Cette séance est l'aboutissement d'un long travail parlementaire. Les quatre textes qui ont été renvoyés à la commission spéciale que j'ai l'honneur de présider partagent une ambition : moderniser la gouvernance de nos finances publiques, tâche encore plus indispensable dans le contexte économique que nous connaissons. Certes, il ne s'agit que d'outils, chaque majorité étant libre de conduire la politique pour laquelle elle a été élue, mais il n'y a pas de bons artisans sans bons outils, et ceux-ci étaient absolument nécessaires pour améliorer la performance de l'information financière.
Comme le rapporteur général Laurent Saint-Martin, je saluerai les vingt ans de la LOLF et ses pères fondateurs, nos amis Didier Migaud et Alain Lambert.
Il y a presque trois ans, nous avions souhaité avec Joël Giraud, qui était alors rapporteur général, et Laurent Saint-Martin, qui ne l'était pas encore, reconstituer la mission d'information relative à la mise en œuvre de la LOLF, la MILOLF, dont les travaux avaient accompagné la mise en place de la loi d'orientation – notre collègue Charles de Courson, qui, depuis bien longtemps, suit ces travaux avec assiduité et pertinence, s'en souvient.
Celle-ci a adopté en septembre 2019 un rapport formulant quarante-cinq propositions de modernisation. Une proposition de loi a été très vite élaborée mais sa rédaction a été interrompue par la pandémie. Ce travail a repris rapidement au début de l'année, permettant le dépôt de deux propositions de loi, l'une organique, l'autre ordinaire, que nous avons cosignées Laurent Saint-Martin et moi-même – les propositions portant sur la LFSS ont, pour leur part, suivi un parcours un peu différent.
Compte tenu de la nature organique de la réforme et de la complexité juridique de certains sujets, il nous a semblé essentiel que le Conseil d'État soit consulté, en application de l'article 39 de la Constitution, ce que le président Richard Ferrand a accepté, et je l'en remercie. Nous avons mené avec le Conseil un travail particulièrement intéressant, et avons été, les rapporteurs et moi-même, amenés à défendre nos textes devant l'Assemblée générale, expérience extrêmement enrichissante pour les uns et pour les autres. Son avis a nourri les travaux de la commission spéciale, et bon nombre des amendements que nous vous proposons y trouvent leur origine.
Le débat d'aujourd'hui est l'aboutissement d'un travail parlementaire réussi, s'appuyant notamment sur un contrôle exercé de manière transpartisane ayant permis d'évaluer la réforme et d'aller au fond des choses. Il advient après la rédaction d'une proposition de loi ayant tiré les conséquences de ces travaux, après l'analyse juridique du Conseil d'État visant à en garantir la solidité constitutionnelle et après son inscription à l'ordre du jour par le Gouvernement, que je remercie pour son soutien et pour les nombreuses discussions qui ont contribué de faire progresser ce texte. J'y vois une reconnaissance de la qualité du travail accompli par les uns et par les autres.
Cette proposition de loi ne propose nullement une révolution, ce qui aurait été totalement inopportun, mais une évolution très significative. Si, comme le Conseil d'État le souligne, elle ne bouleverse pas le cadre de la gouvernance de nos finances publiques – ce qui serait impossible sans préalablement modifier la Constitution –, son adoption impliquera néanmoins des évolutions non négligeables de la LOLF, pour la première fois depuis son adoption.
Trois lignes de force se dégagent de ce texte.
La première est le renforcement de la dimension pluriannuelle, notamment à travers le vote en valeur des crédits et l'introduction d'un compteur des écarts à la norme en dépenses, qui permettront de nourrir le débat politique.
La deuxième consiste à circonscrire sinon à éliminer les pratiques susceptibles d'altérer la transparence des finances publiques, telles que les affectations de taxes, les prélèvements sur recettes ou le développement des dépenses fiscales.
La troisième vise à rationaliser et à améliorer la qualité du travail parlementaire. Plusieurs dispositions y contribuent, comme la simplification du calendrier, notamment la fusion des temps consacrés au programme de stabilité et au débat d'orientation des finances publiques, mais cela doit surtout procéder de l'extension du droit d'amendement sur les objectifs et indicateurs de performance.
La question des dépenses d'investissement est fondamentale en période de sortie de crise. Ce terme me paraît à maints égards préférable à celui de « dépenses d'avenir », lesquelles, pour beaucoup, ne sont absolument pas des dépenses d'investissement. Les dépenses de l'éducation nationale sont ainsi des dépenses d'avenir et non des dépenses d'investissement ; le remboursement des intérêts de la dette, bien que lié à des dépenses passées, relève, quant à lui, de la catégorie des dépenses de fonctionnement. Cette distinction sera essentielle pour le débat politique. Elle n'est pas encore totalement satisfaisante, et je déposerai un amendement afin d'apporter une définition des dépenses d'investissement et des dépenses de fonctionnement sortant de la logique comptable pour mieux s'approcher de la réalité.
Doit, à mon sens, être considérée comme une dépense de fonctionnement toute dépense qui, dans le cadre d'une démocratie aussi mûre que la nôtre, contribue à faire fonctionner des services publics de qualité. En ce sens, les dépenses liées à l'enseignement relèvent des dépenses de fonctionnement. D'une nature très différente, les dépenses d'investissement concourent pour leur part à faire évoluer le pays en nourrissant sa croissance potentielle, quelles qu'en soient les composantes. Il revient au Gouvernement d'opérer un partage entre dépenses d'investissement et dépenses de fonctionnement et de justifier ses choix devant le Parlement. Nous aurons des débats à ce sujet. Je crois d'ailleurs que notre collègue Jean-Paul Dufrègne a lui aussi déposé un amendement en ce sens.
La commission spéciale a beaucoup travaillé tout comme la MILOLF et d'autres missions qui l'ont précédée. Je pense – et je ne le dis pas souvent – que nous pouvons être fiers de ce que nous avons accompli au service de la qualité de nos finances publiques et de leur contrôle.