieux lire les évolutions, et le Gouvernement aura à justifier les éventuels écarts.

La distinction entre ressources et charges de fonctionnement et d'investissement est également précisée – le débat politique y gagnera en clarté. Outre l'article d'équilibre, le nouvel état annexé que j'évoquais présentera l'effort d'investissement. La commission spéciale a décidé d'y inclure également les fonds de concours et les subventions aux opérateurs.

Le Haut Conseil des finances publiques (HPFC) sort renforcé de l'examen en commission : son mandat est étendu lors de l'examen des PLF et PLFSS – projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il disposera de plus de temps pour examiner les lois de programmation des finances publiques (LPFP) ainsi que les lois de programmation sectorielles.

Vous l'avez compris, la séance d'aujourd'hui marque l'aboutissement d'un travail de longue haleine. Éric Woerth et moi l'avons initié il y a trois ans, aux côtés de Joël Giraud et Charles de Courson, dans le cadre de la mission relative à la mise en œuvre de la LOLF. Thomas Mesnier et moi proposons aujourd'hui des avancées concrètes pour améliorer l'examen budgétaire des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Aussi, après des échanges qui ne manqueront pas d'être riches, échanges rendus possibles par le choix du Gouvernement d'inscrire ces textes à l'ordre du jour – je tiens à saluer Olivier Dussopt pour son soutien indéfectible à notre démarche parlementaire – j'espère que cette proposition de loi organique recueillera une large et franche approbation. C'est notre intérêt à toutes et tous. C'est dans l'intérêt du Parlement qui, ainsi renforcé, pourra assurer un meilleur contrôle et une meilleure évaluation, garants d'un meilleur consentement citoyen à l'impôt et à la dépense publique.

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