Intervention de Thomas Mesnier

Séance en hémicycle du lundi 19 juillet 2021 à 16h00
Modernisation de la gestion des finances publiques et financement de la sécurité sociale — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Mesnier, rapporteur de la commission spéciale :

Vingt-cinq ans après la création des lois de financement de la sécurité sociale, quinze ans après la dernière révision substantielle du cadre organique, il souffle un vent de réformes bienvenu sur les solides parois de notre protection sociale. Dès 1945, Pierre Laroque disait déjà que la sécurité sociale devrait être « faite d'institutions vivantes, se renouvelant par une création continue ». Vivre, pour une institution telle que la sécurité sociale, cela signifie puiser dans ses ambitions originelles la force de se transformer, pour maintenir intacte la vigueur de ses principes mais aussi tirer de l'expérience les leçons qui permettront de consolider l'édifice.

Fidèle à cet état d'esprit, le texte que je vous propose cherche à répondre à trois questions fondamentales. Tout d'abord, avons-nous fait des lois de financement le grand exercice de transparence démocratique qui présidait à leur création ? Si les lois de financement ont été incontestablement un progrès, elles souffrent aujourd'hui de la concentration excessive de la discussion à l'automne, dans un calendrier d'examen qui est sans équivalent pour un texte d'une telle dimension et d'une telle importance. C'est la raison pour laquelle je vous ai proposé de déplacer une partie de la discussion au printemps, nourrie par des annexes plus nombreuses, plus précises et remises plus précocement dans l'année, lors de l'examen de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.

J'ai également suggéré d'anticiper d'une semaine le dépôt du PLFSS à l'automne. Je ne saurais trop insister sur l'importance de tels changements, d'ailleurs largement approuvés sur tous les bancs en commission : c'est en organisant mieux dans le temps la discussion que le Parlement sera en mesure d'exploiter l'ensemble des possibilités ouvertes par les lois de financement en matière d'information, de contrôle ou encore de transformation de notre droit de la sécurité sociale.

Ensuite, avons-nous tiré toutes les leçons de la pratique parlementaire de ces vingt-cinq dernières années ? Certes, le constituant n'a pas voulu faire des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) des textes portant diverses mesures d'ordre social, et a limité leur champ aux seules dispositions financières. Or la pratique montre que la discussion porte très souvent sur les dispositifs concrets présentés par le Gouvernement et sur les propositions des parlementaires. Ce constat plaide pour reconnaître à la loi de financement de l'automne la fonction qui est désormais la sienne : celle de débat central et récurrent sur notre protection sociale et son financement.

Il n'est ni possible, ni souhaitable de revenir en arrière, mais nous pouvons tirer parti de la situation pour confier à la loi de financement un rôle de vigie sur les mesures d'exonérations ou de réduction des cotisations et contributions sociales. C'est le sens de ma double proposition : d'une part, doter les lois de financement d'un monopole pour pérenniser les exonérations ; d'autre part, évaluer le tiers des exonérations existantes, chaque année, pendant l'examen des lois d'approbation.

Cette pratique doit-elle pour autant nous empêcher de réfléchir à une meilleure adéquation du champ des lois de financement de la sécurité sociale avec celui de la protection sociale ? Je ne le crois pas. Je propose ainsi d'intégrer dans ces dernières la dette des établissements de santé ou médico-sociaux relevant du service public et financés par l'assurance maladie. Je sais que des discussions auront lieu sur d'autres pans de la protection sociale, que d'aucuns considèrent comme les grands absents de nos débats.

Enfin, que voulons-nous faire des lois de financement à l'avenir ? Je le dis d'emblée : je ne crois pas au grand soir de la fusion des textes, ni à une solution intermédiaire consistant à fusionner la discussion des recettes. Nous savons ce que nous perdrions en supprimant ou en altérant profondément les lois de financement de la sécurité sociale : une vision globale et spécialisée sur un champ majeur et autonome des finances publiques, l'expertise de la commission des affaires sociales, un texte qui ménage la place des partenaires sociaux et qui respecte la nature même des droits sociaux.

À l'inverse, nous ne sommes pas sûrs de ce que nous gagnerions. Du temps ? J'en doute, les délais étant ce qu'ils sont à l'automne. De la cohérence ou une vision plus globale ? Séparer les dépenses sociales des recettes qui les financent est le meilleur moyen de déresponsabiliser une sphère pour laquelle l'équilibre reste un horizon raisonnable.

Je crois au contraire à des améliorations plus modestes mais aussi plus décisives, qui permettront à la loi de financement de la sécurité sociale de continuer à être ce qu'elle est de mieux tout en s'inscrivant dans le cadre global des finances publiques. C'est le sens de l'article liminaire que j'entends introduire et dans lequel je propose des comptes portant sur un champ plus large, mais également du compteur des écarts ou encore du dépôt commun, à l'automne, du PLF et du PLFSS, qui offriront au Parlement une vue globale de l'ensemble des enjeux financiers.

Je suis d'autant plus fier de vous proposer ce chemin vers une réforme profonde mais respectueuse de l'esprit des lois de financements de la sécurité sociale qu'il s'agit d'un travail collectif croisant les réflexions du Haut Conseil du financement de la protection sociale, de la Cour des comptes, de la commission pour l'avenir des finances publiques et des parlementaires.

Mes chers collègues, c'est une nouvelle étape de notre démocratie politique et sociale qui pourrait se dessiner avec ce cadre organique rénové. J'espère que ce qui me semble être une avancée très importante pour les droits du Parlement et pour notre sécurité sociale recueillera un large soutien, avant que nos propositions rencontrent prochainement celles de nos collègues sénateurs.

Il est bon que ce soit le Parlement qui se soit emparé de ce qui le concerne au premier chef. Il s'était déjà ouvert la porte des finances sociales, il y a un quart de siècle ; il est grand temps désormais qu'il s'installe, en disposant enfin de tous les outils idoines et avec davantage d'assurance, dans le rôle qui est le sien.

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